Dans l’actualité le 13 avril
Ampleur de l’intégration du secteur énergétique canadien à l’économie des États-Unis
À titre d’information
La capacité de raffinage des États-Unis a atteint 17 millions de barils par jour en 2019
La capacité de raffinage totale aux États-Unis est passée de 15,3 millions de barils par jour de pétrole brut traité en 2000 à près de 17 millions de barils par jour de pétrole brut traité en 2019, une augmentation de plus de 11 %. Cette augmentation a eu lieu dans un contexte où il n’y a eu aucune nouvelle raffinerie construite aux États-Unis. La capacité a plutôt été ajoutée aux raffineries américaines existantes.
Selon le District administratif pétrolier pour la Défense (PADD), la capacité de raffinage du PADD 1 est passée de 1,5 million de barils par jour en 2000 à 900 000 barils par jour en 2019, une réduction de plus de 39 %. Oil Sands Magazine (OSM) souligne au sujet du PADD 1 que la Côte est des États-Unis est en grande partie isolée de l’approvisionnement par pipeline du Canada, et qu’elle dépend davantage du pétrole brut arrivant par voie maritime. La plupart de ses importations provenant du Canada viennent des plateformes pétrolières des eaux extracôtières de l’Atlantique. (OSM), 2020)
La capacité du PADD 2 est passée de 3,4 millions de barils par jour en 2000 à 3,8 millions de barils par jour en 2019, une augmentation de 12 %. Selon OSM, « le Midwest américain est toujours de loin le client le plus important pour les producteurs de l’Ouest canadien. Le Midwest est servi par le pipeline Mainline d’Enbridge, qui doit augmenter à 3 millions de barils par jour. Les raffineries du Midwest mélangent principalement le pétrole lourd des sables bitumineux avec le pétrole léger extrait des schistes Bakken du Dakota du Nord, dont la production a aussi augmenté. » (OSM, 2020)
La capacité de raffinerie du PADD 3 est passée de 7,1 millions de barils par jour en 2000 à 9,1 millions de barils par jour en 2019, une augmentation de près de 28 %. Selon OSM, « avec sa grande capacité de raffinage et une réduction de son approvisionnement de pétrole lourd, le PADD 3 (la côte du golfe du Mexique) est le plus grand client du bitume des sables bitumineux. Les raffineries de la région sont les mieux équipées pour traiter les pétroles bruts lourds riches en soufre, offrant les meilleurs prix d’achat pour les références mondiales en pétrole brut lourd. La région est présentement approvisionnée par le pipeline Keystone de TC Énergie, et les quantités additionnelles sont expédiées via le Midwest, ou transportées directement par voie ferroviaire. » (OSM, 2020)
La capacité de raffinage du PADD 4 est passée de 513 000 barils par jour en 2000 à 630 000 barils par jour en 2019, une augmentation de près de 23 %. Selon OSM, « la région des Montagnes Rocheuses américaines est située juste au sud de l’Alberta et est la plus petite des cinq régions de transformation de pétrole brut aux États-Unis. Le PADD 4 dépend beaucoup du pétrole brut lourd riche en soufre provenant des sables bitumineux, qu’il mélange avec le pétrole brut léger produit localement à Bakken. Le Canada est le seul fournisseur étranger en pétrole des Montagnes Rocheuses, représentant près de la moitié du total des matières premières raffinées dans cette région. La région du PADD 4 est approvisionnée par le pipeline Express d’Enbridge, dont le débit doit passer de 280 000 barils par jour à 330 000 barils par jour. » (OSM, 2020)
La capacité de raffinage du PADD 5 est passée de 2,7 millions de barils par jour en 2000 à 2,6 millions de barils par jour en 2019, une réduction de près de 6 %. Selon OSM, « les raffineries de l’État de Washington sont présentement approvisionnées par le pipeline Trans Mountain, tandis que les raffineries californiennes reçoivent du pétrole brut canadien par pétrolier, et des quantités additionnelles par voie ferroviaire. Les raffineries de la Californie sont géographiquement coupées des approvisionnements intérieurs et dépendent principalement des importations d’outremer, lesquelles sont mélangées avec le pétrole brut produit dans l’État même. Il est probable que cette région se procurera encore plus de pétrole brut canadien lorsque l’expansion du Trans Mountain sera terminée. » (OSM,2020)
Les importations de pétrole brut canadien aux PADD américains
Les importations de pétrole brut canadien aux PADD américains pour raffinage ont augmenté de plus de 2,5 millions de barils par jour, ou 194 % dans les deux dernières décennies
Au total, les importations de pétrole brut canadien aux PADD pour raffinage sont passées de 1,3 million de barils par jour en 2000 à plus de 3,8 millions de barils par jour en 2019, une augmentation de 183 %.
La distribution des importations de pétrole en provenance du Canada aux PADD est comme suit :
– PADD 1 : les importations de pétrole en provenance du Canada dans la Côte est des États-Unis sont passées de 185 000 barils par jour en 2000 à 221 000 barils par jour en 2019, une augmentation de plus de 19 %. Près de 32 % des importations de pétrole brut du PADD 1 proviennent maintenant du Canada, alors qu’elles étaient de 12 % en 2000.
– PADD 2 : les importations de pétrole en provenance du Canada dans le Midwest sont passées de 915 000 barils par jour en 2000 à 2,5 millions de barils par jour en 2019, une augmentation de près de 176 %. Près de 100 % des importations de pétrole du PADD 2 provenant de l’étranger proviennent maintenant du Canada, une augmentation de 60 % en 2000.
– PADD 3 : les importations de pétrole en provenance du Canada vers la côte du golfe du Mexique sont passées de 16 000 barils par jour en 2000 à 516 000 barils par jour en 2019, une augmentation de 3,125 %. Plus de 26 % des importations de pétrole du PADD 3 provenant de l’étranger proviennent maintenant du Canada, une augmentation de 3 % en 2000.
Selon l’Agence d’information sur l’Énergie des États-Unis (EIA), « les exportations du Canada sont principalement le pétrole brut lourd, que les raffineries de la Côte du Golfe du Mexique sont parfaitement capables de transformer. Parce qu’en grande partie le pétrole brut produit aux États-Unis est léger non sulfuré, plusieurs raffineries de la Côte du Golfe du Mexique importent des pétroles bruts plus lourds tels que le WCS (le principal pétrole brut canadien destiné à l’exportation) qui est lourd et riche en soufre.
[…]Parce que le Keystone XL ne progresse pas, au cours de la dernière décennie, des quantités accrues de pétrole brut canadien ont été transportées au PADD 3 par voie ferroviaire (une option plus dispendieuse que par pipeline) parce que les pipelines existants ont atteint leurs capacités. Les limites imposées à la capacité ont engendré une restriction au niveau du transport et contribué à de grandes différences de prix entre le pétrole brut Western Canadian Select (WCS) et le West Texas Intermediate (WTI). » (Agence d’information sur l’Énergie des États-Unis, 2019)
– PADD 4 : les importations de pétrole brut en provenance du Canada dans les Montagnes Rocheuses américaines sont passées de 169 000 barils par jour en 2000 à 308 000 barils par jour en 2019, une augmentation de 82 %. La totalité des importations de pétrole du PADD 4 provenant de l’étranger provient du Canada, comme en 2000.
– PADD 5 : les importations de pétrole de la Côte ouest américaine en provenance du Canada sont passées de 63 000 barils par jour en 2000 à 246 000 barils par jour en 2019, une augmentation de plus de 290 %. Plus de 19 % des importations du PADD 5 proviennent maintenant du Canada, une augmentation de 9 % en 2000.
Toutes les régions aux États-Unis utilisent davantage le pétrole canadien maintenant qu’en 2000, même le PADD 5, dont la capacité de raffinage dans son ensemble a décliné au cours de cette période.
La dépendance des raffineries américaines envers le pétrole lourd canadien
La dépendance des raffineries américaines envers le pétrole lourd canadien comprend le pétrole des sables bitumineux : une dépendance de 56 % envers le pétrole brut en 2019, une augmentation de 25 % par rapport à 2000.
Selon Oil Sands Magazine (OSM), la production de pétrole brut américain a augmenté de façon importante au cours des deux dernières décennies, principalement en raison de l’augmentation de la production de pétrole légers issu des schistes, production qui a commencé en 2008. Le pétrole léger a un indice API relativement élevé, le rendant beaucoup plus léger que le pétrole conventionnel.
L’approvisionnement national en brut aux États-Unis devient de plus en plus léger, approchant les 40 degrés sur l’échelle API, créant un décalage avec la densité souhaitée de la charge d’alimentation des raffineries, qui est en moyenne d’environ 32 degrés.
La demande de bruts plus lourds a donc augmenté, car les raffineries cherchent à mélanger le brut léger national avec des importations de pétrole lourd et moyen (OSM, 2020).
Bien que les États-Unis aient produit des niveaux records de pétrole brut national, ils continuent néanmoins d’importer du brut en raison des variations de qualité du pétrole brut. La gravité API, ainsi que la teneur en soufre, déterminent le type de traitement nécessaire pour raffiner le pétrole brut en carburant et autres produits pétroliers, qui entrent tous en ligne de compte dans les profits des raffineries.
En ajoutant du pétrole brut lourd importé au pétrole brut léger national dans le processus de production, les États-Unis ont considérablement augmenté leur capacité d’exporter des produits raffinés. Les exportations de pétrole brut américain ont augmenté depuis la levée des restrictions sur l’exportation de pétrole brut produit au pays en décembre 2015.
Le pourcentage des importations totales de pétrole lourd canadien aux États-Unis (c’est-à-dire dont la gravité API est de 25,0 degrés ou moins) est passé de 25,1 % en 2000 à 55,8 % en 2019, soit une augmentation de 122 % au cours des deux dernières décennies (voir la figure 4). Selon OSM, « La côte américaine du Golfe du Mexique associée à PADD 3 reste le principal client des producteurs de pétrole lourd du Canada, y compris le bitume dilué des sables bitumineux. Les raffineries de la région sont les mieux conçues pour traiter les catégories de pétrole lourd acide, offrant les meilleurs prix d’achat pour les références mondiales de pétrole lourd. Presque 100 % des exportations de pétrole brut canadien vers la côte américaine du golfe du Mexique sont lourdes. »
L’augmentation du brut canadien comme produit de base pour les raffineries américaines
La part du brut canadien comme produits de base pour alimenter les raffineries américaines a augmenté de façon constante au cours des deux dernières décennies, passant de près de 9 % à plus de 21 %.
Selon l’EIA, les raffineries américaines comptent sur les importations comme charge d’alimentation pour optimiser la production et maximiser les profits. Elles traitent efficacement les bruts lourds et moyens et seraient probablement sous-utilisées si une raffinerie choisissait de n’utiliser que le brut léger produit localement, car les usines de traitement sont conçues pour convertir les bruts intermédiaires lourds et de faible valeur en naphta et distillats de grande valeur.
Outre les différences de qualité du pétrole brut, le coût d’acquisition du pétrole brut par le raffineur peut être différent pour le brut national et le brut importé. Le coût d’acquisition du raffineur est le montant total qu’un raffineur peut s’attendre à payer pour le pétrole brut, y compris les coûts de fret et autres frais de transport. Traditionnellement, les pétroles bruts lourds et moyens se négocient avec une décote par rapport aux pétroles bruts légers non sulfureux. Depuis 2012, l’augmentation de la part des pétroles bruts importés ayant une gravité API plus faible (pétrole plus lourd) a entraîné une baisse du coût d’acquisition du pétrole brut importé par les raffineurs, comparativement aux volumes de pétrole brut de gravité API plus élevée (pétrole plus léger) produits au pays (Agence d’information sur l’Énergie des États-Unis, 2020).
Le pourcentage de brut canadien dans la charge d’alimentation des raffineries américaines (c’est-à-dire les matières premières et les matières intermédiaires traités dans les raffineries pour produire des produits pétroliers finis, autrement appelés intrants de raffinage) a augmenté de façon constante, passant de près de 9 % en 2000 à plus de 21 % à la fin de 2019.
Brut canadien en pourcentage de la charge d’alimentation américaine, par PADD
Ventilé par région PADD :
– les raffineries PADD 1 de la côte est des États-Unis ont traité 24,6 % de charges d’alimentation canadiennes en 2019, contre 11,9 % en 2000 ;
– les raffineries PADD 2 du Midwest américain ont traité 66,1 % de charges d’alimentation canadiennes en 2019, contre 26,8 % en 2000 ;
– le Canada ne représente encore que 5,7 % de la charge d’alimentation des raffineries du PADD 3 de la côte du golfe du Mexique, contre 0,2 % en 2000, et il existe donc des possibilités pour le Canada de fournir davantage de brut lourd à ce PADD. Selon OSM, « si le pipeline Keystone XL était achevé, la part canadienne de la charge d’alimentation du PADD 3 pourrait atteindre 15 %. Le PADD 3 pourrait recevoir des volumes supplémentaires de brut lourd canadien par rail ou par pipeline en provenance du PADD 2. » (OSM, 2020) ;
– les raffineries du PADD 4 dans les Rocheuses américaines ont traité 48,9 % de charges d’alimentation canadiennes en 2019, contre 32,9 % en 2000. Comme le note OSM, « la zone PADD 4 est desservie par le pipeline Express d’Enbridge, dont l’extension est prévue pour passer de 280 000 barils par jour actuellement à 330 000 barils par jour. Cela devrait augmenter la quantité de brut canadien consommé dans le PADD 4. » (OSM, 2020).
– le PADD 5 représente un autre point d’entrée privilégié pour les bruts lourds canadiens, notamment avec l’achèvement du TMX. En 2019, environ 9,6 % de la charge d’alimentation des raffineries du PADD 5 est canadienne, principalement traitée dans les raffineries de l’État de Washington, contre 2,3 % en 2000. Selon OSM, « les raffineries californiennes sont géographiquement coupées des approvisionnements nationaux. Elles dépendent principalement des importations d’outre-mer, qu’elles mélangent aux volumes de pétrole lourd produits dans l’État. La région est susceptible d’acheter davantage de brut canadien lorsque le TMX sera achevé. » (OSM, 2020)
Selon l’Institut américain du pétrole et Wood MacKenzie, « les raffineurs américains constituent un atout stratégique pour les États-Unis et le maintien d’une industrie nationale du raffinage viable est essentiel à la sécurité économique du pays. Les raffineries nationales sont en concurrence directe avec les importations de produits pétroliers. Comme l’industrie du raffinage fonctionne à l’échelle mondiale, les États-Unis doivent choisir entre fabriquer ces produits chez eux ou les importer d’autres pays. La fermeture des raffineries américaines entraînerait des pertes d’emplois au niveau national et une baisse des revenus publics sous forme de taxes. Elle entraînerait également une plus grande dépendance à l’égard des raffineries étrangères, telles que celles qui sont en cours de développement au Moyen-Orient et en Inde. (Institut américain du pétrole et Wood MacKenzie, 2011)
La poursuite de la construction d’infrastructures par pipeline, telles que TMX et Keystone XL, est essentielle au maintien d’une forte industrie de raffinage aux États-Unis et à l’augmentation de la part de marché du pétrole brut canadien, en particulier dans le PADD 3 : la côte américaine du Golfe du Mexique et le PADD 5 : côte ouest des États-Unis, tous deux configurés pour traiter le pétrole lourd canadien.
Si la capacité de raffinage des États-Unis n’augmente pas, ce qui signifie également qu’il faut veiller à ce que les raffineurs aient un meilleur accès aux approvisionnements en pétrole brut canadien, la dépendance des États-Unis à l’égard des importations de pétrole brut provenant de pays moins libres augmentera et la sécurité énergétique de l’Amérique du Nord sera compromise.
(Forum ouvrier, affiché le 13 avril 2022)
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