Dans l’actualité le 10 avril
À la défense de l’éducation publique en Alberta
Les enseignants demandent le retrait du projet de loi sur les processus disciplinaires concernant les enseignants
Le 31 mars, le gouvernement de l’Alberta a déposé le projet de loi 15, Education (Reforming Teacher Profession Discipline) Amendment Act, 2022 (Loi de 2022 d’amendement de l’éducation pour modifier les processus de discipline concernant les enseignants). Le projet de loi 15 est la plus récente attaque du gouvernement contre les enseignants et l’éducation publique.
Avec cette loi, le gouvernement de l’Alberta prendrait le contrôle des questions relatives à la conduite et à la compétence des enseignants pour tous les enseignants de la province. L’Association des enseignants de l’Alberta (ATA), qui représente tous les enseignants des écoles publiques, séparées et francophones, est chargée d’entendre les allégations d’inconduite des enseignants depuis 87 ans. À l’heure actuelle, toute personne peut déposer une plainte contre un enseignant. Lorsque cela se produit, l’ATA nomme un enquêteur, rencontre toutes les personnes concernées et, s’il y a une base raisonnable pour soupçonner une conduite non professionnelle, tient une audience. Les audiences sont publiques, formelles et ressemblent à des comparutions devant un tribunal. Dans ces affaires, le rôle de l’ATA est de défendre l’intérêt public. La position de l’ATA est que l’éducation est un bien public et l’ATA le défend en défendant la profession. Les enseignants sont responsables de leur propre défense et ne sont pas représentés par l’ATA. De même, toute personne peut déposer une plainte auprès de l’ATA concernant la compétence des enseignants, bien que les conseils scolaires soient également habilités à traiter les questions de compétence, comme tout employeur.
La ministre de l’Éducation, Adriana LaGrange, a présenté le projet de loi en disant que la loi « réformera le processus disciplinaire pour tous les enseignants et les leaders enseignants afin de rendre le système d’éducation plus sûr pour les élèves, leurs familles et les enseignants. Le projet de loi 15 créerait la Commission de la profession enseignante de l’Alberta et nommerait un commissaire chargé de superviser les plaintes relatives à la conduite et aux compétences des enseignants et des leaders enseignants de la profession. »
Le projet de loi a été dévoilé pour la première fois lors d’une conférence de presse sous embargo le 31 mars. L’ATA n’a pas été autorisée à participer à la séance d’information et n’a reçu aucune information sur le contenu du projet de loi avant son dépôt à l’Assemblée législative.
En affirmant que les élèves ne sont pas en sécurité tant que l’ATA est responsable de la conduite professionnelle, LaGrange a continué ses propos acerbes et sa quête de vengeance contre les enseignants et ses attaques contre l’éducation publique. Ces attaques comprennent un nouveau programme d’études réactionnaire, rétrograde et ridicule, le refus de rendre les écoles sûres pendant la pandémie, et des lois anti-travailleurs pour supprimer la discussion et l’action collectives sur les questions qui préoccupent les enseignants.
L’ATA a répondu : « La ministre introduit un système qui consolide et concentre le pouvoir entre ses mains. La ministre aura le pouvoir unilatéral d’embaucher et de congédier le commissaire à la profession enseignante, de nommer des enseignants et des membres du public pour siéger aux comités d’audience et d’établir le code de déontologie. Même dans ce cas, la ministre n’a aucune obligation de respecter les résultats du processus. Elle pourrait rejeter des plaintes, émettre des réprimandes et même annuler des certificats, que ce soit ou non la recommandation du comité d’audience (ou d’appel). »
« Le processus que l’ATA a établi [pour la discipline] est transparent et responsable », a déclaré Jason Schilling, le président de l’ATA. « Il offre un profond contraste avec le processus secret et sans responsabilité que le ministre a maintenu en place pour les enseignants et les surintendants des écoles privées et à charte qui ont été réglementées directement par le gouvernement. Cela n’inspire guère la confiance dans un processus qui sera dirigé par le gouvernement et qui ne sera redevable qu’au ministre. »
« Il est consternant que le gouvernement choisisse ce moment pour faire cette attaque contre les enseignants. Les enseignants sont épuisés, et ils se sentent complètement abandonnés dans leurs efforts pour gérer la pandémie dans les écoles et faire ce qu’il y a de mieux pour leurs élèves », écrit l’ATA.
Le prétexte mis de l’avant pour le projet de loi 15 est une allégation non fondée selon laquelle l’ATA n’a pas fait son travail dans une affaire vieille de 15 ans impliquant un enseignant de Calgary qui a été banni de l’enseignement en 2006 et accusé d’agression sexuelle en 2021. Dans un communiqué de presse publié en décembre 2021, annonçant qu’elle présenterait un projet de loi visant à retirer à l’ATA la responsabilité de la conduite et de la compétence professionnelles, Adriana LaGrange a accusé l’ATA de ne pas avoir protégé les élèves d’un enseignant prédateur en omettant de signaler un cas d’agression sexuelle à la police. « En tant que ministre de l’Éducation, je considère que j’ai l’obligation morale de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour réparer le système défaillant qui a laissé tomber nos enfants et leurs familles depuis si longtemps », a déclaré la ministre LaGrange.
Un compte rendu de l’audience est disponible en ligne. Les faits montrent que l’ATA a assumé toutes ses responsabilités, a agi en fonction des preuves dont elle disposait à l’époque et a veillé à ce que l’enseignant soit retiré de la classe. L’ATA a fourni un rapport complet au ministre de l’Éducation, dans lequel elle a noté que la GRC était au courant des préoccupations concernant l’enseignant. Adriana LaGrange a refusé d’expliquer pourquoi, si des preuves d’une infraction criminelle existaient à ce moment-là, le ministre de l’Éducation de l’époque n’en a pas informé la police.
La ministre de l’Éducation ignore-t-elle complètement ses responsabilités ? Si ce n’est pas le cas, pourquoi fournit-elle de fausses informations en prétendant qu’il incombe à l’ATA de révoquer le certificat d’un enseignant, et qu’un enseignant condamné à une peine de suspension par l’ATA retourne automatiquement à l’enseignement lorsque la suspension prend fin ?
Ces deux affirmations sont fausses. Pour pouvoir enseigner dans un district scolaire public, séparé ou francophone, un enseignant doit être membre de l’ATA. L’ATA a le pouvoir de suspendre l’adhésion d’un enseignant à la suite d’une audience disciplinaire. Une fois suspendu, un enseignant est licencié et une « marque permanente » est inscrite à son dossier. L’ATA a également le pouvoir d’expulsion, ce qui est beaucoup plus courant dans les cas graves impliquant des élèves, mais seul le ministre de l’Éducation peut révoquer un certificat d’enseignement. L’ATA a révélé qu’au cours des 100 dernières années, un seul enseignant a réussi à reprendre l’enseignement après une suspension, et il avait été suspendu pour une amende impayée.
Lorsque l’ATA termine une enquête, une recommandation est faite au ministre de l’Éducation au sujet du certificat de l’enseignant, car la certification relève uniquement du ministre. Si le ministre n’agit pas, l’enseignant peut continuer à enseigner dans des écoles privées ou à charte, dans lesquelles l’ATA n’a aucune compétence.
Le gouvernement prétend également que les audiences se déroulent en secret et qu’il n’existe aucun dossier public des enseignants dont l’adhésion a été révoquée. En fait, les audiences sont ouvertes à tout membre du public qui souhaite y assister, et l’ATA tient déjà un registre en ligne des audiences sur les comportements non professionnels.
L’ATA souligne que le premier ministre Jason Kenney a clairement exprimé son objectif de priver les enseignants et leur association de leur voix et de leur responsabilité sur toutes les questions concernant l’enseignement en tant que profession, de défendre le droit à l’éducation et d’assumer leurs responsabilités dans la salle de classe sans crainte de persécution, de mesures disciplinaires injustifiées et de harcèlement de la part de gouvernements déterminés à imposer leurs « valeurs ». Peu après son élection, la ministre de l’Éducation Adriana LaGrange a tenté de créer une panique morale à propos des enseignants qui endoctrineraient les enfants avec un programme « anti-pétrole et anti-gaz ». Les seules « preuves » qu’elle a produites montrent exactement le contraire, que les enseignants encouragent les élèves à enquêter par eux-mêmes, à examiner les différentes opinions et à tirer leurs propres conclusions.
Parmi les autres aspects de ce programme, citons le retrait des enseignants de l’élaboration des programmes et le traitement préférentiel accordé aux écoles privées et aux écoles à charte, où la loi interdit aux enseignants d’être membres de l’ATA. Sur tous les fronts, qu’il s’agisse de maintenir les écoles sécuritaires en cas de pandémie, de l’établissement d’une taille optimale des classes et de bien d’autres enjeux auxquels le système d’éducation est confronté, le rôle du gouvernement a été de bloquer la solution des problèmes et de refuser de garantir le droit à l’éducation. Il ne fait aucun doute que ce sont les enseignants qui défendent les intérêts des enfants, dont les conditions d’apprentissage sont les conditions de travail des enseignants, et l’intérêt public.
Les enseignants n’ont reçu aucun soutien du gouvernement dans leurs efforts pour faire ce qu’il y a de mieux pour les élèves pendant la pandémie. Tout ce qu’ils ont accompli l’a été en dépit du gouvernement, et non grâce à lui. Ils ont été traités avec mépris et ont été soumis à des diktats, à des décisions arbitraires, à des fluctuations énormes de la politique de confinement face à la COVID-19 sans preuves scientifiques pour éclairer les décisions, et se sont vu refuser le droit de participer à la prise de décision. Cette situation est intenable.
En défendant l’honneur et la dignité de leur propre profession et leur droit de participer à la prise de décision, les enseignants défendent leurs droits, les droits de leurs étudiants et les intérêts de notre société. Les enseignants ont répondu par une mobilisation de masse qui a déjà forcé le gouvernement à ralentir la mise en oeuvre de son programme d’études rétrograde. En continuant à intensifier notre résistance, à parler en notre nom, à présenter publiquement nos préoccupations et à établir des liens avec toutes les forces engagées dans la défense de l’éducation publique, nous serons une force avec laquelle il faudra compter. Le projet de loi 15 doit être retiré !
Forum ouvrier, affiché le 10 avril 2022.
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