Dans l’actualité le 28 avril
28 avril, Journée de commémoration
Intensifions la lutte pour le droit à des conditions de travail saines et sécuritaires pour toutes et tous !
La Journée de commémoration est organisée une fois de plus cette année pour commémorer les travailleurs qui ont perdu la vie au travail et pour exiger que ceux qui ont été blessés ou qui sont tombés malades à cause de dangers et de conditions liés au lieu de travail soient indemnisés et traités comme des êtres humains selon des normes convenues par la classe ouvrière. En cette occasion, Forum ouvrier se joint aux travailleuses et aux travailleurs de tout le pays pour pleurer la perte de tous ceux qui sont décédés à la suite du COVID-19 ou de toute maladie ou blessure subie au travail.
Le thème de cette année est « Travailler ne doit pas faire mal : choisir la santé et la sécurité comme principe et droit fondamental au travail ». Cette année, de nombreuses cérémonies se déroulent en présence, une première depuis deux ans.
Cette journée de commémoration se tient dans les conditions les plus difficiles. Les travailleurs de la santé signalent que, bien que la plupart des provinces et le Québec réduisent les mesures de santé publique, les travailleurs ont toujours besoin de mesures sanitaires qui les protègent au travail et se battent pour cela, car la pandémie est loin d’être terminée. Les travailleurs continuent de réclamer des mesures qui préviennent l’exposition à la COVID-19. Il s’agit notamment d’une meilleure ventilation, d’un équipement de protection individuelle adéquat et d’un nombre suffisant de congés de maladie pour permettre aux travailleurs de se remettre de toute maladie. Les gouvernements rendent la situation encore plus difficile en maintenant des mesures d’urgence selon lesquelles les conditions de travail négociées des travailleurs de la santé et des services sociaux peuvent être déclarées nulles et modifiées à volonté. Personne n’est en sécurité si les travailleurs qui soignent la population sont empêchés de faire entendre leur voix et d’avoir un mot décisif sur la façon dont des conditions saines et sécuritaires pour eux-mêmes et pour le public doivent être appliquées.
Un très grave problème signalé dans tout le pays est l’énorme écart entre le nombre officiel de décès et de maladies liés au travail et le nombre réel. Le nombre officiel couvre les événements reconnus par les commissions d’indemnisation, comme la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) de l’Ontario. En Ontario, le Centre de santé et sécurité des travailleurs et travailleuses (CSST), qui effectue de nombreuses recherches et forme des représentants des travailleurs, écrit que si le nombre officiel de demandes d’indemnisation des décès de travailleurs reconnues par la CSPAAT pour 2020 est de 324, sa propre estimation est de plus de 3 240. En ce qui concerne les demandes d’indemnisation pour blessures et maladies, alors que la CSPAAT déclare officiellement qu’il y en a eu 153 193, l’estimation du Centre est de 310 000. Ce dernier indique également que la plupart des décès et de nombreuses blessures et maladies causés par l’exposition à des dangers liés au travail ne sont jamais signalés à la CSPAAT ou reconnus par elle. C’est la même chose pour les infections et les décès dus à la COVID-19, ainsi que pour les problèmes de santé mentale, qui ont explosé au fil des ans, surtout à cause de la pandémie actuelle.
Les décès signalés par les commissions d’indemnisation canadiennes sur une base annuelle se chiffrent autour de 1 000 cas, alors que, selon des chercheurs de l’Université d’Ottawa, ce nombre se situe entre 9 800 et 13 200.
Ce phénomène très inquiétant n’est pas seulement rapporté par les chercheurs et les institutions comme la CSST, mais par les travailleurs eux-mêmes comme un problème auquel ils sont confrontés quotidiennement. Il est lié, d’une part, à l’augmentation considérable du nombre de travailleurs occasionnels et à temps partiel, de travailleurs employés dans des conditions précaires et sans sécurité d’emploi et, d’autre part, à l’embauche de travailleurs migrants, notamment de travailleurs étrangers temporaires, de travailleurs sans papiers, etc. Les grandes entreprises considèrent cette main-d’oeuvre comme jetable et pour ces travailleurs, le fait de signaler des blessures peut conduire au congédiement. Des pressions sont exercées sur eux pour qu’ils travaillent alors qu’ils sont malades, ou simplement pour qu’ils partent et soient remplacés par un autre travailleur jetable.
Loin d’offrir une protection à ces travailleurs, de nombreux gouvernements adoptent sans scrupule des lois et des règlements qui considèrent la santé et la sécurité comme un coût indésirable pour les grands employeurs, qu’il faut maîtriser et réduire. C’est le cas de la loi adoptée par le gouvernement du Québec en octobre de l’année dernière, dont l’objectif déclaré est d’« économiser » 4 milliards de dollars pour les employeurs au cours des 10 prochaines années. La loi donne un pouvoir réglementaire élargi à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail lui permettant de retirer des maladies de celles qui sont reconnues comme étant liées au travail et méritant une indemnisation et un traitement payés par les employeurs. Elle comprend des règlements qui prévoient un retour plus rapide au travail malgré l’avis du médecin traitant.
L’Alberta a adopté une loi semblable qui est entrée en vigueur en 2021 et qui décrète ouvertement que ceux qu’elle appelle les « créateurs d’emplois », les grandes entreprises, doivent être les décideurs en matière de procédures de santé et de sécurité, y compris dans les comités de santé et de sécurité. La nouvelle loi albertaine sur la santé et la sécurité au travail décrète ce qu’elle considère comme un incident potentiellement grave qui doit être signalé. Elle stipule ce qui suit : « L’incident était susceptible de causer une blessure ou une maladie grave. Il y a des motifs raisonnables de croire qu’il faudra peut-être prendre des mesures correctives pour éviter que la situation ne se reproduise. » Puis, elle va jusqu’à dire : « Il n’est plus nécessaire de signaler immédiatement les incidents potentiellement graves. Les rapports d’incidents potentiellement graves seront utilisés à des fins d’information et d’éducation, et ne donneront pas lieu à une inspection corrective dans la plupart des cas. »
Les travailleurs sont confrontés au fait que les gouvernements profitent de l’urgence de la pandémie ou de ce que l’on appelle la reprise post-pandémie pour démanteler les régimes de santé et de sécurité au travail existants. Ils ont concentré davantage de pouvoirs de police arbitraires dans les mains des ministres pour faire et défaire les règlements, ainsi que pour renforcer le gouvernement par décret. L’incohérence et la crise de confiance dans le gouvernement qui en résultent provoquent une insécurité généralisée et nuisent au bien-être psychologique de la population et au tissu social lui-même. Le but des riches et de leurs gouvernements n’est pas de protéger la population, mais de concentrer encore plus de pouvoir entre leurs mains en croyant pitoyablement que cela renforce leur avantage concurrentiel.
Cette année, des avancées significatives ont été réalisées par les travailleurs accidentés dans la construction de leurs organisations en unité avec les syndicats et d’autres organisations de travailleurs et par le mouvement qui reprend la lutte contre le mauvais traitement des travailleurs immigrants et migrants dans les fermes et dans l’industrie. Les mesures gouvernementales qui visent à priver les travailleurs accidentés de leurs droits, à modifier la législation pour affaiblir les normes et à décharger les employeurs et les gouvernements de la responsabilité de la réadaptation et des soins aux travailleurs accidentés ont toutes rencontré une résistance énergique qui se poursuit. L’année dernière, par exemple, l’Alliance pour la réforme des maladies professionnelles a été créée par des travailleurs et des familles de l’Ontario qui souffrent ou sont décédés suite à des maladies professionnelles, réunissant plusieurs organisations de défense qui parlent d’une seule voix puissante. À cet égard, Forum ouvrier félicite les associations de travailleurs accidentés de l’Ontario pour leur participation aux actions du Premier Mai et pour avoir soulevé des revendications comme « L’indemnisation des accidentés du travail est un droit » pour tous les travailleurs blessés ou devenus malades au travail.
Les travailleurs se mobilisent pour trouver des moyens d’exprimer et d’affirmer le droit de tous les travailleurs du Canada à des conditions de travail saines et sécuritaires et à une indemnisation adéquate lorsqu’ils sont blessés ou malades au travail, ainsi que d’établir collectivement des conditions de travail sécuritaires, tant pour leur propre bien-être que pour celui de l’ensemble de la société.
Pour contribuer à ce travail, Forum ouvrier continuera de faire sa part en publiant vos entrevues et vos contributions sur cette importante lutte pour les droits et la vie de toutes et de tous. Prenons tous la parole pour défendre le droit de tous les travailleurs à des conditions de travail saines et sécuritaires et faisons en sorte que les travailleurs aient leur mot à dire décisif sur ces conditions. Affirmons tous notre droit de nous exprimer sur les sujets de préoccupation et de faire des conditions de travail une question de préoccupation commune. Informer les travailleurs sur ce qui se passe dans d’autres secteurs que le leur aidera à se mobiliser et à discuter de la direction de la lutte pour les droits. Ensemble, il est possible d’évaluer les conditions et le travail accompli pour transformer la situation d’une manière qui favorise les travailleurs
Forum ouvrier, affiché le 28 avril 2022.
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