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Actualités liées à l’Ukraine
Les partis d’opposition reçoivent l’ordre de suspendre leurs activités
Le 20 mars, le président Volodymyr Zelenski a annoncé que par décision du Conseil de sécurité nationale et du Conseil de défense ukrainiens, 11 partis politiques ont reçu l’ordre de suspendre toute activité politique aussi longtemps que la loi martiale sera en vigueur. La suspension sera en vigueur au moins jusqu’à la fin d’avril. La raison qu’il a donnée pour l’interdiction est que les partis auraient prétendument des liens avec la Russie. Le même jour, Volodymyr Zelenski a signé un décret pour intégrer tous les réseaux de télévision nationaux dans une seule plateforme dirigée par le gouvernement pour établir une politique « de service d’information unifié ».
Concernant les partis politiques interdits, il a dit que la riposte serait vive envers toute activité de politiciens visant à créer la division ou à collaborer [avec la Russie]. Les partis affectés sont Plateforme d’Opposition — Pour la vie, le Parti de Charij, Nachi, le Bloc d’opposition, l’Opposition de gauche, l’Union des gauchistes, Derzhava, le Parti socialiste progressiste de l’Ukraine, le Parti socialiste de l’Ukraine, les Socialistes et le Bloc Volodymyr Saldo. Le Parti communiste et d’autres organisations communistes sont déjà illégaux, ayant été interdits en 2015 par le prédécesseur de Zelenski, Petro Poroshenko, suivant une politique de « décommunisation ».
On dépeint la plupart des partis interdits comme étant petits et comme n’ayant aucun siège à la Rada, le parlement unicaméral ukrainien. Un rapport de l’Institut d’études est-européennes de l’Université libre de Berlin note que trois des partis suspendus ont participé aux élections législatives de 2019, et obtenu un total de 2,7 millions de voix (18,3 %). Un de ces partis, Plateforme d’Opposition-Pour la vie est le plus important parti d’opposition au pays, détenant 44 des 450 sièges de la Rada, deuxième seulement après le Parti serviteur du peuple de Volodymyr Zelenski, qui détient 254 sièges. Il possède une base substantielle dans la population russophone en Ukraine de l’Est. Lors des élections de 2019, à Donetsk, il a obtenu 43,41 % des votes tandis que le parti de Zelenski a obtenu 27,19 % des votes. À Lougansk, les résultats ont été de 49,83 % contre 28,83 %.
Dans une déclaration émise en réponse à la suspension de toutes ses activités politiques, Plateforme d’Opposition — Pour la vie a dit que « la seule explication pour cette interdiction est que l’équipe au pouvoir s’adonne à des raids politiques et à une lutte politique inéquitable contre son principal adversaire. Plutôt que d’entretenir un dialogue politique et de chercher un compromis et les façons d’unir le pays, les autorités ont recours aux raids, à l’intimidation, à la répression et aux représailles contre leurs adversaires ». Il a exhorté tous ses députés, membres et activistes à poursuivre leur travail : « Afin de protéger les intérêts du peuple et de venir en aide aux gens à tous les niveaux possibles dans ces moments les plus difficiles pour le pays, comme nous le faisions avant. Afin de défendre la souveraineté de l’État ukrainien, les idées de paix, de démocratie et de droits humains. Afin de continuer la lutte pour la paix et pour améliorer la vie du peuple, renforcer l’économie du pays, surmonter la dévastation et la pauvreté, se préparer à la reconstruction d’après-guerre et au développement de notre pays ».
La déclaration se termine par l’affirmation que le parti contestera toute décision illégale et poursuivra le travail pour atteindre son objectif d’« unir tous les citoyens de l’Ukraine sur la base de la paix et du respect des droits de tous, peu importe leur nationalité, leurs croyances et leur statut social ! »
Le vice-président de Plateforme d’Opposition — Pour la vie, Viktor Medvedchuk, un député élu, est assigné à résidence depuis mai 2021, prétendument sous enquête par les autorités de l’État pour « trahison ». En 2014, tout en orchestrant le coup violent d’Euromaïdan contre un président qui aurait été « trop amical envers la Russie », les États-Unis ont imposé des sanctions contre Medvedchuk, un avocat et homme d’affaires bien connu en Ukraine, soi-disant pour des « actions et politiques qui menacent la paix, la sécurité, la souveraineté ou l’intégrité territoriale de l’Ukraine » et qui « sapent le processus démocratique ou les institutions de l’Ukraine ».
Dans un entretien avec le réalisateur américain Oliver Stone dans le documentaire de 2019 « Revealing Ukraine », le dirigeant de l’opposition a affirmé avec force qu’il défendait la souveraineté de l’Ukraine, mais que les droits linguistiques et culturels des Russes et des autres minorités devaient être défendus. Le programme de son parti demande d’abroger la loi linguistique litigieuse adoptée en 2019 par Petro Poroshenko, rendant l’ukrainien obligatoire dans toutes les sphères de la vie. Il redonnerait aux citoyens ukrainiens le droit de s’exprimer, de communiquer et d’étudier en russe et dans les autres langues parlées par les minorités nationales du pays. On dit que près de 30 % de la population ukrainienne est russophone.
Le programme du parti prône la réintégration dans l’Ukraine de Donetsk et de Lougansk dans le Donbass, qui ont déclaré leur indépendance, non pas par la force, mais en ayant recours au dialogue et aux compromis et en veillant à ce que leur sécurité soit garantie en plus de reconnaître leur statut autonome (essentiellement les conditions acceptées lors des Accords de Minsk que l’Ukraine n’a jamais respectées).
Lors d’un entretien avec Politique Internationale en janvier 2021, Medvedchuk a dit que l’Ukraine était un instrument aux mains de Washington non pas pour consolider l’Europe mais pour affaiblir la Russie et l’Union européenne. Il a dit que son parti représentait tous ceux qui ne veulent pas que les Ukrainiens, les Russes et les Biélorusses soient incités les uns contre les autres et qu’on les force à marcher au pas des Américains. Le programme du parti souligne qu’il défend des relations commerciales et économiques à avantage réciproque avec la Fédération de la Russie et les autres membres de la Communauté des États indépendants de la région, ainsi que des relations amicales avec les autres pays avoisinants.
Il est frappant que Svoboda, le parti banderite néonazi qui a un siège à la Rada et a obtenu 19 postes à la mairie lors des élections locales de 2020, et d’autres organisations comme lui qui sont notoires pour avoir fourni à l’armée ukrainienne des troupes de choc au cours des huit années de tueries dans la région du Donbass, n’ont pas reçu l’ordre de suspendre leurs activités. Au contraire, ces « combattants de la liberté » sont depuis les premiers jours des acteurs clés du plan des États-Unis et de l’OTAN visant à écraser brutalement l’opposition en Ukraine à ce que le pays serve de base avancée pour attaquer la Russie.
(Avec des informations de Ukrinform, Daily Mail, EFE, Al Jazeera, The Guardian, zagittya.com.ua et du département du Trésor des États-Unis)
LML Quotidien, affiché le 24 mars 2022.
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