Un geste inacceptable du gouvernement pour imposer aux travailleurs d'ABI les concessions demandées par Alcoa

Le 17 avril dernier, le ministre québécois du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, a remis une hypothèse de règlement et un protocole de retour au travail à la direction de l'Aluminerie de Bécancour inc. (ABI) et à la section locale 9700 du Syndicat des Métallos qui représente les travailleurs d'ABI. Il a présenté sa proposition bien qu'il sache très bien que les travailleurs d'ABI ont rejeté massivement une proposition presque identique il y a quelques semaines. On est en droit de présumer que le gouvernement du Québec est engagé dans une guerre d'information contre les travailleurs de l'aluminerie pour le compte d'Alcoa et qu'il cherche à justifier son refus de forcer le monopole à payer le montant prévu par son contrat hydroélectricité avec Hydro-Québec pendant ce long lockout et à conclure un accord négocié avec les travailleurs que ceux-ci jugent acceptable.

Par cette manoeuvre trompeuse, le gouvernement semble se faire le partenaire d'Alcoa et de son lockout injuste de 16 mois pour imposer des concessions aux travailleurs qui vont briser le syndicat et nuire sérieusement au bien-être de leur communauté. Cette duplicité a été confirmée quelques jours plus tard lorsque la direction d'ABI a accepté l'hypothèse de règlement en tant que « cadre de travail » pour en arriver à une entente finale, mettre fin au lockout, et redémarrer l'usine.

La section locale 9700 des Métallos a dénoncé l'hypothèse de règlement comme étant un « copier-coller de la dernière offre de l'employeur rejetée par nos membres », le 11 mars dernier. Comme il l'avait fait de l'offre d'Alcoa, la section locale 9700 considère la proposition du gouvernement comme une attaque inacceptable sur les enjeux principaux de l'organisation du travail, des horaires de travail, du régime de retraite, du respect de l'ancienneté, du recours à la sous-traitance et des abolitions de postes. Le syndicat a déclaré qu'il va informer ses membres du contenu de l'hypothèse mais n'organisera pas d'assemblée générale avec la tenue d'un vote sur quelque chose que les travailleurs ont déjà rejeté à 82 % dans une réunion, avec un taux de participation au vote de 90 % des membres.

Suite à l'assemblée générale du 11 mars et au vote de rejet de l'offre semblable d'Alcoa et de son protocole de retour au travail, le président de la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, Clément Masse, avait fait les commentaires suivants à Forum ouvrier, qui semblent très bien s'appliquer au contenu de l'hypothèse sans valeur du gouvernement :

« Les travailleurs ont dit que ce n'est pas une entente négociée et que si on accepte une entente comme celle-là, c'est comme dire qu'on n'a plus de syndicat. L'employeur va faire ce qu'il veut. L'entente que l'employeur a présentée démontre un manque de respect pour nous et c'est la même chose en ce qui concerne le protocole de retour au travail. Nous avons bâti notre syndicat et nous avons bâti notre convention au cours de toutes ces années-là, ce n'est pas vrai qu'on va tout perdre parce que l'employeur veut casser le syndicat. C'est ce qui est ressorti des interventions au micro. Qu'on est capable de se tenir debout et ce n'est pas vrai qu'on va accepter n'importe quoi même après 14 mois. Ce n'est pas vrai que l'employeur va nous imposer sa façon de faire. Il va devoir s'asseoir et négocier dans le respect des travailleurs. Les travailleurs ont aussi tapé sur le clou de l'entente énergétique avec Alcoa qui nous nuit et ne fait rien que prolonger le conflit. »

Le président du syndicat avait réitéré sa position dans un communiqué publié par le Syndicat des Métallos dans la soirée du 11 mars.

« Cette offre est une série de reculs. ABI ne voulait pas négocier, ne voulait pas d'un arbitrage neutre et comptait imposer en misant sur l'épuisement de 14 mois de lockout. La réponse des membres est claire : ça ne passe pas. Ils ne veulent pas rentrer à genoux. Alcoa méprise le Code du travail en négociant de mauvaise foi, méprise les Québécois en leur faisant payer pour son lockout et méprise les travailleurs en fermant la porte à la négociation et à l'arbitrage. Le gouvernement du Québec doit intervenir. Le déséquilibre des forces est inacceptable tout comme le comportement de cette multinationale. »


Cet article est paru dans

Numéro 15 - 2 mai 2019

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