Dans l’actualité le 10 juin
Nunavik, Nord-du-Québec
Les travailleurs de Mine Raglan, au Nunavik, en grève pour leurs droits et leur dignité
Le 26 mai, les quelque 630 travailleurs de la production chez Mine Raglan au Nunavik, ont déclenché une grève générale illimitée contre la dégradation de leurs conditions de travail et pour le respect qu’ils réclament de leur employeur et qui fait cruellement défaut. Nunavik est la région du Québec au nord du 55e parallèle. Mine Raglan est la propriété du géant mondial minier/métallurgique Glencore. Forum ouvrier s’est entretenu récemment avec Éric Savard, le président de la section locale 9449 du Syndicat des Métallos, qui représente ces travailleurs et l’ensemble des travailleurs syndiqués de la mine dont le nombre total est d’environ 850.
Forum ouvrier : Peux-tu d’abord nous dire quelque chose sur les opérations de Mine Raglan ?
Éric Savard : Mine Raglan a commencé ses opérations en 1997, il y a 25 ans maintenant. Elle a connu de nombreux propriétaires, Noranda, Falconbridge, Xstrata et maintenant Glencore. Nous produisons principalement du nickel, qui représente environ 70 % du minerai qui est extrait, et nous avons aussi du cuivre, du cobalt, du palladium et d’autres minerais. Il y a de l’or également. La main-d’oeuvre syndiquée à la mine comprend les 630 travailleurs de la production, qui sont en grève en ce moment, plus les travailleurs du sous-traitant Kiewit, les travailleurs de Katinniq Transport qui transportent le minerai aux bateaux au port de mer à Baie Déception, les techniciens et employés de bureau et les agents de sûreté. Les travailleurs de la production travaillent par navettage, souvent 21 jours de travail consécutifs, et viennent de partout au Québec et certains viennent aussi du Nouveau-Brunswick. Lorsque Glencore a fermé la fonderie Brunswick à Belledune, au nord du Nouveau-Brunswick, à la fin de 2019, des travailleurs de la fonderie sont venus travailler chez nous.
Forum ouvrier : Dans le communiqué du Syndicat des Métallos, il est beaucoup question de la demande de respect qui a poussé les travailleurs à déclencher la grève. Peux-tu nous en dire plus ?
ES : Depuis que Glencore a racheté Xstrata, nous sommes obligés de constater que nous avons connu beaucoup de reculs. Cela comprend nos horaires de travail, l’augmentation de la production avec le même nombre de travailleurs de même que des coupures dans les pauses des travailleurs qui existaient parfois depuis 20 ans. Cela comprend les réunions de santé et sécurité en début de quart de travail pour les différents groupes de travail, qui se font maintenant sur le temps du travailleur et non sur le temps de la compagnie. Nous avons connu une grande perte de conditions de travail.
Le vase a débordé lorsque les agents de sûreté ont été congédiés il y a environ 15 mois après avoir rejeté l’offre de la compagnie. Nous sommes en cour à ce sujet et toujours en attente d’un jugement. Avec Glencore, nous sommes constamment en train de soumettre des griefs. Glencore conteste tout, et il faut se battre en cour sur tout, pour nos semaines de vacances, pour être payés la journée qu’on se rend à la mine en avion, etc. Il y a beaucoup de frustration d’accumulée sur toutes ces questions.
Glencore a aussi négligé les conditions de santé et sécurité. Par exemple, il y a eu une grande augmentation de production et on a réalisé que les rampes d’accès étaient devenues non sécuritaires. Les travailleurs ont mis l’épaule à la roue, ont reboulonné toutes les rampes. Au lieu de remercier les travailleurs, la compagnie a invoqué que la production était en retard et s’est mise à harceler les travailleurs pour qu’ils fassent du temps supplémentaire et a menacé de les rétrograder en ce qui concerne les échelons de travail. En plus, elle s’est mise à imposer que sur l’heure de repas le midi, le temps de transport des travailleurs va dorénavant être sur leur temps et non sur le temps de la compagnie. Cela faisait 25 ans que le temps de transport était payé par la compagnie et cela fonctionnait bien ; il n’y avait pas de raison de couper dans le temps. À partir de l’endroit de travail vers la salle de refuge, cela peut prendre 15 à 20 minutes au travailleur pour s’y rendre. Le travailleur n’a donc pas maintenant une pleine heure de repos et de repas alors qu’il en a bien besoin, avec toutes les heures de travail qu’il doit faire. Quand tu travailles 21 jours d’affilée la dernière chose que tu veux faire c’est de te battre pour ton heure de repas. Les travailleurs ont été exaspérés par tout ça.
FO : Dans votre communiqué, vous dites que la sous-traitance est un problème majeur à la mine. Peux-tu nous l’expliquer ?
ES : Comme on le dit dans notre communiqué, nous avons une situation où il y a souvent beaucoup plus de contracteurs sur le site de la mine que de travailleurs syndiqués. Ça n’a pas de sens. Les gens engagés en sous-traitance gagnent moins cher et leurs conditions sont pires. Ce sont autant de retombées économiques en moins dans les régions du Québec d’où viennent les travailleurs.
En plus, cela empêche les jeunes de progresser dans les échelons où les salaires et les conditions sont meilleurs. Glencore engage plein de travailleurs en sous-traitance dans les échelons intermédiaires. Les jeunes ne peuvent plus monter dans l’échelon et obtenir de la formation pour avancer. On est rendu à une situation où il y a entre 30 et 40 % de travailleurs en sous-traitance présentement.
Pendant ce temps, les conditions des travailleurs en sous-traitance sont inférieures à celles des travailleurs syndiqués. La qualité d’hébergement est moindre, la qualité de la nourriture est inférieure. Augmenter le nombre de sous-traitants à chaque année n’offre rien de bon aux travailleurs. Comment est-ce possible qu’une grande multinationale comme Glencore développe du cheap labour et impose des mauvaises conditions dans ses installations ?
Nous cherchons à améliorer les conditions pour tout le monde, augmenter nos taux horaires, majorer le fonds de pension, augmenter le niveau de vie des travailleurs.
FO : Veux-tu ajouter quelque chose en conclusion ?
ES : Nous observons depuis des années que Glencore recule en ce qui concerne le bien-être et la protection des travailleurs. Nous voulons inscrire les améliorations que nous recherchons de façon claire dans la convention collective. Peut-être qu’ainsi nous allons arrêter d’être constamment en griefs, arrêter les confits inutiles, et améliorer le sort de tous et chacun.
(Forum ouvrier, affiché le 10 juin 2022)
|
|