Pour une démocratie moderne !
Abolissons la monarchie !
INVESTISSONS LE PEUPLE
DU POUVOIR SOUVERAIN !
Numéro 35 mai 2023
Le couronnement de Charles III
La monarchie – un obstacle au progrès de la société
Depuis que Thomas Hobbes a écrit son traité sur le pouvoir de l’État, le Léviathan, en 1651, la monarchie est présentée comme une garantie de stabilité. La logique est que sans une personne d’État vers laquelle tous se tournent, une figure d’unité et de valeurs partagées, la « foule » suivrait ses désirs impies et ce serait une guerre de tous contre tous. Le maintien de la monarchie est encore à ce jour présenté essentiel au fonctionnement de la société. C’est précisément ce qu’il faut changer.
Pour réparer la société, le système politique et ses institutions qui sont aujourd’hui dysfonctionnels en Grande-Bretagne, il faut abolir la monarchie. L’argument que la monarchie assure la continuité n’est pas très convaincant, puisque c’est le changement qui est à l’ordre du jour : c’est au changement que les peuples aspirent aujourd’hui, le changement vers une société où ils peuvent prendre le contrôle de leur vie. Comment peut-on sérieusement soutenir que le maintien de la monarchie nous permet d’exercer un contrôle sur nos vies ?
La fiction selon laquelle la monarchie donne l’exemple en rendant service aux autres ne tient pas devant la dure réalité des privilèges de classe et des droits acquis. Les peuples, dans leur pays et à l’étranger, qui ont soif de changement, rejettent cette fiction et demandent la redevabilité.
La reine Élisabeth II était présentée comme étant au-dessus de la mêlée, comme une personne sainte bien qu’humaine, comme le symbole de l’unité de tous. Le premier ministre travailliste de l’époque, Jim Callaghan, l’a bien compris lorsqu’il a écrit, l’année du jubilé d’argent de la reine, en 1977 : « Le Trône, en tant que sommet de nos institutions, exerce une influence unificatrice sur notre peuple, et aucune nation n’est mieux servie par le sommet de ses institutions. Mais ce n’est pas au Trône en tant qu’institution que vous prononcerez notre discours demain, monsieur le président ; c’est à Sa Majesté la Reine en tant que personne que nous vous demandons de rendre hommage. »
Et son interprétation a été corroborée par Élisabeth II elle-même qui a dit des premiers ministres qui lui ont baisé la main : « Ils se déchargent de leur fardeau ou ils me disent ce qui se passe ou s’ils ont des problèmes, et parfois on peut les aider de cette manière. Ils savent que l’on peut être impartial… Je pense qu’il est plutôt agréable de sentir que l’on est une sorte d’éponge et que tout le monde peut venir me dire des choses. … Et à l’occasion, vous pouvez être en mesure d’apporter votre point de vue, peut-être n’avaient-ils pas vu la chose sous cet angle[1]. »
Cette fiction d’une monarchie impartiale, au-dessus des classes et représentant les valeurs chères à tout le monde ne peut pas durer. Tant que la monarchie perdurera, la société continuera de se détruire. Tout indique que le rôle de la monarchie est plus qu’un symbole, le pouvoir ayant simplement été transféré au monarque en parlement. Il s’agit d’une pièce maîtresse dans l’organisation de l’État, qui a des ramifications non seulement en Grande-Bretagne, mais dans tout ce qui est aujourd’hui le Commonwealth. L’idée que seul un gouvernement ou un chef d’État « fort » peut assurer la stabilité face aux tendances naturelles de la « foule », qui est encline à l’anarchie et à la violence, a également des implications plus larges, dans la mesure où les peuples refusent le déni de pouvoir que le système leur impose.
En Grande-Bretagne, les guerres civiles anglaises des années 1640 ont conduit à la décapitation du monarque et à l’abolition de la Chambre des Lords. La période qui, du point de vue royal, a été connue sous le nom d’« interrègne » a été une période de débats sur la manière dont le peuple peut décider du fonctionnement du gouvernement. On peut dire que c’était dans l’air du temps ou prématuré, mais l’implication cruciale est que cette époque a marqué le début d’une révolution démocratique qui n’a jamais été achevée.
Et au sommet se trouve la personne qui représente le pouvoir suprême. Au Royaume-Uni et dans les pays du Commonwealth, le monarque est la personne d’État. Dans d’autres pays c’est le président. C’est un arrangement qui attend d’être renversé, condition nécessaire à l’achèvement de la révolution démocratique commencée au XVIIe… Comment la perspective démocratique peut-elle être assombrie par une telle institution, qui tient entre ses mains les leviers du pouvoir temporel et spirituel ? La stabilité, la paix et la sécurité ne peuvent être maintenues par une telle institution qui parle aujourd’hui de « pouvoir dur » (les forces militaires et policières) et « pouvoir doux » (le pouvoir de « persuasion » du roi). C’est le contraire qui est vrai. La monarchie représente tout ce qui est pourri, obsolète, agressif et antidémocratique dans la société d’aujourd’hui.
Il ne peut y avoir de « but commun » unissant tout le monde, que le roi Charles est censé représenter, tant que la société est dominée par des intérêts particuliers étroits. Qu’il s’agisse du discours actuel au sujet du « nivellement par le haut » ou de l’affirmation que « nous sommes tous dans le même bateau », ce n’est manifestement pas le cas lorsque les travailleurs sont accablés par les effets de la crise du coût de la vie, les privilèges de classe et les atteintes à leurs droits. Charles lui-même est la preuve vivante qu’il ne peut y avoir d’objectif commun, sa souveraineté repose sur la possession d’une richesse obscène. Ce n’est pas non plus à cela qu’aspirent les travailleurs. Le « nivellement par le haut » est une farce cruelle quand on sait que la concentration de la richesse et du pouvoir dans les mains de quelques-uns se poursuit à un rythme effréné.
Dans ce contexte, le défi auquel est confronté le peuple dans son ensemble est de savoir comment mettre fin au déni de pouvoir qui lui est imposé et comment se mettre en position d’exercer un contrôle sur toutes les affaires qui affectent sa vie. Il va de soi que tant que la personne fictive de l’État sous la forme de la monarchie sera au sommet de tous les arrangements politiques et constitutionnels, ce défi se heurtera à un sérieux obstacle. Le statu quo n’est pas une option.
Il est nécessaire, pour le progrès de la société, d’éliminer l’obstacle à l’affirmation du peuple que représente la monarchie.
Note
1. P. Hennessy, The Hidden Wiring : Unearthing the British Constitution, Londres, Victor Gollancz, 1995
(5 mai 2023. Traduit de l’anglais par LML)
Lettres à la rédaction
Le peuple parle en son propre nom, et non d’une voix en hommage à la monarchie
L’idée d’un hommage du peuple offense même les partisans de la monarchie. L’idée même que les dirigeants puissent penser unir le peuple et les factions de la classe dirigeante par des promesses de loyauté personnelle et de soumission à l’un des plus grands symboles de pouvoir et de privilège au monde, montre à quel point ils sont déconnectés de la réalité et à quel point ils sont devenus superflus dans une société moderne.
Les peuples de Grande-Bretagne souffrent des conséquences économiques et sociales de la domination de classe, aggravées par l’offensive antisociale féroce lancée pour préserver ce qu’on appelle « nos institutions démocratiques ». Les grèves nationales sont un phénomène quotidien, passant d’un secteur de l’économie et de la vie après l’autre. Elles représentent la voix du peuple. Les manifestations d’opposition en Angleterre, en Écosse, au Pays de Galles, en Irlande et dans les « royaumes et territoires » au couronnement médiéval, opulent et indécent expriment la voix du peuple.
Le fait que les dirigeants paradent et s’agenouillent sans vergogne devant ces spécimens arriérés de l’humanité est en soi une profanation. Il y a leur passé honteux, mais il y a aussi ce qu’ils font aujourd’hui, leurs soi-disant devoirs et oeuvres de bienfaisance qui sont souillés du sang du peuple irlandais et de tous les peuples de l’empire britannique – en l’honneur duquel ils continuent de distribuer des insignes de mérite et des récompenses telles que l’Ordre de l’Empire britannique. Honte à la gouverneure générale du Canada qui ne représente pas la voix de son propre peuple, qui a subi un génocide et toutes les ignominies et continue de les subir aux mains de la Couronne et de tout ce qu’elle représente au Canada comme à l’étranger.
Les leçons de l’histoire
L’« invitation » faite à tous et chacun à s’engager dans un rituel archaïque de prêter allégeance à « sa majesté » ainsi qu’à ses héritiers et successeurs montre qu’ils n’ont apparemment rien appris du fiasco des Caraïbes de l’année dernière. Ce qui était censé être une offensive de charme de la royauté moderne a fini par être ridiculisé dans toutes les Caraïbes et dans le monde entier.
Des événements annulés
En Angleterre, des événements ont été annulés en réponse à la vaste opposition au couronnement et à ce qu’il représente. L’appel à l’abolition de la monarchie et à investir le peuple du pouvoir souverain se fait entendre dans toutes les anciennes colonies. Aucune tentative de présenter le roi et la monarchie comme quelque chose que le peuple soutient n’étouffera l’opposition.
La « modernisation » de la famille royale
Les tentatives de « modernisation » de la monarchie ne sont pas seulement infructueuses, elles témoignent d’une conception de la modernisation qui, d’une part, n’est qu’un spectacle et, d’autre part, n’a rien à voir avec les besoins du monde. Comment moderniser le médiévalisme ? Les dirigeants ne font que se creuser un trou plus profond.
Une conception étrange de ce qui est « nouveau et excitant »
Les efforts déployés par les forces de l’Ancien pour prétendre qu’elles ont quelque chose de Nouveau à offrir sont plus que déconnectés de la réalité. Désormais, dit-on, tout le monde peut rendre hommage au roi et se déclarer sujet de « son altesse royale » – reconnaissant ainsi leur « bassesse » – et même que Charles « vivra éternellement ». Et c’est censé être « nouveau et excitant ».
La pertinence de la monarchie
Le peuple dit haut et fort ce qu’il en pense. Ici, au Canada, quand les répondants aux sondages font savoir qu’ils ne veulent pas d’une monarchie, on interprète cela comme un désintérêt : « les répondants considèrent que ce n’est pas important », « ils ont des préoccupations plus importantes », etc.
Ces réponses sont en fait une non-acceptation du couronnement, en plus d’être une expression de dégoût. Les nations soumises à la « Couronne » britannique ne laissent aucun doute sur ce qu’elles pensent. Il est important de souligner qu’il n’y a rien de symbolique dans les sommes considérables dépensées pour ces parasites à un moment où les peuples du monde sont confrontés à d’énormes problèmes. Il n’y a rien de symbolique non plus dans une cérémonie qui maintient les relations entre gouvernants et gouvernés où les gouvernants sont au-dessus du peuple. Il est important d’articuler ce que représente précisément cet ordre constitutionnel. C’est l’information et la discussion qui ouvrent la voie au progrès. C’est ce qui donnera naissance à l’alternative.
Des photos, des illustrations et des vidéos qui disent tout
Les photos, les illustrations et les vidéos qu’on voit sont fantastiques. Ils montrent ce que le peuple pense de manière très vivante. J’aime les vidéos sur les partisans des clubs de soccer. Ça devient une discussion sur ce qui est consenti et non consenti, sur ce à quoi on nous demande de renoncer quand on nous demande de faire le « serment d’allégeance » au roi. Par exemple, certains disent que « dans une démocratie, c’est le chef de l’État qui doit prêter allégeance au peuple, pas l’inverse », qu’ils devraient prêter allégeance à « la terre vivante et à ses habitants », « Nous ne servons pas le roi mais l’Irlande », « Allégeance au peuple du Québec », etc. C’est le peuple qui parle en son propre nom de mille et une façons et il ne veut plus de l’imposture que « le roi nous représente », ou que tous ceux qui lui prêtent serment d’allégeance nous représentent. Pas mon roi ! Abolissons la monarchie !
La fiction de la monarchie comme facteur d’unité
Plus on prétend que le roi est un facteur d’unité, représentant de valeurs partagées, alors que le peuple est appauvri et privé des moyens d’éliminer les injustices et les excès des riches et de leurs représentants, privé des moyens de construire une société nouvelle, digne de l’être humain, plus la fraude est évidente. L’opposition des peuples fait que la Couronne, loin d’être un symbole d’unité, est perçue comme un symbole de tout ce qui est réactionnaire, depuis l’esclavage et les guerres de conquête jusqu’aux crimes d’aujourd’hui. La continuité que la monarchie est supposée représenter est la continuité de l’asservissement de la majorité pour permettre à une minorité de s’enrichir, de ne jamais avoir à rendre de comptes et de continuer de commettre des crimes en toute impunité.
Trudeau a peur du débat
Lorsque Justin Trudeau affirme que les Canadiens ont des préoccupations plus importantes que de se débarrasser de la monarchie, ce qu’il dit en fait c’est que les riches ne savent pas quoi faire face au dysfonctionnement des institutions démocratiques libérales et qu’ils sont terrifiés à l’idée d’ouvrir le débat sur le type de société et d’arrangements nécessaires pour donner plus de pouvoir au peuple. L’élite dirigeante n’a pas aimé ce qui s’est passé pendant la période précédant le référendum de Charlottetown, lorsque des discussions ont eu lieu dans tout le pays. Les citoyens ont pris très au sérieux la responsabilité de voter lors de ce référendum, ils ont demandé des informations et ont engagé de discussions partout. La direction du Parti a contribué à élever le niveau de discussion sur les questions constitutionnelles et continue de mener le débat sur la nécessité de renouveler le processus politique démocratique et d’adopter une constitution moderne. Il y a une alternative et c’est que le peuple prenne toutes les mesures nécessaires pour se donner les moyens d’agir.
Ouvrir la porte à une discussion sur comment investir le peuple du pouvoir souverain
Lorsque les sondages d’opinion indiquent que les Canadiens seraient favorables à la suppression de la monarchie et tous les vestiges coloniaux, même s’il y a beaucoup d’obstacles du point de vue constitutionnel, ils ouvrent une fois de plus la porte à la discussion sur le type d’arrangements favorables au peuple. Les structures imposées par une monarchie constitutionnelle sont en tête de liste de choses à supprimer pour se défaire des symboles du colonialisme, du racisme, de l’asservissement des nations et des peuples et aussi pour dire non aux pratiques actuelles.
![]() |
![]() |
