Dans l’actualité le 28 juin
Arrêtez les expulsions! Un statut pour toutes et tous!
La violation continue des obligations du Canada en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant
La Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant, dont le Canada est signataire, stipule : « Art. 3 (1) : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »
Le Conseil canadien pour les réfugiés souligne que la loi canadienne sur l’immigration viole les obligations du Canada en vertu de la Convention, et le Réseau des jeunes du Conseil canadien pour les réfugiés exige que le Canada se mette en conformité, ce qui nécessite qu’il tienne pleinement compte de l’intérêt supérieur des enfants concernés dans toute décision en matière d’immigration, y compris la décision d’expulsion.
« La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés mentionne qu’on doit tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant seulement dans certaines situations, contrairement à la Convention relative aux droits de l’enfant qui affirme qu’on doit en tenir compte ‘dans toutes les décisions qui concernent les enfants’, souligne le Conseil canadien pour les réfugiés. « Plus encore, tandis que la Convention affirme que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une ‘considération primordiale’ cette loi exige seulement qu’il soit ‘tenu en compte’ », souligne l’organisation[1].
Les personnes et les familles menacées d’expulsion peuvent faire appel pour obtenir la résidence permanente par considérations d’ordre humanitaire parce que l’expulsion ne serait pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Cependant, l’examen des demandes peut prendre des mois, voire des années, et l’expulsion peut avoir lieu avant que l’appel ne soit entendu. Il s’agit là d’une violation flagrante du droit international, puisque l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) peut ordonner l’expulsion alors que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été pris en compte, sans parler de la « considération primordiale » exigée par le droit international. Les retards dans le traitement des demandes par considérations d’ordre humanitaire font que de plus en plus de personnes sont expulsées du Canada avant que leur demande de considérations d’ordre humanitaire ait été examinée, affirme le Conseil canadien pour les réfugiés.
McKenna Rose, citoyenne canadienne âgée de six ans, et sa mère Vangie (Evangeline) Cayanan ont reçu l’ordre de quitter le Canada avant le 11 juillet. Vangie, qui défend activement les droits des travailleurs migrants, s’est fait dire par l’ASFC qu’elle était expulsée, mais pas McKenna, et qu’elle pouvait « choisir » de laisser McKenna au Canada pour qu’elle soit placée dans une famille d’accueil. L’ASFC parle la langue des propriétaires d’esclaves des plantations pour qui déchirer les familles n’était qu’une banalité dans la façon de « faire des affaires ».
Le site Web du ministère de la Justice contient un article de fond rédigé par Jean-François Noël [2] qui dit :
« En principe chaque État partie est responsable de donner suite à ses engagements internationaux et ne peut pas invoquer les dispositions de son droit interne pour se décharger de ses obligations contractées en vertu de la CDE [Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant] ;[3] dans la pratique, les obstacles à l’application de la CDE sont toutefois nombreux.
« Si la CDE a donné lieu à des activités législatives importantes dans plus de la moitié des États parties depuis son entrée en vigueur en septembre 1990, plusieurs tardent encore à mettre en oeuvre en tout ou en partie la CDE. »
Jean-François Noël ne se prononce pas sur la question de savoir si le Canada fait partie des États parties qui accusent encore un « retard ». Cependant, il explique que : « La Convention n’ayant pas été incorporée explicitement au droit interne par le biais de lois spécifiques, elle ne peut par conséquent donner ouverture à un droit d’action devant un tribunal canadien. Selon l’approche canadienne, la mise en oeuvre des traités internationaux sur les droits humains ratifiés par le gouvernement fédéral dépend d’une multitude de mesures qui existent tant au niveau fédéral, qu’aux niveaux provincial et territorial — dont la Charte canadienne des droits et libertés, la législation, les politiques et les programmes — afin de se conformer aux obligations contractées en vertu de ces traités. »
Jean-François Noël conclut que la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant peut être invoquée « à des fins interprétatives » devant les tribunaux canadiens, mais qu’elle n’a aucune force obligatoire. En d’autres termes, l’État peut agir en toute impunité en violant cette convention et d’autres traités internationaux qu’il a signés.
À l’heure actuelle, l’ASFC n’a pas d’organisme de surveillance. Le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a déposé récemment un projet de loi visant à donner à la GRC le pouvoir d’enquêter sur les plaintes du public au sujet de l’ASFC. Des projets de loi semblables sont morts au feuilleton par le passé. S’il est adopté, le nouveau projet de loi exigerait que la GRC et l’ASFC répondent dans un délai de six mois, mais il n’empêcherait pas l’expulsion avant que la réponse ne soit fournie. Rien de tout cela ne change le fait que l’ASFC peut agir en toute impunité en violant les obligations du Canada concernant les droits de l’enfant.
Notes
1. Conseil canadien pour les réfugiés.
2. Voir ici.
3. Jean-François Noël est membre du Barreau du Québec et directeur général du Bureau international des droits des enfants. Il a enseigné le droit des enfants à la Faculté de droit de l’Université de Montréal de 1999 à 2004. Il a publié de nombreux ouvrages et a fait diverses présentations sur les enfants et le droit international.
Forum ouvrier, affiché le 28 juin 2022.
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