Dans l’actualité le 28 avril
28 avril, Journée de commémoration
Entrevues
Rhonda Bruce, travailleuse de la santé
Rhonda Bruce est assistante en réadaptation et déléguée syndicale du Syndicat des employées et employés d’hôpitaux en Colombie-Britannique.
En ce qui concerne la santé et la sécurité dans les soins de santé, je dois dire que le système est au bord de l’effondrement et on peut le voir à l’anxiété et à la détresse des travailleurs de la santé. Je travaille en soins de longue durée. Les pénuries de personnel que nous avons connues avant la pandémie sont encore pires maintenant. Le personnel d’aides-soignants, d’infirmières, de réadaptation et des loisirs est incapable de dispenser les soins dont les résidents ont besoin, puisque nous n’avons pas assez de travailleurs. Chaque « solution » mise en oeuvre par la direction qui ne prend pas en compte le problème ne fait qu’aggraver la situation.
Les aides-soignants quittent massivement en raison des conditions de travail. Ils ne peuvent plus vivre avec ce stress. Il y a donc un grand nombre de nouveaux travailleurs. Prenons l’exemple de l’équipe des bains. Cette équipe est composée de plusieurs nouveaux travailleurs et lorsque vous êtes nouveau, vous ne connaissez pas la routine, vous n’avez pas trouvé le moyen de faire plusieurs tâches en même temps et de tout faire au complet, ce qui fait que la personne se sent dépassée. La solution de la direction à ce problème a été de réduire leur charge de travail en réassignant les bains de deux résidents par jour aux aides-soignants sur les étages. Durant le quart de travail de jour, chaque aide-soignant soigne huit résidents et pour le quart de travail de l’après-midi, l’aide-soignant s’occupe de dix résidents. Pour l’heure de dîner et les pauses, les aides-soignants doivent se relayer et, si un travailleur est absent, il ne sera peut-être pas remplacé, ce qui fait que les aides-soignants devront s’occuper d’un plus grand nombre de résidents. Le fait d’ajouter la tâche de donner un bain à un résident alors que nous sommes déjà en pénurie de personnel a tout simplement déplacé le problème sans le résoudre. La réponse habituelle des gestionnaires lorsque nous soulevons ces problèmes est « arrangez-vous pour que ça soit fait ».
De plus en plus il arrive que les travailleurs s’en vont tout simplement, démissionnent, deviennent occasionnels ou cherchent du travail dans les résidences de soins de longue durée privées. C’est tout de même ironique qu’il y a à peine 25 ans, les meilleurs emplois en fait de salaires et d’avantages sociaux étaient dans le secteur public. Maintenant, pour attirer les travailleurs, les entrepreneurs privés de soins de longue durée offrent de meilleurs salaires et avantages sociaux, ce qui fait que nous perdons du personnel. Leur financement vient du gouvernement, tout comme le financement pour les résidences publiques, ce qui amène à se demander si la pression exercée sur le système public ne vise pas intentionnellement à favoriser la privatisation.
Une des conséquences de travailler avec un personnel insuffisant est qu’il y a plus d’accidents. J’ai entendu des travailleurs dire qu’ils vont quitter avant d’être gravement blessés et de ne jamais plus pouvoir travailler. Pour les infirmières, le manque chronique de personnel veut dire que lorsque vous arrivez à la fin de votre quart de travail de 8 ou de 12 heures, et que personne ne vient vous remplacer, vous devez rester. En plus de votre responsabilité envers les résidents, votre licence l’exige. Je connais un cas où l’infirmière a travaillé 36 heures sans arrêt. C’est pourquoi beaucoup d’infirmières quittent leurs postes permanents afin de rependre un certain contrôle sur leur vie. La plupart des travailleuses avec qui je travaille ont maintenant utilisé toutes leurs journées de congé à gérer leurs blessures et leur stress mental.
Un des problèmes les plus importants au niveau du stress mental est de savoir que des soins doivent être dispensés et de ne pas pouvoir les donner. Cela pousse plusieurs travailleurs à quitter leur emploi. Dans ma région, la liste des emplois affichés publiquement, c’est-à-dire les emplois qui ont été affichés à l’interne et n’ont pas trouvé preneur, était d’environ une page à une certaine époque. Elle est maintenant de huit pages. Récemment, un journal rapportait que l’Autorité de la santé de l’Intérieur avait offert une prime de signature de 10 000 dollars pour attirer le personnel de laboratoire, mais cela ne s’attaque pas à la nécessité de salaires plus élevés et de conditions de travail stables, qui est la seule solution à long terme au problème de recrutement et de rétention. Pour lire cet article, cliquez ici.
Un autre exemple de mesures qui sont adoptées pour s’attaquer à un problème mais n’offrent aucune solution est la réduction des ordonnances de médicaments antipsychotiques pour les résidents. Le défenseur des personnes âgées avait identifié le problème de l’ordonnance de médicaments sans qu’un diagnostique n’en confirme la nécessité, et dont le but était de rendre les gens plus calmes, et cette pratique est moins courante maintenant. Nous sommes d’accord avec cette mesure mais elle requiert plus de personnel. Cependant, cela a été fait sans engager du personnel, ce qui n’a fait que causer plus de dommages aux résidents et aux travailleurs.
Un programme a été initié l’an dernier pour augmenter le nombre d’aides-soignants par le biais d’un programme d’apprentissage financé par le gouvernement, le Programme d’accès à une carrière en soins de santé. Le programme a apporté un peu d’aide mais beaucoup des travailleurs qui ont suivi le programme venaient d’autres secteurs du système de santé, des cuisiniers et des préposés à l’entretien, entre autres, ce qui a accru la pénurie dans ces emplois.
Nous avons des solutions à proposer et il faut que l’employeur, qui est le gouvernement de la Colombie-Britannique, nous écoute et mette en oeuvre ces solutions. Nous avons besoin de plus de personnel. Le système d’éducation doit être élargi afin de pouvoir former davantage de travailleurs. Nous avons besoin de salaires et de conditions de travail qui soutiennent les travailleurs dans leurs emplois pour faire en sorte qu’ils restent. Les solutions ne sont pas compliquées. Le gouvernement n’a qu’à investir dans le système et dans les travailleurs.
Forum ouvrier, affiché le 28 avril 2022.
|
|