Dans l’actualité le 14 avril
Déclarations sur la décision de suspendre la Fédération de Russie de son siège au Conseil des droits de l’homme
Cuba
Déclaration du Représentant permanent de Cuba auprès des Nations Unies, l’ambassadeur Pedro Luis Pedroso Cuesta, sur le projet de résolution concernant la suspension des droits de membre de la Fédération de Russie au Conseil des droits de l’homme.
Monsieur le président,
Cuba a toujours plaidé et travaillé pour un Conseil des droits de l’homme capable de faire face aux défis complexes auxquels la communauté internationale est confrontée en la matière, et dont aucun pays n’est exempt.
L’Île a toujours défendu l’objectivité, l’impartialité et la transparence dans le travail de cet organe, et le fait que ses procédures et ses mécanismes fonctionnent sur la base d’informations véridiques et vérifiées.
Le recours à la clause de suspension de l’appartenance au Conseil ne favorisera en aucun cas la recherche d’une solution pacifique, négociée et durable au conflit en Ukraine, et contribuera encore moins à favoriser le climat de coopération, de dialogue et de compréhension qui doit prévaloir lorsqu’on aborde la question des droits de l’homme
Il est en outre irrespectueux qu’à quelques jours de la conclusion d’une session ordinaire du Conseil des droits de l’homme, cet organe n’ait même pas eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet.
Monsieur le président,
Depuis le début du processus de négociation concernant la création du nouveau Conseil qui remplacerait la Commission des droits de l’homme, Cuba s’est opposée à la clause de suspension de l’adhésion, en raison du risque sérieux qu’elle soit utilisée par certains pays qui privilégient les doubles standards, la sélectivité et la politisation des questions relatives aux droits de l’homme.
Cette clause peut être activée avec le soutien de seulement deux tiers des personnes présentes et votantes ; par conséquent, les abstentions ne comptent pas et il n’y a même pas le nombre minimum de votes requis pour que la suspension soit approuvée.
Pour être élu membre du Conseil des droits de l’homme, un pays doit au moins obtenir, lors d’un vote à bulletin secret, le soutien de la majorité des membres de l’ONU, c’est-à-dire pas moins de 97 voix.
Ainsi, les droits d’un membre du Conseil peuvent être suspendus par la volonté d’un nombre encore plus restreint d’Etats que ceux qui ont décidé de l’élire et de lui accorder ces droits.
La Fédération de Russie, qui a été élue membre du Conseil des droits de l’homme en 2020 par 158 voix, pourrait aujourd’hui être suspendue par un nombre inférieur.
Ce mécanisme de suspension, qui n’a de parallèle dans aucun autre organe des Nations unies, peut facilement être utilisé de manière sélective. Aujourd’hui, c’est la Russie, mais demain ce pourrait être n’importe lequel de nos pays, en particulier les nations du Sud qui ne se plient pas aux intérêts de domination et qui défendent fermement leur indépendance
Ce n’était pas une coïncidence si les promoteurs les plus enthousiastes de la clause de suspension, lors de la négociation de la construction du nouveau Conseil des droits de l’Homme, avaient été des pays développés ayant une tendance avérée à accuser les pays du Sud qui ne se conforment pas à leurs soi-disant modèles de démocratie, tout en restant silencieusement complices face aux violations flagrantes des droits de l’homme dans les pays occidentaux.
Bien entendu, toutes les personnes présentes dans cette salle ne partagent pas nos inquiétudes quant au mécanisme de suspension, car elles savent que les victimes de son utilisation sélective seront toujours les autres.
Cette Assemblée sera-t-elle un jour en mesure d’adopter une résolution suspendant l’appartenance des États-Unis au Conseil des droits de l’Homme, pour ne donner qu’un seul exemple ?
Nous savons tous que cela ne s’est pas produit et ne se produira pas, en dépit de ses violations flagrantes et massives des droits de l’homme, suite à des invasions et des guerres de pillage contre des États souverains, conformément à ses intérêts géopolitiques. Ils ont causé la mort de centaines de milliers de civils, qu’ils appellent « dommages collatéraux » ; des millions de personnes déplacées et des destructions gigantesques dans toute la géographie de notre planète, mais cette Assemblée n’a jamais suspendu aucun de leurs droits.
Nous savons tous également que la clause de suspension ne sera pas appliquée contre l’État qui impose à Cuba, depuis plus de 60 ans, un blocus économique, commercial et financier criminel qui constitue, sans aucun doute, la violation la plus prolongée, flagrante, massive et systématique des droits de l’homme de tout un peuple et un véritable acte de génocide contre tout un pays.
Il est pour le moins ironique de constater que le pays qui s’est opposé à la création du Conseil des droits de l’homme et a exigé, dans cette même salle, le vote contre la résolution qui lui a donné naissance, est le même pays qui a activé à son profit aujourd’hui, comme en 2011, l’une des clauses les plus controversées de ce forum.
M. le président,
Cuba sera cohérente avec les réserves qu’elle a émises concernant le mécanisme de suspension des membres, lors de l’adoption en 2006 de la résolution 60/251 qui a créé le Conseil des droits de l’homme et de la résolution 65/265, de 2011, sur la suspension des droits de la Libye.
L’adoption du projet de résolution que nous examinons aujourd’hui créera un dangereux précédent supplémentaire, notamment pour les pays du Sud.
Il ne leur suffit pas d’imposer des résolutions par pays et des mandats sélectifs. Ils ont maintenant l’intention de faire un nouveau pas vers la légitimation de la sélectivité et la création d’un Conseil des droits de l’homme de plus en plus au service de certains pays, comme l’était autrefois la Commission des droits de l’homme, disparue et discréditée.
Pour les raisons expliquées ci-dessus, la délégation cubaine votera contre le projet de résolution L.XX.
Je vous remercie.
(Cubaminrex-Mission permanente de Cuba auprès des Nations unies, 7 avril 2022)
LML Quotidien, affiché le 14 avril 2022.
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