Dans l’actualité le 28 mai
Les travailleurs affirment leurs droits
Les débardeurs de Montréal s’opposent à l’ingérence du gouvernement dans leurs négociations
Depuis plus d’un an, les débardeurs du port de Montréal travaillent dans des conditions inacceptables pour eux, contre lesquelles ils ont déclenché une grève qui a été déclarée illégale par le gouvernement fédéral le 30 avril 2021. Leurs revendications sont justes et ce que fait le gouvernement fédéral est très injuste.
Le gouvernement fédéral parle beaucoup de la nécessité de sécuriser les chaînes d’approvisionnement, mais il refuse de faire en sorte que les conditions de travail de ceux qui font le travail pour que les chaînes d’approvisionnement restent ouvertes et fonctionnent soient convenables et soutiennent leur santé, leur sécurité et eux-mêmes en tant qu’êtres humains ayant des familles et des vies qui requièrent aussi leur attention.
Bref retour sur la grève de 2021
Il y a un peu plus d’un an, le 26 avril 2021, les quelque 1160 débardeurs du port de Montréal ont entamé une grève générale pour se protéger contre la modification unilatérale de leurs conditions de travail décrétée par leur employeur, l’Association des employeurs maritimes (AEM). L’Association a envoyé un avis au syndicat selon lequel elle allait modifier unilatéralement les heures de travail le 26 avril au matin, ce que les débardeurs ont jugé inacceptable.
Deux semaines auparavant, l’Association des employeurs maritimes avait aussi envoyé un avis au syndicat avisant qu’elle allait annuler le régime de sécurité d’emploi des débardeurs de Montréal, qui est en vigueur depuis environ 50 ans.
Pour se protéger contre ce geste unilatéral de leurs employeurs, les travailleurs et leur syndicat ont déclenché une grève partielle le 12 avril, refusant de faire des heures supplémentaires et de travailler les fins de semaine. Le régime de sécurité d’emploi est à la base des conditions de travail des débardeurs et un point essentiel sur lequel les travailleurs réclament des changements par la négociation.
Selon ce régime, les débardeurs doivent être disponibles pour travailler 19 jours sur 21. Disponibles veut dire qu’ils peuvent être assignés à travailler en tout temps, même à la dernière minute. En échange, ils ont droit à un paiement correspondant à 40 heures de travail par semaine, qu’ils travaillent ces heures ou non. Avec l’augmentation du volume de marchandises qui transite par le port de Montréal, les débardeurs travaillent de plus en plus 19 jours sur 21, ce qui est non sécuritaire et rend toute vie familiale très difficile.
Au lieu de prendre des mesures contre la modification unilatérale des conditions de travail et des horaires de travail par les employeurs, le gouvernement a accusé les débardeurs de nuire aux activités du port de Montréal, de provoquer le détournement du matériel vers d’autres ports et de nuire au déchargement du matériel contre la COVID-19 (alors que même pendant la grève les débardeurs se sont engagés à décharger et charger tout navire comprenant du matériel lié à la COVID). Le 27 avril 2021, le gouvernement fédéral a déposé son projet de loi de retour au travail, la Loi prévoyant la reprise et la poursuite des activités au port de Montréal, lequel a été adopté le 30 avril.
Un appel militant à défendre les droits des travailleurs et des travailleuses
Le 1er mai, le Syndicat des débardeurs du port de Montréal a écrit une lettre ouverte aux travailleurs et travailleuses du Québec et du Canada pour marquer un an de la loi spéciale du gouvernement canadien qui a été adoptée le 30 avril 2021 et a déclaré leur grève illégale.
Dans sa lettre ouverte, le syndicat appelle les gens « à se souvenir de l’ignoble affront à la liberté d’association décrété par Ottawa ce même jour, l’an dernier, par l’adoption de la Loi prévoyant la reprise et le maintien des activités au port de Montréal (la Loi spéciale).
« Par cette loi, le Gouvernement entrave outrageusement l’activité syndicale, brimant de manière injustifiée le droit à un processus véritable de négociation collective des débardeurs du port de Montréal. N’eut été de celle-ci, les débardeurs auraient déjà un contrat de travail adapté aux réalités modernes des débardeurs et dont la nouvelle mouture refléterait la nécessaire prise en compte de la conciliation travail-famille.
« Amputés de leur droit aux moyens de pression, les femmes et les hommes débardeurs du port de Montréal voient leur rapport de force déséquilibré par cette loi qui empêche la conclusion d’un contrat de travail équitable et librement négocié. En effet, la Loi spéciale force la main d’un arbitrage de différend s’étirant depuis maintenant près d’un an. […] Les travailleuses et travailleurs du port de Montréal et leur Syndicat dénoncent cette ingérence éhontée du gouvernement dans la négociation du renouvellement de leur convention collective. Ingérence qui continue malgré la vive contestation de la constitutionnalité de cette loi actuellement devant les tribunaux. Le Syndicat soutient que la Loi spéciale est invalide et illégale notamment eu égard à la Charte canadienne des droits et libertés de même que des engagements qui lient le Canada au Droit international.
[…]
« Menottés par cette Loi spéciale, les 1125 débardeurs du port de Montréal croulent sous des milliers de jours de mesures disciplinaires par année et 15 congédiements depuis l’entrée en vigueur de la Loi spéciale (23 en comptant les employés occasionnels et les candidats à un poste de débardeur). D’un seul coup de crayon on condamne des débardeurs et leur famille à une mort sociale, à l’anxiété voire à la dépression. On nous fait chèrement et injustement payer l’exercice du droit de grève légale de 2020 et 2021.
[…]
« Aujourd’hui, 1er mai, malgré ce triste anniversaire de la Loi spéciale du gouvernement Trudeau, les femmes et les hommes débardeurs sont toujours là, debout ! Et ils seront là pour des décennies à venir. En leur nom, le Syndicat des débardeurs joint sa voix aux travailleuses et travailleurs du monde entier pour dénoncer l’injustice des gouvernements envers les ouvriers et ouvrières et réclamer le respect et la liberté d’exercice des droits relatifs au travail pour toutes et tous. »
Le syndicat souligne que les employeurs maritimes se traînent les pieds et se montrent très peu disposés à négocier, sachant qu’ils ont le gouvernement et la loi spéciale avec eux, et qu’ils utilisent la situation pour faire pleuvoir les mesures disciplinaires contre les travailleurs. La revendication cruciale des débardeurs pour des horaires de travail dignes d’un être humain est rejetée par les employeurs maritimes et le gouvernement, ce qui cause du chaos dans la vie des travailleurs.
Forum ouvrier dénonce fermement la collusion entre le gouvernement canadien et les employeurs maritimes pour criminaliser les justes revendications des débardeurs et leur imposer des conditions qu’ils jugent inacceptables et intenables. Les débardeurs ont joué et jouent un rôle vital dans la chaîne d’approvisionnement dans les conditions de la pandémie et en tout temps et les criminaliser est un geste antiouvrier et antisocial qui ne doit pas passer.
Forum ouvrier, affiché le 28 mai 2022.
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