Le 30e anniversaire de la Commission Spicer et de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis
Cette élection a lieu l’année du 30e anniversaire des derniers rapports officiels sur la désaffection politique générale et le mécontentement des Canadiens à l’égard du processus électoral qui les marginalise. La Commission Spicer sur l’avenir du Canada a présenté ses conclusions au Cabinet conservateur de Mulroney en juin 1991. La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a ensuite présenté son rapport et ses recommandations en novembre 1991. Les deux commissions ont documenté l’insatisfaction des citoyens envers les politiciens, les partis politiques et le parlement. Les gens ont réclamé la fin de la concentration du pouvoir décisionnel entre les mains de quelques-uns. De nombreux Canadiens ont présenté aux commissions des propositions portant sur la création d’une assemblée constituante qui permettrait au peuple de rédiger et d’approuver sa propre constitution et sa propre loi électorale.
La Commission Spicer a mis en garde : « Nous sommes aujourd’hui plongés dans une crise spirituelle telle qu’il nous faut trouver, très vite, des structures nouvelles avec l’espoir qu’elles dureront très longtemps. » Faisant référence aux plus de 400 000 personnes qui ont participé à ses audiences, la Commission a conclu : « Nous avons entendu réclamer le changement […]. Le cri le plus souvent entendu, un cri du coeur, est l’exigence d’une plus grande participation des Canadiens ordinaires au gouvernement de leur pays. Leur colère et leur frustration sont évidentes et elles sont dangereuses. »
« Un des messages dominants, le rapport continue, c’est que les participants ont perdu confiance à la fois dans le régime et dans leurs dirigeants politiques. Ils ne pensent pas que leurs élus, surtout au fédéral, gouvernent selon la volonté du peuple ni que les citoyens aient actuellement les moyens de remédier à cela. »
Un autre thème rapporté par la Commission Spicer est l’insatisfaction des Canadiens à l’égard des médias. Le président de la commission a rapporté que « nombre de participants ont dit aux commissaires que les médias portent une lourde responsabilité à l’égard des problèmes et des difficultés auxquels le Canada se trouve confronté du fait qu’ils ne s’efforcent pas suffisamment de fournir des informations de base fiables […]. C’est le cas de ce citoyen d’Islington, en Ontario, qui a lancé : ‘Les médias, source de désinformation et de confusion par excellence.’ »
Il y a deux ans, les élections fédérales de 2019 ont démarré avec une importante étude du Morris J. Wosk Centre for Dialogue de l’Université Simon Fraser qui rapportait que parmi les Canadiens interrogés, « une solide majorité [61 %] croit que le gouvernement place les intérêts de l’establishment avant celui des Canadiens ordinaires ».
« Les Canadiens croient que le gouvernement est insensible à ce que pensent les citoyens. Une solide majorité (70 %) affirme que les élus ne se soucient pas de ce que pensent les Canadiens ordinaires, et plus de six personnes sur dix croient que le gouvernement ignore leurs intérêts au profit de l’establishment », indique le rapport.
Un sondage Ipsos publié le 5 septembre 2019 indiquait que 67 % des personnes interrogées pensent que « l’économie canadienne est arrangée de façon à avantager les riches et les puissants », soit une augmentation de huit points depuis la dernière fois qu’Ipsos a posé cette question en 2016. Soixante et un pour cent des répondants se sont dit d’accord avec la déclaration suivante : « Les partis et les politiciens traditionnels ne se soucient pas des gens comme moi. »
Trente ans après la Commission Spicer et la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis, les élites au pouvoir n’ont fait que s’enraciner davantage dans des positions de privilège et de corruption, protégées par un système de partis cartellisés dont le seul but est de priver le peuple de tout rôle dans la prise de décision sur toute question qui affecte sa vie. Aujourd’hui, même les pratiques démocratiques rudimentaires sont bafouées. C’est cette évidence qui est ressortie des « débats des chefs » les 8 et 9 septembre au Musée canadien de l’histoire. Aucune couverture médiatique, aussi tapageuse soit-elle, subventionnée par l’État, au sujet des chefs des partis qui forment le système de partis-cartel parcourant le pays en déclarant chacun représenter ce que les Canadiens défendent, ne réussira à cacher cette évidence.