Numéro 37 - 30 avril 2021
Organiser pour obtenir des
résultats
Des changements importants aux
méthodes de minage : le besoin d'être
proactif à la défense des emplois
et de la santé-sécurité
- André Racicot -
André Racicot est le président de la section
locale 9291 du Syndicat des Métallos à la
mine Westwood, en Abitibi au Québec.
Ce qui me vient à
l'esprit c'est l'environnement dans lequel nous
opérons qui est celui des mines souterraines, un
environnement bien différent de celui des mines à
ciel ouvert. Pour être plus précis c'est la
question de la stabilité du massif rocheux à
l'intérieur des mines souterraines qui nous
préoccupe grandement en tant que mineurs. J'ai en
tête les effondrements de galeries. Une galerie
est un couloir souterrain horizontal qui suit une
veine riche en minerai. Il y a aussi les coups de
terrain qui sont des amas de roc qui se détachent
subitement, et les événements sismiques. Toutes
ces choses sont interreliées.
La mine Westwood, dont je représente les
travailleurs, est située comme de nombreuses mines
d'or en Abitibi le long de la grande faille
géologique Cadillac-Larder qui s'étend sur plus de
300 km entre l'Abitibi et l'Ontario. Pour aller
extraire le minerai qui contient l'or, il faut
creuser un puits et des galeries à de très grandes
profondeurs. On
parle ici d'environ 2 000 à 3 000
mètres de profondeur.
C'est pour cela qu'à mesure que des mineurs
creusent une galerie, ils s'assurent de toujours
consolider les murs et le plafond de la paroi
rocheuse de la galerie avec des boulons d'ancrage
et du treillis métallique. Durant toute cette
opération, ils suivent les plans et devis préparés
par l'ingénieur de la mine.
Pour excaver une galerie, les mineurs vont forer
dans ce qu'on appelle le front de taille, une
surface verticale du roc dans laquelle des trous
vont être forés pour y déposer ensuite des charges
d'explosifs. Lors de ces opérations, les mineurs
sondent le roc et sont attentifs aux changements
dans les propriétés du roc, ce qui pourrait être
le signe
d'un danger comme un coup de terrain. Le mineur
procède avec une barre d'écaillage pour frapper la
paroi rocheuse et, au son, les travailleurs
peuvent détecter les roches ou les parties de
roches pouvant se détacher.
On entend souvent parler des pressions énormes
qui existent en grande profondeur dans les océans.
C'est la même chose dans le cas des mines :
la roche en profondeur est soumise à d'énormes
pressions et toute cette énergie emmagasinée dans
la roche peut être relâchée soudainement lorsque
les mineurs creusent des tunnels et des
galeries pour atteindre une veine qui contient
l'or. C'est ce qu'on appelle un coup de terrain
lorsque la roche éclate et explose.
À la mine Westwood, nous avons connu 5 coups
de terrain majeurs. Lors du plus récent épisode,
le 30 octobre dernier, il y a eu trois
galeries qui se sont effondrées, le coup de
terrain a causé des secousses sismiques d'une
amplitude de 3,7 sur l'échelle Richter et un
travailleur a été emmuré pendant trente heures.
La santé et la sécurité des travailleurs sont de
très grandes préoccupations particulièrement en ce
qui concerne les mines souterraines.
Il est certain que les méthodes de minage sont
appelées à changer.
Présentement, les compagnies minières parlent de
remplacer des équipes dans les galeries par un
mineur qui serait placé dans une machine avec une
cabine blindée pour ouvrir le front de taille. Je
suis d'avis que ce genre d'opération serait
dangereux parce que dans une zone sismique je suis
loin d'être certain qu'une cabine blindée peut
résister
à un coup de terrain. De plus en plus, nous, le
syndicat et les représentants en prévention,
allons nous objecter à faire le travail de cette
façon-là. Nous allons revendiquer la téléopération
faite à partir de la surface dans les zones
sismiques.
Nous revendiquons la réduction de l'exposition
des travailleurs. Cela veut dire plus de
téléopérations, plus de télécommande à distance
pour éviter l'exposition des travailleurs à un
risque.
Les compagnies disent qu'il va s'agir d'un
transfert d'emplois, que l'emploi sera encore là,
mais que les emplois d'opérateurs de machinerie
lourde vont être transformés en emplois
d'opérateurs en téléopérations. Dans les mines
syndiquées, comme la nôtre, nous aurons plus de
moyens pour maintenir les emplois. Dans les mines
non
syndiquées, les employeurs vont organiser pour que
ce soit les cadres qui opèrent la téléopération.
Nous
suivons de près tous ces changements. Nous avons
déposé un article réglementaire qui dit que nous
demandons que la téléopération soit faite à partir
du site minier. Les employeurs soulèvent des
oppositions à cela. Ils font valoir que déjà à la
mine à ciel ouvert d'Arcelor Mittal à Fermont, sur
la Côte-Nord, les immenses camions
de 200 tonnes qui transportent le minerai de
fer sont sans conducteur et sont télécommandés à
distance par des opérateurs dont le poste de
travail est situé à Longueuil, à 1 200
km de là. L'opération pourrait bien se faire dans
un autre pays, en Inde, en Chine, n'importe où.
Nous avons une crainte, parce que si c'est cela
qui se
passe, comment pouvons-nous garantir que la
formation des travailleurs est adéquate ? Il
est important que l'opérateur soit sur le site
même de la mine afin que la réglementation de
santé et sécurité pour laquelle nous avons lutté
pendant longtemps avant de l'obtenir soit
respectée, sans parler de la réglementation que
nous avons réussi à faire
mettre en place à la mine. Si on fait une plainte
à la Commission des normes, de l'équité, de la
santé et de la sécurité du travail (CNESST), la
Commission va nous dire qu'elle n'a pas la
juridiction parce que la téléopération est faite
dans un autre pays. Nous avons déjà fait parvenir
à la CNESST une lettre dans laquelle nous
exprimons nos
préoccupations face à cette nouvelle situation qui
se développe. Jusqu'à maintenant, la CNESST n'a
pas daigné nous répondre. Nous voulons faire en
sorte qu'avec l'introduction de ces nouvelles
technologies, la santé et la sécurité des
travailleurs prime avant tout. Nous voulons
protéger nos emplois de même que la santé et la
sécurité qui est
attachée à ces emplois.
Les mineurs doivent avoir la formation
professionnelle nécessaire pour faire face à cette
nouvelle réalité. Pour l'instant, ce n'est pas le
cas. Le Syndicat des Métallos a fait des
représentations à ce sujet pour changer cela.
Moi-même je suis actif auprès de la Commission
scolaire de Val-d'Or où se donne un Diplôme
d'études professionnelles
(DEP) en extraction de minerai. Je suis sur son
comité consultatif où je les alerte à cette
nouvelle situation pour que les jeunes qui seront
les futurs mineurs soient formés pour être en
mesure de composer avec l'introduction dans les
mines de machinerie automatisée et télécommandée.
Un mécanisme essentiel pour faire respecter les
normes de santé et sécurité c'est le représentant
en prévention. Je le sais pour l'avoir été
pendant 25 ans. Nos représentants en
prévention sont nommés par les travailleurs. Ils
agissent de manière proactive pour faire enquête
et détecter les problèmes avant qu'ils deviennent
des sources de
danger pour les mineurs et ils les défendent
lorsque leur santé et sécurité est mise à risque.
Leur rôle est appelé à être encore plus important
avec les changements qui s'opèrent dans le secteur
minier.
Nous sommes devant une nouvelle ère dans les
opérations minières qui demande qu'on prépare bien
la relève pour défendre les emplois et la santé et
la sécurité de tous les travailleurs.
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