Les problèmes de la chaîne d’approvisionnement
Les conditions de travail dans le transport requièrent une attention de premier plan!
– Normand Chouinard –
Aujourd’hui, on parle beaucoup des problèmes des chaînes d’approvisionnement, de la pénurie de camionneurs à cause de la pandémie, de la responsabilité des camionneurs dans la propagation de la COVID-19, et d’autres choses du genre. Un discours fait de fausses causes et de fausses conséquences présente les problèmes des chaînes d’approvisionnement comme la cause de l’inflation des prix et, avant que vous ne le sachiez, les camionneurs deviennent la cause de l’inflation des prix.
Le public entend très peu, voire pas du tout, parler des conditions de travail des camionneurs au Canada et aux États-Unis, qui sont traités comme une seule entité appelée Amérique du Nord en raison de l’intégration du Canada à l’économie américaine. Ce sont principalement les camionneurs qui garantissent la chaîne d’approvisionnement lorsqu’il s’agit de produits alimentaires et non alimentaires. Sans eux, il n’y a pas de chaîne d’approvisionnement. C’est aussi simple que cela. Le facteur humain est essentiel et c’est pourquoi il est important de reconnaître le rôle que jouent les camionneurs.
Il y a un fossé énorme entre les déclarations que font les chefs de gouvernement et les ministres comme quoi les camionneurs sont essentiels et la reconnaissance de ce fait par des actes. Il y a une grande différence.
Depuis le début de la pandémie de coronavirus en 2020, de plus en plus de personnes ont pris conscience des problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement. Ce n’est un secret pour personne que la mondialisation des dernières décennies a créé une chaîne de production des biens manufacturés à travers la planète. Cela requiert un vaste réseau de transport pour garantir la livraison « juste-à-temps » des biens produits à leur destination. Chaque jour, des dizaines de millions de travailleurs des secteurs maritimes, aérien, ferroviaire et du transport routier transportent les biens produits par la classe ouvrière industrielle partout sur le globe.
Les camionneurs sont clés en ce qui concerne la chaine d’approvisionnement. Il y a en Amérique du Nord plus de 4 millions de camionneurs, qui conduisent des véhicules allant des plus gros camions lourds au petit camion de livraison. Quatre-vint pour cent des biens en circulation aux États-Unis et au Canada sont transportés par ces camionneurs. Les problèmes auxquels les camionneurs font face sont nombreux et ce qui ressort le plus de cette pandémie est l’inaction totale des différents paliers de gouvernement et des chefs de l’industrie pour garantir les droits et les conditions de cette immense force de travail.
Au début de la pandémie, les chefs de gouvernements et les ministres ont louangé les camionneurs à plusieurs reprises, répétant sans arrêt à quel point ils étaient indispensables et essentiels. On aurait pu croire que les conditions des camionneurs se seraient améliorées depuis ce temps mais il n’en n’est rien. Certaines demandes ont été satisfaites, comme de nouveaux relais routiers avec toilettes, surtout aux États-Unis, après la fermeture des restaurants à cause de la COVID-19. Il y a eu une certaine augmentation des taux et des salaires, mais elle ne tient pas compte de la hausse vertigineuse des prix du transport. L’augmentation versée aux camionneurs est très faible et ne correspond pas au pourcentage d’augmentation des prix. Bref, l’argent va ailleurs et les camionneurs savent dans les poches de qui il se retrouve.
La question demeure entière : comment allons-nous garantir que les camionneurs peuvent effectuer leur travail dans la dignité et dans des conditions humaines ? Les problèmes sont multiples. Par exemple, dans l’industrie intermodale, le transport de conteneurs, il y a des milliers et des milliers de travailleurs qui sont soumis aux pires conditions, et une grande partie d’entre eux sont des travailleurs étrangers temporaires, dont les droits ne sont pas reconnus par les propriétaires et les gouvernements. Leurs conditions de travail constituent une nouvelle forme d’asservisement.
Il y a également les travailleurs de longue distance qui sont partis plus de 250 jours par année, loin de leur demeure et de leur famille. Il y a les salaires beaucoup trop bas des camionneurs locaux dans les grandes villes, qui font face à de sérieux problèmes à cause des horaires de travail instables et irréguliers.
Tout le monde a entendu que le premier ministre du Canada a passé un décret qui va obliger les camionneurs étrangers en provenance des États-Unis d’être vaccinés et obliger les camionneurs canadiens qui reviennent au pays et ne sont pas vaccinés à se soumettre aux mesures de dépistage avant l’entrée, à l’arrivée et le huitième jour, et à se mettre en quarantaine après avoir terminé leurs livraisons. C’est la seule mesure que les gouvernements ont prise à l’endroit des camionneurs. Cela a provoqué une forte réaction de l’industrie qui a dit que la chaîne d’approvisionnement va être sérieusement affectée et que l’inflation des prix va s’aggraver. De nombreux camionneurs ne sont plus sur la route à cause de la COVID-19 et on ne sait pas combien d’autres vont démissionner parce qu’ils refusent de se soumettre au diktat du gouvernement. Le message du premier ministre avec la vaccination obligatoire est clair : blâmez les camionneurs pour les rayons qui sont vides dans les magasins et pour l’inflation des prix.
C’est inacceptable. La vérité c’est que le gouvernement du premier ministre et le gouvernement des États-Unis ne font rien pour mettre fin à la direction des décisions gouvernementales qui vise à payer les riches. Ces décisions aggravent de manière exponentielle les problèmes de l’environnement naturel et social.
Ce qu’il faut, c’est garantir des conditions de travail dignes pour tous les camionneurs et un système souverain de production alimentaire qui garantit la sécurité alimentaire. De même, le commerce devrait être mené pour l’avantage mutuel sur une base rationnelle, afin que les camions, les navires et les avions ne sillonnent pas inutilement les routes, les océans et les cieux du monde, laissant de la pollution dans leur sillage. Si on assurait un niveau de vie et des conditions de travail dignes aux membres de la société, la production alimentaire et la fabrication se feraient d’abord chez nous.
Alors que s’amorce 2022, les Canadiens et les Québécois devront assumer les problèmes des chaînes d’approvisionnement. La chose la plus importante à considérer est la nécessité de donner une nouvelle direction à l’économie canadienne. Les questions relatives aux droits des camionneurs, à la reconnaissance de leur métier et à la manière dont une société peut être approvisionnée en produits dont elle a besoin d’une manière sûre et respectueuse de l’environnement sont essentielles à la solution du problème des chaînes d’approvisionnement qui sont toujours en train de s’écrouler.
Et n’oubliez pas : ne blâmez pas les camionneurs !
Publié le 18 janvier 2022