68e anniversaire de l’assaut de Moncada
26 juillet 1953
Un événement qui a changé le cours de l’histoire
– Granma –
Le 26 juillet 1953, l’attaque de la caserne Moncada à Santiago a ouvert une nouvelle étape dans la lutte de libération nationale de Cuba, qui s’est terminée par le triomphe de la Révolution le 1er janvier 1959.
Deux pièces, l’une servant de salon et de salle à manger et l’autre de chambre à coucher, plus une minuscule salle de bain et une cuisine, formaient l’appartement 603 de l’immeuble du 164, 25e rue, entre O et Infanta, dans le quartier de Vedado de La Havane, où la planification des actions armées qui eurent lieu le 26 juillet 1953 à commencé.
Ce jour là, la caserne Moncada à Santiago de Cuba et la caserne Carlos Manuel de Céspedes à Bayamo, toutes deux situées dans l’est de l’île, ont été attaquées par des rebelles dans le but de s’emparer d’armes pour poursuivre la lutte contre le gouvernement dictatorial de Fulgencio Batista, qui avait plongé le pays dans le chaos politique, social et économique.
Abel Santamaria Cuadrado, l’un des jeunes qui s’était joint à la cause, vivait dans cet appartement et travaillait pour un concessionnaire automobile. Il l’avait loué en janvier 1952, car cet appartement était proche de son lieu de travail et avait invité sa soeur Haydée à venir vivre avec lui.
C’est l’histoire que nous a racontée l’historienne Seriozha Mora Candebat, au Musée Casa Abel Santamaria. Elle fait enquête sur les idées et la conduite révolutionnaires de ce jeune patriote, né le 20 octobre 1927 dans la municipalité d’Encrucijada dans la province de Villa Clara.
![]() Le jeune Fidel Castro Ruz et Abel Santamaría Cuadrado, dirigeants du mouvement révolutionnaire naissant |
Abel s’est installé dans la capitale en 1947, dans l’intention de devenir un professionnel. Il avait remporté un concours pour s’inscrire dans une école de commerce et poursuivait en même temps ses études pour obtenir son diplôme de fin d’études secondaires. Il a trouvé du travail comme assistant administratif chez Ariguanabo Textiles, puis chez le concessionnaire Pontiac, où il était responsable de la caisse et de la comptabilité. Il adhère au Parti orthodoxe, qui aurait pu gagner les élections, si cette avenue n’avait pas été éliminée par le coup d’État de Batista le 10 mars 1952.
Abel Santamaria, comme beaucoup de jeunes de l’époque, a manifesté son indignation face à ces événements anticonstitutionnels, et sa rencontre avec le jeune avocat Fidel Castro – au cimetière de Colon – a scellé son engagement dans l’action.
C’est le 1er mai 1952 que, après avoir assisté à une commémoration en l’honneur du révolutionnaire cubain Carlos Rodriguez, qui avait joué un rôle remarquable dans les années de la république néocoloniale, les deux hommes se rencontrent et deviennent rapidement des amis engagés dans la lutte pour le changement social à Cuba.
Dans les jours qui ont suivi, Fidel se rendit plusieurs fois à l’appartement et l’organisation d’un mouvement commença – connu plus tard sous le nom de Mouvement du 26 juillet (M-26-7). Sur la base de considérations, d’analyses et des différentes propositions faites lors de ces réunions, il a été convenu qu’il était nécessaire de prendre les armes pour renverser Fulgencio Batista, qui s’était emparé du pouvoir par la violence.
« Fidel appréciait l’intimité de l’immeuble. Le silence y régnait et les voisins étaient tranquilles. De plus, c’était un endroit sûr, avec deux portes d’accès, une sur la 25e rue et une autre sur O, ce qui facilitait les réunions, les contacts et les conspirations. Parmi ceux qui venaient fréquemment ici, il y avait Jésus Montané Oropesa, Melba Hernandez, Raul Martinez Arara, Nico Lopez, Boris Luis Santacoloma, Raul Gomez Garcia, et d’autres jeunes de Pinar del Río et d’Artemisa, qui allaient plus tard sacrifier leur vie à Santiago de Cuba », explique l’historienne.
Lors d’un voyage à Biran, où se trouve la maison de la famille Castro dans la province orientale de Holguin, Fidel et Abel discutent des plans de l’action armée. Ils décident de prendre la caserne de Santiago de Cuba, où est stationné le régiment le plus important de la partie orientale du pays, avec 909 hommes armés. Les assaillants rebelles n’étaient que 160, dont deux femmes, Melba Hernandez et Haydée Santamaria.
![]() Fidel avec Nico Lopez, Abel Santamaría et José Luis Tassende à Finca Santa Elena, à Los Palos, où ils se sont entraînés au tir avant d’attaquer la caserne Moncada. Agenouillés de gauche à droite : Ernesto Tizol et Billy Gascon. Cette photo historique est exposée au musée Casa Abel Santamaria à La Havane. |
« Les jours précédant l’assaut, l’appartement de La Havane était très calme et les réunions étaient réduites. La discrétion était primordiale, pour tromper les agents de renseignement de la dictature. Le 7 juillet, Fidel a envoyé Abel à Santiago. Il était chargé de mettre au point les détails avec Santiagan Renato Guitar, dans la maison Villa Blanca de la petite ferme de Siboney, d’où ils partiraient pour atteindre leurs objectifs militaires la nuit du 25 juillet, à l’aube du 26 juillet », explique Seriozha Mora.
Auparavant, d’autres lieux de rencontre avaient été établis dans la capitale, comme le 107 de la rue Jovellar, la maison de Melba Hernandez, le bar Mi Tio, à l’intersection de la rue Infanta et de la 23e rue, une maison dans la municipalité de Marianao et le plus souvent utilisé, l’immeuble du 910 de la 11e rue, où vivait Natalia Revuelta, une grande collaboratrice qui avait pour instruction de diffuser les nouvelles de l’assaut une fois la victoire remportée.
La nuit du 24 juillet 1953, Fidel a fermé l’appartement de la 25e rue et est parti écrire l’histoire. Après l’échec de l’assaut, Abel Santamaria a été fait prisonnier à l’hôpital Saturnino Lora de Santiago. Il a été sauvagement torturé puis assassiné. Ses tortionnaires lui ont arraché les yeux et les ont montrés à sa soeur Haydée, pensant pouvoir la faire parler. Quelques jours plus tard, les services de renseignements de la dictature ont perquisitionné l’appartement du 25, à la recherche de preuves, mais n’ont rien trouvé.
En août, la mère d’Abel, Joaquina Cuadrado, et sa soeur Aida ont retiré les affaires d’Abel et de Haydée de l’appartement de La Havane afin que les propriétaires puissent le louer à une autre famille. Après le triomphe de la Révolution en 1959, Haydée Santamaria, alors directrice de la Casa de las Américas (La Maison des Amériques), a raconté les jours qu’elle a vécus avec son frère dans l’appartement lors de conversations avec des artistes et des intellectuels, et l’idée d’en faire un musée est née.
Le 9 juin 1973, l’appartement a été inauguré en tant qu’institution affiliée au Conseil national de la culture, puis au ministère de la Culture. En raison de sa place dans l’histoire de Cuba, l’endroit a été désigné monument national en 1980, et est aujourd’hui visité par de nombreuses personnes intéressées par l’histoire de l’assaut de Moncada.
Le 24 juillet 1953, José Ramon Martinez Alvarez a embrassé sa mère en disant qu’il allait à la plage de Varadero. Comme lui, de nombreux autres jeunes hommes d’Artemisa, au sud-ouest de La Havane, ont dit au revoir à leur famille et sont partis pour Santiago de Cuba.
Fidel avait confié à José Suarez Blanco (Pepe), membre de la direction nationale du Parti orthodoxe, la mission d’établir le Mouvement du 26 juillet à Artemisa, où ses années de travail lui avaient permis de réunir des ressources financières, de recruter des membres et de commencer à réfléchir au programme qui serait appliqué après la victoire. C’est Fidel lui-même qui a expliqué à ce groupe, lors d’une réunion en 1952, les éléments les plus importants du changement radical nécessaire à Cuba, qui portait sur des questions comme la réforme agraire, l’industrialisation, le logement, le chômage, l’éducation et la santé.
En même temps que le mouvement était consolidé, la nécessité inévitable d’une action armée devenait évidente. L’entraînement au tir dans les fermes voisines s’est intensifié, les réunions sont devenues plus discrètes et les armes ont été entreposées dans des grottes près des maisons. Avec le temps, le travail du groupe Artemisa devint mieux organisé et plus discipliné. C’est ainsi que ses membres ont mérité leur participation à l’attaque de Santiago.
Les 28 jeunes hommes d’Artemisa, parmi lesquels le Commandant de la Révolution Ramiro Valdés Menendez, quittèrent leur ville natale pour Moncada.
En 2014, Ramiro Valdés, lors de la célébration de l’anniversaire de l’attaque historique dans la province, à déclaré : « Nous n’étions qu’une poignée, mais nous avons emporté avec nous l’esprit du peuple, inspiré par l’appel de Marti de ne pas regarder du côté où l’on peut vivre mieux, mais du côté où se trouve le devoir. »
Les casernes de Moncada à Santiago de Cuba, durant la période des luttes révolutionnaires.
Les rebelles ont quitté La Havane par plusieurs voies différentes – certains en train, d’autres en bus, et quelques-uns en voiture. Le 25 juillet, se mêlant à la masse des carnavaliers, ils ont été conduits par petits groupes à la ferme de Siboney.
Se remémorant les événements du 26 juillet, Fidel a déclaré lors d’une entrevue avec le journaliste espagnol Ignacio Ramonet, pour son livre Cent heures avec Fidel : « À la fin, une voiture m’a sauvé. Je ne sais pas comment ni pourquoi, une voiture venait dans ma direction, est arrivée là où je me trouvais et m’a ramassé. C’était un garçon d’Artemisa qui conduisait cette voiture, il m’a secouru ainsi que plusieurs camarades… J’ai toujours voulu parler avec cet homme, pour savoir comment il s’est retrouvé dans le feu d’enfer qui se déroulait là-bas. »
Au cours des actions du 26 juillet, 14 jeunes hommes d’Artemisa ont perdu la vie. D’autres ont poursuivi le long chemin et ont participé au débarquement du Granma et à la lutte dans la Sierra Maestra. Ils sont tous honorés dans le Mausolée des Martyrs d’Artemisa .
Inauguré le 16 juillet 1977 et dédié aux jeunes de la Génération du Centenaire d’Artemisa, le mausolée est aujourd’hui une visite obligatoire pour tous ceux qui veulent comprendre l’héroïsme offert par cette ville à la cause révolutionnaire.
Le Mausolée des Martyrs d’Artemisa
Les tombes contenant les dépouilles de ceux qui sont tombés, la salle où sont exposés certains de leurs effets personnels et des photographies peuvent être visitées sur le site, où sont également enterrés, depuis 2000, les rebelles de la province qui ont participé à l’attaque de Moncada et sont décédés après le triomphe de la Révolution.
À l’entrée du mausolée, on peut lire une remarque sincère faite par Fidel dans son célèbre plaidoyer de défense, connu sous le titre « L’histoire m’absoudra » : « Mes camarades, d’ailleurs, ne sont ni oubliés ni morts. Ils sont plus vivants aujourd’hui que jamais, et leurs assassins doivent être horrifiés de voir comment le spectre victorieux de leurs idées s’élève de leurs cadavres. »
À l’aube du 26 juillet, à la ferme de Siboney, à l’extérieur de Santiago de Cuba, le Manifeste de Moncada, écrit par Raul Gomez Garcia, est lu à haute voix. L’hymne national est entonné et les rebelles armés partent par petits groupes à l’assaut de la caserne Moncada, du palais de justice et de l’hôpital Saturnino Lora dans la ville de Santiago. Au même moment, à Bayamo, un autre groupe s’est dirigé vers la caserne Carlos Manuel de Céspedes.
Avant l’attaque, Fidel s’est adressé à ses camarades : « Vous pourrez vaincre dans quelques heures, ou être vaincus, mais de toute façon – écoutez-le bien, compagnons ! – de toute façon ce mouvement triomphera. Si vous vainquez demain, ce à quoi aspirait Marti se fera plus vite. Si le contraire se passait, votre geste servira d’exemple au peuple cubain pour prendre le drapeau et aller de l’avant. Le peuple nous soutiendra dans la province d’Oriente et dans toute l’île. Jeunes du centenaire de l’Apôtre, comme en 1868 et en 1895, ici, en Oriente, poussons le premier cri de LA LIBERTÉ OU LA MORT !
« Vous connaissez maintenant l’objectif du plan. Il est dangereux sans aucun doute et tous ceux qui partiront avec moi d’ici cette nuit doivent le faire absolument de leur plein gré. Il est encore temps de vous décider. De toute façon, certains devront rester ici faute d’armes. Que ceux qui sont décidés à y aller s’avancent d’un pas. Le mot d’ordre est de ne tuer qu’en ultime recours. »
Les 131 combattants, vêtus d’uniformes de l’armée de Batista, étaient organisés en trois groupes. Le premier dirigea ses efforts vers le bâtiment principal, la caserne Moncada. Les deux autres, dirigés par Abel Santamaria et Raul Castro, tenteraient de s’emparer respectivement de l’hôpital et du palais de justice.
L’opération a commencé. Fidel, à la tête du premier groupe, a atteint sa destination comme prévu, mais l’arrivée inattendue d’une voiture de patrouille a provoqué des coups de feu prématurés qui ont alerté les troupes à l’intérieur de la caserne. Abel et Raul ont atteint leurs cibles, mais l’ennemi, qui avait plus d’hommes et d’armes, a pu repousser les attaques.
Un situation similaire s’est produite à Bayamo. Il était prévu qu’un habitant de la ville, bien connu des officiers de la garnison, accompagne le dirigeant des forces d’assaut à la caserne et qu’ils les laissent entrer. Une fois à l’intérieur, les soldats de garde seraient désarmés et forcés d’ouvrir les portes pour le reste du groupe rebelle. Le plan ne s’est pas déroulé comme prévu, car le guide n’est pas venu et une autre stratégie a été tentée.
Ainsi, les attaques planifiées pour ce jour là n’ont pas été victorieuses, mais elles ont atteint l’objectif d’ouvrir une nouvelle étape dans la lutte révolutionnaire contre le général pro-américain, Fulgencio Batista.
Ces actions menées par Fidel Castro Ruz ont montré au peuple cubain que la lutte armée était la voie de la victoire. Plus tard, les expéditionnaires du Granma ont débarqué le 2 décembre 1956 pour ouvrir un front de guérilla dans la Sierra Maestra.
Le 1er janvier 1959, l’insurrection révolutionnaire culminera avec la défaite de la dictature et la prise du pouvoir politique. L’ancienne caserne Moncada est aujourd’hui une école, la « Cité scolaire du 26 Juillet », et une partie du bâtiment a été transformée en musée pour que ces exploits ne soient jamais oubliés.
(Granma, 23 juillet 2018, traduction LML. Photos : Granma, H. Lister)
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