Numéro 2 

10 janvier 2021

TABLE DES MATIÈRES


Les événements du 6 janvier aux États-Unis

Une contre-révolution dans la contre-révolution
- Pauline Easton -
Ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas

- Kathleen Chandler -

Un événement qui ouvre la voie à un renforcement
des pouvoirs de police

- Anna Di Carlo -

Qu'est-ce qu'une insurrection?
La lutte entre la «violence» et la «défense
des institutions démocratiques»

- Pierre Chénier -


Les dépenses électorales aux États-Unis
Réquisitoire contre la démocratie américaine




Les événements du 6 janvier aux États-Unis

Une contre-révolution dans la contre-révolution

Compte tenu des éléments de preuve disponibles en ce moment, ce qui s'est passé le 6 janvier au Capitole, à Washington, est une contre-révolution dans la contre-révolution. Il est de plus en plus évident que le président Donald Trump a tenté un coup d'État pour garder la présidence et que la tentative a échoué à cause de la défection d'abord du vice-président Mike Pence puis d'autres alliés. Puis, avec la diffusion partout dans le monde des images de destruction, d'intimidation et d'hooliganisme dans l'enceinte du Capitole, dans la Chambre du Sénat et dans le bureau de la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, Trump ne pouvait plus conserver l'appui des militaires non plus. Le coup d'État manqué a ensuite été utilisé par le président élu Joe Biden, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi et d'autres pour tenter d'unir les bureaucraties policières et militaires fédérales derrière Biden afin de préserver l'union et éviter une guerre civile. Pence et d'autres républicains, y compris ceux qui, comme le sénateur Ted Cruz, sont restés sur leur position de remettre en cause la validité de l'élection, se sont dissociés de la violence et de Trump et ont choisi de sauver leur propre carrière et sauver le Parti républicain pour pouvoir revenir à la charge plus tard.

Joe Biden a délibérément qualifié d'insurrection le saccage qui s'est produit au Capitole. Les images qui circulent sur les médias sociaux révèlent l'ampleur du saccage. Cinq personnes sont mortes, dont une femme qui avait pénétré dans l'enceinte du Capitole et un policier qui a été frappé mortellement alors qu'il exerçait ses fonctions. Ce n'est pas une mince affaire, mais comment le fait de qualifier cela d'insurrection explique-t-il que c'est le président des États-Unis qui a attaqué le Congrès ?

Donald Trump a reçu quelque 73 millions de voix lors de l'élection, contre 81 millions pour Joe Biden. Il ne s'agit donc pas d'une simple « foule » criminelle ou d'une milice armée déchaînée. Biden parle d'une « insurrection » mais il ne définit pas l'insurrection, il n'explique pas ce qui fait de ces événements une insurrection ni ce que sont les conséquences d'une telle affirmation. Il définit sa présidence comme celle qui rétablira l'ordre public et les valeurs des États-Unis, mais c'est ce que Trump prétend faire également.

Par ailleurs, de nombreux membres des échelons supérieurs du Parti démocrate et des médias qui méprisent depuis longtemps Donald Trump réclament sa destitution en guise de châtiment.

Le FBI est en train d'identifier ceux qui ont enfreint la loi. Des accusations d'infractions fédérales ont été portées contre 15 personnes jusqu'à présent et cela comprend « entrée violente et conduite désordonnée sur les terrains du Capitole » et « intention d'entraver le fonctionnement des affaires du gouvernement ». Une quarantaine d'autres personnes sont accusées de violations du couvre-feu et d'entrée illégale. Il est intéressant de noter qu'aucune accusation n'est portée en vertu du décret de Trump imposant une peine obligatoire de dix ans pour toute action qui « détruit, endommage, vandalise ou profane » les biens du gouvernement. Il semblerait que le FBI et les membres du Congrès ne portent pas des accusations plus graves pour l'instant, y compris l'accusation d'insurrection ou de sédition. On dit que cela fait partie d'un effort pour atténuer les conflits entre les factions au pouvoir et éviter une guerre civile violente.

Le mot saccage décrit un déchaînement violent qui comprend le vol et la destruction de biens — une mise à sac. Cela semble décrire plus ou moins ce qui s'est produit le 6 janvier. La raison pour laquelle nous appelons cela une contre-révolution dans la contre-révolution est que nous n'avons pas affaire à seulement deux camps : un camp engagé dans une insurrection et un autre engagé dans la défense de la démocratie. Le tout est plus grand que la somme de ses parties qui ne peuvent pas être agrégées.

La contre-révolution contre les normes et les niveaux que les sociétés avaient atteints dans l'après-Deuxième Guerre mondiale a commencé lorsque le président américain Ronald Reagan (1981-1989) et la première ministre de Grande-Bretagne Margaret Thatcher (1979-1990) ont déclenché le néo-conservatisme et déclaré qu'il n'y avait pas de société, seulement des familles, des valeurs familiales et des droits individuels. Ils enfonçaient ainsi le dernier clou dans le cercueil de l'État providence et ses institutions et organisations et amorçaient la restructuration de l'État pour éliminer tout vestige du droit public, du bien public et de l'autorité publique. Cela a été accompagné par l'effondrement de l'Union soviétique et la contre-révolution initiée par Mikhaïl Gorbatchev au nom de la glasnost et de la perestroïka — ouverture et restructuration. La contre-révolution et la régression se sont succédé rapidement dans les anciennes démocraties populaires d'Europe de l'Est (1989-1990) et l'Union soviétique elle-même s'est effondrée en 1991. L'offensive antisociale et la rétrogression sont devenues la conséquence de la contre-révolution et de la restauration capitaliste dans ces pays. Aux États-Unis, en Grande-Bretagne, dans les pays d'Europe de l'Ouest, au Canada et dans d'autres pays, les attributs de l'État-providence ont été sacrifiés au profit de la gouvernance par décrets. Une offensive antisociale et une régression sociale se sont également installées, souvent avec les justifications pour payer les riches.

Le complexe militaro-industriel américain qui est apparu après la Deuxième Guerre mondiale et qui s'est développé au cours de cette période est le produit de la fusion du complexe militaro-industriel et de l'autorité publique. Il y a un gouvernement de guerre, avec le développement de bureaucraties militaires et policières fédérales massives. Les intérêts privés prennent de plus en plus le contrôle des fonctions et des institutions gouvernementales. Les notions de service du bien public sont éliminées. Cela fait partie de la contre-révolution de l'époque. Cela signifie également que le problème de l'unification des bureaucraties militaires et policières dans le cadre de la préservation de l'union et de la prévention de la guerre civile prend une grande importance.

L'assaut concerté des cercles dirigeants contre les institutions de gouvernance démocratique américaines a connu un nouvel élan avec l'élection de Bill Clinton en 1992 qui promettait le changement. Ronald Reagan avait introduit la direction de l'économie qui consiste à payer les riches, y compris les profiteurs de guerre et les magnats de l'énergie, et l'effondrement de l'Union soviétique avait déchaîné l'impérialisme américain dans sa quête de domination mondiale, et lorsque Clinton est arrivé au pouvoir cette politique était bien ancrée.

Bill Clinton a battu George H.W. Bush qui avait lancé la première guerre d'Irak avec l'intention déclarée de supprimer « un régime qui a développé et utilisé des armes de destruction massive, qui a hébergé et soutenu des terroristes, qui a commis des violations scandaleuses des droits humains et qui a défié les décisions fondées des Nations unies et du monde ». Les guerres qui ont suivi n'étaient plus la continuation de la politique par d'autres moyens qui se terminait par des ententes négociées et des accords de paix. Elles sont devenues des efforts désespérés pour placer des sphères d'intérêt sous la domination des États-Unis, des guerres de destruction quand la corruption et les menaces, y compris les sanctions meurtrières, ne permettent pas d'attendre leurs fins. Cette politique extérieure a été combinée à une répression croissante sur le plan intérieur, notamment avec la construction d'un gigantesque réseau de prisons et de centres de détention et les tentatives de diviser le corps politique sur la base de la race, de la religion ou du genre pour empêcher le peuple de s'unir dans l'action pour s'investir lui-même du pouvoir.

L'assaut contre les institutions démocratiques a entraîné la destruction des partis politiques qui sont devenus des cartels agissant comme des coalitions. Ils dépensent des milliards de dollars et se livrent à la désinformation pour contrôler les pouvoirs de police de la présidence et d'autres postes de pouvoir. Le Congrès a donc également dégénéré, tout comme les élections, qui ne parviennent plus dorénavant à unifier l'énorme bureaucratie militaire et les factions rivales qui se disputent le pouvoir, les guerres ne servant plus à atteindre ce but. Nous assistons aujourd'hui à l'attaque d'une aile du gouvernement, la présidence, contre une autre, le Congrès, dans le but de renforcer le pouvoir exécutif. Biden, en parlant des événements du 6 janvier, n'a pas défendu le Congrès en tant qu'organe législatif doté de pouvoirs. Il dit qu'en tant que président, il va rétablir l'ordre public, ne pas permettre au département de la Justice d'agir comme son cabinet d'avocats personnel, etc. L'objectif est de renforcer le Bureau du président et sa capacité à utiliser les pouvoirs de la police. Il ne s'agit pas d'apporter le changement demandé par le peuple, qui réclame le pouvoir de décider de ses affaires, mais de favoriser la contre-révolution contre le peuple.

Cela montre que des intérêts privés étroits ont pris le contrôle des pouvoirs décisionnels tant au niveau fédéral qu'au niveau des États. Depuis Clinton et sa promesse de changement, le changement en faveur du peuple est toujours la victime aux États-Unis. Les présidents ont chacun à leur tour perfectionné l'utilisation des pouvoirs de police et ont utilisé la fonction de président pour dépasser les limites de la conduite jusqu'alors acceptée. Avec les attentats du 11 septembre 2001, le président George W. Bush a déclaré un état d'exception permanent où les justifications de violation des libertés civiles sont devenues la norme. La torture, les guerres d'agression et les sanctions meurtrières vont de pair avec la perpétuation en toute impunité des assassinats policiers, principalement de personnes noires, le traitement inhumain des réfugiés, des travailleurs sans papiers, des immigrants et des enfants, l'incarcération d'un nombre toujours plus important de personnes qui sont criminalisées comme une chose allant de soi et d'autres crimes que les États-Unis commettent régulièrement. Tout le département de la Sécurité intérieure est établi avec des forces policières et une bureaucratie massives, le tout déployé pour la répression et l'impunité dans l'usage de la force. Seuls ceux qui cherchent à apaiser les impérialistes américains répètent le mantra que les États-Unis sont une démocratie ou une société civile dotée d'institutions démocratiques.

Pendant 30 ans, tout cela a constitué une contre-révolution dont les résultats se voient dans l'état de l'économie américaine, les systèmes privés de santé et d'assurance et l'incapacité à faire face à la pandémie de la COVID-19 (avec un décès pour 1 000 personnes), les queues interminables devant les banques alimentaires, le traitement des anciens combattants, des personnes âgées, des sans-abri, des femmes et des enfants, en plus de celui des Noirs, des Portoricains, des personnes originaires des Amériques et d'Asie ainsi que de la violation des droits inhérents des nations autochtones. Aujourd'hui, la confiance dans les institutions gouvernementales américaines est en crise. Les millions de personnes qui ont voté pour Trump et les millions d'autres qui ont voté pour Biden sont en colère en raison des échecs du gouvernement et expriment leur manque de confiance dans la volonté du gouvernement de résoudre les problèmes en leur faveur.

La crise de confiance dans les institutions gouvernementales américaines signifie que la grande majorité des gens sont en colère et mécontents de la direction où le pays s’en va. Quelque 20 millions de personnes ont organisé des manifestations pendant plus de 100 jours après la mort de George Floyd, toutes violemment attaquées par les forces policières. Plusieurs millions d'autres personnes ont soutenu ces actions, comme elles avaient rejoint et soutenu des manifestations défendant les immigrants et les réfugiés et leurs enfants. Le peuple veut un avoir un contrôle sur la police et les budgets et veut donner une nouvelle orientation à l'économie et à la politique, et il va continuer de le faire.

Les forces contre-révolutionnaires ont organisé ce saccage au Capitole le 6 janvier, y compris en utilisant des milices armées, pour essayer de renverser cette tendance et diviser le peuple. La tentative de coup d'État ratée de Donald Trump et son attaque contre le Congrès sont une contre-révolution dans la contre-révolution qui fait maintenant place à un sentiment de vengeance parmi les cercles dirigeants, ce qui va polariser encore plus les factions.

Rien de tout cela, ni Biden ni personne, n'unira les bureaucraties de la police fédérale et des forces armées, sans parler du peuple américain, ni ne résoudra un seul des problèmes auxquels est confrontée la démocratie américaine encore présentée comme la plus grande du monde. Seul un projet moderne d'édification nationale engagera les États-Unis sur une voie pouvant unir le peuple dans une cause commune. Mené par la classe ouvrière des États-Unis, un tel projet doit placer au centre de ses préoccupations le renouvellement démocratique du processus décisionnel politique. Il doit voir à mettre en place un gouvernement et des institutions de gouvernance incarnant une personnalité démocratique moderne et antiguerre et qui respecte la souveraineté et l'égalité des peuples du monde. Une constitution moderne est nécessaire pour remplacer tous les vestiges de la constitution actuelle qui était un compromis avec l'esclavage et qui maintient le pouvoir de l'élite privilégiée et des institutions qui favorisent les intérêts privés étroits au détriment des masses populaires.

(Sources : Voice of Revolution, les Archives du Centre de Ressources Hardial Bains et du LML. Photos : T. Jane, W. Jnnings)

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Ce qui est pertinent et ce qui ne l'est pas

Si l'on considère ce qui s'est passé au Congrès à Washington le 6 janvier, il semble qu'il y ait eu à la fois un coup d'État manqué de la part du président américain Donald Trump et un effort du président élu Joe Biden pour utiliser les événements afin de renforcer la présidence en unissant les bureaucraties policières et militaires fédérales derrière lui. Le vice-président Mike Pence et la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi agissent comme facilitateurs dans cet effort. La présidente de la Chambre a déclaré publiquement, par exemple, qu'elle a demandé aux militaires de maintenir Trump loin du « bouton nucléaire », comme on l'appelle. C’est une façon de rallier les forces armées derrière Biden, même si Trump est toujours le commandant en chef des forces armées des États-Unis. Nous assistons à une contre-révolution dans la contre-révolution qui se poursuit depuis l'effondrement de l'Union soviétique.

Ce qui s'est passé n'est pas un affrontement entre Trump et la démocratie, comme on le dépeint, car Trump prétend également vouloir sauver la République et sa démocratie. C'était plutôt un affrontement entre les pouvoirs de la présidence et les pouvoirs du Congrès. Il s'agit d'un effort pour affaiblir davantage le Congrès, qui est déjà dysfonctionnel et a concédé nombre de ses pouvoirs, comme celui de déclarer la guerre et de faire adopter des lois importantes. Tous les présidents depuis la Deuxième Guerre mondiale ont accru la force et les pouvoirs de la présidence par rapport à ceux du Congrès. Ce pouvoir sur le Congrès s’est beaucoup accru sous Bill Clinton, George W. Bush et Obama et avec Trump cela a atteint le point où un gouvernement de pouvoirs de police a été consolidé. Un tel gouvernement ne se soucie guère de la législation et des lois et utilise plutôt le Bureau de la présidence pour agir en toute impunité, par le recours à la force, aux décrets, etc. Cela est évident tant au niveau national qu'international, où Trump a agi à plusieurs reprises en toute impunité. Pour comprendre ce qui s'est passé le 6 janvier au Capitole, à Washington, il est essentiel de savoir comment l'usage de la force a été déployé à la fois l'absence initiale de forces de police et leur déploiement ultérieur.

Les gens aux États-Unis et dans le monde entier ont vu des milliers de manifestants portant des drapeaux américains et des accessoires associés à Trump envahir les marches du Capitole et entrer à l'intérieur, relativement librement, alors que le Congrès était en session pour certifier le résultat du vote du Collège électoral des États. Bien que le plan des rassemblements au Capitole et à la Maison-Blanche fût connu et, en fait, autorisé, la présence policière était exceptionnellement faible.

Habituellement, la présence policière lors de manifestations à Washington est importante, les contingents anti-émeutes longent les rues avoisinantes, les intersections près des points de rassemblement sont bloquées et, près du Capitole, les policiers casqués forment deux rangées, souvent armés de fusils automatiques, avec des barricades et des blindés, des policiers à vélo et à cheval, un centre de commandement, des hélicoptères et ainsi de suite. Le Federal Bureau of Investigation (FBI), la Drug Enforcement Administration (DEA), le Bureau of Alcohol, Tobacco Firearms and Explosives (ATF), l'Immigration and Customs Enforcement (ICE) et d'autres forces fédérales du département de la Sécurité intérieure sont généralement présents. Or, tous étaient absents au moment du rassemblement du 6 janvier, même si les deux chambres du Congrès étaient en session pour certifier le vote du Collège électoral dans une situation de conflit connue. Et la police du Capitole, relativement petite (environ 2 000 personnes), avait la responsabilité de protéger tous les membres du Congrès à l'intérieur ainsi que l'édifice lui-même et de veiller à plusieurs autres aspects de la sécurité.

La police de Washington, les forces fédérales et, dans ce cas-ci, la Garde nationale, ne pouvaient être absentes qu'intentionnellement. Une décision est prise à l'avance par ceux qui en ont l'autorité. Toutes les forces fédérales sont mises en action soit par le président lui-même, soit par les chefs de la Sécurité intérieure et du FBI, nommés par Donald Trump. Pour le District de Columbia, la Garde nationale est également déployée par Trump, mais il a retardé son déploiement pendant plusieurs heures et c'est finalement le vice-président Mike Pence qui l'a déployée, pas Donald Trump. Les ordres passent par le chef du département de la Défense, qui les transmet au secrétaire à l'Armée Ryan McCarthy. Ce dernier a déclaré : « Nous sommes en contact étroit avec les forces du maintien de l'ordre d'État et fédérales pour examiner les éventuels besoins supplémentaires de soutien à la Garde nationale du District de Columbia. » Toutes ces forces fédérales peuvent agir indépendamment de la Police du Capitole et le font souvent.

Lorsque la marée de partisans de Trump a fait irruption dans l'édifice, les deux chambres étaient réunies séparément pour débattre du vote de l'Arizona, qui avait été contesté par les membres du Sénat et de la Chambre, menés par les sénateurs Ted Cruz du Texas et Josh Hawley du Missouri. Le vice-président Pence présidait le débat au Sénat comme le veut sa fonction. La vice-présidente élue Kamala Harris était également présente. Tous deux ont été rapidement escortés en lieu sûr, sans doute par les équipes des services secrets chargés de leur protection personnelle. D'autres représentants ont été escortés vers la sortie, beaucoup d'entre eux se réfugiant dans les couloirs « apocalyptiques », ainsi nommés parce qu'ils sont conçus pour être utilisés en cas d'attaque nucléaire. D'autres ont été piégés dans la salle de la Chambre ou dans leurs bureaux avec leur personnel. Des images vidéo montrent des centaines de manifestants errant dans les chambres et les couloirs, occupant des bureaux, prenant des égoportraits avec la police et saisissant des objets à conserver. Malgré tout, les renforts n'étaient nulle part.

Une tentative de coup d'État

Plus tôt ce matin-là, des milliers de personnes s'étaient rassemblées devant la Maison-Blanche, où Trump a pris la parole. Il a dit que les personnes présentes étaient des « patriotes américains » « attachés à l'honnêteté de nos élections et à l'intégrité de notre glorieuse République... Nous n'abandonnerons jamais. Nous ne céderons jamais. » Il a appelé Pence à agir : « Tout ce que le vice-président Pence doit faire, c'est de renvoyer la certification aux États, et nous devenons président. » Il a dit aux manifestants : « Vous devez faire preuve de force » et les a ensuite exhortés à marcher sur le Capitole.

Il est évident que pour réussir, Trump avait besoin du soutien de Pence et d'autres républicains qu'il a également appelés à ne pas certifier le vote. Il avait également besoin de la coopération des forces armées pour qu'elles n'interviennent pas. Il est évident que lui et son cabinet ont créé les conditions pour que les manifestants puissent marcher sur le Capitole, y entrer et y rester pendant plusieurs heures. Le soutien au coup d'État et la volonté d'utiliser la force ont été testés en direct, les commandements de Trump s'effritant graduellement tout au long de la journée, à commencer par Pence qui a déclaré qu'il ne pouvait pas utiliser sa position au Sénat pour déclarer l'élection favorable à Trump, à la suite de quoi une série de défections ont été annoncées par des partisans de Trump qui ont préféré se joindre à Joe Biden pour demander au président de rétablir l'ordre. Parmi eux, on compte Chad Wolf, chef de la Sécurité intérieure, Robert O'Brien, conseiller à la sécurité nationale, le sénateur Ted Cruz et plusieurs autres membres du Congrès. O'Brien a déclaré en parlant des manifestants : « La violence n'a absolument pas sa place dans notre démocratie. Notre pays est meilleur que ce que nous avons vu aujourd'hui dans notre Capitole. »

Le gouverneur du Texas et le procureur de district du Texas, qui ont tous deux soutenu les efforts de Trump pour renverser le verdict des élections, ont également changé leur fusil d'épaule. L'ancien président George W. Bush exprimait le point de vue de nombreux élus quand il a déclaré : « C'est ainsi que les résultats des élections sont contestés dans une république de bananes, pas dans notre république démocratique. Je suis consterné par le comportement irresponsable de certains dirigeants politiques depuis l'élection et par le manque de respect manifesté aujourd'hui pour nos institutions, nos traditions et notre application de la loi. » Il a souligné qu'il est de la « responsabilité fondamentale de tout citoyen patriote de soutenir l'état de droit ».

Le Texas a une signification particulière parce que le gouverneur dispose de forces de police importantes et son économie est considérée comme la dixième en importance dans le monde. La famille Bush conserve une influence considérable. Pour Bush, le fait que le gouverneur et le sénateur Cruz se soient opposés à l'action de Trump, aux côtés du secrétaire à la Sécurité intérieure, signifiait que Trump ne pouvait pas réussir. Les faits indiqueraient que les militaires ont commencé à coordonner leur action avec Pence. Le secrétaire d'État à la Défense par intérim, Christopher Miller, a déclaré : « Le président Milley [de l'état-major interarmées] et moi-même venons de nous entretenir séparément avec le vice-président et avec la présidente de la Chambre Pelosi, le chef de la Chambre McConnell, le sénateur Schumer et le représentant Hoyer au sujet de la situation au Capitole américain. [...] Nous avons pleinement activé la Garde nationale du District de Columbia pour aider les forces de l'ordre fédérales et locales dans leurs efforts pour dénouer la situation pacifiquement. »

Dans tout coup d'État, le monopole de l'usage de la force est essentiel. Trump en a fait usage et a tenté d'exécuter le coup d'État avec le soutien de l'armée et du département de la Sécurité intérieure, qui ont coordonné leurs efforts avec la police du District de Columbia, qui suit les ordres fédéraux dans ces situations. Ce n'est pas la police de Columbia qui décide en dernier ressort. On l'a vu clairement lorsque le chef de la police Robert Contee est intervenu, quelques heures après que les manifestants ont fait irruption dans le Capitole en présence du secrétaire à l'Armée McCarthy. De plus, Contee a rapporté que la police du District de Columbia a répondu aux demandes de soutien des autorités fédérales. Cela indique que les mêmes forces fédérales leur ont dit que leur soutien n'était pas nécessaire au départ.

La revendication que fin soit mise à toute violence policière et que le contrôle soit entre les mains du peuple

Il y a un effort délibéré pour présenter l'affaire comme un problème de deux poids, deux mesures quand il s'agit de l'intervention policière. Les médias ont montré à plusieurs reprises des images de la Garde nationale en tenue militaire complète gardant le monument Lincoln lors des manifestations pour dénoncer les morts aux mains de la police et l'impunité policière tout au cours de l'été, ainsi que des tirs de gaz lacrymogènes et autres violences d'État contre les manifestants de Black Lives Matter et leurs alliés. Ils ne font que répéter que dans ce cas-ci la police a été « prise par surprise » et n'était « pas préparée », tandis que d'autres disent que les corps policiers n'auraient pas dû être pris par surprise puisqu'ils avaient eu connaissance du rassemblement préalablement.

Cette plainte au sujet de deux poids, deux mesures ferme les yeux sur la réalité que le problème clé est le monopole de l'usage de la force par les autorités de l'État qui agissent, ou n'agissent pas, en toute impunité. Bien que le mouvement populaire pour la justice dénonce l'impunité de la police, le problème de la violence policière n'est pas que les manifestants pro-Trump doivent être traités avec la même violence que ceux qui luttent pour la justice.

Il y a en effet deux poids deux mesures dans la violence policière raciste contre la résistance cet été. En effet, chaque fois que l'État protège des intérêts privés tout en réprimant ceux qui résistent, qu'il s'agisse d'Afro-Américains, de Portoricains, d'autochtones, de travailleurs, de femmes ou de jeunes. La réponse n'est pas d'exiger un recours « égal » à une plus grande violence de l'État policier, mais d'exiger qu'une fin soit mise à toute cette violence, au contrôle de la police et au monopole de l'usage de la force et de trouver les moyens de mettre le pouvoir de décision entre les mains du peuple lui-même.

Les questions cruciales de qui décide et comment le
pouvoir de décision est exercé

L'utilisation croissante et toujours plus brutale des pouvoirs de police a caractérisé une présidence après l'autre, culminant avec la présidence de Trump qui est même allé au-delà de ce que ses propres partisans s'attendaient. Ce qui est en jeu dans la situation actuelle, c'est qui décide et comment le pouvoir de décision est exercé. C'est ce qui est en crise aux États-Unis. Le fait que ces intérêts privés de propriété contrôlent l'usage de la force et tous les pouvoirs de police qui relèvent de la présidence est systématiquement révélé.

Il est remarquable que les « deux camps », Trump et les forces qui s'opposent à ceux qui ont fait le saccage, prétendent défendre la Constitution et la présentent comme une solution à la crise actuelle. Or, ce sont précisément la Constitution et tous ses dispositifs de gouvernance qui ont échoué. La démocratie à l'américaine n'est plus capable de tenir rien ni personne redevable. Cela est on ne peut plus évident dans la situation immédiate, avec les échecs du gouvernement face à la COVID-19, le chômage généralisé, la pauvreté croissante et le nombre croissant de sans-abri, avec de nouvelles expulsions et pertes d'emplois à venir. La démocratie américaine n'assure pas et ne peut pas assurer les droits du peuple, y compris les droits les plus fondamentaux au logement, aux soins de santé et à un moyen de subsistance. Les solutions ne se trouveront pas dans les dispositifs de gouvernance qui ont donné naissance à la crise au départ et qui garantissent l'inégalité et l'absence de contrôle sur les décisions ayant un impact sur la vie de la grande majorité.

Il est également inquiétant que Trump et Biden tentent tous deux de définir qui est et qui n'est pas un patriote. Dans l'histoire des États-Unis, les accusations de manquer de patriotisme et d'être « non américains », souvent assimilées au terrorisme, ont toujours été un moyen de prendre à partie les personnes luttant pour leurs droits. Joe Biden, comme d'autres, affirme que ce qui s'est produit le 6 janvier n'est pas « ce que nous sommes ». Il déclare : « Pendant près de deux siècles et demi, nous, le peuple, en quête d'une union plus parfaite, avons gardé les yeux sur ce bien commun. L'Amérique est tellement mieux que ce que nous avons vu aujourd'hui. » La réalité est que ce dont tout le monde a été témoin est exactement ce que produisent les États-Unis des riches. Pendant ces deux siècles et demi, deux Amériques se sont affrontées, celle du peuple et celle des propriétaires privés qui ont concentré le pouvoir entre leurs mains. La Constitution est conçue pour maintenir ces intérêts privés au pouvoir. Le peuple a combattu à maintes reprises contre l'esclavage et les inégalités, contre « l'union » telle qu'elle est définie par et pour les intérêts de propriété qui ont pris le contrôle du monopole de l'usage de la force.

Il est clair qu'une fois que la tentative de coup d'État a échoué, Joe Biden, Mike Pence, Ted Cruz et d'autres membres du Congrès ont cherché à unifier les forces en conflit au sein de la présidence et entre celle-ci et les bureaucraties policières et militaires fédérales. Cela est nécessaire pour préserver leur « union plus parfaite » et c'est un problème que Trump n'a pas réussi à résoudre pendant sa présidence. Les nombreux appels à l'unité en font partie. Joe Biden a de nouveau repris le refrain que tout est possible « si nous le faisons ensemble ». Il cherche non seulement à unifier les forces en présence parmi les riches, mais aussi à rallier à sa cause ceux qui réclament l'égalité et les droits. Néanmoins, les mêmes problèmes vont hanter sa présidence, ce qui prouvera une fois de plus que les conditions matérielles n'obéissent pas à l'autorité souhaitée par les cercles dirigeants.

Si le vote a été certifié et que Donald Trump affirme maintenant qu'il y aura une « transition pacifique », rien ne permet de croire que la source des conflits et du dysfonctionnement du système a disparu. Les conflits entre les intérêts privés existent parce que tous ont proclamé que le « bien commun » ou le « bien public » ne va pas leur barrer la voie. En outre, on ne peut pas dire que les États-Unis ont été une force « pacifique ». Ils ont au contraire une histoire de guerres, de génocides et d'agressions. Il y a un gouvernement de guerre et une économie de guerre qui causent de graves préjudices et violences aux peuples, au pays et à l'étranger. Ce qui se produit c'est le transfert de pouvoir d'un président à un autre, chacun plus puissant que le précédent. Il est certain que le peuple n'accepte pas des conditions où ses droits sont encore plus bafoués et où il est menacé par davantage de violence et de guerres. Il lutte pour une économie de paix et un gouvernement antiguerre où c'est le peuple qui décide.

La nécessité d'investir le peuple du pouvoir de décider

Il est largement reconnu que pour qu'un changement qui favorise le peuple se produise, il faut reconnaître que ceux qui ont créé les problèmes, y compris Biden, ne seront pas capables d'apporter des solutions. La responsabilité sociale incombe au peuple qui intensifie ses efforts d'organisation, au sein des nombreux collectifs qui luttent pour les droits et, plus largement, au sein de la société dans son ensemble, pour être lui-même politique en s'attachant à mettre en place un processus de décision indépendant des institutions démocratiques libérales obsolètes.

Joe Biden affirme que les quatre prochaines années seront consacrées à la « restauration de la démocratie », cette même démocratie défaillante qui est en lambeaux, mais celles et ceux qui se battent pour les droits démontrent clairement qu'il faut une démocratie populaire, conçue par le peuple lui-même, qui lui donne le pouvoir de gouverner et de décider. La réalisation du pouvoir de décider de ses affaires et de contrôler les décisions est un problème posé et à résoudre dans les conditions où les collectifs qui défendent les droits s'organisent pour prendre eux-mêmes des décisions collectives, les mettre en oeuvre et évaluer ensemble les résultats. Cette lutte est totalement absente des récits des événements du 6 janvier.

Continuons de nous unir dans l'action pour identifier les problèmes qui, selon nous, nécessitent des solutions et pour leur trouver des solutions.

(Photos: T. Jane, E. Herrerra, J. Kam, UNN, VOR)

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Un événement qui ouvre la voie à un
renforcement des pouvoirs de police

Le 6 janvier 2021, dans les minutes qui ont suivi l'irruption des manifestants dans l'édifice du Capitole, incités par les déclarations de Donald Trump que la victoire de l'élection présidentielle de 2020 lui avait été volée, des personnalités des médias et des élus ont qualifié l'événement d'« insurrection ». Cela représente une rupture avec le vocabulaire habituel que l'élite au pouvoir utilise pour qualifier les manifestations au cours desquelles la violence éclate.

Le président désigné, Joe Biden a dit : « Ce à quoi nous assistons, c'est un petit nombre d'extrémistes sans loi. Ce n'est pas de la dissidence. C'est du désordre. C'est le chaos. C'est à la limite de la sédition, et cela doit cesser maintenant. » Après avoir demandé à Donald Trump « d'exiger la fin de ce siège », il a poursuivi : « Ils prennent d'assaut le Capitole, brisent les vitres, occupent des bureaux, le parquet du Sénat des États-Unis, fouillent les bureaux du Capitole, de la Chambre des représentants, menacent la sécurité des fonctionnaires dûment élus. Ce n'est pas une manifestation, c'est une insurrection. »

Personne n'a expliqué encore en quoi cette manifestation constituait une « insurrection » ni pourquoi il faut maintenant appeler différemment ce qu'on appelle habituellement des « manifestations violentes » ou « manifestations illégales », « émeutes », « terrorisme extrémiste », etc. Il semblerait que le terme « insurrection » est utilisé distinctement pour qualifier la prise d'assaut du Capitole, la fermeture et le confinement du Capitole pendant plus de trois heures, l'occupation et le saccage des bureaux par les manifestants, et les membres du Sénat et de la Chambre des représentants forcés de se mettre à l'abri.

Cette utilisation du terme « insurrection » par l'élite au pouvoir pour décrier les manifestations arrive six jours seulement après la publication par la Brookings Institution d'un rapport intitulé « La Loi sur l'insurrection et le déploiement des troupes dans les rues des États-Unis ». Publié le 30 décembre 2020, ce rapport résume une étude faite en juillet 2020 par le Groupe d'étude du Congrès sur les relations étrangères et la sécurité nationale en réponse à l'appel de Donald Trump à la Garde nationale et à sa menace de déployer les forces armées pour réprimer les manifestations contre le meurtre de George Floyd par la police raciste. Bien que de nature oppositionnelle, le rapport explique néanmoins avec précision les mesures à prendre selon les dispositions de la Loi sur l'insurrection pour rendre « légal » le déploiement des forces armées contre le peuple[1].

La police du Capitole est critiquée pour ne pas avoir été préparée à l'assaut le 6 janvier. Les médias interrogent des membres du vaste appareil militaire et de sécurité pour savoir comment cela aurait pu se produire. De nombreuses questions sont posées sur ce que l'on appelle une « défaillance massive de la sécurité ». La police du Capitole doit rendre des comptes au Congrès. Steven Sund, le chef de la police du Capitole, a démissionné, sa démission effective à partir du 16 janvier. Les sergents d'armes de la Chambre et du Sénat ont démissionné après les événements du 6 janvier.[2]

Dans une entrevue avec MSNBC, l'ancien secrétaire d'État et chef d'État-Major des armées Colin Powell a demandé à Joe Biden d'intervenir et de mobiliser toute la force de l'État. Il a comparé le 6 janvier aux manifestations qui ont suivi le passage à tabac de Rodney King en 1992 lorsque, sous sa direction, les forces armées ont été appelées. Il a demandé pourquoi la Garde nationale n'était pas en place le 6 janvier. « Nous aurions dû prévoir ce qui allait se produire, a-t-il dit. Il leur a fallu des heures pour réagir ; c'était un spectacle honteux de la part de nos dirigeants, de nos forces armées et de nos responsables de la police. » Colin Powell a déclaré que Joe Biden « doit s'attaquer à ce problème » et que « Je connais bien le président et je suis sûr qu'il a ce qu'il faut pour rester maître de la situation ».

C'est en même temps un appel à mettre en échec les rassemblements soutenus par Trump et un appel à réprimer les manifestations en général, à maintenir « la loi et l'ordre ». Cet appel a pour toile de fond un choeur intensifié et uni de l'élite dirigeante américaine qui affirme que ses institutions politiques sont florissantes et saines. Après les manifestations du 6 janvier, l'élite politique a redoublé ses appels pour défendre les « institutions démocratiques » américaines, avec l'acceptation de la « grandeur de la démocratie américaine », elle-même identifiée comme un critère du patriotisme américain.

La question est éclipsée par le fait que tous ceux qui ont participé à la manifestation sont liés à tous les traits détestés et méprisables des troupes de choc de Trump. Beaucoup de ceux qui étaient là sont en colère et n'ont pas confiance dans la volonté du gouvernement de régler leurs problèmes, comme le chômage, les évictions et la pandémie, et estiment qu'ils n'ont aucun moyen de demander des comptes. L'effort consiste à faire croire que tout tourne autour de Trump et à détourner l'attention des préoccupations très réelles du peuple et de ses exigences en matière de responsabilité.

Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a analysé que les institutions démocratiques de la démocratie dite représentative sont dysfonctionnelles. Alors que les anciennes formes de gouvernance se sont effondrées, les nouvelles formes n'ont pas encore vu le jour. C'est précisément sur ce point de l'espace qui existe que le changement est nécessaire. Les tentatives pour résoudre cette crise en concentrant davantage de pouvoirs entre les mains de la présidence et de la police sont pleines de dangers.

Dans cette situation, la voie que prennent ceux qui ont usurpé le pouvoir de décision —  les représentants des plus puissantes forces économiques - est celle du contrôle et de la répression de toute opposition, autant parmi leurs rangs que l'opposition du peuple. Le recours à la violence est la méthode privilégiée.

Aujourd'hui, le fossé entre l'autorité gouvernementale et le peuple s'approfondit comme jamais auparavant. La persistance de la résistance à la domination américaine montre que les revendications d'égalité, de justice et de responsabilité ne peuvent être réduites au silence ou arrêtées. Partout, les gens disent clairement que ce ne sont pas les élections — y compris celle qui a amené Donald Trump au pouvoir en 2016 et celle de 2020 qui l'a évincé — qui décideront de ces enjeux ; elles seront réglées par le peuple et sa lutte pour que les droits soient reconnus sur une base moderne.

Dans l'intrusion du Capitole du 6 janvier et les divagations d'un président qui refuse d'accepter les résultats de l'élection, il faut mettre en évidence les faits de la vie de la période actuelle et la tendance principale de l'opposition des peuples. Si aujourd'hui l'élite au pouvoir parle d'« insurgés » qui attaquent le « bastion de la démocratie » et de la nécessité de faire respecter l'état de droit contre ceux qui s'opposent à ce bastion, il est clair que cet appel sera maintenu dans tous les cas. Il y a déjà 6 200 membres de la Garde nationale en service à Washington, dont 850 gardent le Capitole.

La situation aux États-Unis et dans le monde entier est sur une voie dangereuse alors que les cercles dirigeants et les rouages objectifs du système capitaliste sont incapables de résoudre les graves problèmes, qu'il s'agisse de l'appauvrissement croissant et de la destruction des conditions de vie de la population, de la concentration croissante des richesses et du pouvoir entre les mains d'un nombre de plus en plus restreint de personnes, du danger de guerre et d'agression, de la destruction continue de l'environnement naturel ou de leur mauvaise gestion de la pandémie.

Ce qui est absent de tous les reportages sur les événements du 6 janvier, c'est la lutte du peuple pour s'investir du pouvoir, pour en finir avec l'injustice raciale, pour des relations humaines et pour la fin de l'exploitation et de l'humiliation de la classe ouvrière et des peuples. La démocratie dont on fait l'éloge n'est pas une démocratie du peuple. Tout ce qui est dit sur les « insurgés », sur la manière dont la démocratie américaine ne doit pas être profanée et sur la nécessité de faire respecter l'état de droit et « la loi et l'ordre » constitue le fondement de la présidence de Joe Biden.

L'élite dominante, avec ses déclarations sur la défense des institutions démocratiques corrompues qui ont fait leur temps, s'attaque à tout ce qui n'est pas conforme à ce qu'elle déclare être légitime et en accord avec les « valeurs » de son système agonisant. C'est un cri universel, comme le montre le concert international désespéré d'appels à la restauration de l'ordre aux États-Unis, qui est censé être un symbole pour le monde du stade suprême de la démocratie. Le danger du 6 janvier est qu'il marque une autre restructuration de l'État pour éliminer davantage les obstacles qui empêchent la pleine utilisation des pouvoirs de police contre le peuple.

Les forces du clan Biden s'acharneront maintenant à dire des événements du 6 janvier qu'il s'agit d'une « épiphanie », une révélation. Le 6 janvier est souligné comme la célébration chrétienne de l'Épiphanie pour marquer la fin des douze jours de Noël et la venue des trois rois mages. « En ce jour de révélation, prions pour que cette instigation à la violence produise une épiphanie dans notre pays, pour qu'il puisse guérir », a dit Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis. Biden, le président élu, a aussi parlé d'une épiphanie au lendemain des élections de novembre.

Ces déclarations et plusieurs autres du même genre laissent entendre qu'il ne s'agit que de Trump, et visent à réprimer les revendications et la lutte du peuple pour de nouveaux arrangements. C'est pour convaincre le peuple que le système électoral actuel et les institutions démocratiques ne sont pas brisés, et que le renouveau n'est pas à l'ordre du jour et la tâche urgente à être prise en main par le peuple. L'objectif est d'empêcher le peuple de garder l'initiative dans ses propres mains, et cette tentative est certainement vouée à l'échec.

Note

1. La Brookings Institution est un groupe de réflexion de Washington composé de plus de 300 fonctionnaires et universitaires du monde entier. Ses origines remontent à la création en 1916 de l'Institut de recherche gouvernementale, « la première organisation privée consacrée à l'analyse des questions de politique publique au niveau national ». Le Groupe d'étude du Congrès sur les relations étrangères et la sécurité nationale est décrit comme « un programme pour le personnel du Congrès axé sur l'engagement critique des facteurs juridiques et politiques qui définissent le rôle que joue le Congrès dans divers aspects des relations étrangères et de la politique de sécurité nationale des États-Unis ».

2.  Sund a rejoint le service de police du Capitole des États-Unis (USCP) en 2017 en tant que chef de police adjoint et chef des opérations. Il en est devenu le chef  en juin 2019.

Avant ces rôles, Sund a servi plus de 25 ans avec le service de la police métropolitaine de Washington alors qu’il a pris sa retraite en tant que commandant de sa division des opérations spéciales, selon une biographie de lui sur le site Web de l'USCP.

« Au cours de sa carrière, Sund a coordonné un certain nombre d'événements nationaux spéciaux de sécurité par le Département de la sécurité intérieure, y compris les inaugurations présidentielles de 2001, 2005, 2009 et 2013 », lit-on sur le site.

« Le chef Sund est un expert reconnu  en gestion des incidents critiques et en préparation et capacité de réaction face à des tireurs actifs », poursuit la biographie.  « Il a notamment été le commandant sur les lieux de l'incident lors de la fusillade de 2009 au Musée national de l’Holocauste, de la fusillade de 2012 au Conseil de recherche sur les familles  et de l'incident du tireur actif de 2013 au Chantier naval de la marine à Washington. En outre, il est intervenu dans des dizaines de situations de barricades et de prises d'otages criminelles et possède un bilan impressionnant marqué par l'absence de victime. »

Selon l'USCP, Sund a également donné des cours de formation aux services secrets américains « dans le domaine de la planification d'événements majeurs et a enseigné le système de commandement des incidents en tant que professeur associé à l'Université George Washington ».

Il est aussi mentionné dans sa biographie qu’il a obtenu son baccalauréat et sa maîtrise en sciences de l'Université Johns Hopkins et une maîtrise ès arts en sécurité intérieure de la Naval Postgraduate School.

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Qu'est-ce qu'une insurrection?

Le président élu, Joe Biden, ainsi que la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, et le sénateur de l'État de New-York, Chuck Schumer - qui remplacera bientôt Mitch McConnell à la tête du Sénat - ont tous qualifié d'insurrection la manifestation du 6 janvier 2021 au Capitole. Il est rapporté que les articles de mise en accusation de la destitution, rédigés par Nancy Pelosi, accusent le président Trump d'« incitation à l'insurrection ». Jusqu'à présent, aucune accusation de ce type n'a été portée contre les sénateurs, comme Josh Hawley du Minnesota et Ted Cruz du Texas, qui auraient également « incité » les manifestants. Ces deux sénateurs et les six autres qui se sont joints à la contestation de la certification du vote de l'Arizona et de la Pennsylvanie sont maintenant appelés le « caucus de la sédition » par certains représentants américains. Cependant, leur mise en accusation n'a pas été exigée, seulement leur démission.

Le terme d'insurrection a également été largement utilisé par les médias, les commentateurs et les responsables gouvernementaux. Cependant, ce qui constitue une insurrection n'a pas encore été défini ou expliqué par l'un d'entre eux. Pourquoi cette manifestation et tous les événements au Capitole le 6 janvier constituent-ils une insurrection ?

Le 6 janvier, le président élu, Joe Biden, a d'abord qualifié ces manifestations d'un « assaut sans précédent » contre « notre démocratie ». « Ce n’est pas de la dissidence, c'est un désordre, c’est le chaos et cela frôle la sédition et cela doit prendre fin maintenant, a-t-il déclaré. Ils prennent d'assaut le Capitole, brisent les vitres, occupent des bureaux, le parquet du Sénat des États-Unis, fouillent les bureaux du Capitole, de la Chambre des représentants, menacent la sécurité des fonctionnaires dûment élus. Ce n'est pas une manifestation, c'est une insurrection. »

On commence par dire que ce qui s'est passé était un « assaut sans précédent » pour ajouter que cela « frôle la sédition » et ensuite conclure qu'il s'agit d'une « insurrection ». Que faut-il y comprendre? Ce sont trois choses distinctes : un assaut, une insurrection et quelque chose qui « frôle la sédition » mais qui n'est pas de la sédition. Alors, ça veut dire quoi « c'est un assaut et une insurrection, mais pas de la sédition »?

D'un point de vue juridique, il est utile de se reporter au Titre 18 du Code des lois des États-Unis, chapitre 115 -- Trahison, sédition et activités subversives[1]. La sédition et la conspiration séditieuse sont définies comme suit :

« Si deux personnes ou plus dans un État ou territoire, ou en tout lieu soumis à la juridiction des États-Unis, conspirent pour renverser, abattre ou détruire par la force le Gouvernement des États-Unis, ou pour leur faire la guerre, ou pour s'opposer par la force à son autorité, ou par la force pour empêcher, entraver ou retarder l'exécution de toute loi des États-Unis, ou par la force pour saisir, prendre ou posséder tout bien des États-Unis contrairement à son autorité, ils seront chacun condamnés à une amende ou à un emprisonnement ne dépassant pas vingt ans, ou les deux. »

Quand cinq patriotes et combattants de l'indépendance portoricains sont entrés armés dans l'édifice du Capitole en 1954 et ont réussi à atteindre la galerie, ils ont été accusés « d’assaut avec intention de tuer » et « agression armée » et condamnés à des peines de prison de plusieurs dizaines d'années. Plus tard, en 1981, plusieurs combattants de l’indépendance portoricains, un droit reconnu par le droit international pour mettre fin au colonialisme, ont été accusés de sédition et de conspiration séditieuse et ont été aussi condamnés  à des peines de prison de plusieurs dizaines d'années  et même à perpétuité. Ce n'est pas ce qui est arrivé dans le cas présent, alors même qu’il y avait présence d’armes, on peut voir sur des séquences vidéos la police qui en fait escorte plusieurs manifestants hors de l'édifice et prend des égoportraits avec eux.

La sédition met aussi au premier plan la guerre civile, ce que les cercles dominants tentent désespérément d'éviter. Donc, bien que l'on parle d'un « caucus de la sédition » et que des allégations de trahison sont également lancées, aucune mesure sérieuse n'est prise. Il faut rappeler qu'après la guerre civile, aucun des principaux généraux confédérés n'a été accusé de trahison ou de sédition.

Mais alors, pourquoi l'événement qui « frôle la sédition » est-il une « insurrection » ? Selon la loi, une insurrection entraîne des arrestations et des poursuites. La même partie du chapitre 115 du Code des lois des États-Unis, sous « Rébellion et insurrection », dit :

« Quiconque incite, met sur pied, assiste ou se livre à une rébellion ou à une insurrection contre l'autorité des États-Unis ou leurs lois, ou y apporte une aide ou un réconfort, sera condamné à une amende en vertu du présent titre ou à une peine de prison de dix ans au plus, ou aux deux et sera incapable d'exercer une fonction quelconque sous l'autorité des États-Unis. »

Cela signifie-t-il que des accusations seront portées contre ceux qui ont incité à l'insurrection ? Est-ce là le but d'appeler cela une insurrection ? Ou s'agit-il simplement de rhétorique de la part de Biden dans un effort pour unifier les factions dirigeantes très divisées ?

De la manière dont Biden parle, il semble qu'une insurrection implique « une foule » qui menace la sécurité des élus, ce qui était effectivement le cas, mais il est important de souligner qu'au-delà du saccage, il y a le grave problème du président qui attaque le Congrès. Il n'y a pas de limites aux pouvoirs présidentiels. L'assaut contre le Congrès n'était pas le fait d'un « ennemi extérieur » ou d'un problème de « milice raciste » en soi.

Bien que cette vengeance cible Trump, l'enjeu n'est pas Donald Trump, mais l'autorité présidentielle et son pouvoir de recourir à la force et de punir. Cela sert également à rendre beaucoup plus facile l'utilisation d'un recours à l'avenir contre ceux qui manifesteront devant les édifices fédéraux et contre l'autorité.

Quelle que soit la façon dont Joe Biden utilise le mot « insurrection », les images du passé de ce qui constituait une insurrection ne suffiront pas à décrire ce qui se passe aujourd'hui aux États-Unis, ni à donner des indications sur la façon d'analyser les développements en cours ou d'apporter des solutions aux problèmes. Elles ne feront qu'attiser les flammes de l'anarchie et de la violence qui sévissent aujourd'hui aux États-Unis.

Note

1. Le Code of Laws of the United States of America (diversement abrégé en Code of Laws of the United States, United States Code, U.S. Code, U.S.C., ou USC) est la compilation et la codification officielles des lois fédérales générales et permanentes des États-Unis. (Wikipédia)

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La lutte entre la «violence» et la «défense des institutions démocratiques»

Les choses évoluent rapidement à la suite des événements du 6 janvier à Washington. Les démocrates font présentement circuler des articles relatifs à la destitution du président Donald Trump dans lesquels est présenté l'argument « d'incitation à l'insurrection » pour le destituer. Ils affirment avoir le soutien de près de 190 démocrates de la Chambre des représentants pour ces articles. La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a déclaré qu'à moins que Trump ne démissionne immédiatement, des gestes seront posés pour le chasser, soit en le destituant, soit en invoquant le 25e amendement de la Constitution, ce qui nécessiterait une déclaration par le vice-président Mike Pence  et la moitié du Cabinet que Trump est « dans l'incapacité d'exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge ». Jusqu'à présent, Nancy Pelosi n'a pas donné son appui à la présentation de la motion de destitution, mais les médias s'attendent à ce que les articles de destitution soient présentés à la Chambre des représentants sans plus de délais.

Les médias disent également que Mike Pence n'est pas favorable à la poursuite des efforts pour se débarrasser de Trump en tant que président avant que le président élu Joe Biden ne prête serment le 20 janvier. Selon Biden, le pays doit guérir et s'unifier sous sa présidence. Si la motion de destitution est adoptée par la Chambre des représentants, la Constitution exige un vote des deux tiers au Sénat pour condamner Trump. Un haut responsable destitué et condamné est démis de ses fonctions.

Puisque le Sénat ne prévoit pas se réunir avant le 19 janvier, il y a même des discussions selon lesquelles le vote sur la destitution au Sénat pourrait être tenu après le départ de Trump en tant que président. Un président reconnu coupable et destitué ne peut plus se présenter à des élections. Il y a de toute évidence beaucoup de manoeuvres de coulisses en ce moment pour trouver une sorte de résolution à la crise.

Pendant ce temps, Twitter a interdit à jamais le compte personnel de Trump, Facebook jusqu'au 20 janvier et les services Web d'Amazon ont interdit l'application Parler sur les réseaux sociaux (de la même manière  que Twitter) en disant qu'il prône la violence. Cela alimente le débat qui est créé entre liberté d'expression et responsabilité face à ceux qui prônent la violence. Pendant ce temps, on rapporte que les forces de police passent au peigne fin les images des médias pour porter encore plus d'accusations contre ceux qui ont pénétré dans le Capitole le 6 janvier et qui auraient commis des crimes.

Ce que ces faits nous démontrent, c'est que les conflits entre les factions de l'élite impérialiste se poursuivent sans relâche, pendant que le déploiement ultérieur des pouvoirs de police est justifié par le discours sur l'insurrection, la violence et la nécessité de protéger les institutions de la démocratie.

Malgré les discussions sur la défense des symboles et des institutions démocratiques, un problème qui est soulevé sans le sérieux qu'il mérite, c'est l'humiliation que causera la recherche de vengeance à ce qu'on appelle « la base de Trump » qui est loin de se limiter aux milices racistes qui auraient pénétré par effraction dans le Capitole le 6 janvier. Il y a 73 millions de personnes qui ont voté pour Trump, dont beaucoup ne font tout simplement pas confiance au gouvernement pour les aider à faire face aux graves problèmes auxquels ils sont confrontés. Les cartels et les coalitions qui tentent d'utiliser ces événements comme un moyen d'aligner les travailleurs et le peuple derrière eux sèment le vent et vont sûrement récolter la tempête plus tôt que tard. Les tentatives pour détourner la conscience des peuples en leur faisant croire qu'il s'agit d'un combat entre la « violence » et la « défense des institutions démocratiques » visent à masquer que cette violence au sein de la classe dirigeante est ce qui reste lorsque les institutions démocratiques, y compris les élections, ne fonctionnent plus et qu'elles empêchent le peuple de s'investir du pouvoir.

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Les dépenses électorales aux États-Unis

Réquisitoire contre la démocratie américaine

Les dépenses liées aux élections de novembre 2020 ont battu tous les records précédents, selon la Commission des élections fédérales des États-Unis. Les deux principaux partis cartellisés, les partis républicain et démocrate, ont dépensé la plus grande partie du total de 14 milliards de dollars.

Au cours du cycle de l'élection présidentielle, des dépenses ont compris les dépenses encourues pour remporter la Maison-Blanche, 35 sièges au Sénat et 435 sièges à la Chambre des représentants.

Les candidats présidentiels des deux partis cartellisés ont dépensé 6,6 milliards de dollars, ce qui dépasse de loin les 2,4 milliards de la course présidentielle de 2016.

Le candidat présidentiel démocrate, Joe Biden, a été le premier candidat de l'histoire à recevoir un milliard de dollars de « donateurs ». Le président sortant Donald Trump a recueilli 596 millions de dollars. Selon le Center for Responsive Politics, des groupes nationaux organisés en comités d'action politique (PAC) sont responsables d'une grande partie des dépenses. Les dépenses par les PAC pour les annonces publicitaires au cours du mois d'octobre seulement ont été de 1,2 milliard de dollars, dont une plus grande portion a été attribuée à Biden qu'à Trump.

Sarah Bryner, directrice de recherche au Centre for Responsive Politics, a dit qu'avec la création des super comités d'action politique (super PAC) il y a dix ans, les gens liés au Parti républicain « ont été les plus rapides à solliciter les groupes extérieurs nouvellement autorisés afin d'obtenir d'énormes dons »[1]. Lors de la récente élection, des groupes associés au Parti démocrate « les ont amplement rattrapés », a dit Sarah Bryner. Les démocrates ont surpassé les républicains dans la « course à l'argent » lors du cycle électoral de 2018 et ont accru leur domination en 2020. À eux seuls, les PAC ont dépensé 5,5 milliards de dollars pour le Parti démocrate et 3,8 milliards pour les républicains lors des récentes élections.

L'argent a été largement dépensé en ligne sur Facebook et Google. Un milliard de dollars a été dépensé lors des élections de 2020 pour de la publicité sur ces plateformes de réseaux sociaux, selon la base de données sur les publicités en ligne OpenSecrets, qui est liée au centre.

Le centre rapporte que les donateurs à l'extérieur des États ont joué un rôle important dans certaines courses au Congrès. Dans les États dits pivots d'Arizona, de Caroline du Nord et de l'Iowa, la majeure partie de l'argent électoral est venue de l'extérieur de ces États. Le centre écrit : « Dans la course au Sénat en Caroline du Sud, où les candidats ont dépensé la somme phénoménale de 164 millions de dollars (maintenant évaluée à 275 millions), 93 % de l'argent obtenu par le démocrate Jaime Harrison provenait de l'extérieur de l'État, tandis que 87 % de l'argent du sénateur Lindsey Graham (R-S.C.) provenait d'autres États. La course au Sénat de la Caroline du Nord a été la course au Congrès la plus dispendieuse de tous les temps, avec des dépenses de 265 millions de dollars (maintenant évaluées à 300 millions) par des candidats et des groupes de l'extérieur. La course au Sénat de l'Iowa s'est retrouvée en deuxième position, avec 218 millions de dépenses au total (maintenant dépassées par la Caroline du Sud). Au bout du compte, les quatre courses au Sénat les plus dispendieuses de tous les temps ont eu lieu lors du cycle électoral de 2020. »

Selon le centre, le financement des PAC provient d'« argent occulte » qu'il décrit comme étant « des dépenses visant à influencer le résultat politique sans que la source de l'argent ne soit divulguée ». Par exemple, il écrit : « Future Forward, un PAC hybride relativement récent qui a dépensé 106 millions de dollars pour appuyer Biden, a reçu 33 millions de dollars de groupes ne divulguant pas la source de leur argent ».

Selon le centre, le Fonds de leadership du Sénat, qui a recueilli de l'argent pour Mitch McConnell, le dirigeant des républicains au Sénat, « a reçu presque 63 millions de dollars de son groupe allié d'argent occulte, One Nation. Ce phénomène signifie que les dépenses par des groupes qui ne font que divulguer partiellement leurs sources de financement sont à des niveaux sans précédent. Entretemps, seulement 30 % des dépenses venant de l'extérieur provient de groupes qui divulguent pleinement leurs donateurs, un niveau historiquement bas. Ces groupes, possédant d'énormes sommes d'argent, sont normalement financés par des individus ultra-riches. Ensemble, les 10 principaux donateurs ont donné 642 millions de dollars en 2020. »

Le centre écrit : « Le propriétaire de casinos de Las Vegas, Sheldon Adelson, et sa conjointe Miriam, un médecin, ont donné 183 millions de dollars aux candidats et groupes GOP (républicains), la somme la plus importante offerte par un couple dans un seul cycle électoral. Le couple de milliardaires a fait la plupart de ses dons dans les derniers mois des élections, dont 75 millions au super PAC pro-Trump, Preserve America.

« Comme ce fut le cas lors du cycle de 2018, l'ancien maire de la ville de New York, Michael Bloomberg, est le deuxième donateur le plus généreux. Il a versé 107 millions de dollars aux comités démocrates en plus de son effort d'autofinancement de l'ordre de quelques milliards de dollars lors de la course présidentielle. Bloomberg a fait parvenir 30 millions à son super PAC préféré, Independence USA. Pendant la dernière semaine des élections, Bloomberg a annoncé qu'il avait dépensé 15 millions de dollars supplémentaires pour promouvoir Biden au Texas et en Ohio. »

Le centre poursuit : « D'autres donateurs aux poches bien garnies se sont retrouvés pour la première fois parmi les dix premiers. L'investisseur du Wyoming Timothy Mellon a donné 65 millions de dollars aux comités GOP en 2020, après avoir donné 10 millions lors du cycle de 2018. Le donateur républicain Jeffrey Yass a donné 25 millions, alors qu'il avait donné moins de 8 millions lors du dernier cycle. »

Le centre fournit des données sur les donateurs en fonction des secteurs économiques. Il écrit : « Plusieurs industries se sont rangées du côté des démocrates au cours de la présidence de Trump, y compris les diverses industries bien financées de la finance, de l'investissement et de la gestion de portefeuille. L'immobilier est l'une des rares grandes industries à être restée du côté des républicains durant l'ère de Trump, et ses contributions aux comités GOP ont été légèrement supérieures à celles accordées aux démocrates.

« Compte tenu de leur avantage global dans le domaine de la collecte de fonds, c'est sans surprise que les démocrates ont reçu davantage d'argent des puissantes industries. Alors que la campagne de Biden est en partie financée par de petits donateurs, elle est aussi soutenue par des donateurs de Wall Street. L'industrie de l'investissement et de la gestion de portefeuille a donné 74 millions à la campagne de Biden et ses super PAC alliés, comparativement à 18 millions pour les efforts de réélection de Trump.

« Les intérêts d'affaires ont donné près de 4,6 milliards, dépassant les 3,4 milliards couvrant tout le cycle électoral de 2016. Cependant, le monde syndical a connu un déclin de sa capacité de donateur. Au cours de la mi-octobre, les groupes syndicaux ont donné 175 millions de dollars, ce qui ne représente qu'une infime fraction de l'argent voué aux campagnes. »

Les élections de deuxième tour au Sénat en Géorgie

Dans la période allant de l'élection de novembre et au second tour du 5 janvier pour les deux sièges du Sénat en Géorgie, les dépenses en publicité, seulement par les républicains actuellement en place et leurs rivaux démocrates, représentent 486 millions, dont 458 millions consacrés à la publicité à la télévision. Les démocrates ont dépensé un peu plus que les républicains, soit 249 millions contre 237 millions.

Selon Ad Impact, la plus grande partie du demi-million de dollars a été dépensée par les deux partis nationaux et les « groupes extérieurs tels que les super PAC pour publier des annonces ».

Note

1. Sur le site du Center for Responsive Politics : « Les Super PAC sont un type de comité relativement nouveau qui est apparu à la suite de la décision de la Cour fédérale de juillet 2010 dans une affaire connue sous le nom de SpeechNow.org contre la Commission électorale fédérale.

« Techniquement connus sous le nom de comités indépendants à vocation exclusivement financière, les super PAC peuvent collecter des sommes d'argent illimitées auprès de sociétés, de syndicats, d'associations et de particuliers, puis dépenser des sommes illimitées pour défendre ouvertement des candidats politiques ou pour s'opposer à eux. Contrairement aux PAC traditionnels, les super PAC ne peuvent pas donner d'argent directement aux candidats, et leurs dépenses ne doivent pas être coordonnées avec celles des candidats dont ils bénéficient. Les super PAC sont tenus de déclarer leurs donateurs à la Commission électorale fédérale sur une base mensuelle ou semestrielle - au choix du super PAC - pendant les années creuses, et mensuellement l'année d'une élection. »

(Sources : Center for Responsive Politics, Commission des élections fédérales des États-Unis, Ad Impact, Reuters)

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