Dans l’actualité
Les travailleurs migrants passent à l’action
Les travailleurs prennent la parole
Plusieurs travailleurs de première ligne sont intervenus lors de la réunion communautaire virtuelle du 11 janvier organisée par l’Alliance des travailleurs migrants pour le changement et Justice pour les travailleurs de l’Ontario. Certaines de ces allocutions sont reproduites ici-bas. Le déroulement intégral de la réunion est accessible ici.
Ayesha, préposée aux bénéficiaires à domicile (PBD) et membre du Centre d’action des travailleurs
Plusieurs d’entre nous travaillons à de bas salaires. C’est un travail qui est très physique et essentiel. Je travaille par l’entremise d’agences temporaires depuis 2016 et les deux dernières années en tant que PBD par l’entremise d’une agence. Le salaire est toujours le salaire minimum.
Je me suis blessée alors que je travaillais dans une usine de plastique mais je ne pouvais pas me permettre de prendre congé. Si je l’avais fait, l’agence aurait envoyé quelqu’un d’autre et j’aurais perdu mon emploi. Si vous êtes une nouvelle immigrante, vous travaillez les quarts de nuit et vous trimez dur et sur des machines non sécuritaires. Mon médecin m’a recommandé la physiothérapie mais je n’avais pas d’argent pour ces traitements. Je dois compter mes sous juste pour joindre les deux bouts.
Tout coûte plus cher que ce que j’ai. Je ne peux même pas me payer un appartement à une chambre à coucher dans un sous-sol. Je compte toujours sur les banques alimentaires bien que je travaille à un et souvent deux emplois différents.
Puisque je travaille par l’entremise d’une agence, je n’ai aucune garantie du nombre de quarts de travail que j’aurai. Parfois, c’est seulement un quart de travail, 12 heures, par semaine. Les travailleurs PBD se blessent tout le temps. Nous travaillons de longues heures.
Si je suis malade, je dois tout de même me rendre au travail. L’agence ne fournit aucun test pour la COVID. Elle veut seulement savoir si je suis vaccinée. Pour ma propre santé mentale, je vais moi-même me faire tester pour qu’au moins je puisse savoir à quoi m’en tenir. Mais l’agence ne me le demande pas.
Je sais sur la base de ma propre expérience que dans plusieurs usines il n’y a pas de distanciation sociale. Il n’y a qu’une petite salle à dîner et une salle de bains. Comment les gens peuvent-ils être en sécurité ?
Mais il ne s’agit pas que de moi. Que dire des travailleurs qui ont des familles et des enfants ? Ils n’ont pas un seul congé de maladie. Nous avons besoin de journées payées lorsque nous tombons malades. Si nous subissons un accident de travail, nous ne devrions pas avoir à payer pour des billets médicaux. Nous avons besoin de 20 dollars de l’heure et d’un emploi à temps plein pour arriver par les temps qui courent.
Nous faisons partie de la classe ouvrière. Nous voulons une meilleure vie mais travaillons tout le temps juste pour survivre. Nous sommes des travailleurs de première ligne et nous travaillons avec les gens les plus vulnérables. Nous devons nous battre pour une meilleure vie et c’est pourquoi je me suis engagée dans cette campagne.
Naheed Dosani, médecin , du Réseau pour la santé et un travail décent
La COVID n’est pas seulement une question de santé, c’est une question de justice en santé qui a un impact disproportionné sur les travailleurs et les pauvres. Le manque d’accès à l’ÉPI [équipement de protection individuelle] ou aux tests veut dire qu’il n’y a pas de dépistage.
Les endroits de travail comme Amazon et les centres de transformation de la viande ont été des épicentres de la pandémie lors des vagues précédentes mais, avec l’Omicron, ils ne sont même plus considérés comme des milieux à risque élevé par le gouvernement. Ils ne sont pas admissibles aux tests. Le manque de tests affecte notre capacité de mesurer l’impact de ce virus sur notre communauté.
Dans la même veine, la décision récente de réduire la période de confinement en Ontario de 10 jours à 5 jours n’est basée sur aucune donnée scientifique. C’est une décision d’affaires et non une décision de santé.
Les données montrent que plus de 10 % des gens infectés continuent de transmettre l’Omicron après la période de confinement de 5 jours. Des études récentes au Japon montrent que les gens atteignent leur pic d’infectiosité dans les trois à six jours suivant leur diagnostic. Ils sont donc portés à croire qu’il est hors de danger alors qu’en réalité ils peuvent toujours répandre le virus.
Le gouvernement demande aux gens de risquer leur santé et la santé des autres pour sauver l’économie. L’Omicron n’est peut-être pas aussi sévère que le variant Delta mais il n’est pas pour autant négligeable. Nous constatons des nombres records d’hospitalisations et d’admissions aux unités des soins intensifs en raison de l’Omicron.
Cette hypothèse que l’Omicron est moins virulent est en train d’être mise à l’épreuve sur les travailleurs précaires desquels on exige qu’ils aillent travailler. Sans congés de maladie payés, les travailleurs ne sont pas en mesure de respecter les directives de la santé publique.
En restreignant la période de confinement, le gouvernement néglige les préoccupations de santé des plus vulnérables, des travailleurs aînés, des travailleurs immunodéprimés. Et il n’y a pas de considération pour l’impact des effets à long terme de la COVID.
Brigit Umaigba, infirmière autorisée, du Réseau pour la santé et un travail décent
L’Omicron est le virus qui se propage le plus rapidement de l’histoire. La pandémie n’est pas terminée. En tant qu’infirmière aux soins intensifs, je vois de nombreux patients qui sont des travailleurs précaires, des travailleurs sans papiers, des travailleurs d’usine, des travailleurs d’Uber, des chauffeurs de taxi – des gens qui ne peuvent se payer des ÉPI de base comme les masques N-95 pour se protéger eux-mêmes et protéger leurs proches. Des journées de maladie devraient être garanties par les lois sur les normes de travail, sans aucune interruption de revenu ni exigence de billets du médecin.
La revendication d’inscrire immédiatement dans la loi des journées de maladie payées (10 journées de maladie permanentes maintenant pendant la pandémie et de façon permanente à l’avenir, avec 14 jours supplémentaires de journées d’urgence lorsqu’il y a des urgences de la santé publique) est une mesure importante de santé publique. Nous vous invitons tous à vous engager pour que nous remportions cette revendication. Si vous êtes un travailleur de la santé, n’hésitez pas à vous joindre à nous.
(Forum ouvrier, affiché le 27 janvier 2022)