L'essence de la «feuille de route pour un partenariat renouvelé» avec les États-Unis

Cinq mois après que le premier ministre canadien Justin Trudeau et le président américain Joe Biden ont convenu de la mise en oeuvre de la « Feuille de route pour un partenariat renouvelé États-Unis-Canada (Feuille de route) », le Woodrow Wilson International Centre for Scholars a convoqué un webinaire le 23 juillet pour faire le point.

Les deux invités du webinaire d'une heure étaient le nouvel ambassadeur des États-Unis au Canada, Arnold Chacon, et l'ambassadrice du Canada aux États-Unis, Kirsten Hillman, qui sont tous deux, pour citer le modérateur, « au coeur de la mise en oeuvre du programme [de la Feuille de route] ». Il leur a été demandé « d'expliquer comment la feuille de route s'inscrit dans les relations entre les États-Unis et le Canada » et « d'expliquer comment nous allons procéder ».

Comme l'a décrit l'ambassadeur Chacon, la Feuille de route « touche à presque tous les aspects de nos relations bilatérales et de nos relations multilatérales également ». Faisant état des « progrès réalisés au cours des cinq derniers mois », Chacon a rappelé les échanges qui ont eu lieu entre le Canada, les États-Unis et le Mexique sur le plan commercial depuis la signature de l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui s'inscrit dans le cadre de la « construction d'une économie robuste et durable », les chaînes d'approvisionnement étant un aspect important de cet accord commercial.

Chacon a déclaré que « l'accélération des ambitions en matière de climat » et « la lutte contre la crise climatique » sont « une priorité absolue pour nos deux pays », ajoutant que « la mesure de notre ambition et de notre réussite sera sans aucun doute liée à la mesure de notre collaboration transfrontalière ». Dans le même ordre d'idées, il a ajouté que « les États-Unis ont fixé un objectif à l'échelle de l'économie pour 2030 afin de réduire nos émissions nettes de gaz à effet de serre de 50 à 52 % par rapport aux niveaux de 2005 ».

https://cpcml.ca/francais/images2012/AntiGuerre/060318-Canada,Mtl-12a.jpgDans le cadre de leur « collaboration transfrontalière », l'administration américaine travaille en étroite collaboration avec le gouvernement canadien pour atteindre trois objectifs : dans les mots de l'ambassadeur des États-Unis au Canada, ces objectifs sont « d'accroître l'ambition climatique à l'échelle mondiale », « d'innover et de déployer des technologies à émissions faibles et nulles et de créer des emplois » et « d'améliorer l'adaptation et la résilience aux impacts climatiques ». Il a poursuivi en disant qu'« un élément essentiel de notre transition vers une économie nette zéro est l'adoption de véhicules électriques ». Chacon a ensuite ajouté que « nous allons avoir besoin de matières premières pour les batteries, comme le cobalt et le lithium. Nous devrons également établir en Amérique du Nord les chaînes d'approvisionnement nécessaires et construire des installations de production ». Il a rappelé à l'auditoire que le groupe de travail États-Unis-Canada sur les minéraux critique devait se réunir le 28 juillet, réitérant que « nos deux gouvernements doivent s'aligner sur les priorités et les politiques relatives aux minéraux critique afin de stimuler la recherche, le développement et l'innovation nécessaires pour rendre l'Amérique du Nord compétitive et sûre dans ce secteur crucial »[1].

Écouter l'ambassadeur Chacon était comme entendre un script tiré de la Feuille de route elle-même, qui a été convenue par l'administration Biden et le gouvernement Trudeau le 23 février. Dans le cadre de cette feuille de route, différentes mesures sont prises par les gouvernements canadien et américain pour établir ce que l'on appelle désormais une « stratégie des minéraux critiques à valeur ajoutée ».

Le jour même de l'annonce de la Feuille de route, l'administration Biden a publié le décret 14017 sur les chaînes d'approvisionnement de l'Amérique, qui stipule entre autres choses :

« Le secrétaire à la Défense (en tant que gestionnaire du National Defense Stockpile), en consultation avec les chefs des agences appropriées, doit soumettre un rapport identifiant les risques dans la chaîne d'approvisionnement pour les minéraux critiques et autres matériaux stratégiques identifiés, y compris les éléments de terres rares (tels que déterminés par le secrétaire à la Défense), et les recommandations politiques pour traiter ces risques. Le rapport doit également décrire et mettre à jour le travail effectué conformément au décret exécutif 13953 du 30 septembre 2020 Addressing the Threat to the Domestic Supply Chain From Reliance on Critical Minerals From Foreign Adversaries and Supporting the Domestic Mining and Processing Industries (Décret exécutif sur la lutte contre la menace à la chaîne d'approvisionnement nationale du recours aux minéraux critiques provenant d'adversaires étrangers)[2]. »

Le rapport du secrétaire à la Défense devait faire partie de ce qui est décrit dans ce décret comme les « bilans à 100 jours des chaînes d'approvisionnement » (100-Day Supply Chain Review). Pour entreprendre cet examen complet, l'administration Biden a créé un groupe de travail interne regroupant plus d'une douzaine de ministères et d'organismes fédéraux, dont les secrétaires d'État au commerce, à l'énergie, à la défense et à la santé et aux services sociaux.

Dans son rapport de suivi de 250 pages intitulé Building Resilient Supply Chains, Revitalizing American Manufacturing, and Fostering Broad-based Growth, 100-Day Reviews under Executive Order 14017 (Mettre en place des chaînes d'approvisionnement résilientes, revitaliser l'industrie manufacturière américaine et favoriser une croissance généralisée, bilans à 100 jours dans le cadre du décret exécutif 14017), la Maison-Blanche aborde la question des minéraux critiques :

« Compte tenu de l'importance des batteries au lithium pour le combattant, les sources assurées de minéraux et de matériaux critiques et les capacités nationales et alliées de fabrication de piles et de batteries au lithium sont essentielles à la sécurité nationale des États-Unis. La sécurité de la chaîne d'approvisionnement en minéraux, matériaux, cellules et composants de batteries est aujourd'hui un sujet de préoccupation.

« Pourtant, la demande croissante et la diversité des applications des technologies de batteries au lithium au sein du ministère de la Défense, le rôle décroissant de la défense dans la conduite des marchés commerciaux de batteries au lithium et la proéminence de l'influence des adversaires sur l'approvisionnement rendent la future préoccupation stratégique encore plus grave. Pour répondre aux exigences opérationnelles de surface, sous-marines, spatiales, aériennes et terrestres, le ministère de la Défense aura besoin de technologies de stockage avancées fiables et sûres »[3].

Cette question de « l'influence des adversaires sur l'approvisionnement » de la technologie des batteries au lithium dans le cadre de l'appareil militaire américain, ainsi que des « technologies de stockage avancées fiables et sûres », n'est pas nouvelle. Elle fait partie intégrante des efforts de l'impérialisme américain pour dominer le monde, en conflit avec la Chine, la Russie et d'autres pays qui refusent de se soumettre à son diktat. Le Canada fait partie intégrante de ce plan[4].

Cette utilisation militaire des ressources naturelles inquiète les Canadiens qui aspirent à mettre fin à la crise climatique et qui désirent voir une nouvelle direction pour l'économie. Le pillage des ressources naturelles au profit de la production de guerre est inacceptable et insoutenable.

Notes

1. Roadmap for a Renewed U.S.-Canada Partnership », Woodrow Wilson International Centre for Scholars, 23 juillet 2021.

2. Executive Order 14017 on America's Supply Chains, Presidential Actions, Maison-Blanche, 24 février 2021.

3. Building Resilient Supply Chains, Revitalizing American Manufacturing, and Fostering Broad-based Growth, 100-Day Reviews under Executive Order 14017, un rapport publié par la Maison-Blanche, juin 2021, page 129.

4. Voir aussi : « Le Sommet entre le premier ministre du Canada et le président des États-Unis — La poursuite de l'intégration à l'économie et à la machine de guerre américaines ne résoudra pas l'absence de projet d'édification nationale du Canada », de K.C. Adams, LML 7 mars 2021.


Cet article est paru dans

Volume 51 Numéro 14 - 13 novembre 2021

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