Les travailleurs donnent des faits pour contrer la désinformation du « Convoi de la liberté »

- Normand Chouinard -

À l'échelle du pays, plus les rumeurs circulaient au sujet d'un « convoi de camionneurs » organisé dans tout le pays pour converger vers Ottawa et d'autres villes, plus les camionneurs ont commencé à s'en dissocier et à pointer du doigt des exemples de fausses nouvelles. Le convoi, a-t-on dit, demandait la fin des mesures de santé publique pour le camionnage transfrontalier et la fin de la vaccination obligatoire. Les médias officiels avaient sous la main toute l'information nécessaire si leurs propriétaires et leurs responsables avaient l'intention de rechercher la vérité à partir des faits, comme l'a fait le Centre ouvrier du PCC(M-L). Cela aurait grandement aidé les Canadiens et les jeunes à comprendre de quoi il s'agissait, mais ce genre de couverture médiatique a été tout simplement inexistant. La perspective des médias officiels est toujours de blâmer le peuple pour l'anarchie et la violence organisées par l'État. Plus les réseaux de médias sociaux se sont emballés et plus des tonnes de fausses nouvelles ont inondé les réseaux de camionneurs dans tout le pays et aux États-Unis et dans d'autres pays, plus les reportages des médias sont devenus hystériques et se sont emballés eux aussi.

Tout a commencé avec une vidéo qui prétendait montrer une filée de camions sur une autoroute en Alberta faisant partie du Convoi de la liberté en route pour Ottawa. Des algorithmes manipulés ont fait en sorte que la vidéo est devenue « virale ». En fait, le soi-disant convoi n'avait même pas pris le départ. Il s'agissait, selon certaines sources, d'un accident qui avait eu lieu sur une autoroute au Manitoba voilà deux ans. Plusieurs photos du même genre ont été affichées. Une autre vidéo montrait des camions faisant la queue pour traverser le pont Ambassador qui relie Windsor et Détroit. C'est un des passages frontaliers les plus fréquentés du pays, avec la plus grande quantité de marchandises circulant dans les deux sens chaque jour. Les camionneurs se sont immédiatement élevés contre cette fausse nouvelle. Ces vidéos sont désormais introuvables, car elles ne correspondaient à rien de réel.

Mis à part les vidéos et les photos, la principale source de fausses nouvelles était verbale ou sous forme écrite. Des messages « devenus viraux » et qui étaient partagés par beaucoup d'utilisateurs ou par des robots numériques et des algorithmes ont parlé de plus de 170 000 camions qui étaient attendus au convoi. Pour ne pas avoir l'air d'avoir perdu la raison, les organisateurs ont abaissé ce chiffre à 50 000 et par la suite ils ont parlé de 36 000 camions. Selon les chiffres dévoilés à la fin de la semaine, il y a environ entre 2000 et 3000 camions provenant de toutes sortes d'endroits qui ont participé au convoi qui s'est rendu à Ottawa.

Le chiffre ridicule de 170 000 camions a été donné en dépit du fait qu'il y a entre 250 000 et 300 000 camionneurs au Canada. La grande majorité d'entre eux sont des chauffeurs qui travaillent pour des entreprises de transport et ne possèdent pas leur propre camion, alors que de nombreux autres travaillent à des livraisons pour différents employeurs. Ils ne peuvent pas détourner ces camions pour traverser le pays. Les camionneurs indépendants représentent environ un cinquième de la flotte canadienne, soit entre 30 000 et 50 000 camions. Il faudrait que tous les indépendants aient participé au convoi, ce qui, on le sait, n'est pas le cas, pour que le chiffre atteigne 50 000. Le chiffre de 50 000 camions est donné pour impressionner, créer la panique et désinformer le public. Honte aux médias officiels pour un travail aussi bâclé.

Un affichage sur les réseaux sociaux qui prétend montrer les camionneurs à Ottawa avec la tour du CN de Toronto visible dans le fond

Une autre fausse nouvelle qui a été très promue est un message Facebook qui parlait d'une file de camions de plus de 490 kilomètres de long. C'est presque la distance entre Montréal et Toronto. Ce chiffre a ensuite été « corrigé » à 100 kilomètres. On a écrit que le convoi allait battre le record mondial détenu par un convoi de 7,5 kilomètres de long en Égypte enregistré dans le livre Guinness des records. Rien de tout cela ne s'est réellement produit. N'importe quel jour de la semaine, il y a des convois de camions sur n'importe quelle grande route et les photos suggèrent qu'ils se dirigent vers Ottawa, ou Toronto, ou Québec. Au Québec, le chiffre exagéré visait clairement à enflammer les passions et lorsque le soi-disant convoi est parti, le nombre de camions pouvait se compter sur les doigts d'une main.

Cela ne veut pas dire que de longues files de supporters du convoi brandissant des drapeaux canadiens et américains, et même quelques drapeaux confédérés, ne se sont pas rendues à Ottawa. Les vidéos disponibles montrent qu'il y avait plus de petites camionnettes, de SUV et de voitures que de camions lourds. Selon les sources disponibles à ce jour, il y avait à un moment donné un convoi de véhicules de six kilomètres de long se dirigeant vers Ottawa depuis Kingston et d'autres villes de la région de l'est de l'Ontario, ce qui est loin des 480 kilomètres et des 170 000 camions.


Capture d'écran affichée en ligne provenant du Daily Mail, une publication britannique,
27 janvier 2022

Ce type d'hystérie s'est poursuivi toute la semaine. Les gens ont tout intérêt à ne pas suivre les réseaux de médias sociaux qui véhiculent toutes ces fausses nouvelles sur l'organisation et la taille du soi-disant Convoi de la liberté. Ils pourraient facilement perdre la tête.

Ce dont les camionneurs parlent, c'est de leurs conditions de vie et de travail et de la façon dont sont prises les décisions qui affectent sérieusement leur vie sans le moindre égard pour eux.

Selon les informations fournies par les camionneurs et certains responsables de l'industrie du transport, plusieurs scénarios se dessinent. Depuis un certain temps déjà, avant même la mise en oeuvre du décret fédéral imposant la vaccination de tous les camionneurs qui traversent la frontière, dont les rumeurs circulaient depuis novembre dernier, le fait est que de nombreuses entreprises de transport opérant aux États-Unis ne recrutent que des camionneurs vaccinés. Cela signifie que les camionneurs non vaccinés sont contraints de travailler uniquement au Canada, dans les secteurs interprovinciaux ou interrégionaux et locaux. Selon certaines sources, les entreprises de transport de marchandises donneront la préférence aux camionneurs vaccinés au sein de leur entreprise pour traverser la frontière et garderont ceux qui ne sont pas vaccinés au Canada. C'est ce type de changement dans les opérations qui sera envisagé.

Un autre scénario est la perte de contrats lucratifs pour les voituriers indépendants non vaccinés au profit des voituriers vaccinés. Certains disent que cela va profiter aux camionneurs plus vulnérables qui habituellement ne récoltent que les contrats de bas de gamme. Ces contrats du secteur du transport de minerais, de la construction, de transport d'infrastructure, de l'énergie, etc., font partie de secteurs clé de l'économie et ne peuvent subir aucune rupture d'approvisionnement. Il y a aura donc, probablement, de grands bouleversements à ce niveau. Certains prédisent aussi que ce seront les plus grandes compagnies de transport qui vont en bénéficier. C'est à voir.

Selon les chiffres du gouvernement, entre 10 et 15 mille chauffeurs ne sont pas suffisamment vaccinés et seront obligés de se repositionner. Même si les besoins en transport sont actuellement en hausse, on peut d'ores et déjà constater que tous les camionneurs vont être touchés par le décret fédéral d'une manière ou d'une autre. Loin de considérer tous les camionneurs comme dangereux et réactionnaires, comme les médias ont tendance à le suggérer avec leur mantra « blâmez les camionneurs » pour tout, des rayons vides aux prix élevés, en passant par la violence et les comportements grossiers dangereux, il est important d'écouter ce qu'ils ont à dire sur leurs conditions de vie, de travail et de conduite.


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Volume 52 Numéro 2 - 6 février 2022

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