Les travailleurs continuent de s'opposer aux changements dans la formation des grutiers qui mettent en danger leur sécurité et celle du public
Cela fait maintenant plus d'un an que le gouvernement
du Québec et la Commission de la construction du Québec
(CCQ) ont aboli arbitrairement le caractère obligatoire du
Diplôme d'études professionnelles (DEP) des grutiers et
l'ont remplacé par un programme très inférieur de
formation en entreprise. Les grutiers et les travailleurs de la
construction ont donné de solides arguments contre ce changement
dès qu'il a été annoncé. Leurs arguments
scientifiques et organisationnels sont tombés dans l'oreille
d'un sourd parce que les grandes entreprises de la construction veulent
ce changement pour servir leurs intérêts privés
étroits, sans égard aux dangers qu'il comporte.
Les travailleurs de la construction protestent
contre la négligence de
la CCQ en matière de santé et de sécurité
suite à un incident
impliquant une grue.
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Afin d'assurer leur sécurité et celle du
public, les travailleurs de la construction n'ont pas abandonné
leur opposition à ce changement régressif et demandent au
gouvernement du Québec de rétablir immédiatement
le caractère obligatoire du DEP. Ils mènent la lutte
devant le tribunal de l'opinion publique par le biais de leur site Web
et en
parlant à tous les médias qui sont prêts à
les écouter. Ils ont deux grandes revendications, qu'ils
demandent au
gouvernement de la Coalition Avenir Québec de satisfaire pour le
bien du public.
1) que la nouvelle réglementation soit
retirée et que la formation professionnelle obligatoire des
grutiers soit maintenue ;
2) qu'une table de concertation soit créée
qui comprend toutes les parties concernées, dont les enseignants
qui fournissent la formation professionnelle, pour étudier les
problèmes relatifs au secteur des grutiers et à la
sécurité sur les chantiers de construction.
À la fin avril 2018, le gouvernement du
Parti libéral a aboli le caractère obligatoire du
Diplôme d'études professionnelles (DEP), sans le
consentement ou la contribution des grutiers, des syndicats de la
construction ou des enseignants qui donnent la formation
professionnelle. Le DEP menant au métier de grutier
comprend 870
heures de formation pratique dans une institution d'enseignement
professionnel. Le gouvernement a rendu ce diplôme facultatif. Il
a instauré un programme de formation en entreprise de
seulement 150 heures, qui est fourni et géré par les
entreprises de la construction. Le gouvernement et la CCQ ont aussi
remplacé l'enseignement et le
diplôme professionnel par un cours de 80 heures pour les
camions-flèches d'une capacité maximale de 30
tonnes. C'est justement ce type de grues qui versent le plus et qui
causent le plus de dommages.
Les grutiers ont refusé d'accepter sans mot dire
cette attaque contre leur droit d'avoir un mot décisif à
dire et ils ont mené une lutte sans relâche contre la
nouvelle réglementation. Ils ont notamment fait le geste
audacieux de ne pas se présenter au travail pendant environ une
semaine en juin 2018. En réponse à cela, le
gouvernement a
mis sur un pied un comité d'experts pour étudier la
nouvelle réglementation, qui a remis son rapport en
mars 2019. Tout en reconnaissant que la formation réduite
en entreprise est inférieure à la formation
professionnelle donnée par des enseignants dans une institution
d'enseignement, le comité d'experts a proposé que la
formation
professionnelle soit une « référence »
et non une exigence. Il a pris pour acquis que la formation en
entreprise est là pour rester, et a recommandé des
modifications mineures. [1]
En entrevue télévisée au
réseau TVA à la fin du mois de mai, le président
de l'Union des opérateurs grutiers, Evans Dupuis, a
présenté le point de vue du syndicat : « Ce
n'est pas réglé encore après un an maintenant que
le nouveau règlement est en vigueur. Depuis un an, on a
promulgué une formation en entreprise alors n'importe qui
peut entrer dans l'industrie de la construction en ayant uniquement une
formation en entreprise. En ce qui concerne l'activité des
camions-flèches on a sorti cette petite grue de la norme pour
permettre à n'importe qui de l'opérer. C'est ce qu'on
dénonce depuis le début.
« Pour donner un exemple concret, depuis qu'on a
créé le DEP, on a diminué de 66 % le
nombre d'accidents mortels dans le métier de grutiers. Le DEP a
fait ses preuves. Ce qu'on attend c'est que le nouveau gouvernement
prenne une décision qui va respecter la santé et la
sécurité et qu'on va s'assurer qu'on ait une formation
adéquate pour le métier de grutier. »
En ce qui concerne la recommandation du comité de
donner une formation initiale de trois semaines préalablement
à la formation en entreprise, l'Union des opérateurs
grutiers ne l'appuie pas parce qu'elle n'est pas adéquate et ne
se compare en rien avec la formation professionnelle actuelle
de 870 heures menant à un diplôme.
De plus, les grutiers et leur syndicat rejettent sur une
base de principe l'argument des entreprises de la construction et du
gouvernement qu'un abaissement des normes de sécurité est
justifiable à cause d'une pénurie de main-d'oeuvre dans
le secteur de la construction. Ils soulignent qu'il existe des moyens
de combler les besoins de
main-d'oeuvre sans abaisser les normes de la formation et mettre en
danger la vie et le bien-être des travailleurs et du public. Par
exemple, on peut augmenter les inscriptions à la formation
professionnelle, accepter plus de candidats
qui auront l'occasion de devenir grutiers. Cela a été
fait dans le passé, disent-ils, mais en 2015 les inscriptions
ont été diminuées.
Les grutiers rappellent qu'il fut un temps où le
gouvernement avait éliminé le cours de conduite
obligatoire
pour la conduite d'un véhicule au Québec. Le cours
obligatoire a été rétabli rapidement parce que le
nombre de morts sur la route a augmenté. Ils soulignent que
c'est le même principe qui doit s'appliquer dans le métier
de grutier pour
éviter l'augmentation des accidents et des décès
sur les chantiers de construction. Le gouvernement du Québec
doit écouter ceux qui font le travail et leurs syndicats et
rétablir immédiatement la formation professionnelle
obligatoire de 870 heures pour devenir grutier.
Note
1. Pour un examen du rapport du
comité d'experts, lire « Le rapport
du comité d'experts ne respecte pas les revendications de
sécurité de ceux qui font le travail », Pierre
Chénier, dans le numéro du 18 avril 2019 de Forum
ouvrier
(Photos: FTQ
Construction)
Cet article est paru dans
Numéro 23 - 27 juin 2019
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