Dans l’actualité le 19 avril
L’urgence de solutions centrées sur l’humain
Le projet de loi du Québec sur la fin de l’urgence sanitaire entérine l’immunité ministérielle
Le 16 mars dernier, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec a déposé le projet de loi 28, Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire. Des consultations particulières et des auditions publiques ont eu lieu le 31 mars et les 6 et 7 avril.
Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en raison de la pandémie de la COVID-19, une série d’arrêtés ministériels ont été décrétés par l’exécutif gouvernemental depuis le premier décret, le 13 mars 2020. Le gouvernement du Québec avait alors invoqué la Loi sur la santé publique qui permet au gouvernement de décréter un état d’urgence sanitaire lorsqu’une menace grave à la santé de la population exige l’application de mesures d’urgence pour protéger la santé de la population.
Depuis le décret initial du 13 mars 2020, l’état d’urgence a été renouvelé par décret 117 fois, en date du 6 avril, sans l’assentiment de l’Assemblée nationale et surtout sans l’assentiment des Québécois qui ont protesté sans relâche contre cette gouvernance par décret et les pouvoirs arbitraires que s’est donnés l’exécutif gouvernemental.
Un des décrets les plus détestés est celui annoncé le 21 mars 2020, et toujours en vigueur, qui a déclaré nulles et non avenues les conventions collectives des travailleurs et des travailleuses de la santé et des services sociaux, autorisant les administrations à changer unilatéralement les conditions de travailleurs. Ce décret est toujours utilisé pour attaquer les conditions de travail négociées par les travailleurs et les travailleuses de la santé et des services sociaux.
Le projet de loi 28 annonce la fin de l’état d’urgence sanitaire une fois que la loi sera adoptée mais il maintient la gouvernance par décret et l’immunité ministérielle et un certain nombre de mesures.
Par exemple, le projet de loi prévoit que les mesures prévues par décrets ou par arrêtés du ministre de la Santé et des Services sociaux demeureront en vigueur jusqu’au 31 décembre 2022.
Les syndicats ont fermement dénoncé le projet de loi et cette mesure en particulier.
« Avec le dépôt de son projet de loi sur la fin de l’urgence sanitaire, le gouvernement instrumentalise la crise sanitaire pour modifier unilatéralement des conditions de travail des travailleuses de la santé et des services sociaux et favoriser la place du privé dans le réseau en prolongeant des contrats, ont-ils écrit le jour même où le gouvernement a déposé son projet de loi. De ce fait, il bafoue les droits syndicaux : le droit d’association et le droit à la négociation collective. Il dénie, de ce fait, les contre-pouvoirs et abuse de son pouvoir exécutif. »
Plusieurs ont soulevé qu’un gouvernement qui maintient les décrets et les arrêtés, tout en annonçant la fin de l’urgence sanitaire, ne va pas hésiter à les prolonger une fois de plus ou à les ramener l’an prochain, d’autant plus que des élections générales doivent se tenir en octobre cette année.
Le projet de loi prend bien soin de réitérer ce que les décrets et les arrêtés ont stipulé : que le gouvernement ou le ministre et toute personne jouissent de l’immunité et ne peuvent pas être poursuivis en justice pour un acte accompli dans l’application des décrets et des arrêtés ministériels.
Le projet de loi 28 décrète aussi qu’en dépit de toute disposition inconciliable qui peut se trouver dans la Loi sur les contrats des organismes publics ou de toute autre loi ou de tout règlement, tous les contrats conclus par le ministre ou les administrations des établissements de santé et des services sociaux pendant l’urgence sanitaire peuvent être prolongés jusqu’au 31 décembre 2022 et même pendant cinq ans suivant la fin de l’état d’urgence si le gouvernement estime qu’ils sont nécessaires à la santé publique.
Le fait que le gouvernement spécifie qu’il agira en dépit des dispositions de la loi sur l’octroi des contrats montre qu’il se donne le champ libre pour prolonger ou signer des contrats avec le secteur privé sans même faire d’appels d’offres.
Le projet de loi confère aussi au ministre le pouvoir d’ordonner à toute personne, ministère ou organisme de lui donner accès à tout document que le ministre estime nécessaire à la protection de la santé publique, même s’il s’agit d’un renseignement personnel ou confidentiel à l’insu de la personne concernée. La manière dont ces informations seront ensuite utilisées n’est pas stipulée dans le projet de loi. La seule chose qui est stipulée est que si ces organismes ne fournissent pas ces informations confidentielles au ministre, ils seront pénalisés.
Beaucoup de personnes ont exprimé leur inquiétude quant à l’intention du gouvernement de transmettre ces informations confidentielles à des intérêts privés, tels que les monopoles pharmaceutiques et leurs centres de recherche, afin de faciliter leur contrôle sur les médicaments et les traitements et de leur permettre de siphonner encore plus de ressources de santé publique pour leur propre profit privé.
Enfin, le projet de loi 28 prévoit toute une série d’amendes pour toute personne ou tout organisme qui agit en contravention des mesures prévues ou qui encourage une personne ou un organisme à y contrevenir.
Que ce soit au nom de la levée ou de la déclaration de l’urgence sanitaire, le recours à la gouvernance par décret pour placer le pouvoir décisionnel dans un nombre de mains toujours plus petit au service d’intérêts privés étroits se poursuit. L’Assemblée nationale est écartée, tout comme les travailleurs et le peuple, qui sont criminalisés parce que leurs organisations sont déclarées être des groupes d’intérêts spéciaux qui n’ont pas à coeur l’intérêt public.
La lutte des travailleurs et du peuple pour avoir un mot décisif sur toutes les questions qui les concernent directement vise cette concentration du pouvoir au service d’intérêts sur lesquels le peuple n’exerce aucun contrôle.
Forum ouvrier, affiché le 19 avril 2022.
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