Un projet minier en terres rares en Colombie-Britannique lié à l'économie de guerre des États-Unis

- Fernand Deschamps -


Le gîte de Wicheeda est situé sur les terres non cédées des Lheidli T'enneh. Le carré jaune représente la localisation approximative du gîte. Cliquez pour agrandir

La propriété de terres rares de Wicheeda, dans le centre de la Colombie-Britannique, est revendiquée par la société minière Defense Metals Corporation. Defense Metals a fait la promotion de la propriété en déclarant : « Le plan à Wicheeda est de produire les terres rares utilisées dans les applications de défense : nyodemium, praséodyme, cérium et lanthane. » Elle note que « Bien que la part de marché pour l'utilisation des oxydes de terres rares légers (ETRL) dans les applications de défense soit faible, son importance est que certains minéraux de terres rares sont essentiels dans l'équipement militaire comme les moteurs à réaction, les systèmes de guidage de missiles, les systèmes de défense antimissile, les satellites et les lasers. »

https://www.cpcml.ca/images2020/Antiwar/200125-Montreal-Iran-36cr.jpgInscrite aux bourses canadienne, américaine et allemande, Defense Metals indique sur son site Web que l'un de ses « conseillers stratégiques » est Karl T. Wagner, « ancien membre du Senior Intelligence Service (SIS) de la Central Intelligence Agency (CIA), ayant servi en tant que haut responsable de la CIA et gestionnaire expert de la Direction des opérations (DO), avec 29 ans d'expérience dans le monde entier, notamment en Amérique latine, en Asie de l'Est, en Asie du Sud, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. [...] Son dernier poste à la CIA était celui de chef des opérations de contre-espionnage. Il a également été assistant exécutif du directeur général de la CIA, chef du détachement spécial de la CIA au Moyen-Orient et a occupé des postes de direction dans des postes de la CIA à l'étranger, notamment un grand poste en Afrique du Nord, de multiples zones de guerre au Moyen-Orient et en Asie du Sud, et des postes à forte menace liée au contre-espionnage en Amérique latine et en Asie de l'Est. »

Un autre « conseiller stratégique » de Defense Metals est Andrew Leland, un « officier de la défense aérienne de l'armée américaine à la retraite qui s'est concentré sur la défense aérienne à courte portée pendant huit ans, [qui] a participé à de multiples tournées de combat pour soutenir les opérations Enduring Freedom et Iraqi Freedom en Arabie saoudite, au Qatar et en Irak » et qui a quitté le service en 2006. Leland est actuellement ingénieur système, spécialiste en modélisation intégrée 3D, chez Lockeed Martin.

Dans l'une des vidéos promotionnelles du site Web de Defense Metals, l'entreprise se vante que son gisement de Wicheeda est « l'un des gisements d'éléments de terres rares les plus riches et les plus accessibles par route en Amérique du Nord » et qu'il est situé près de Prince George, « une région minière clé dotée d'une main-d'oeuvre qualifiée ». Le gisement, selon l'entreprise, « a le potentiel de réduire la dépendance actuelle à l'égard des sources chinoises » dans le cadre d'une « alternative sûre en Amérique du Nord pour la production de composants militaires ».

La propriété Wicheeda est située sur des terres non cédées à environ 80 kilomètres au nord-est de Prince George. Le matériel promotionnel indique que la propriété de plus de 2 000 hectares « est facilement accessible par des routes de gravier toutes saisons et se trouve à proximité d'infrastructures, notamment de lignes de transmission d'énergie hydroélectrique, d'un important gazoduc, de la voie ferrée du CN et d'importantes routes ».

La mine projetée indiquerait des ressources minérales de près de 5 millions de tonnes contenant en moyenne 3 % d'oxydes de terres rares légers et lourds (OTRLL) et des ressources minérales présumées de 29 millions de tonnes contenant en moyenne près de 2 % d'OTRLL. Grâce à l'exploitation à ciel ouvert, Defense Metals vise à produire une moyenne de 25 000 tonnes d'oxydes de terres rares (OTR) par an, soit environ 10 % de la production mondiale actuelle.

La société a également annoncé en janvier 2021 que 70 % du coût estimé des tests de transmission par rayons X (XRT) visant à déterminer la présence des ETR dans le minerai extrait seront effectués par les installations du laboratoire du Saskatchewan Research Council (SRC) et seront couverts par le financement accordé à l'entreprise et au SRC par le Programme d'aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada (PARI CNRC).

Le PARI CNRC est un programme financé par le gouvernement du Canada dont le mandat est de fournir un soutien financier à l'innovation technologique. Par exemple, il offre des subventions pouvant atteindre 10 millions de dollars qui sont généralement axées sur la recherche et le développement de nouveaux produits novateurs, la création de logiciels originaux, etc. Le PARI offre une aide financière non remboursable couvrant 80 % des salaires et 50 % des coûts des entrepreneurs.

Il s'agit clairement d'un stratagème pour payer les riches. Jamais un mot n'est dit sur la façon dont l'utilisation de ces éléments profite au peuple, à commencer par les peuples autochtones sur les terres où ils se trouvent, le peuple canadien et les peuples du monde. Pas un mot sur la façon dont l'environnement naturel est sauvegardé pour les générations actuelles et futures. Bien entendu, les Canadiens n'ont jamais approuvé l'utilisation des ressources naturelles pour la production de guerre sous le couvert d'idéaux élevés.

Commentant l'investissement du SRC/NRC, le PDG de Defense Metals, Craig Taylor, a déclaré à l'époque : « Nous sommes logiquement la source pour les approvisionner, afin que notre concentré soit traité dans leurs installations de production. Le transport de Prince George à la Saskatchewan se fait sans problème, [sans] aucune frontière à franchir. »

Dans son communiqué de presse du 17 janvier, Defense Metals Corp. déclare qu'elle « est une société d'exploration minière axée sur l'acquisition de gisements minéraux contenant des métaux et des éléments couramment utilisés sur le marché de l'énergie électrique, dans l'industrie de la défense, dans le secteur de la sécurité nationale et dans la production de technologies d'énergie verte, comme les aimants en terres rares utilisés dans les éoliennes et dans les moteurs à aimant permanent pour les véhicules électriques ».

Un article publié dans le magazine de l'armée de l'air américaine, intitulé « Rare-Earth Uncertainty », indique que « le département de la Défense n'est pas un grand utilisateur d'éléments de terres rares, relativement parlant. La défense représente environ 5 % de la consommation américaine, selon un rapport du Congressional Research Service sur le sujet. Mais les terres rares font partie intégrante d'une vaste gamme d'armes et d'équipements en général du Pentagone ».

L'auteur de l'article, Peter Grier, rédacteur en chef du Christian Science Monitor basé à Washington, DC, plaide pour que les États-Unis prennent le dessus sur la production des ETR, dans leur rivalité avec la Chine. Il écrit : « Les dirigeants chinois qui invoquent des besoins nationaux et des effets sur l'environnement ont par le passé limité l'exportation de terres rares par le biais de licences/permis, de taxes et de quotas purs et simples. Par exemple, en juillet 2010, la Chine a annoncé qu'elle réduirait ses exportations de terres rares pour le deuxième semestre de l'année de 70 % par rapport aux niveaux de l'année précédente. »

Peter Grier poursuit en donnant des exemples qui montrent pourquoi la production des ETR et d'autres minéraux critiques est si vitale pour l'économie de guerre des États-Unis :

« Les groupes électrogènes qui produisent l'énergie électrique pour les avions contiennent tous des aimants en samarium-cobalt. La technologie furtive qui produit un bruit blanc pour aider à dissimuler le bruit des pales de rotor des hélicoptères utilise également de tels aimants. Les ailerons de queue et les gouvernails des avions F-22 se déplacent grâce à des moteurs dotés de puissants aimants miniatures en ETR. Les dispositifs de brouillage de la guerre électronique utilisent des terres rares, tout comme les systèmes de marquage d'objectif au laser et les armes au laser émergentes.

« Chaque chasseur d'attaque furtif F-35 nécessite 420 kilos de terres rares, selon le DOD [département de la Défense des États-Unis]. Chaque destroyer Arleigh Burke DDG-51 nécessite 2 400 kilos. Un sous-marin SSN-774 de classe Virginia a besoin de 4 200 kilos[1]. »

Le PDG de Defense Metals, Craig Taylor, voit l'importance de la ressource Wicheeda pour les applications militaires, ajoutant : « Nous voyons des investissements de la part du DOD et du DOE [département de l'Énergie des États-Unis], mais pas suffisamment pour le moment. »

Le Canada est là pour aider à combler le fossé. C'est un Canada qui paie les riches et qui a intégré son économie à l'économie de guerre des États-Unis. Un tel Canada n'est pas de bon augure pour l'avenir. La direction donnée à l'économie ne montre pas que les développements futurs seront favorables aux peuples autochtones qui sont les gardiens des terres non cédées de la Colombie-Britannique ou au peuple canadien dont le désir le plus profond est que l'environnement social et naturel soit humanisé, et non dédié aux guerres d'agression et à l'enrichissement de quelques individus.

Note

1. « Rare-Earth Uncertainty » par Peter Grier, publié dans Air Force Magazine, 21 décembre 2017 

(Avec des informations de Ressources naturelles Canada, Northern Miner, Mining.com, Defense Metal, Air Force Magazine, LinkedIn. Photos: LML, Lheidi T'enneh)



Cet article est paru dans
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Volume 52 Numéro 2 - 6 février 2022

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