Forum ouvrier

Numéro 37 - 30 avril 2021

Organiser pour obtenir des résultats

Des changements importants aux méthodes de minage : le besoin d'être proactif à la défense des emplois
et de la santé-sécurité

André Racicot est le président de la section locale 9291 du Syndicat des Métallos à la mine Westwood, en Abitibi au Québec.

http://www.cpcml.ca/francais/Images2020/Movement%20Ouvrier/20623-Ensemble%20luttonspoursante-securite-au%20travail-FTQ-ConstructionCr.JPGCe qui me vient à l'esprit c'est l'environnement dans lequel nous opérons qui est celui des mines souterraines, un environnement bien différent de celui des mines à ciel ouvert. Pour être plus précis c'est la question de la stabilité du massif rocheux à l'intérieur des mines souterraines qui nous préoccupe grandement en tant que mineurs. J'ai en tête les effondrements de galeries. Une galerie est un couloir souterrain horizontal qui suit une veine riche en minerai. Il y a aussi les coups de terrain qui sont des amas de roc qui se détachent subitement, et les événements sismiques. Toutes ces choses sont interreliées.

La mine Westwood, dont je représente les travailleurs, est située comme de nombreuses mines d'or en Abitibi le long de la grande faille géologique Cadillac-Larder qui s'étend sur plus de 300 km entre l'Abitibi et l'Ontario. Pour aller extraire le minerai qui contient l'or, il faut creuser un puits et des galeries à de très grandes profondeurs. On parle ici d'environ 2 000 à 3 000 mètres de profondeur.

C'est pour cela qu'à mesure que des mineurs creusent une galerie, ils s'assurent de toujours consolider les murs et le plafond de la paroi rocheuse de la galerie avec des boulons d'ancrage et du treillis métallique. Durant toute cette opération, ils suivent les plans et devis préparés par l'ingénieur de la mine.

Pour excaver une galerie, les mineurs vont forer dans ce qu'on appelle le front de taille, une surface verticale du roc dans laquelle des trous vont être forés pour y déposer ensuite des charges d'explosifs. Lors de ces opérations, les mineurs sondent le roc et sont attentifs aux changements dans les propriétés du roc, ce qui pourrait être le signe d'un danger comme un coup de terrain. Le mineur procède avec une barre d'écaillage pour frapper la paroi rocheuse et, au son, les travailleurs peuvent détecter les roches ou les parties de roches pouvant se détacher.

On entend souvent parler des pressions énormes qui existent en grande profondeur dans les océans. C'est la même chose dans le cas des mines : la roche en profondeur est soumise à d'énormes pressions et toute cette énergie emmagasinée dans la roche peut être relâchée soudainement lorsque les mineurs creusent des tunnels et des galeries pour atteindre une veine qui contient l'or. C'est ce qu'on appelle un coup de terrain lorsque la roche éclate et explose.

À la mine Westwood, nous avons connu 5 coups de terrain majeurs. Lors du plus récent épisode, le 30 octobre dernier, il y a eu trois galeries qui se sont effondrées, le coup de terrain a causé des secousses sismiques d'une amplitude de 3,7 sur l'échelle Richter et un travailleur a été emmuré pendant trente heures.

La santé et la sécurité des travailleurs sont de très grandes préoccupations particulièrement en ce qui concerne les mines souterraines.

Il est certain que les méthodes de minage sont appelées à changer.

Présentement, les compagnies minières parlent de remplacer des équipes dans les galeries par un mineur qui serait placé dans une machine avec une cabine blindée pour ouvrir le front de taille. Je suis d'avis que ce genre d'opération serait dangereux parce que dans une zone sismique je suis loin d'être certain qu'une cabine blindée peut résister à un coup de terrain. De plus en plus, nous, le syndicat et les représentants en prévention, allons nous objecter à faire le travail de cette façon-là. Nous allons revendiquer la téléopération faite à partir de la surface dans les zones sismiques.

Nous revendiquons la réduction de l'exposition des travailleurs. Cela veut dire plus de téléopérations, plus de télécommande à distance pour éviter l'exposition des travailleurs à un risque.

Les compagnies disent qu'il va s'agir d'un transfert d'emplois, que l'emploi sera encore là, mais que les emplois d'opérateurs de machinerie lourde vont être transformés en emplois d'opérateurs en téléopérations. Dans les mines syndiquées, comme la nôtre, nous aurons plus de moyens pour maintenir les emplois. Dans les mines non syndiquées, les employeurs vont organiser pour que ce soit les cadres qui opèrent la téléopération.

http://cpcml.ca/francais/Images2019/Slogans/190525-Montreal-ABI-sign-116cr.jpgNous suivons de près tous ces changements. Nous avons déposé un article réglementaire qui dit que nous demandons que la téléopération soit faite à partir du site minier. Les employeurs soulèvent des oppositions à cela. Ils font valoir que déjà à la mine à ciel ouvert d'Arcelor Mittal à Fermont, sur la Côte-Nord, les immenses camions de 200 tonnes qui transportent le minerai de fer sont sans conducteur et sont télécommandés à distance par des opérateurs dont le poste de travail est situé à Longueuil, à 1 200 km de là. L'opération pourrait bien se faire dans un autre pays, en Inde, en Chine, n'importe où. Nous avons une crainte, parce que si c'est cela qui se passe, comment pouvons-nous garantir que la formation des travailleurs est adéquate ? Il est important que l'opérateur soit sur le site même de la mine afin que la réglementation de santé et sécurité pour laquelle nous avons lutté pendant longtemps avant de l'obtenir soit respectée, sans parler de la réglementation que nous avons réussi à faire mettre en place à la mine. Si on fait une plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), la Commission va nous dire qu'elle n'a pas la juridiction parce que la téléopération est faite dans un autre pays. Nous avons déjà fait parvenir à la CNESST une lettre dans laquelle nous exprimons nos préoccupations face à cette nouvelle situation qui se développe. Jusqu'à maintenant, la CNESST n'a pas daigné nous répondre. Nous voulons faire en sorte qu'avec l'introduction de ces nouvelles technologies, la santé et la sécurité des travailleurs prime avant tout. Nous voulons protéger nos emplois de même que la santé et la sécurité qui est attachée à ces emplois.

Les mineurs doivent avoir la formation professionnelle nécessaire pour faire face à cette nouvelle réalité. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. Le Syndicat des Métallos a fait des représentations à ce sujet pour changer cela. Moi-même je suis actif auprès de la Commission scolaire de Val-d'Or où se donne un Diplôme d'études professionnelles (DEP) en extraction de minerai. Je suis sur son comité consultatif où je les alerte à cette nouvelle situation pour que les jeunes qui seront les futurs mineurs soient formés pour être en mesure de composer avec l'introduction dans les mines de machinerie automatisée et télécommandée.

Un mécanisme essentiel pour faire respecter les normes de santé et sécurité c'est le représentant en prévention. Je le sais pour l'avoir été pendant 25 ans. Nos représentants en prévention sont nommés par les travailleurs. Ils agissent de manière proactive pour faire enquête et détecter les problèmes avant qu'ils deviennent des sources de danger pour les mineurs et ils les défendent lorsque leur santé et sécurité est mise à risque. Leur rôle est appelé à être encore plus important avec les changements qui s'opèrent dans le secteur minier.

Nous sommes devant une nouvelle ère dans les opérations minières qui demande qu'on prépare bien la relève pour défendre les emplois et la santé et la sécurité de tous les travailleurs.

(Photos : FO, FTQ-Construction)

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