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Les défenseurs des travailleurs accidentés prennent la parole sur les défis en 2022
Janet Paterson, présidente du Réseau ontarien des groupes de travailleurs accidentés
L’année dernière a définitivement apporté son lot de défis mais je pense que nous nous sommes montrés à la hauteur.
Nous avons appris comment créer des liens mais aussi comment les multiplier par le biais du virtuel. Cette avance est en partie grâce au groupe de Thunder Bay. Nous avions l’habitude de tenir nos réunions hebdomadaires au bureau, mais le bureau a fermé en raison de la COVID. Quoi faire dans ces circonstances ? Nous avons décidé de tenir nos réunions par Zoom. Nous avons commencé par organiser des réunions de formation, y invitant différents groupes. Des gens de partout au Canada ont participé. Nous avons eu des participants de la Californie. L’isolement est toujours un grave problème pour les travailleurs accidentés, et il en était ainsi bien avant la COVID.
Un de nos grands défis en 2022 est de mobiliser toujours plus nos 22 groupes en les aidant à organiser des réunions virtuelles. À cet effet, l’ONIWG (Réseau ontarien des groupes de travailleurs accidentés) a acheté deux licences. Nous avons dit aux groupes que nous allions les former sur comment utiliser cette technologie Zoom pour la tenue de leurs réunions. C’est un lent processus. Nous mettons les moyens à leur disposition, mais tout le monde n’a pas nécessairement l’Internet en ce moment. Voilà un de nos grands défis, de trouver le moyen d’appuyer nos groupes pour qu’ils puissent s’impliquer. Surmonter ce problème est notre priorité en ce moment à l’ONIWG.
Le fait de ne pas pouvoir rencontrer quelqu’un en personne a certainement été un défi pour nous. Malgré les défis du virtuel, il nous permet définitivement de s’ouvrir au monde de façon sécuritaire. Nous sommes en partenariat avec un groupe d’Australie depuis deux ans déjà. Ils nous ont vus en ligne, nous ont contactés et, comme nous, ont maintenant leur Journée des travailleurs accidentés le 1er juin. Nous sommes intervenus lors de leurs événements et ils ont fait de même lors des nôtres.
Il y a près de 20 000 travailleurs en Ontario qui subissent des blessures permanentes à chaque année, qui souffrent de blessures permanentes reconnues par la CSPAAT (Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidentés du travail). Plus de 50 % de ces personnes finissent par vivre dans la pauvreté. La façon de la CSPAAT d’évaluer les demandes est de les rejeter, rejeter et encore les rejeter. L’arriéré au tribunal est énorme. Pour les familles, le coût est colossal. Le fait qu’un travailleur est accidenté entraîne des répercussions sur tous les aspects de sa vie, par exemple, le logement et la santé. La COVID fait en sorte que l’isolement s’ajoute aux autres problèmes. Faire en sorte que tout le monde s’implique, former des partenariats sur la base de diverses activités et voir les autres former des partenariats avec nous est ce dont nous avons besoin et le mouvement s’en trouve renforcé.
Un problème que nous avons entrepris de régler l’année dernière et auquel nous continuons de nous acharner en 2022 est le fait que la CSPAAT va rembourser des fonds aux employeurs. Le projet de loi 27 a été adopté à la fin de l’année, et il comprend l’article 6 qui permet à la CSPAAT de rembourser les fonds dits de surplus aux employeurs. Nous avons fait beaucoup de travail contre cette mesure, nous avons mobilisé beaucoup de gens et nous poursuivons en ce sens. La CSPAAT a un surplus des cotisations des employeurs. Ils parlent de passif non capitalisé depuis des années. Ils devaient s’en délester avant 2027 ou 2028, mais ils ont annoncé qu’en 2019 le passif non capitalisé avait disparu. La CSPAAT se félicite du surplus.
En même temps à chaque année, ils réduisaient les cotisations des employeurs. Les sommes prévues pour les prestations des travailleurs accidentés ont sans cesse diminué. Nous nous sommes battus avec acharnement contre cela. La CSPAAT déclare maintenant qu’elle va donner le surplus aux employeurs, que c’est leur argent, que la COVID les a durement frappés et que nous devons les rembourser ! Qu’ont-ils fait entretemps pour les travailleurs accidentés ? Nous savons qu’au cours des années nos prestations ont diminué sans cesse. Le nombre de travailleurs qui reçoivent des prestations a été coupé de près de la moitié. La CSPAAT ne s’occupe pas des travailleurs accidentés. Nous travaillons fort pour sensibiliser les gens sur ce problème, les répercussions des mesures de la CSPAAT sur les travailleurs accidentés et leurs familles. Si vous avez une invalidité permanente et que vous ne recevez plus de prestations, c’est toute la famille qui est touchée.
Nous avons fait part à la CSPAAT et au gouvernement des répercussions de leurs mesures. Et lorsque je dis « nous », je ne veux pas dire l’ONIWG uniquement, mais l’ONIWG et ses alliés. Le gouvernement et la CSPAAT savent qu’ils font du tort aux travailleurs accidentés et aux travailleurs qui souffrent de maladies professionnelles. Et comment la CSPAAT et le gouvernement réagissent-ils à nos interventions ? Ils ne veulent rien changer. Par un effort concerté, nous cherchons à sensibiliser le public. Chaque travailleur qui va travailler peut avoir un accident, comme moi, tout bonnement. C’est cent fois mieux de se battre alors qu’on est en santé que d’avoir à vivre les conséquences d’un système qui ne fonctionne pas puisqu’il ne fonctionne pas du tout. Plus de personnes se font entendre. D’autres groupes se préoccupent de ces problèmes, pas seulement les groupes de travailleurs accidentés. C’est une question d’intérêt pour tous les travailleurs, pas seulement pour les travailleurs accidentés.
Nous poursuivons aussi notre lutte contre le « deeming » [la pratique de la CSPAAT consistant à déclarer que le travailleur accidenté occupe un emploi, même si ce n’est pas le cas, et de réduire les prestations en fonction de cet emploi que le travailleur est présumé avoir – note de FO]. Nous avons travaillé avec Wayne Gates, le député de Niagara-Falls, sur le projet de loi 119 qu’il a présenté pour mettre fin au « deeming ». Maintenant qu’une élection est à l’horizon, ce projet de loi pourrait mourir au feuilleton. L’ONIWG a aussi fait une présentation aux Nations unies soutenant que le « deeming » est une violation des droits humains et cette démarche est toujours en cours. Nous tentons de déterminer combien d’argent le gouvernement a épargné avec le « deeming ». Ils disent que c’est quelque chose pour lequel ils ne font pas de suivi. Mais ils doivent bien le faire. Le « deeming » s’applique à chaque personne individuellement. Pour chaque personne il y a un montant d’argent avec le nom de la personne et le nombre d’heures par semaine que la personne est sensée avoir travaillé à son présumé travail. La personne peut avoir travaillé au salaire minimum ou à 20 dollars l’heure.
Nous faisons face non seulement aux pratiques de la CSPAAT, mais à l’appui qu’il reçoit du gouvernement. Les travailleurs accidentés ne font même pas partie de l’équation. La CSPAAT n’en a que pour les employeurs. Pour nous, le défi est énorme.
Nous espérons que les conservateurs seront défaits aux élections et un de nos défis cette année sera définitivement d’encourager non seulement les travailleurs accidentés ou malades, mais tout le monde à s’impliquer dans ces élections parce que ce sera d’une grande importance.
Voilà quelques-uns des défis que nous voulons relever dans la nouvelle année. Nous sommes tous des travailleurs. Nous devons veiller les uns sur les autres et continuer de nous battre parce que lorsque vous vous battez pour vous-même, vous vous battez aussi pour les autres.
(Forum ouvrier, affiché le 11 février 2022)