Le droit au logement durant la pandémie

La criminalisation des sans-abri doit cesser!

Malgré les efforts des défenseurs des sans-abri et des personnes mal logées, des dizaines de personnes à Vancouver vivent toujours dans des campements de fortune et continuent d'être constamment menacées d'expulsion par les autorités. Le 8 mai, le plus grand de ces campements, situé au parc Oppenheimer, a été vidé et ceux qui n'ont pu obtenir un logement ont installé un nouveau camp au parc CRAB sur la propriété de l'autorité portuaire de Vancouver-Fraser, un organisme fédéral. Le 10 juin, l'autorité portuaire a fait une demande d'injonction pour expulser les campeurs, laquelle a été appliquée le 16 juin, après que les campeurs eurent déjà essayé de se conformer à l'injonction en se déplaçant du parc vers une aire de stationnement voisine.

Aux premières heures du 16 juin, la police de Vancouver a exécuté l'injonction du tribunal, arrêtant, sous des accusations d'outrage civil, 46 personnes qui ont refusé de partir. La police a saisi leurs tentes et leurs biens. Plus de 100 campeurs, dont beaucoup sont des autochtones et beaucoup ont de graves problèmes de santé, ont été contraints de tout déplacer pour une troisième fois en moins de deux mois. Le camp a maintenant été établi au parc Strathcona, à Vancouver Est.

Les campeurs ont dit à CBC News qu'ils n'avaient reçu aucune directive de la part de la police ou d'autres responsables quant à l'endroit où ils devaient se rendre ensuite. L'un d'eux a déclaré : « Nous n'avons nulle part où aller, nous allons donc trouver un endroit où aller et nous y irons. Nous sommes des itinérants, mais nous ne sommes pas impuissants. »

Au camp, les gens peuvent s'occuper les uns des autres, organiser des services alimentaires et un soutien médical et sont plus en sécurité que dans certains abris et autres logements temporaires dans lesquels ils peuvent être isolés et doivent vivre dans des conditions insalubres. Ceux qui vivent encore dans des camps sont ceux à qui aucun logement adéquat n'a été proposé.

Le jour de l'expulsion, CBC News a interviewé Elizabeth Ramsden, une infirmière qui travaille dans la communauté, à propos de ce qui s'était passé. Elle a dit : « Je pense que c'est odieux. J'en ai le souffle coupé de voir que, pendant une pandémie, c'est la réponse qu'on veuille donner. Nous avons [ici] des paramédics, nous avons des services de restauration 24 heures sur 24 et vous voulez démolir ça sans avertissement, sans logement, sans plan ? » Elle a expliqué qu'elle avait elle-même quitté son emploi pour venir soigner les personnes du camp « parce que les gens ont besoin de soins médicaux. Il est très important pour ces personnes d'avoir une forme de filet social et personne ne les rejoint ici parce que cela a été jugé dangereux. C'est un espace organisé par la communauté. » Elle a également souligné qu'il n'y a eu aucun avertissement avant le raid qui a eu lieu tôt le matin et aucun soutien sur place pour aider les personnes à trouver un logement.

L'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique (UBCIC) a publié le même jour une déclaration dénonçant l'action de la police. Le grand chef Stewart Phillip, président de l'UBCIC, a déclaré que la descente de police « a créé une situation dangereuse. Si le gouvernement provincial s'était engagé à prévenir les expulsions de locataires pendant la pandémie, le Service de police de Vancouver a saisi l'occasion pour expulser certains des résidents les plus vulnérables du centre-ville de Eastside, dont beaucoup sont des survivants du génocide autochtone qui se poursuit. Les résidents ont reçu un bout de papier sur lequel étaient inscrits quelques numéros de téléphone pour trouver des logements, mais le problème est que, comme nous le comprenons, aucun logement n'est disponible pour le moment. Où sont-ils censés aller ? »

Le commissaire de la société des parcs, John Irwin, a déclaré à l'animateur de l'émission Early Edition de la CBC, Stephen Quinn : « Nous ne faisons que déplacer les gens alors qu'ils devraient vraiment être logés. Nous devons nous attaquer au problème. » Il a dit qu'il y avait beaucoup de chambres d'hôtel vides à cause de la crise de la COVID-19 et que la ville a le pouvoir d'obliger les hôtels à fournir plus de logements temporaires, mais ne l'a pas fait. Shane Simpson, ministre provincial du Développement social et de la Réduction de la pauvreté, a déclaré à Early Edition que « certains ne veulent pas emménager dans des logements temporaires ». Fionna Yorke du comité d'action Carnegie a expliqué que les gens se sentent souvent plus en sécurité dans les tentes que dans les refuges où ils doivent partager les toilettes, ne sont pas autorisés à avoir des invités ou à vivre avec leur partenaire, ne peuvent pas avoir d'animaux domestiques et sont isolés.

Le maire de Vancouver, Kennedy Stewart, appelle le gouvernement fédéral à « intensifier » et à appuyer les plans déjà en place pour construire des logements pour les sans-abri et les mal-logés. « La seule façon de mettre fin à l'itinérance est de construire des logements, de ne pas expulser les sans-abri sans un plan où aller. Si Ottawa venait s'asseoir avec nous, nous pourrions augmenter considérablement le nombre de logements que nous pouvons fournir. » Une réunion à Stewart, en Colombie-Britannique, entre la ministre du Logement, Selina Robinson, et le ministre fédéral des Familles, des Enfants et du Développement social, Ahmed Hussen, est prévue pour la semaine suivante.

La crise du logement en Colombie-Britannique est antérieure à la pandémie. La lettre du 9 avril de quatre organisations de la Colombie-Britannique qui plaident en faveur des sans-abri décrit les mesures concrètes qui doivent être prises pour fournir un logement dans ces conditions[1]. Les gouvernements à tous les niveaux, les agences sociales et les forces de police sont tous parfaitement conscients du danger pour les sans-abri et les communautés en raison des conditions qui favorisent la propagation rapide du virus, sans mentionner d'autres conséquences de la pandémie et du confinement, dont une augmentation massive en mai des décès par surdose en Colombie-Britannique.

Dans les conditions où une crise de l'itinérance et des conditions de vie précaires est aggravée par la pandémie, on serait en droit de s'attendre à ce que tous les politiciens conviennent que le logement est un droit. Tandis que les politiciens s'accusent et se relancent la balle, des travailleurs comme l'infirmière citée ci-dessus offrent leurs services de façon désintéressée. Le blocage au progrès est l'économie contrôlée par des intérêts privés étroits où les gouvernements à tous les niveaux reconnaissent uniquement les réclamations des riches, y compris celles des promoteurs et des spéculateurs fonciers. Une nouvelle direction prosociale de l'économie est nécessaire où ce sont les travailleurs qui auront le pouvoir de décider.

Note

1. Voir « Un appel à une action immédiate pour loger tous les résidents de la Colombie-Britannique non logés », Forum ouvrier, 17 avril 2020


Cet article est paru dans

Numéro 44 - Numéro 44 - 25 juin 2020

Lien de l'article:
Le droit au logement durant la pandémie: La criminalisation des sans-abri doit cesser! - Brian Sproule et Barbara Biley


    

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