Une conception médiévale du « free mining »
Ugo Lapointe aborde en profondeur le sujet du free mining dans un article intitulé « L'héritage du principe de free mining au Québec et au Canada » (Recherches amérindiennes au Québec, janvier 2010). Il y décrit comment cet accès quasi illimité accordé aux minières repose sur le principe du free mining, qui se définit essentiellement comme un droit de libre accès à la propriété et à l'exploitation des ressources.
Ce libre accès lui-même repose sur deux concepts clés hérités du droit britannique : la divisibilité (ou séparation) entre les droits de surface (fonciers) et les droits de sous-sol (tréfonciers) et la domanialité des ressources minérales, c'est-à-dire, la propriété des ressources consacrées à l'État – ou à la Couronne. Selon le concept de divisibilité, les minières peuvent avoir accès à des minerais qui se trouvent sous une propriété, puisque la notion de la propriété n'inclut pas ce qui est sous la terre.
Des chercheurs ont établi qu'il existe des liens de ressemblance entre ces lois et les lois coutumières qui prévalaient dans certaines parties de l'Europe médiévale, notamment dans les districts miniers de Cornwall, du Devon et du Derbyshire, en Angleterre. Les entrepreneurs miniers y instaurèrent des règles qui seront par la suite reconnues et institutionnalisées dans les chartes royales du XIIIe siècle, notamment le droit du libre accès au territoire et à la ressource, peu importe s'il s'agit de terres privées ou de terres appartenant à la Couronne. La reconnaissance des droits associés au free mining dans les chartes royales représentait une victoire politique pour les entrepreneurs miniers aux dépens des propriétaires terriens. Se ranger du côté des entrepreneurs miniers était aussi avantageux politiquement et économiquement pour la Couronne, qui renforçait ainsi son propre contrôle sur le territoire et les ressources qui s'y trouvent.
C'est au moment des grandes ruées vers l'or du XIXe siècle en Occident que le principe du free mining a pris de l'ampleur dans les régimes miniers contemporains. Lors de la ruée vers l'or en Californie en 1849, par exemple, le libre-accès au territoire et l'appropriation unilatérale (sans l'intervention de l'État) de la ressource via le système de claim, selon le principe du premier découvreur, devenaient la règle.
Ces principes et ces droits caractérisent encore aujourd'hui, au Canada et au Québec, la plupart des régimes miniers basés sur le free mining. L'adoption des premières lois minières en Colombie-Britannique et au Québec – plus spécifiquement dans la région de la Beauce – a des répercussions jusqu'à ce jour et marque, en quelque sorte, l'introduction du principe du free mining au Canada, avec son non-respect des droits ancestraux et territoriaux des Premières Nations et sa réduction des pouvoirs discrétionnaires de l'État.
Le fait qu'aucune municipalité ou autorité régionale ne puisse adopter des résolutions qui auraient pour effet d'empêcher les activités minières illustre bien le pouvoir et l'autonomie accordés aux entrepreneurs miniers en vertu du principe du free mining au Québec. Le principe du free mining, selon l'auteur, contribue donc à perpétuer une structure de pouvoir asymétrique qui est nettement favorable aux droits et aux intérêts de l'industrie minière par rapport à ceux des citoyens, des collectivités et des autres utilisateurs du territoire.
Le free mining porte directement atteinte au droit moderne du peuple de décider de ses conditions de vie et de travail. Les revendications telles un moratoire sur les claims miniers, la création d'aires protégées, respecter les droits autochtones et investir les collectivités du pouvoir pour qu'ils puissent effectivement humaniser leur environnement social et naturel s'inscrivent dans un processus continu de renouveau démocratique. La situation exige de mettre fin aux notions mêmes de terra nullius inhérentes à de telles lois constitutionnelles héritées du passé colonial du Canada, et que le peuple s'investisse du pouvoir pour qu'il puisse pleinement assumer ses responsabilités sociales et ses engagements envers la Terre-Mère et les peuples du monde.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 2 - Février 2023
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