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Les travailleurs défendent le droit à l’éducation et à la santé
Les paramédics du Québec demandent la fin des conditions intenables
Voici une entrevue que Forum ouvrier a faite récemment avec Jean Gagnon, représentant de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN). Les quelque 3500 paramédics de la FSSS sont en grève depuis l’été contre des conditions intenables. Pendant leur grève ils continuent de fournir tous les services à la population mais refusent d’accomplir des tâches administratives.
Forum ouvrier : Où en êtes-vous maintenant dans votre lutte pour le renouvellement de vos conventions collectives et pour des conditions négociées que vos membres jugent acceptables ?
Jean Gagnon : Nous sommes présentement en négociation pour le renouvellement de toutes les conventions collectives de nos paramédics qui sont arrivées à échéance le 31 mars 2020. Présentement, nous avons des ententes sur les questions non monétaires avec toutes les associations d’employeurs, que ce soit les entreprises privées, les coopératives, les OBNL (organisations à but non lucratif) et Urgences-santé qui est une entreprise d’État. Ce ne sont pas encore des ententes de principe. Elles le deviendront lorsque nous aurons terminé les négociations sur les matières à incidence nationale, monétaires et normatives. Les principaux enjeux de ces négociations à incidence nationale sont les salaires, la charge de travail pour nos horaires à l’heure et les horaires de faction.
FO : Dans quelle direction vos revendications vont-elles ?
JG : Essentiellement, nous demandons un rattrapage salarial, une diminution de la charge de travail pour être capables de finir à l’heure et manger à l’heure, la fin des horaires de faction, selon lesquels les gens sont disponibles 7 jours de suite, 24 heures sur 24, suivis de 7 jours de congé.
Ces négociations n’avancent pas et nous avons maintenant demandé l’intervention d’un conciliateur. Nous sommes toujours en grève et à la fin de novembre, nous sommes allés chercher un nouveau mandat pour arrêter et redémarrer nos grèves à tout moment mais cette fois-ci en rehaussant nos moyens d’action. Nous allons déployer au cours des prochaines semaines un plan de mobilisation et de communications pour rehausser nos moyens d’action pour mettre de la pression.
En ce qui concerne les salaires, nous avons besoin d’un sérieux rattrapage salarial. Nous sommes payés moins cher que les infirmières, que les policiers ou les pompiers, et pourtant lorsqu’on arrive sur les lieux d’un accident, nous devons nous occuper du patient dans des conditions d’urgence. Nous évaluons que nous avons besoin d’un rattrapage salarial de 6 dollars l’heure minimum. Nous faisons face à un sérieux problème de rétention de main-d’oeuvre. Nous manquons de monde. Cela nous crée un problème constant de surcharge de travail. À Montréal, par exemple, il arrive régulièrement que l’employeur mette en branle des plans d’action qui font que tu ne peux pas aller manger à l’heure et que tu ne peux pas finir ton quart de travail à l’heure. Ils nous obligent à ne pas manger à l’heure et à ne pas finir à l’heure parce qu’il y a des appels de fin de quart. Ne pas manger à l’heure et ne pas finir à l’heure parce que tu sauves une vie, c’est correct. Mais se faire imposer ces obligations parce qu’il y a toujours des appels qui rentrent, qui souvent ne sont pas urgents, cela n’a pas de sens.
Quand il n’y a plus d’essence dans l’ambulance, même s’il y a un appel d’urgence, on va aller mettre de l’essence, on ne va pas tomber en panne avec l’ambulance. Nous, on va sur des appels à haut risque, où on administre des médicaments, on est dans des situations dangereuses, des accidents, on n’a pas mangé et on dépasse nos heures de quart de travail. Il faut qu’il y ait des limites à un moment donné. Il faut que cela arrête. Il y a même des endroits en province où ils ont épuisé les listes de rappel et il y a des fermetures d’ambulance, des bris de services parce que nous manquons de monde. À un moment donné, nos gens sont essoufflés de faire tout ce temps supplémentaire, ils deviennent exaspérés par ces conditions qui ne sont pas viables.
Maintenant, pour être paramédic cela prend un diplôme d’études collégiales. Nous avons des gens qui après un an de travail laissent tomber, s’en vont à l’université obtenir un diplôme pour faire autre chose. Pour devenir paramédic maintenant la sélection est très difficile. Ces gens-là ont la capacité de réussir des études universitaires.
Les gouvernements ont offert des incitatifs aux travailleurs et travailleuses de la santé pour les garder au travail mais à nous, rien.
En ce qui concerne les horaires de faction, nous demandons leur élimination sauf dans les cas où tu as une trop grande distance à parcourir pour te rendre travailler, et où il n’y a pas beaucoup d’appels. Dans le fond, cela s’applique uniquement dans les parcs où on a des ambulances qui sont loin des zones habitées. Si tu es dans le parc de la Vérendrye, par exemple, et tu es à deux heures de route du lieu où est l’ambulance, et cette ambulance sort une fois par semaine, c’est correct de mettre un horaire de factions dans le parc parce que tu ne voyageras pas à tous les jours. Pour ces horaires-là, on veut qu’ils améliorent les conditions, que la faction soit moins longue. À part ces cas-là, les horaires de faction doivent être éliminés. Ils causent entre autres choses de sérieux problèmes de charge de travail. Selon le nombre d’appels que tu as et du nombre d’heures entre chaque appel, tu n’as pas de sommeil. Le manque de sommeil est semblable à un état d’ébriété. Pendant ce temps-là, nos gens doivent administrer des médicaments et s’occuper du patient. Après 16 heures on est obligé de sortir nos gens de la route pour qu’ils aillent dormir huit heures.
Comme on le voit, nos trois principales revendications sont toutes reliées entre elles. Elles forment un tout pour changer la situation qui n’est pas viable.
(Forum ouvrier, affiché le 18 février 2022. Photo: FSSS-CSN)
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