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21 juin, solstice d’été
Le Comité des Nations unies rappelle le Canada à l’ordre pour les mauvais traitements infligés aux défenseurs de la terre autochtones
Le 29 avril, Verene Shepherd, présidente du Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, a publié une lettre dans laquelle elle informe l’ONU de l’intensification des violences commises par le Canada à l’encontre des défenseurs de la terre autochtones, au mépris des appels à mettre fin au recours à la force contre eux et aux autres violations de leurs droits. Malgré toutes les prétentions du Canada à être un grand défenseur des droits humains, et la manière autoritaire dont il utilise cette réputation autoproclamée pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’autres pays, le Comité note également que le Canada ne s’est pas acquitté de sa responsabilité de rendre compte des mesures qu’il a prises pour répondre aux préoccupations soulevées dans le passé. La lettre est reproduite dans son intégralité ci-dessous.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale est le plus ancien organe de traité de l’ONU. Il est chargé de la mise en oeuvre de la Convention internationale sur l’élimination de la discrimination raciale, ce qui inclut la supervision du processus par lequel « tous les États parties doivent présenter des rapports sur les mesures qu’ils auront adoptées concernant les droits décrits dans le Pacte et sur les progrès réalisés dans la jouissance des droits civils et politiques ». Verene Shepherd, de la Jamaïque, est devenue présidente du Comité au début du mois d’avril. Elle est directrice du Centre for Reparation Research à l’Université des Antilles[1].
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Excellence,
Je vous écris pour vous informer qu’au cours de sa 106e session, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné les informations reçues dans le cadre de sa procédure d’alerte rapide et d’action urgente, relatives à la situation des communautés secwepemc et wet’suwet’en, en relation avec le pipeline Trans Mountain et le pipeline Coastal GasLink dans la province de la Colombie-Britannique.
Selon les informations dont dispose le Comité, les gouvernements du Canada et de la province de la Colombie-Britannique ont intensifié leur recours à la force, à la surveillance et à la criminalisation des défenseurs de la terre et des manifestants pacifiques afin d’intimider, d’éloigner et d’expulser de force les nations secwepemc et wet’suwet’en de leurs terres traditionnelles, notamment par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et l’industrie (GISCI) et des sociétés de sécurité privées. Les informations reçues précisent notamment que les Tiny House Warriors, un groupe de femmes secwepemc, ont été la cible de surveillance et d’intimidation, et que de nombreux défenseurs pacifiques des terres secwepemc et we’suwet’en ont été victimes d’expulsions violentes et de détentions arbitraires par la GRC, le GISCI et des agents de sécurité privés à plusieurs reprises depuis la lettre du Comité à l’État partie, datée du 24 novembre 2020.
Le Comité rappelle que dans sa décision 1 (100) du 13 décembre 2019, il a exhorté l’État partie à cesser immédiatement les expulsions forcées des Secwepemc et Wet’suwet’en. Il a également exhorté l’État partie à garantir qu’aucune force ne sera utilisée contre eux et que la GRC et les services de sécurité et de maintien de l’ordre associés seront retirés de leurs terres traditionnelles.
Le Comité est profondément préoccupé par le fait que, malgré ses appels à l’État partie, les informations reçues indiquent plutôt une augmentation des actes susmentionnés contre les Secwepemc et Wet’suwet’en.
Les informations reçues allèguent également que les gouvernements du Canada et de la province de Colombie-Britannique n’ont pas pris de mesures pour engager des consultations avec les Secwepemc et Wet’suwet’en au sujet du gazoduc Trans Mountain et du gazoduc Coastal GasLink.
Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore soumis ses 21e à 23e rapports périodiques combinés, attendus le 15 novembre 2021, dans lesquels il devait également fournir des informations sur les mesures prises pour répondre aux préoccupations soulevées dans la décision du Comité le 13 décembre 2019 et dans sa lettre du 24 novembre 2020, notamment sur les efforts entrepris pour engager des négociations et des consultations avec les communautés secwepemc et we’suwet’en touchées par les projets susmentionnés[2].
Le Comité est préoccupé par le fait que la situation décrite ci-dessus pourrait se détériorer au détriment des droits des Secwepemc et des Wet’suwet’en, en particulier les droits à leurs terres et territoires, le droit d’être consulté et le droit à la sécurité de la personne.
Conformément à l’article 9 (1) de la Convention et à l’article 65 de son règlement intérieur, le Comité demande à l’État partie de fournir une réponse aux communications susmentionnées avant le 15 juillet 2022. En particulier, le Comité demande à l’État partie de fournir des informations sur les mesures prises pour :
(a) Cesser la construction de l’oléoduc Trans Mountain et du gazoduc Coastal GasLink, jusqu’à l’obtention du consentement préalable, libre et éclairé, respectivement, des Secwepemc et des Wet’suwet’en, après l’exécution complète et adéquate de l’obligation de consulter ;
(b) Engager des négociations et des consultations avec les communautés secwepemc et we’suwet’en touchées par le pipeline Trans Mountain et le pipeline Coastal GasLink et rendre compte des résultats de ces négociations et consultations ;
(c) Prévenir et enquêter dûment sur les allégations de mesures de surveillance, de pratiques de détention arbitraire, de cas d’usage excessif de la force contre les manifestants, en particulier ceux appartenant aux Secwepemc et aux Wet’suwet’en, par la GRC, le GISCI et les entreprises de sécurité privées ;
(d) Mettre fin à l’expulsion forcée des Secwepemc et des Wet’suwet’en ;
(e) Garantir le droit de réunion pacifique des peuples autochtones, y compris les Secwepemc et les Wet’suwet’en ;
(f) Revoir, en consultation avec les peuples autochtones, le cadre juridique et institutionnel afin de veiller à ce que le droit à la consultation et à l’obtention d’un consentement préalable, libre et éclairé soit dûment incorporé dans la législation nationale d’une manière qui soit conforme aux obligations internationales en matière de droits de l’homme et à la jurisprudence, notamment à la recommandation générale no 23 du Comité sur les droits des peuples autochtones.
Enfin, le Comité demande à l’État partie de soumettre d’urgence les 21e à 23e rapports périodiques combinés attendus.
Permettez-moi, Excellence, de réitérer le souhait du Comité de continuer à engager un dialogue constructif avec le gouvernement du Canada, en vue d’assurer la mise en oeuvre effective de la Convention[3].
Notes
1. Le Newsday de Trinité-et-Tobago a rapporté le 25 avril que « Verene Shepherd, dont la candidature a été soutenue par la CARICOM, est la première citoyenne de la CARICOM/Jamaïque à être membre du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale et à en assurer la présidence. Elle est membre du comité depuis 2016 et a remporté le plus grand nombre de voix parmi ceux qui ont concouru pour un siège au Comité deux fois de suite. C’est la première fois que l’historienne sociale et défenseure des réparations occupera la présidence du comité.
« [L’Université des Antilles] a déclaré dans un communiqué que Mme Shepherd apporte à ce poste son expertise en matière d’administration, d’histoire, d’études de genre, d’études sur les migrations, de réparations et de droits de l’homme.
« Elle a également été membre du Groupe de travail d’experts des Nations unies sur les personnes d’ascendance africaine (WGEPAD) de 2010 à 2015, puis présidente de 2012 à 2014, lorsqu’elle a contribué à l’élaboration du programme d’activités de la Décennie internationale des Nations unies pour les personnes d’ascendance africaine de 2015 à 2024.
« Mme Shepherd a assumé les fonctions de la présidence du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale le 11 avril, pour une période de deux ans. »
2. Le dernier rapport fourni par le Canada est un rapport intérimaire publié en 2019, à la suite de la comparution du Canada à l’ONU en 2017 pour l’examen de ses vingt-et-unième à vingt-troisième rapports périodiques combinés sur la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
3. La lettre est traduite de l’anglais par Le Marxiste-Léniniste.
LML Quotidien, affiché le 21 juin 2022.
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