Le « Convoi de la liberté » à Ottawa

L'anarchie engendre la violence

- Pauline Easton -

Les intérêts privés supranationaux étroits agissant derrière le soi-disant « Convoi de la liberté » qui crée des difficultés à Ottawa et dans d'autres villes et provinces ont abaissé la culture politique à un échange de quelques jurons et font tout pour créer la confusion et la peur.

Cette situation est facilitée par l'autorité qui existe aux niveaux fédéral et provincial qui sert des intérêts précis. Toute considération pour le bien-être de la population et du corps politique a été remplacée par des postures et des luttes intestines des partis du cartel qui agissent chacun dans son propre intérêt. La situation a dégénéré à tel point que le discours politique a été supplanté par l'échange d'épithètes entre adversaires et contre ceux qui luttent pour leurs droits. C'est ce qui se passe lorsque la rétrogression est imposée : elle donne lieu à l'anarchie et à la violence. Ce n'est pas une réponse aux crises globales auxquelles le Canada et le monde sont confrontés.

Le mot anarchie décrit une situation où chacun est forcé de se débrouiller seul, les très riches ayant mis le pouvoir de décision et les agences de l'État à leur disposition. Ces intérêts privés étroits n'acceptent aucune autorité supérieure à la leur, ce qui rend les assemblées législatives superflues dans la prise de décision. Les assemblées législatives en sont réduites à la tâche de voter des stratagèmes pour payer les riches et à mettre toutes les ressources à leur disposition. Les partis du cartel ont pour rôle de donner à ces agissements une façade de grands idéaux tandis que le peuple est abandonné à son sort en l'absence d'une autorité étatique unificatrice qui défend le bien public.

L'anarchie va de pair avec la violence car les méthodes utilisées autrefois pour régler les conflits au sein de la classe dominante, comme la tenue d'élections, ne permettent plus de le faire. Le recours à la force est la seule alternative que reconnaît la classe dominante, mais lorsqu'il s'agit de violations flagrantes de la loi et de l'ordre par les voyous qui se font appeler « convoi de la liberté » à Ottawa, elle a une réticence à le faire.

Le conseil municipal d'Ottawa a maintenant déclaré l'état d'urgence. L'ordonnance ne donne pas de pouvoirs accrus à la police et ne demande pas l'intervention des forces armées, mais elle montre la réticence de la classe dirigeante à recourir à des mesures de maintien de l'ordre lorsqu'il s'agit des contradictions dans ses propres rangs. Le gouvernement Trudeau a fait des pieds et des mains pour dire qu'il défend la liberté d'expression et de manifestation tant qu'elle est respectueuse de la loi, mais tout le monde peut voir que ses dispositions en matière de loi et d'ordre sont réservées aux peuples autochtones et aux manifestants qui luttent pour la justice sociale, contre la guerre et pour d'autres causes sociales et politiques, et non aux voyous qui se pavanent à Ottawa au nom de la liberté. C'est un rappel de ce qui s'est passé à Washington le 6 janvier 2021. Le violent saccage du Capitole et le coup d'État manqué ont été qualifiés d'insurrection. L'administration Biden a lancé des accusations de « sédition » et songe à porter des accusations de trahison, mais elle n'a pas réussi à forcer ses rivaux dans la lutte pour le pouvoir à se soumettre à son autorité. Et l'on peut prédire que la même chose se produira au Canada. Tout cela souligne que la violence qui accompagne les proclamations de « liberté d'expression » et de manifestation est inhérente à l'état d'anarchie qui s'est installé, où diverses factions tentent d'affirmer leur suprématie tout en s'unissant lorsqu'il s'agit de réprimer les luttes du peuple.

Les arrangements constitutionnels qui justifient le recours aux instruments de la loi et de l'ordre sont essentiellement conçus pour rendre la « justice » coloniale et renforcer des structures qui favorisent la discrimination, la misogynie et l'intolérance contre l'affirmation des intérêts des travailleurs, des femmes, des jeunes et des peuples autochtones. Ceux qui ont usurpé le pouvoir en accaparant les postes de pouvoir et d'influence ont du mal à utiliser ces instruments de loi et d'ordre contre leurs rivaux dans la course pour le pouvoir, alors que ni eux ni leurs rivaux ne bénéficient du soutien du peuple.

Comment alors évaluer ce qui se passe sous nos yeux ? Comment déterminer le caractère de cette période historique ? Les peuples doivent-ils accepter qu'il n'y a pas d'alternative à l'état d'anarchie et de violence qui existe ?

Pour bien comprendre ce qui se passe, il est nécessaire de reconnaître qu'un grand conflit a éclaté entre deux visions fondamentalement opposées, l'une qui est contre-révolutionnaire et lutte pour préserver le statu quo et les positions de privilège et de pouvoir, et l'autre qui est révolutionnaire et cherche à faire naître le Nouveau et à ouvrir la voie au progrès de la société.

Ce n'est qu'en examinant la situation d'un point de vue qui révèle le besoin de changement, de progrès et d'avancement de la société qu'on peut mettre fin au statu quo de l'anarchie et de la violence et stopper la rétrogression. Et ce n'est que la classe ouvrière qui a intérêt à le faire. À cet égard, le « isme » auquel adhère une personne ou une organisation n'a plus vraiment d'importance. Ce qui compte, c'est de savoir si la conception du monde des forces combattantes correspond ou non aux exigences de l'époque et si l'action de ces forces mène à des solutions favorables au peuple plutôt qu'au maintien du statu quo. Sans cela, mettre des étiquettes sur les choses, dont les idéologies, n'a aucun sens. Non seulement ces étiquettes n'ont plus de sens, mais elles causent du tort car elles empêchent les gens de regarder la réalité en face et les incitent plutôt à s'emporter et à se maudire les uns les autres, en espérant que les partis du cartel, les tribunaux et les agences de maintien de l'ordre règleront les problèmes d'une manière qui leur soit favorable.

L'intérêt de ceux qui occupent les hautes fonctions du pouvoir aux niveaux fédéral et provincial est servi par le maintien du statu quo. Ils essaient de garder le contrôle en concentrant de plus en plus de pouvoir entre les mains de l'exécutif qui, à son tour, est contrôlé par des intérêts privés étroits. Lorsqu'il s'agit des travailleurs, des femmes, des jeunes et des peuples autochtones, ils fulminent contre ceux qui refusent de se soumettre à leurs lois injustes et aux violations de leurs droits, les traitant de fauteurs de troubles ou les accusant de tel ou tel « isme ». Les travailleurs, les jeunes, les femmes et les peuples autochtones sont traités de tous les noms dans l'espoir de pouvoir les rendre responsables de tout ce qui se passe. C'est dans cette veine que les médias officiels imputent les troubles à Ottawa aux « camionneurs » alors qu'il est évident que ces événements sont orchestrés par des intérêts privés et n'ont rien à voir avec les réclamations que les camionneurs sont en droit de faire à la société concernant leurs conditions de vie et de travail.

Les factions de la classe dirigeante, leurs conseillers et les experts de toutes sortes se lancent également des injures, s'accusent mutuellement de sédition et ainsi de suite. Tout cela révèle que leur monde ne fonctionne plus et que les conditions exigent une autorité qui soit au diapason avec son temps, avec la nécessité d'arrêter de payer les riches, de faire respecter les droits de tous, de renouveler le processus politique à l'avantage du peuple, et non des représentants des intérêts privés supranationaux les plus étroits qui agissent aux mépris du bien-être du peuple, pour que le peuple puisse gouverner et humaniser l'environnement social et naturel.

L'histoire de la civilisation nous montre que ceux qui profitaient du statu quo à une époque donnée se sont toujours battus avec acharnement pour empêcher la création d'une nouvelle forme de société, même quand les conditions l'exigeaient. Ils ont donné naissance à des conceptions du monde qui présentaient les développements uniquement sous l'angle qui les servait.

Aujourd'hui, de telles conceptions égocentriques du monde sont promues massivement partout dans le monde. Leur particularité est de ne tenir aucun compte des conclusions de l'étude et de l'analyse des développements contemporains et de ce qu'ils révèlent. Par exemple, les stratagèmes pour payer les riches rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres et cette tendance est actuellement hors de contrôle. Elle a beau tenter par tous les moyens, la classe dirigeante a du mal à faire accepter ses décisions comme étant dans l'intérêt du peuple. Elle agit donc plus discrètement. Il est également très préoccupant pour la société de voir que l'État permet aux racistes et aux fascistes organisés par l'État de s'organiser et de prendre de la place. Ils sont encouragés et soutenus par les plus hauts échelons de la richesse et du pouvoir et leur rôle est de causer des perturbations, de créer la peur, d'organiser des coups d'État comme aux États-Unis et des imitations comme celle qui a lieu à Ottawa en ce moment et qui rend les résidents de la ville furieux. Sur le plan de la guerre, les gouvernants et leurs partis cartellisés pratiquent la politique de l'apaisement face aux fauteurs de guerre aux États-Unis et tentent de faire passer les États-Unis et l'OTAN pour des organisations pacifiques.

Le gouvernement du Canada et les partis du cartel au Parlement fédéral ont recours à ce qu'on appelle la politique identitaire et s'échangent des épithètes de toutes sortes pour avancer leur lutte de factions et inciter les gens à choisir un camp ou l'autre. Ils attisent les passions pour détourner l'attention de la corruption de leur pouvoir tout en faisant croire qu'ils défendent des idéaux élevés. Leurs tentatives de justifier les dangers que représente leur politique d'apaisement envers les viséesbellicistes des États-Unis atteignent la limite de l'absurde.

De même, au niveau provincial, les luttes de factions pour le contrôle des rênes du pouvoir sont féroces et ce sont les citoyens qui paient, de leur vie, étant forcés de se débrouiller seul. Leur ordre du jour de loi et ordre cible les personnes qui se battent, mais quand il s'agit de ce qu'on appelle les crimes de col blanc et leurs propres conflits d'intérêts, ils y vont plus en douceur. Les crimes commis par les plus hauts échelons, y compris les tribunaux, contre les peuples autochtones, les travailleurs, les aînés, les jeunes et les peuples du monde confrontés à des dirigeants corrompus mis en place par des puissances étrangères sont considérés comme « compréhensibles » et traités comme d'inévitables dommages collatéraux. La politique de deux poids deux mesures et le choc des conceptions du monde quand il s'agit de déterminer qui et quoi est indispensable et qui et quoi ne l'est pas sont plus évidents que jamais.

Dans ces circonstances, il est crucial que le peuple s'élève contre les agissements des dirigeants, leurs excuses et leur incapacité à assumer leurs responsabilités sociales, qui montrent plus que jamais qu'ils ne sont pas aptes à gouverner.

https://cpcml.ca/francais/Images2020/Slogans/160501-Montreal-PremierMai-13cr.jpgLa pratique d'affirmer la supériorité d'une croyance sur une autre, ou d'une personne ou d'un parti sur un autre, ou de mettre en oeuvre des politiques, des décisions et des pratiques qui déclarent certains peuples ou pays jetables et d'autres indispensables sont autant de moyens utilisés pour faire en sorte que les luttes des peuples ne progressent pas. Mais les peuples continuent de réclamer à la société ce qui leur est dû, comme ils doivent le faire, et c'est la voie à suivre. Pendant ce temps, les gouvernants sont hors de contrôle. Ils ne peuvent contrôler les contradictions dans leurs propres rangs qui éclatent en actes violents qu'ils sont incapables de réprimer.

Le caractère de cette période et ce qu'il faut faire se révèlent quand l'attention est portée aux conditions elles-mêmes, dans la perspective de contribuer à l'avancement de la société, de son stade actuel au suivant. Sans cela, l'état d'anarchie et de violence fait grandir les dangers qui planent inévitablement quand la voie au progrès de la société est bloquée. Cela comprend entraîner les peuples dans la guerre.

La reconnaissance des réclamations que tous les êtres humains sont en droit de faire à la société du fait qu'ils sont humains est la clé pour ouvrir la voie au progrès de la société. L'affirmation du droit d'être commence par l'affirmation  du droit  de prendre les décisions qui affectent nos vies.


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Volume 52 Numéro 2 - 6 février 2022

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