Dans l’actualité le 13 juillet
Ce que nous voyons sur le terrain au Québec
Le besoin urgent d’une solution prosociale à la crise du logement
Comme on s’y attendait, la crise du logement a frappé le Québec d’une manière particulièrement aigue cette année, alors qu’au moins 600 ménages locataires n’ont pas réussi à signer un nouveau bail le 1er juillet, la journée traditionnelle du déménagement.
« Les centaines de ménages locataires qui sont toujours sans logis et tous ceux qui s’ajouteront au cours des jours et des semaines à venir sont des révélateurs d’une crise beaucoup plus profonde, à laquelle il faudra rapidement s’attaquer pour éviter la répétition année après année de tels drames humains », a déclaré Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), lors de son 22e bilan annuel, produit le 2 juillet. « En s’en tenant aux seuls chiffres officiels fournis par les services d’aide d’urgence mis en place par les municipalités ou les offices d’habitation, on arrive à au moins 4000 ménages qui ont réclamé de l’aide pour se trouver un toit cette année. De ce nombre, au moins 600 ménages sont toujours suivis par un service d’aide, et sont hébergés soit par des villes, soit par des proches », a-t-elle ajouté.
Cette situation prévaut dans les grandes et petites villes, dans les grands centres comme en région.
Le FRAPRU estime que le nombre de gens n’ayant pas trouvé de logement n’est qu’un pâle reflet des difficultés extrêmes ayant entouré le 1er juillet 2022, beaucoup de ménages ayant dû se résoudre à louer un appartement trop cher, trop petit pour leur famille ou insalubre. D’autres ont été dépannés par leur famille ou leur réseau, sans contacter les services d’aide.
L’organisme dénonce le gouvernement de la CAQ pour n’avoir pas pris au sérieux la crise du logement depuis qu’il a été élu le 1er octobre 2018. Il réclame que le prochain gouvernement adopte des mesures structurantes qui permettent de s’attaquer à la crise dans toutes ses dimensions. Il demande à tous les partis de s’engager à livrer tous les logements manquants dans le programme AccèsLogis et à financer 50 000 logements sociaux en cinq ans sous la forme d’habitations à loyer modique, de coopératives d’habitation locatives et de logements gérés par des organismes sans but lucratif. Ce chantier devrait aussi prévoir un programme d’acquisition d’immeubles locatifs pour les sortir de la spéculation.
Sur le plan législatif, le FRAPRU réclame que les partis s’engagent à imposer un contrôle obligatoire de tous les loyers privés, appuyé par un registre des loyers. Il revendique que les partis modifient le Code civil pour protéger plus efficacement les locataires contre les évictions sous toutes leurs formes et sauvegarder le parc de logements locatifs. L’organisme insiste enfin pour que toutes ces mesures s’inscrivent dans une politique globale en habitation basée sur la reconnaissance formelle du droit au logement.
Quelques jours avant le 1er juillet, Forum ouvrier s’est entretenu avec Arnaud Duplessis-Lalonde, un organisateur communautaire pour le Comité logement Rosemont à Montréal. Le Comité est membre du FRAPRU.
Arnaud a donné des exemples qui mettent en lumière des difficultés énormes auxquelles les gens font face pour trouver un logement.
« Notre autre regroupement national, le RCLALQ, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, a fait une étude comparative entre ce que le gouvernement du Canada enregistre comme loyer moyen et ce qu’on voit réellement quand on est à la recherche d’un logement. À chaque année, la SCHL, la Société canadienne d’hypothèques et de logement publie une étude sur l’état du marché de l’habitation. Parmi les données qu’elle recense, il y a les données au niveau loyer moyen ou médian dans chaque secteur.
« Ce que le RCLALQ révèle c’est qu’il y a une différence qui est près de 50 % entre les nouveaux loyers affichés et ce qui est enregistré comme loyer moyen dans les rapports de la SCHL. C’est énorme comme différence. On voit à Montréal par exemple, que le problème n’est pas nécessairement qu’il n’y a pas de logements disponibles mais qu’ils sont trop chers par rapport à la capacité de payer des gens alors ils ne sont pas loués. Les propriétaires vont préférer laisser des logements vides plutôt que de baisser leur loyer pour les louer à des locataires[1].
Il a critiqué les gouvernements de tous niveaux qui traitent le logement comme un instrument pour subventionner les promoteurs privés au lieu de répondre aux besoins des ménages locataires.
« Au niveau fédéral, le dernier budget du gouvernement fédéral ne va pas changer la donne en ce qui concerne les ménages locataires. Il a investi beaucoup d’argent dans des programmes d’accès à la propriété. On voit que les programmes d’accès à la propriété et de logement soi-disant abordable dont les trois paliers de gouvernement, fédéral, québécois et municipal font la promotion, ne répondent pas aux besoins. Ils font la promotion de nouveaux modèles de financement qui visent plutôt à financer du logement soi-disant abordable qui passe essentiellement par le secteur privé et l’accès à la propriété, ce qui ne répond pas aux besoins des gens. Le gros des ménages a des besoins réels en habitation qui ne sont pas comblés par ces programmes.
« Nous parlons ici de programmes sociaux et ils ne devraient pas servir à des promoteurs privés pour les inciter à revendre ou à louer un peu moins cher que le prix du marché qui est déjà hors de contrôle.
« Bref, pour nous la solution, c’est le contrôle des loyers, et des investissements massifs dans le logement social. »
Note
1. Il s’agit du rapport intitulé « Sans loi ni toit : Enquête sur le marché incontrôlé des loyers – Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) Juin 2022 ». Pour une troisième année consécutive, le RCLALQ a compilé plusieurs dizaines de milliers d’annonces de logements à louer sur le site Kijiji et a établi une comparaison avec le loyer moyen au Québec tel que recensé par la SCHL. Dans son plus récent rapport, il conclut qu’un logement à louer était près de 50 % plus cher que le logement moyen en 2022, et que cet écart avec les données de la SCHL, qui continue de s’accroître à Montréal, s’accentue encore plus rapidement à l’extérieur des grands centres urbains. Cela signifie que la migration vers une autre région pour trouver un logement plus abordable n’est désormais plus possible. Comme mesure d’urgence pour corriger la situation, le RCLALQ réclame notamment que le gouvernement instaure un contrôle obligatoire des loyers.
Pour lire le rapport, cliquez ici.
Forum ouvrier, affiché le 13 juillet 2022.
|
|