170e anniversaire de la naissance de José Martí
28 janvier 1853
José Marti, essentiel à notre Amérique
Le 28 janvier est l’anniversaire de la naissance de José Marti, le héros national de Cuba, l’architecte de la guerre de 1895 et le penseur critique de « la nouvelle république » qui serait établie à Cuba après son indépendance, une république « pour tous et pour le bien-être de tous », qui sera essentielle pour freiner l’expansionnisme de son voisin au nord.
Il est primordial d’étudier José Marti si vous voulez savoir quel est le processus et l’importance de l’unité en Amérique latine, ses origines, son histoire, ses acteurs, son contexte et les formes et manières plus spécifiques de la recherche de cette union.
José Julian Marti Perez est né à La Havane le 28 janvier 1853 et a eu une enfance marquée non seulement par les besoins pour subvenir à sa famille mais par la réalité de Cuba en tant que colonie espagnole. Au début, il était politiquement actif et engagé avec ses amis et son professeur Rafael María de Mendive, dans des complots pour libérer Cuba.
À 15 ans, il est condamné à une peine de prison dans les carrières de San Lazaro à La Havane pour son militantisme politique, après quoi il est banni puis déporté en Espagne en 1871. Son premier écrit majeur « Emprisonnement politique à Cuba » est né de cette expérience. Au cours des années suivantes, il a voyagé dans plusieurs pays des Amériques, dont un retour à Cuba à la fin de la Guerre de dix ans, d’où il a de nouveau été déporté. En 1881, il s’installe de manière plus stable à New York, où il intensifie son travail pour l’indépendance.
José Marti et l’unité de l’Amérique latine
Qui aujourd’hui étudie Marti ? Il n’est certainement pas le seul de son époque ni même parmi ceux qui l’ont précédé (Bolivar étant le plus important), à voir la nécessité de l’unité de l’Amérique latine mais on peut dire qu’il est l’un des penseurs les plus influents dont les efforts dévoués à la politique et à la vision du monde de notre Amérique ont agi comme un véhicule qui a conduit à l’indépendance de Cuba – ainsi qu’à produire des journalistes critiques – et dont la pensée se retrouve maintenant dans des articles publiés dans plusieurs journaux en langue espagnole de l’Amérique du Sud , en particulier dans La Nacion de Buenos Aires.
Plusieurs aspects ont sans aucun doute influencé la conception latino-américaine de José Martí, mais il a certainement été fortement influencé par son séjour dans plusieurs pays du continent, en particulier au Mexique et au Guatemala, comme l’a noté le professeur et historien cubain Pedro Pablo Rodríguez, et par l’étude de leurs cultures et de leurs histoires, ainsi que par son séjour d’environ 15 ans aux États-Unis entre 1881 et 1895. Ce dernier est au coeur de la compréhension de l’oeuvre de Marti, parce que les événements qu’il allait vivre et passer en revue, allaient faire de son oeuvre une pause de réflexion incontestable sur l’histoire et les défis de l’unité en Amérique latine.
L’« âge du Toc » des États-Unis (environ 1865 à 1901) a été une période de plusieurs changements durant lesquels les États-Unis sont devenus une énorme puissance industrielle, de nouveaux partis ont vu le jour, l’émergence de l’organisation du mouvement des travailleurs et fermiers qui va de pair avec l’industrialisation, le parachèvement du réseau ferroviaire et de l’expansion intérieure du pays, ce qui a ajouté de nouveaux États à l’Union, et l’élimination des peuples autochtones dans l’ouest du pays par ce qui a été appelé les guerres contre les Indiens.
Une société moderne florissante a été créée mais elle a également donné lieu à des bouleversements. Il n’a pas fallu longtemps à Martí pour voir qu’il y aurait un besoin de plus en plus pressant pour ce pays d’élargir ses marchés, et que l’expansion se ferait presque naturellement vers ses voisins d’Amérique du Sud. Un tel contexte se retrouve dans les idées de Henry Clay, président de la Chambre des représentants des États-Unis, qui en 1820 avait exprimé son enthousiasme pour une « ligue de la liberté humaine » des États américains dans le but d’unir « toutes les nations de la baie d’Hudson à Cap Horn » et quelques années plus tard, en 1823, la célèbre doctrine Monroe, « l’Amérique aux Américains » par laquelle les États-Unis cherchaient à affirmer leur domination sur cette partie du monde face à l’Europe.
Il importe de noter qu’au sein des forces qui représentent la politique américaine cette idée de « l’américanisme » ou « panaméricanisme » n’était pas une vision unanimement appuyée dans la politique américaine. Alors que certains préconisaient des échanges commerciaux semblables à une union douanière, d’autres, des industries protectionnistes convaincues, cherchaient à maintenir des tarifs élevés pour les produits importés. Cependant, les États-Unis doivent garantir les échanges commerciaux et ne voient pas d’un oeil favorable les incursions commerciales de puissances européennes dont la Grande-Bretagne, qui ont entretenu des relations amicales avec plusieurs anciennes colonies espagnoles d’Amérique, avec lesquelles elles ont des liens étroits.
Depuis 1881, des efforts pour organiser ce qui serait la première Conférence internationale des États américains à Washington étaient déjà en cours par le secrétaire d’État de l’époque, James G. Blaine, qui occuperait le même poste et dirigerait ces efforts vers la fin de cette décennie.
Par l’adoption d’une loi en 1888, le Congrès des États-Unis a autorisé le président de cette nation à appeler à la tenue « d’une conférence entre les États-Unis et les républiques du Mexique, d’Amérique centrale et du Sud, d’Haïti, de Saint-Domingue et de l’empire du Brésil » dont les objectifs étaient, entre autres, des « mesures en vue de la formation d’une union douanière américaine dans le cadre de laquelle le commerce des nations américaines entre elles sera encouragé, dans la mesure du possible et rentable » et « l’adoption par chacun des gouvernements d’une pièce de monnaie commune en argent, utilisée dans les transactions commerciales réciproques des citoyens de tous les États d’Amérique », selon l’annonce lue.
Cependant, le jeune journaliste et révolutionnaire cubain, qui a également été consul d’Argentine, de l’Uruguay et du Paraguay à l’occasion, a écrit dans ses chroniques que la nécessité de mettre fin à cet expansionnisme était urgente, car en tant que républiques latino-américaines naissantes, elles n’avaient pas eu le temps de s’affirmer pour que la relation soit d’égal à égal.
En 1884, la revue mensuelle « The American » publie ce qui suit : « Il y a à la fois un danger et un avantage à une relation intime et inévitable entre deux sections des Amériques. Cette intimité est tant à portée de la main, et peut-être sur certaines questions si écrasantes qu’il y a peu de place et de temps pour se lever, voir et parler. »
La conférence alla d’octobre 1889 à avril 1890, avec des réunions et des pauses successives. Dans un numéro du 2 novembre du journal argentin La Nacion, Martí a écrit :
Jamais en Amérique, depuis son indépendance jusqu’à nos jours, il n’y a eu une question qui nécessite plus de bon jugement ou plus de vigilance, ou qui exige un examen plus clair et plus approfondi, que l’invitation des puissants États-Unis (débordant de marchandises invendables et déterminés à étendre leurs dominions en Amérique) envoyée aux nations américaines les moins puissantes (liées par le commerce libre et utile avec les nations européennes) dans le but de conclure une alliance contre l’Europe et mettre fin aux transactions avec le reste du monde. L’Amérique espagnole a appris à se sauver de la tyrannie de l’Espagne ; et maintenant, après avoir examiné avec des yeux judicieux les antécédents, les motifs et les ingrédients de l’invitation, il est essentiel de dire, car c’est vraiment le cas, que le moment est venu pour l’Amérique espagnole de déclarer sa deuxième indépendance.
Cette conférence n’a pas atteint son objectif principal, soit l’union douanière, mais a servi de terrain pour que se manifeste la vision du monde des pays du Sud, en particulier de l’Argentine, et surtout la réponse donnée à plusieurs des propositions faites ainsi que la réponse à « l’Amérique pour les Américains » par, finalement, le slogan « l’Amérique pour l’humanité ».
« Lorsque le délégué argentin Sáenz Pena, en remettant en question l’union commerciale, a conclu son discours par la phrase ‘Que l’Amérique soit pour toute l’humanité’, ils se sont tous levés en signe d’appréciation et ont tendu la main. » (José Martí dans La Nacion, 31 mars 1890).
Dans son livre intitulé Al sol voy, Glimpses of Martí politics, Pedro Pablo Rodríguez a déclaré que « l’unité latino-américaine est donc une conséquence logique de l’anti-impérialisme de Marti, ou mieux, est l’envers de cette médaille, en raison de l’étroite interdépendance des deux aspects de sa pensée. »
En 1891, Martí réitère sa position à la Conférence monétaire des républiques américaines et publie cette même année son essai transcendantal sur l’unité de l’Amérique latine, « Notre Amérique », le produit d’une profonde maturité de sa pensée, qui place non seulement la figure autochtone au centre de la formation des républiques américaines, mais aussi de la nécessité d’avoir leur propre approche et de participer au commerce international, « Que le monde soit greffé à nos républiques mais nous devons être le tronc. »
[…]
L’héritage de Martí peut contribuer à comprendre la complexité de l’histoire de l’unité en Amérique latine, dans une situation qui a vu ces derniers temps l’effondrement de l’UNASUR et la résurgence de la CÉLAC et de la CARICOM comme des institutions clés de coopération entre les pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes, permettant à ceux qui l’étudient d’avoir une meilleure perspective et compréhension, et pour façonner les événements de manière plus appropriée. José Martí est en ce sens une voix omniprésente et est, sans aucun doute, l’une des voix essentielles de notre Amérique.
(Publié originellement dans le LML du 4 février 2020)
|
|
[RETOUR]