Document de travail du gouvernement fédéral sur la stratégie des minéraux critiques

Le 14 juin, Ressources naturelles Canada a publié un communiqué de presse intitulé « Le ministre Wilkinson lance un document de travail pour orienter l'élaboration de la stratégie canadienne sur les minéraux critiques. » Il a été suivi le lendemain d'un autre, intitulé « Le ministre Wilkinson présente le Canada comme un chef de file mondial de la mise en valeur durable des minéraux et de l'innovation en matière d'exploitation minière verte. »

Dans les deux communiqués, le gouvernement Trudeau continue de faire valoir « l'urgent besoin de développer les chaînes d'approvisionnement de minéraux critiques du Canada » et que « des efforts précoces devraient porter sur six minéraux, soit le lithium, le graphite, le nickel, le cobalt, le cuivre et les éléments des terres rares », qu'il présente dans son document de travail.

Le document de travail explique : « Ces minéraux ont été choisis parce qu'ils offrent la meilleure croissance économique et les plus grandes possibilités d'emplois à l'échelle du pays, y compris pour les peuples autochtones, sur toute la chaîne de valeur (exploration, exploitation minière, traitement, fabrication et recyclage). De plus, ces six minéraux entrent dans la fabrication de produits à valeur ajoutée, notamment les technologies propres, les technologies de l'information et des communications et la fabrication de pointe[1]. »

En ce qui concerne le document de travail, Jonathan Wilkinson, ministre des Ressources naturelles du Canada, a annoncé que le gouvernement du Canada cherchera à obtenir « les commentaires des provinces et territoires, des peuples autochtones, de l'industrie et d'autres intervenants sur le document de travail de la stratégie » d'ici le 15 septembre 2022.

« Les commentaires » seront guidés par cinq principaux résultats attendus :

« - croissance économique et compétitivité ;

- protection de l'environnement et action climatique ;

- renforcement de la sécurité et des collaborations avec les alliés ;

- progrès dans la démarche de réconciliation ;

- renforcement de la diversité et de l'inclusion. »

Tout cela est fait au nom de grands idéaux tels que « aider à soutenir la transition juste du Canada vers une économie à émissions nettes nulles », « réduire notre dépendance aux combustibles fossiles », « exiger plus de minéraux pour permettre la transition vers une énergie propre », « s'associer aux peuples autochtones dans les projets de ressources naturelles » , « encourager une population active et des collectivités diversifiées et inclusives », etc. On a l'impression que c'est le peuple canadien et les peuples autochtones qui bénéficieront de ce que le gouvernement Trudeau appelle « une économie à faible émission de carbone », « la transition vers une économie verte »,« les projets de ressources naturelles » et « faire progresser la réconciliation avec les Autochtones. ». Loin de là.

En annonçant le document de travail, le gouvernement du Canada parle de « coopération internationale » afin d'« améliorer la sécurité mondiale et les partenariats avec les alliés ». Ainsi, « le Canada travaille avec les États-Unis, l'Union européenne et d'autres partenaires internationaux pour développer de manière durable les minéraux critiques, faire progresser la science, la recherche et le développement sur les minéraux critiques, et renforcer la collaboration sur les normes environnementales, la transparence et la sécurité des chaînes d'approvisionnement pour l'économie verte et numérique ».

Cette « coopération internationale » vise à cacher le fait que le Canada s'est rangé du côté des impérialistes américains en quête d'hégémonie mondiale, dans leur rivalité avec la Russie et la Chine. On peut le constater dans la Feuille de route pour un partenariat renouvelé États-Unis-Canada, signée par le premier ministre canadien Justin Trudeau et le président américain Joe Biden en février 2021.

Des chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques au service de l'économie de guerre

Le jour même de l'annonce de la « Feuille de route pour un partenariat renouvelé États-Unis-Canada », le 24 février 2021, l'administration Biden a publié le Décret 14017 sur les Chaînes d'approvisionnement de l'Amérique, qui stipule entre autres choses :

« Le secrétaire à la Défense, en tant que gestionnaire du National Defense Stockpile (Stocks de réserve de la Défense nationale), en consultation avec les responsables des agences appropriées, doit soumettre un rapport identifiant les risques dans la chaîne d'approvisionnement pour les minéraux critiques et autres matériaux stratégiques identifiés, y compris les éléments de terres rares (tels que déterminés par le secrétaire à la Défense), et les recommandations politiques pour traiter ces risques. Le rapport doit également décrire et mettre à jour le travail effectué conformément au décret exécutif 13953 du 30 septembre 2020 Addressing the Threat to the Domestic Supply Chain From Reliance on Critical Minerals From Foreign Adversaries and Supporting the Domestic Mining and Processing Industries (Décret exécutif sur la lutte contre la menace à la chaîne d'approvisionnement nationale du recours aux minéraux critiques provenant d'adversaires étrangers).

Le rapport de suivi de 250 pages est intitulé Building Resilient Supply Chains, Revitalizing American Manufacturing, and Fostering Broad-based Growth, 100-Day Reviews under Executive Order 14017 (Mettre en place des chaînes d'approvisionnement résilientes, revitaliser l'industrie manufacturière américaine et favoriser une croissance généralisée, bilans à 100 jours dans le cadre du décret exécutif 14017). La Maison-Blanche y aborde la question des minéraux critiques :

« Compte tenu de l'importance des batteries au lithium pour le combattant, les sources assurées de minéraux et de matériaux critiques et les capacités nationales et alliées de fabrication de piles et de batteries au lithium sont essentielles à la sécurité nationale des États-Unis. La sécurité de la chaîne d'approvisionnement en minéraux, matériaux, cellules et composants de batteries est aujourd'hui un sujet de préoccupation[2]. »

Lors de la présentation du budget 2022 en avril, le gouvernement Trudeau, avec l'appui du NPD, a montré qu'il était en phase avec les plans de l'administration Biden concernant les chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques, dans le cadre de la stratégie américaine visant à dominer l'Asie, l'Europe et d'autres parties du monde.

Le communiqué de presse du 15 juin de Ressources naturelles Canada indique entre autres : « Dans le budget de 2022, le Canada s'est engagé à verser 3,8 milliards de dollars sur huit ans pour une stratégie canadienne sur les minéraux critiques qui soutiendrait la mise en valeur des minéraux critiques et stimulerait l'investissement dans le secteur au Canada. »

Les stratagèmes pour payer les riches du budget 2022 sont liés à la Stratégie sur les minéraux critiques

Les stratagèmes pour payer les riches mis de l'avant par le gouvernement Trudeau dans le budget 2022 prennent la forme de mesures financières pouvant atteindre 3,8 milliards de dollars pour mettre en oeuvre la première Stratégie canadienne sur les minéraux critiques, à compter de 2022-23. Ces mesures sont principalement destinées à soutenir les sociétés minières qui extraient des minéraux critiques.

Carte de localisation des projets de minéraux critiques du Canada (source : Budget 2022, Gouvernement du Canada)

 Les mesures spécifiques comprennent :

- jusqu'à 1,5 milliard de dollars sur sept ans, à partir de 2023-24, pour des investissements en infrastructure qui appuieront le développement des chaînes d'approvisionnement en minéraux critiques, en mettant l'accent sur les gisements prioritaires ;

- fournir jusqu'à 1,5 milliard de dollars, à partir de 2024-25, pour soutenir les projets de minéraux essentiels, en mettant l'accent sur les applications de fabrication, de traitement et de recyclage des minéraux ;

- fournir jusqu'à 144,4 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-23, à Ressources naturelles Canada et au Conseil national de recherches du Canada pour soutenir la recherche, le développement et le déploiement de technologies et de matériaux à l'appui des chaînes de valeur des minéraux critiques ;

- l'attribution de 103,4 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2022-23, pour l'élaboration d'un cadre national de partage des avantages pour les ressources naturelles, et l'expansion du Bureau de partenariat autochtone et du programme de partenariats autochtones en matière de ressources naturelles ;

- la création d'un nouveau crédit d'impôt pour l'exploration de minéraux critiques de 30 % à l'égard de dépenses d'exploration minière déterminées engagées au Canada et faisant l'objet d'une renonciation au profit des détenteurs d'actions accréditives.

Voici ce que Green Car Congress, un bulletin d'information quotidien consacré à « l'énergie, les technologies, les enjeux et les politiques de mobilité durable » avait à dire au sujet du crédit d'impôt pour l'exploration minière des minéraux critiques.

« Le crédit d'impôt s'appliquerait à certaines dépenses d'exploration visant le nickel, le lithium, le cobalt, le graphite, le cuivre, les éléments des terres rares, le vanadium, le tellure, le gallium, le scandium, le titane, le magnésium, le zinc, les métaux du groupe du platine ou l'uranium, et ayant fait l'objet d'une renonciation dans le cadre d'une convention visant des actions accréditives conclue après le jour du dépôt du budget et au plus tard le 31 mars 2027.[...]

« La Bourse de Toronto (TSX) et la Bourse de croissance TSX (TSXV) sont les principaux sites d'admission en bourse au monde pour les sociétés minières et d'exploration minière, avec plus de 1 170 émetteurs en 2021. Entre 2017 et 2021, près de 45 milliards de dollars du total mondial des capitaux propres de ces sociétés d'exploration minérale et d'exploitation minière ont été mobilisés par des sociétés cotées à la TSX ou à la TSXV [3]. »

« Le Canada est déjà fournisseur de plusieurs des minéraux jugés critiques par les États-Unis. En 2020, le commerce bilatéral des minéraux était évalué à 95,6 milliards de dollars, notamment pour 298 entreprises minières canadiennes, et atteignait un montant combiné de 40 milliards de dollars en actifs minéraux canadiens au sud de la frontière », indique l'annexe F du document de travail - « Coopération mondiale du Canada en matière de minéraux critiques. »

Un an plus tard, en mars 2021, le département du Commerce des États-Unis a lancé un programme visant à aider les sociétés minières et les fabricants de batteries américains à s'implanter au Canada. Cette initiative s'inscrit dans une stratégie visant à stimuler la production régionale de minéraux utilisés dans la fabrication des véhicules électriques (VE) et à « contrer la domination du marché par la Chine ». Il n'est pas surprenant que de plus en plus de ces gisements de minéraux critiques au Canada soient rachetés par des intérêts privés étrangers, principalement australiens, américains et britanniques, avec l'aide dans certains cas de gouvernements étrangers, comme c'est le cas pour les États-Unis.

Notes

1. « Stratégie canadienne sur les minéraux critiques : Document de travail », Gouvernement du Canada, Ottawa, 2022.
2. Voir « L'essence de la 'feuille de route pour un partenariat renouvelé » avec les États-Unis' », LML, 13 novembre 2021
3. « Le budget 2022 du Canada prévoit 3,8 milliards de dollars canadiens pour lancer la stratégie des minéraux critiques », Green Car Congress, 8 avril 2022.

(D'après des informations provenant du gouvernement du Canada, du LML, de Green Car Congress et du Financial Post)


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Volume 52 Numéro 11 - 23 juillet 2022

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