La conception des droits dans les Constitutions canadiennes de 1840, 1867 et 1982
Cette année nous soulignons le 185e anniversaire des rébellions de 1837-1838 dans le Bas-Canada et le Haut-Canada. Ces rébellions avaient comme objectif de nouveaux arrangements qui investissent le peuple et non la couronne britannique de la souveraineté. Il est important d’examiner la cause des Patriotes et la façon dont cette lutte a été brutalement réprimée par les Britanniques dans ce qu’on appelait le Bas-Canada.
L’aspect important est la conception des droits mise de l’avant par les Patriotes, par opposition à la conception des droits imposée par les Britanniques dans les constitutions de 1840 et de 1867, puis dans l’État anglo-canadien en 1982. On a vu que les droits ne sont pas une abstraction, ils sont définis dans le temps et l’espace et sont le résultat de la lutte d’un peuple ou d’une partie du peuple pour s’investir lui-même de pouvoir. En examinant cette histoire à partir du présent, de ce que les conditions d’aujourd’hui révèlent, nous revenons sur le passé afin d’enrichir notre capacité à résoudre les problèmes et à ouvrir la voie du progrès de la société dans le présent.
À cet égard, nous abordons les questions qui ont rapport avec l’approche de l’étude de l’histoire (l’historiographie) et les relations entre les personnes et le type de société qui en découle (théorie politique). Il s’agit notamment de combattre les tentatives de diviser le peuple pour maintenir le statu quo, une pratique introduite par les colonialistes britanniques et maintenue par l’État anglo-canadien sur la base de la suppression de la jeune nation du Québec, de l’expropriation des peuples autochtones et des tentatives de génocide contre eux, ainsi que d’un vestige médiéval qui conçoit les droits comme des privilèges à donner et à enlever par un pouvoir supérieur appelé « la couronne ».
Pendant la période des rébellions des patriotes du Québec, leurs relations avec les patriotes qui luttaient dans le Haut-Canada contre la tyrannie des représentants et de l’appareil de la royauté étaient également importants, tout comme le soutien qu’ils recevaient des révolutionnaires américains à l’époque. L’état actuel des droits ne peut être pleinement saisi sans comprendre les structures imposées dans les lois constitutionnelles de 1840 et de 1867 qui n’ont pas été modifiées par le rapatriement de la Constitution en 1982, qui n’a fait qu’ajouter une formule d’amendement pratiquement impossible à appliquer et la Charte des droits et libertés et ses « limites raisonnables » qui sont également définies par « la Couronne ».
Les travailleurs du Canada savent très bien comment l’État utilise ses institutions pour les priver de la capacité de défendre leurs droits efficacement, y compris le droit à la santé et la sécurité au travail. Ils voient également vu que le droit des peuples autochtones de faire respecter leurs droits ancestraux peut être criminalisé et que les immigrants qui cherchent à obtenir la citoyenneté doivent prêter serment d’allégeance à un monarque étranger. En fait, tous les députés fédéraux et provinciaux et les gouvernements nommés par les premiers ministres doivent aussi prêter allégeance au monarque étranger. Ils sont eux-mêmes nommés par un gouverneur général représentant du monarque parce qu’ils dirigent un parti auquel très peu de citoyens appartiennent.
La lutte des Patriotes épousait les idéaux les plus avancés de l’époque. C’était un projet d’édification nationale fondé sur la cause anticoloniale, sur l’abolition du système seigneurial féodal, la création d’une structure qui conférait l’égalité d’appartenance à toutes et tous et des droits de citoyenneté sans distinction fondée sur les origines ou les croyances, y compris aux peuples autochtones s’ils le souhaitaient. Il est également fondé sur l’établissement d’une constitution qui enchâsse ces idéaux en tant que loi du pays sous forme de république. Les patriotes cherchaient à obtenir une constitution pour consacrer ces idéaux comme la loi du pays sous la forme d’une république.
Cette cause était comparable aux grandes guerres d’indépendance en Amérique latine et dans les Caraïbes qui faisaient rage au cours de cette période ainsi qu’aux mouvements nationaux en Italie et dans d’autres pays d’Europe contre les aristocraties féodales et leurs conceptions du droit divin absolu. Les mouvements de l’époque ont mené à la formation de l’Association internationale des travailleurs par Marx et Engels en 1864 et à la Commune de Paris en 1871. Les Patriotes ont lutté pour des institutions conformes aux besoins de l’époque. Pour cela, leur rébellion a été écrasée par les Britanniques par la force des armes, la suspension des libertés civiles, les arrestations de masse, l’incendie de maisons, la pendaison de douze Patriotes et l’exil forcé de 64 autres. Si l’on compare la taille de la population de l’époque à celle d’aujourd’hui, cela représente un nombre considérable de personnes.
Face à la manière dont les travailleurs et la société en général sont soumis à une offensive antisociale constante et à la destruction nationale aujourd’hui, la reconnaissance du fait que les droits appartiennent à tous du fait qu’ils sont humains et qu’ils ne sont pas une abstraction, doit être affirmée dans la lutte pour ces droits. En revendiquant ce qui appartient de droit à chacun en raison de son rôle dans la production et la reproduction de la vie, les droits sont définis par la lutte elle-même. Celles et ceux qui luttent pour des revendications précises donnent un sens concret à la conception des droits. Ils doivent être en mesure d’exercer les droits que la société dit représenter pour que cette société puisse progresser et répondre aux besoins de l’époque. Parce que les membres de la société sont des êtres humains, les sociétés ont le devoir de veiller à la réalisation des conditions permettant leur existence humaine.
Le peuple doit créer un mouvement politique qui entreprend l’élaboration d’une constitution moderne afin de consacrer les droits qui appartiennent à toutes et à tous en raison de leur être. Il est donc urgent d’établir une cohésion au sein du corps politique autour de la politique indépendante de la classe ouvrière pour ouvrir la voie au progrès et conjurer les dangers de guerre qui nous guettent.
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