Dans l’actualité le 15 avril
Les subventions gouvernementales pour une « économie verte »
La première usine canadienne de batteries pour véhicules électriques à grande échelle sera construite en Ontario
Le 23 mars, lors d’un événement médiatique à Windsor, le premier ministre de l’Ontario Doug Ford, deux ministres fédéraux et le maire de Windsor ont annoncé un important projet d’« énergie verte » pour payer les riches. Ont également participé à l’annonce le directeur de l’exploitation pour l’Amérique du Nord du monopole mondial de l’automobile Stellantis, basé aux Pays-Bas, et des représentants du conglomérat géant sud-coréen LG Group. Un message vidéo du premier ministre Justin Trudeau, qui a annulé sa participation prévue après avoir été appelé à une réunion de l’OTAN à Bruxelles, a également été diffusé lors de l’événement.
Dans un communiqué de presse commun, les entreprises ont déclaré : « Stellantis N.V. et LG Energy Solution (LGES) ont annoncé aujourd’hui avoir conclu les accords définitifs visant à implanter la première usine de batteries à grande échelle pour véhicules électriques au Canada. La coentreprise produira des cellules et des modules de batteries lithium-ion de pointe afin de répondre en grande partie aux exigences de production des véhicules Stellantis en Amérique du Nord. » Elles ont déclaré s’attendre à ce que la nouvelle usine serve de catalyseur pour l’établissement d’une chaîne d’approvisionnement en batteries dans la région et ont exprimé leur gratitude pour le soutien reçu de tous les paliers de gouvernement.
Selon l’annonce, l’investissement total du projet sera d’environ 5 milliards de dollars, le plus important jamais réalisé dans l’industrie automobile canadienne détenue majoritairement par des intérêts étrangers. LG détiendrait 51 % de la coentreprise et exploiterait la nouvelle « méga-usine », qui devrait être l’une des plus grandes usines de batteries automobiles au monde. Formée en 2021 par la fusion du conglomérat italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et du français Peugeot SA (PSA), Stellantis produit actuellement les mini-fourgonnettes Chrysler Pacifica, Grand Caravan et Voyager dans son usine d’assemblage de Windsor. Elle possède une autre usine de montage à Brampton, en Ontario, qui produit des Dodge Chargers, des Dodge Challengers et des Chrysler 300. Ses opérations nord-américaines comprennent aussi six usines d’assemblage aux États-Unis et 4 au Mexique. LG n’a actuellement aucune activité de fabrication au Canada.
La construction de l’usine de 4,5 millions de pieds carrés doit commencer cette année sur un site vierge inoccupé. L’objectif est de commencer les opérations en 2024 et d’être pleinement opérationnel en 2025. D’ici là, les propriétaires affirment qu’elle emploiera au moins 2 500 personnes et aura la capacité de produire des cellules et des modules de batteries pour plus de 500 000 véhicules électriques par an. Stellantis affirme que son objectif est que 50 % de ses ventes aux États-Unis et au Canada soient électriques d’ici 2030.
Le montant du financement gouvernemental nécessaire à l’implantation de l’usine à Windsor n’a pas été révélé, mais il se chiffre en centaines de millions de dollars selon le premier ministre Doug Ford. Le premier ministre de l’Ontario et le ministre fédéral du Développement économique, de la Création d’emplois et du Commerce, François-Philippe Champagne, ont tous deux refusé de divulguer les chiffres exacts, affirmant que cela compromettrait les négociations en cours pour finaliser l’accord et attirer d’autres entreprises.
Le 4 avril, le gouvernement de l’Ontario a déclaré qu’il investissait un milliard de dollars dans l’accélération de cinq projets d’infrastructure de transport d’électricité pour la région du sud-ouest afin d’alimenter la future usine ainsi que d’autres industries de la région de Windsor et de l’« industrie agroalimentaire en plein essor » de Leamington et d’autres parties du comté d’Essex.
Le Windsor Star a officieusement rapporté que la ville de Windsor contribuera à hauteur de près de 150 millions de dollars sous la forme de revenus de location non perçus sur les terrains qu’elle a accumulés pour le site de la nouvelle usine, dont l’aménagement devrait coûter des dépenses pouvant atteindre 50 millions de dollars, en exonérations de redevances d’aménagement, en allègements de l’impôt foncier pour les 20 premières années, ainsi que pour un certain nombre de projets d’infrastructure que la ville s’est engagée à entreprendre dans le cadre de la préparation du site.
Flavio Volpe, président de l’Association des fabricants de pièces automobiles, a déclaré que si les dépenses publiques dans le secteur de l’automobile se situent généralement entre 10 et 20 %, le montant accordé à LG et Stellantis représente environ 2,5 fois ce qui est généralement investi dans une usine d’assemblage.
Au-delà des fonds fournis par les trois paliers de gouvernement, l’Université de Windsor et le Collège St. Clair s’organisent pour offrir leurs services également en termes de formation, avec de nouveaux cours et programmes, et des installations pour effectuer des recherches adaptées directement à ce dont les entreprises disent avoir besoin.
La chaîne d’approvisionnement des batteries fera appel aux minéraux critiques du Nord de l’Ontario
En annonçant le financement de la coentreprise Stellantis-LG, le ministre fédéral de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a déclaré que le Canada était le seul pays de l’hémisphère occidental ayant la capacité et les matériaux nécessaires pour transformer le cobalt, le graphite, le lithium et le nickel en batteries nécessaires pour alimenter les véhicules électriques. Le ministre du Développement économique, de la Création d’emplois et du Commerce de l’Ontario, Vic Fedeli, s’est fait un devoir de dire que tous ces minéraux peuvent être trouvés dans le Nord de l’Ontario.
S’adressant le 25 mars à des représentants de sociétés minières à North Bay, dans sa circonscription de Nipissing, Vic Fedeli a raconté les sept jours « spectaculaires » qu’il a passés avec le premier ministre pour se renseigner sur les ressources du Nord, juste avant de se rendre à Washington pour présenter l’Ontario comme « un territoire sûr et fiable pour les investissements et les affaires ».
« Nous avons commencé à Thunder Bay et nous nous sommes rendus à la mine Impala à Lac des Iles, à environ 130 km de Thunder Bay. Les propriétaires de la mine étaient ici à North Bay pendant le week-end et cherchaient à embaucher. Nous sommes allés à Washington et avons parlé aux Américains de nos minéraux critiques, puis nous avons terminé à Windsor, où nous avons annoncé le plus grand investissement dans le secteur de l’automobile de l’histoire du Canada. La stratégie sur les minéraux critiques, qui explique comment nous allons extraire les minéraux du sol de manière éthique, plus rapidement et de manière plus sécuritaire, et les mettre sur le marché, ainsi que les batteries de véhicules électriques, l’usine de Windsor est celle où ces minéraux sont nécessaires – le lithium, le nickel de Sudbury, le traitement du cobalt à Cobalt et le graphite à Hearst. Tous ces minéraux que sont les terres rares se retrouvent dans le Cercle de feu, toutes ces mines doivent être ouvertes de manière agressive (sic) pour satisfaire non seulement la demande mondiale de batteries de véhicules électriques, mais aussi notre propre demande. »
En annonçant le 17 mars sa stratégie sur les minéraux critiques, le gouvernement Ford a déclaré que son objectif était d’« améliorer les relations entre les mines du nord et le secteur manufacturier du sud de la province… pour conquérir de nouveaux marchés et des marchés en croissance, comme ceux des véhicules électriques, des batteries, des télécommunications et de la défense nationale, tout en consolidant la place de l’Ontario dans la chaîne d’approvisionnement mondiale pour des décennies à venir ».
Faisant référence à la lutte féroce que mènent les États-Unis pour s’emparer des marchés de la Chine et de la Russie en particulier en tant que force « géopolitique [qui] entraîne une augmentation de la demande pour des sources d’approvisionnement en minéraux critiques fiables sur le marché international et le marché nord-américain », l’annonce cite le ministre du Développement du Nord, des Mines, des Ressources naturelles et des Forêts, Greg Rickford, qui a déclaré : « Nous voulons faire savoir au monde entier que la province de l’Ontario est prête à fournir à ses alliés une source fiable de minéraux essentiels. »
Le 5 avril, on a appris que le gouvernement fédéral prévoyait consacrer quelque 2 milliards de dollars à la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement en minéraux pour batterie qui vise principalement à accélérer l’extraction et le traitement des minéraux critiques.
La souveraineté et la compétence des Premières nations court-circuitées dans l’ouverture de nouvelles mines
Un grand nombre des minéraux critiques que les gouvernements fédéral et provincial ont offerts pour une chaîne d’approvisionnement de véhicules électriques en Ontario se trouvent encore sous terre dans la région du Cercle de feu, sur le territoire du Traité 9, qui couvre une grande partie du nord de l’Ontario, y compris toute la côte de la baie d’Hudson. Le projet de mandat pour une évaluation régionale de la zone du Cercle de feu, élaboré par l’Agence fédérale d’évaluation d’impact du Canada, ne prévoyait pas de représentation des gouvernements des Premières nations au sein d’un comité proposé pour réaliser l’évaluation. Cela a conduit cinq chefs du Traité 9 à écrire au ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, en janvier, pour dénoncer la « voie néfaste et déshonorante » dans laquelle son ministère s’était engagé. Ils ont déclaré : « Les enjeux sont beaucoup trop importants pour permettre que les Premières nations soient à nouveau mises de côté. Nous n’accepterons pas une simple ‘participation’ à un processus unilatéral, de haut en bas, dirigé par la Couronne, qui ignore nos compétences, nos lois et nos responsabilités. Tout ce qui n’est pas un partenariat égal dans le développement, la mise en oeuvre et l’application d’une solide [étude d’impact régional] ne suffira pas à garantir que cette enquête critique et cet outil de prise de décision seront bien faits. »
Le 25 février, le gouvernement de l’Ontario est allé de l’avant et a émis huit permis d’exploration minière à Noront Resources pour la région du Cercle de feu malgré les objections de la communauté crie de la Baie James d’Attawapiskat et d’autres communautés qui ont affirmé à plusieurs reprises leurs droits issus de traités et leur juridiction inhérente sur la région. APTN indique que l’autorisation a été accordée un jour seulement après que la décision d’un tribunal ait déclaré que le défaut de l’Ontario de consulter correctement Attawapiskat avant de délivrer les permis antérieurs était « corrosif pour la réconciliation ».
Le 7 mars, le chef David Nakogee a écrit au directeur de l’exploration pour dire qu’aucune activité minière, exploratoire ou autre, ne devrait avoir lieu tant qu’une enquête menée par les Premières Nations n’aura pas étudié les impacts environnementaux potentiels sur l’ensemble de la parcelle représentée par le Cercle de feu. « La Première nation d’Attawapiskat est consciente que la vision occidentale du monde dans laquelle vous évoluez a beaucoup de mal à comprendre les impacts cumulatifs, car elle est trop linéaire et fragmentée et ne parvient pas à considérer les terres de manière holistique et circulaire, comme nous le faisons », a-t-il écrit. « Cependant, votre difficulté à comprendre notre point de vue n’est pas une excuse pour ne pas répondre à nos préoccupations. » Dans une autre lettre adressée à Steven Guilbeault, le chef Nakogee a écrit : « Le Traité 9 avait pour effet de permettre à la Couronne et aux colons (Canadiens) de partager nos terres. Il ne donnait pas au Canada ou à l’Ontario le droit de prendre des décisions unilatérales sur la façon dont nos terres et nos vies peuvent être détruites. »
(Avec des informations du Windsor Star, CBC, Financial Post, Sault Star, Reuters, APTN)
Forum ouvrier, affiché le 15 avril 2022.
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