Le pouvoir de refuser
— Discours prononcé par Janice Martell au nom des Forces alliées —
Le 1er juin, Journée des travailleurs accidentés, des travailleurs, des membres des familles et des activistes de General Electric à Peterborough, des Victimes de la Chemical Valley à Sarnia, du Projet de poudre McIntyre et de Ventra Plastics se sont rassemblés à Queen’s Park en tant que « forces alliées » unies dans le combat pour obtenir une juste indemnisation pour ceux qui souffrent et ont souffert de maladies professionnelles. Ils ont exprimé leur solidarité les uns avec les autres, défiant le régime défaillant de la CSPAAT, comme l’exprime bien le discours prononcé ce jour-là et reproduit ci-dessous.
Je suis la fille de Jim Hobbs, un des 27 500 mineurs ontariens soumis à l’inhalation obligatoire d’aluminium dans le cadre de l’expérience de prophylaxie du Projet de poudre d’aluminium McIntyre.
À mes côtés se trouvent des travailleurs, des membres de la famille, des amis et des défenseurs d’autres groupes de maladies professionnelles – General Electric de Peterborough, les travailleurs du caoutchouc de Kitchener et les victimes de la Chemical Valley à Sarnia – qui ont des histoires similaires d’expositions toxiques sur le lieu de travail et de questions sans réponses sur les effets sur la santé causés par ces expositions.
Plusieurs personnes sont ici rassemblées à la Journée des travailleurs accidentés parce que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario a nié leurs demandes d’indemnisation pour leurs accidents et leurs maladies liées au travail.
Ceci est particulièrement vrai pour les maladies professionnelles, où les symptômes peuvent ne pas apparaître avant des années, voire des décennies, après la fermeture des usines par les employeurs, longtemps après que les enregistrements d’exposition soient introuvables, longtemps après que les dossiers médicaux aient été détruits, ce qui rend impossible de documenter les expositions, de prouver des diagnostics, de demander des comptes à l’industrie et de faire aboutir une demande d’indemnisation auprès de la CSPAAT.
En 1914, les travailleurs de l’Ontario ont renoncé à leur droit de poursuivre leur employeur en justice pour accident au travail ou maladie professionnelle en échange du droit à une juste indemnisation si nous sommes blessés ou rendus malades par notre travail. Nous avons respecté notre partie de l’entente.
La CSPAAT a le pouvoir de faire respecter notre droit à une indemnisation équitable ou de nous nier notre droit à une juste indemnisation. Chaque refus provoque une multitude d’autres refus.
Vous nous niez notre dignité, la reconnaissance que nos années d’exposition aux toxines multiples soient responsables de façon significative de nos maladies.
Vous nous niez le droit de savoir. Combien d’autres sont comme nous ? Combien d’autres personnes, dans les mêmes endroits de travail, sont exposées aux mêmes toxines et souffrent des mêmes maladies ?
Vous niez l’avis de nos médecins pour y substituer l’avis de vos mercenaires.
Vous niez les preuves que nous portons dans nos corps, avec lesquelles nous vivons, que nous révélons dans nos rassemblements, et dont nous mourons, en nombres qui défient votre décision de nier.
Vous nous niez la paix de mourir en sachant que nos familles auront droit à la juste indemnisation qui nous a été promise.
Votre pouvoir de nous nier est immense. Il nous accable. Il nous met en colère. Il nous laisse sans espoir, sans justice, sans la santé ou les moyens financiers pour nous défendre.
Pourtant, nous sommes ici. Nous sommes réunis ici en défi de votre pouvoir, de l’oppression que nous ressentons. Nous nous rassemblons en tant que travailleurs, membres des familles, amis et défenseurs des droits. Nous nous rassemblons pour ceux qui sont trop malades pour être ici. Nous nous rassemblons pour ceux qui sont morts sans que justice ait été faite.
Nous nous rassemblons en tant que forces alliées.
Nous sommes plus nombreux que vous. Nous avons souffert davantage. Nous avons fait face à plus de défis. Nous travaillons plus fort. Nous nous entraidons. Nous surmontons l’adversité.
Et nous aussi nous avons le pouvoir de nier.
Nous vous nions notre silence. Vous entendrez nos voix.
Nous vous nions le confort de notre anonymat. Vous verrez nos visages. Vous connaîtrez nos histoires, nos luttes, nos souffrances.
Nous vous nions notre isolement. Nous nous trouverons, les uns les autres. Nous nous rassemblerons. Nous nous organiserons. Nous resterons unis. Et nous riposterons.
Nous vous nions votre discours. Nous vous démasquerons et nous défierons votre pouvoir de nier.
Journée des travailleurs accidentés de l’Ontario 2019