Dans l’actualité
La signification des accusations portées pour l’assaut
sur le Capitole des États-Unis à Washington le 6 janvier 2021
Les accusations de conspiration séditieuse
et leur signification
Le 13 janvier, le département de la Justice des États-Unis a obtenu un acte d’accusation du grand jury pour conspiration séditieuse contre 11 membres de la milice Oath Keepers. Alors que le département de la Justice des États-Unis a inculpé plus de 725 personnes impliquées dans l’assaut du 6 janvier 2021 sur le Capitole pour divers délits mineurs, comme entrave au travail des policiers, il s’agit des premières accusations de conspiration séditieuse. Des accusations similaires sont attendues contre d’autres milices, notamment les racistes Proud Boys qui ont également participé à l’organisation de l’assaut. Les 11 Oath Keepers font également face à de nombreuses accusations moins graves.
Le chef des Oath Keepers, Stewart Rhodes, est un ancien membre des forces armées. Il a été accusé alors qu’il n’ait pas été présent au Capitole ce jour-là. Il a été emprisonné et sa mise en liberté sous caution lui a été refusée le 26 janvier. Les 11 personnes ont plaidé non coupable et la date du procès est fixée au 11 juillet.
Les Oath Keepers sont composés principalement d’anciens membres des forces armées et des services de police et ont des liens avec les deux. En effet, dans l’ensemble, plus d’une personne sur dix parmi toutes les personnes inculpées jusqu’à présent pour l’assaut du 6 janvier ont un passé militaire.
L’acte d’accusation contre les Oath Keepers se concentre sur le droit constitutionnel et les statuts qui touchent le transfert pacifique du pouvoir, un problème majeur pour la classe dirigeante américaine comme l’a montré le coup d’État manqué lancé par Donald Trump le 6 janvier 2021. Les élections ne résolvent aucun problème pour elle, et encore moins les conflits entre les factions qui se disputent le pouvoir. Certains groupes de réflexion et experts américains s’attendent à ce que l’année 2024, lorsque la prochaine élection présidentielle est aura lieu, sera plus conflictuelle. Des responsables militaires et politiques envisagent également la possibilité d’une guerre civile ouverte à ce moment-là.
Étant donné la difficulté de prévoir l’issue des accusations portées contre les principaux dirigeants de la tentative de coup d’État du 6 janvier 2021, les accusations de conspiration séditieuse et le procès à venir, le 11 juillet 2022, des personnes accusées de conspiration séditieuse sont un moyen pour l’administration américaine et le président Biden de jauger les réponses – le tout dans des conditions où aucun des mécanismes institutionnels habituels, comme les élections, ne fonctionne pour régler les conflits. Il reste à voir si Joe Biden et son département de la Justice porteront des accusations similaires contre des élus, des partisans connus de Donald Trump, qui sont impliqués ou contre Donald Trump lui-même. Une condamnation pour le crime de sédition empêcherait probablement Donald Trump de se présenter à la présidence en 2024. Donald Trump appelle déjà à un soutien et à des manifestations de masse s’il était arrêté, notamment pour d’autres affaires criminelles le concernant à New York et en Géorgie. Le fait d’inculper, ou de ne pas inculper, Donald Trump ou d’autres personnes déclenchera-t-il un conflit plus ouvert, y compris une guerre civile ouverte, ou contribuera-t-il à l’empêcher ? Les gouvernants ne peuvent pas le prédire et tergiversent – s’écartant de la vérité.
Le procureur général des États-Unis, Merrick Garland, a déclaré : « Les mesures que nous avons prises jusqu’à présent ne seront pas les dernières. » Il a ajouté que « le département de la Justice reste déterminé à tenir tous les participants au 6 janvier, à tous les niveaux, responsables en vertu de la loi – qu’ils aient été présents ce jour-là ou qu’ils aient été criminellement responsables d’une autre façon de l’attaque contre notre démocratie. »
La conspiration séditieuse ne requiert pas un acte de sédition mais simplement une conspiration visant à planifier une sédition. Elle est définie par la loi comme un complot visant à « renverser, abattre ou détruire par la force le gouvernement des États-Unis ou à s’opposer par la force à son autorité, ou à empêcher, entraver ou retarder par la force l’exécution de toute loi des États-Unis, ou par la force à saisir, prendre ou posséder tout bien des États-Unis contrairement à leur autorité. »
L’acte d’accusation des Oath Keepers s’appuie principalement sur le contenu « d’empêcher, entraver et retarder la certification du vote du collège électoral ».
Ce qui est frappant, c’est l’ampleur des preuves présentées, rassemblées par le FBI et très probablement connues par le FBI avant l’événement du 6 janvier. Par exemple, la déclaration du département de la Justice concernant l’acte d’accusation décrit de nombreux plans d’action pour le 6 janvier, y compris apporter des armes à Washington.
La déclaration indique : « Selon l’acte d’accusation de conspiration séditieuse, les accusés ont conspiré de diverses manières et par divers moyens, notamment : en s’organisant en équipes prêtes et disposées à faire usage de la force et à transporter des armes à feu et des munitions à Washington ; en recrutant des membres et des affiliés pour participer à la conspiration ; en organisant des formations pour enseigner et apprendre des tactiques de combat paramilitaires ; en apportant et en fournissant de l’équipement, des armes et du matériel paramilitaires – y compris des couteaux, des matraques, des tenues de combat avec camouflage, des gilets tactiques avec plaques, des casques, de l’équipement de protections oculaire et des radios – dans l’enceinte du Capitole ; en pénétrant et en tentant de prendre le contrôle des terrains et du bâtiment du Capitole le 6 janvier 2021, dans le but d’empêcher, d’entraver et de retarder la certification du vote du collège électoral ; en utilisant la force contre les agents de la force publique alors qu’ils se trouvaient à l’intérieur du Capitole le 6 janvier 2021 ; en continuant à comploter, après le 6 janvier 2021, pour s’opposer par la force au transfert légal des pouvoirs présidentiels, et en utilisant des sites Internet, des médias sociaux, des applications de messagerie textuelle et de messagerie cryptée pour communiquer avec les co-conspirateurs et d’autres personnes. » (Communiqué du département de la Justice des États-Unis du 13 janvier 2022).
Le chef des Oath keepers, Stewart Rhodes, aurait acheté pour 40 000 dollars d’armes et de matériel connexe dans les jours précédant et suivant le 6 janvier.
La juge qui a refusé la mise en liberté sous caution de Rhodes était également préoccupé par le transfert pacifique de pouvoir. Ce faisant, la juge Kimberly Johnson a déclaré que ses droits au premier et au deuxième amendement à la liberté d’expression et à l’achat et au transport d’armes à feu n’étaient pas remis en question. « Les preuves montrent que l’accusé a orchestré une attaque à grande échelle contre le gouvernement fédéral dans le but d’intimider, par la violence, les fonctionnaires fédéraux et de perturber les procédures gouvernementales officielles liées au transfert de pouvoir au sein du pouvoir exécutif à la suite d’une élection nationale », a-t-elle déclaré.
L’acte d’accusation même ne fournit pas de preuves ni même ne suggère que des dirigeants politiques extérieurs aux Oath Keepers soient impliqués dans la conspiration. Comme le décrit le département de la Justice, les plans d’actes de violence du groupe ne dépassaient pas le cercle des Oath Keepers eux-mêmes – ce que peu de gens croient. Les accusations portées contre Rhodes et ses co-accusés se concentrent avant tout sur les personnes directement impliquées dans les efforts des Oath Keepers pour planifier et faciliter les actes de violence du 6 janvier. L’acte d’accusation exclut même d’autres Oath Keepers qui ont participé aux événements mais qui ne semblent pas avoir joué un rôle dans leur planification. Ils ont au contraire été accusés de crimes moins graves, y compris de délits mineurs.
En outre, l’acte d’accusation et les diverses enquêtes en cours du FBI n’ont pas fait grand-chose pour révéler la conspiration du gouvernement, en particulier parmi les forces militaires et policières, pour permettre en premier lieu l’assaut. Compte tenu de toutes les informations qui existaient sur les plans de l’attaque, aucune des mesures habituelles n’a été prise. Par exemple, il n’y a pas eu de démonstration de force massive ni d’arrestations massives par la police, comme c’est souvent le cas lors d’actions contre la guerre, contre le racisme et pour les droits humains. De telles mesures auraient pu être prises lors du rassemblement devant la Maison -Blanche, empêchant les manifestants d’atteindre le Capitole, en utilisant les mesures habituelles de « prise en souricière » avec lesquelles la police encercle un grand nombre de manifestants et les arrête sur place. Presque aucune arrestation n’a eu lieu le jour de l’assaut alors qu’on en attend maintenant un millier.
De hauts responsables des forces armées ont délibérément empêché que la Garde nationale soit présente et la police du Capitole a été laissée à elle-même – autant d’actions planifiées alors que diverses forces attendaient de voir si le coup d’État de Trump allait réussir ou avaient peur que l’utilisation des forces armées révèle que la chaîne de commandement ne fonctionnait pas ou que les forces armées étaient utilisées illégalement par les forces de Trump. Il est rapporté que certains hauts responsables militaires étaient préoccupés par le fait qu’après l’utilisation passée par Trump de la Garde nationale au Lafayette Square contre des manifestants, en présence du chef d’état-major des armées des États-Unis Mark Milley, l’utilisation de des forces armés le 6 janvier serait considérée comme illégale et comme une ingérence dans l’application des lois nationales D’autres s’inquiètent du fait que la chaîne de commandement est remise en question. Comme l’ont dit trois généraux à la retraite qui ont exprimé leur inquiétude de voir une élection contestée en 2024 qui déclencherait une guerre civile ouverte : il y a le « potentiel pour une rupture totale de la chaîne de commandement le long des lignes partisanes ».
Le fait que Donald Trump et ses principaux partisans ainsi que des membres des forces armées, des agences de police et le FBI aient été impliqués dans l’assaut du 6 janvier sur le Capitole est largement connu, que certains soient inculpés ou non. C’est aussi le cas des forces de tous bords qui se proclament les défenseurs de la démocratie et qui tentent toutes de rallier à leur cause des groupes d’électeurs parmi peuple.
La difficulté à laquelle la classe dirigeante est confrontée, cependant, est que de plus en plus de gens, travailleurs, femmes, jeunes, personnes âgées, réfugiés, peuples autochtones et d’autres, disent clairement que la démocratie existante est dysfonctionnelle, favorable à la guerre et engendre l’inégalité. Les États-Unis menacent maintenant de faire la guerre à la Russie et y consacrent des centaines de millions de dollars, avec un budget du Pentagone de plus de 768 milliards de dollars, alors que les conditions de travail nécessaires et sécuritaires pour faire face à la COVID aux États-Unis mêmes ne sont toujours pas réunies. La faim et le nombre de sans-abri augmentent tandis que les agressions racistes organisées par l’État et les inégalités généralisées continuent d’exister en toute impunité. Le mécontentement est tel que l’aspiration de la majorité à une démocratie qui leur soit favorable gagne du terrain.
C’est ce qui effraie le plus la classe dirigeante et c’est ce qu’elle cherche à éviter par la manière dont elle procède pour porter des accusations contre l’assaut du 6 janvier sur le Capitole.
Kathleen Chandler est la dirigeante de l’Organisation marxiste-léniniste des États-Unis (USMLO).
(LML Quotidien, affiché le 5 février 2022)