Entrevue avec Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)
Les travailleurs et les travailleuses de la
santé
et des services sociaux expriment de sérieuses
critiques face aux
mesures prises ou non prises par le gouvernement
et la ministre de la
Santé dans le cadre de la lutte pour freiner et
vaincre la pandémie de
la COVID-19. Par exemple, ils critiquent les
mesures prises dans
l'arrêté ministériel du 4 avril, notamment
sur la question des
primes octroyées aux travailleurs et
travailleuses du secteur. Voici
une entrevue réalisée le 6 avril par Forum
ouvrier avec
Jeff Begley, le président de la Fédération de la
santé et des services
sociaux (FSSS-CSN), dans laquelle il nous donne
le point de vue de la
fédération sur ces questions.
Forum ouvrier : Selon la
FSSS-CSN,
l'arrêté ministériel du 4 avril n'est pas à
la hauteur des
attentes des travailleurs et des travailleuses de
la santé et des
services sociaux. Peux-tu nous en dire plus ?
Jeff Begley : Cela ne répond
pas à
nos attentes, d'abord en ce qui concerne les
primes. Tous les employés
dans le réseau de la santé et des services sociaux
reçoivent une prime
de 4 %, et les personnes qui se
retrouvent dans des unités où
la COVID-19 est active reçoivent 8 %. Nous ne
sommes pas d'accord
avec cette approche à deux vitesses. C'est
l'ensemble des salarié-es du
réseau de la santé et des services sociaux qui
sont sous pression de
façon continuelle durant cette crise, et ce, dans
tous les titres
d'emploi. La prime devrait être la même pour tout
le monde. Selon nous,
les primes sont un geste important pour démontrer
qu'on reconnaît que
les travailleurs et travailleuses sont aux
premières lignes et qu'ils
font leur devoir avec brio. Ce n'est pas cela qui
va faire en sorte
qu'on surmonte cette crise tous ensemble, mais
c'est un geste de
reconnaissance important.
Nous ne sommes pas d'accord non plus que la prime
soit
déterminée en pourcentage. Nous avons revendiqué
une prime
de 3 $ de l'heure pour tout le monde. Si
on prend les plus
hauts salariés du personnel du réseau, une prime
de 8 % va
représenter environ 4,50 dollars de l'heure.
Tandis que pour les
plus bas salariés, comme les travailleurs
d'entretien et les préposés
aux bénéficiaires, cela va représenter
environ 1,60 $ dollar
de l'heure. Pourtant ils travaillent dans la même
chambre, ils
travaillent ensemble, le risque est le même pour
les deux. Selon nous,
ce serait mieux de donner une prime qui est un
montant fixe, mais le
gouvernement en a décidé autrement.
L'autre grand problème, qui est primordial, c'est
celui
des équipements de protection. Nous reconnaissons
qu'il fallait
réorganiser tout le réseau en quelque jours.
C'était une tâche
colossale. C'est clair qu'on n'était pas préparé
pour une crise comme
cela, comme on aurait dû l'être. On doit en tirer
des leçons pour
l'avenir. Dans les urgences, dans les unités
réservées pour la COVID,
on a le matériel nécessaire en ce moment. Le
problème était dans les
CHSLD, nous n'étions pas prêts. Encore
aujourd'hui, il reste des
centres où on n'a pas encore tout le matériel
nécessaire. À cause de
cela, il y a du personnel qui contracte le virus,
qui le donne à leur
famille, à d'autres membres du personnel et aux
personnes âgées qui
sont vulnérables. Il y a du rattrapage qui se fait
en ce moment, mais
dans les semaines passées c'était un sérieux
problème.
FO : La FSSS a présenté cinq
principales revendications au gouvernement. Est-ce
que ces
revendications ont été satisfaites ?
JB : Au moment où on se parle,
pas du
tout. Il n'y a eu aucune écoute jusqu'à
maintenant. Nos cinq
revendications sont : les uniformes fournis
et entretenus, la
limitation des déplacements entre les sites ;
le maintien de
l'ensemble de la rémunération à l'occasion de
déplacement ; le
maintien de la rémunération dans les situations
d'isolement ; la
mise en place d'un système de transport
sécuritaire afin de limiter la
propagation.
Par exemple, de nombreux bas salariés n'ont pas
les
moyens de payer les frais de stationnement des
établissements. Ils
prennent le transport en commun ou font du
covoiturage. Nous avons
demandé qu'en cette période de pandémie, où garder
les distances entre
les personnes est plus important que jamais, les
frais de stationnement
soient éliminés pour la période d'urgence
sanitaire. Il y a des
institutions qui de leur propre chef l'ont fait.
Nous avons demandé que
le gouvernement le décrète partout. Il n'a pas
accepté. Aussi, ce ne
sont pas tous les employés qui ont une voiture.
Nous avons demandé que
les employeurs prennent des contrats avec des
entreprises de taxis,
afin qu'aux changements de quarts de travail, des
taxis amènent et
ramènent les employés/es, aux frais des
employeurs. Cela n'a pas été
retenu.
Nous devons nous assurer que les gens qui sont en
isolement soient payés comme s'ils étaient au
travail. Cette mesure
existe, mais ce n'est pas égal partout, ce n'est
pas appliqué partout.
Le gouvernement ne donne pas de directive pour
l'ensemble du réseau. Il
faut qu'il le fasse.
Nous demandons aussi que pendant l'urgence
sociale,
comme nous avons des buanderies partout qui ont
une capacité assez
importante, qu'on permette aux gens de laisser
leurs uniformes au
travail quand ils terminent leur quart de travail.
Ils seraient donc
lavés, entretenus, selon les règles de l'art.
C'est une mesure
sécuritaire pour éviter que les employés/es,
advenant qu'ils
contractent le virus, le ramènent à la maison. Le
ministère dit qu'il
va le faire quand c'est possible, mais nous
demandons que la directive
soit donnée pour tout le réseau.
Il y a une amélioration en ce qui concerne la
limitation
des déplacements entre les sites. C'est
particulièrement important pour
les CHSLD, car les personnes âgées sont très
vulnérables. Les mesures
de limitation de déplacement entre les sites
doivent comprendre tout le
monde, y compris les temps partiels, les
occasionnels et les gens sur
les listes de rappel.
Face à toutes ces demandes, rien n'est accepté.
Le
gouvernement ne dit pas qu'il les refuse. Il dit
qu'il va laisser les
employeurs gérer les mesures. Nous voulons qu'il
décrète ces mesures
pour l'ensemble du réseau.
Le plus important dans tout cela, c'est la santé
et la
sécurité. Comme nos membres sont aux premières
lignes, c'est dans une
proportion disproportionnée par rapport à
l'ensemble de la population
qu'ils contractent le virus. Nous demandons que le
nombre des tests de
dépistage de la maladie soit augmenté dans tout le
réseau.
En conclusion, je tiens à exprimer ma plus grande
admiration pour tout le personnel du réseau. Les
employés/es
considèrent que c'est leur mission de protéger la
population, Mais pour
que cela soit possible, il faut que les conditions
de travail existent
au niveau requis.
Cet article est paru dans
Numéro 19 - 7 avril 2020
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