Dans l’actualité
Dans l’actualité La santé et la sécurité au travail
Ce que nous avons accompli en 2021 et les défis auxquels nous faisons face en 2022
Félix Lapan est un organisateur communautaire avec l’Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM). Il a envoyé le rapport qui suit au forum organisé à l’occasion dela nouvelle année par le Centre ouvrier du PCC(M-L) sur ce que les travailleurs ont accompli en 2021 et les défis aucquels ils sont confrontés en 2022.
L’élément majeur pour nous en 2021 a été la lutte contre le projet de loi 59, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, qui a maintenant été adopté. C’est une attaque majeure contre la classe ouvrière, une attaque contre les droits des victimes d’accidents et de maladies du travail et une remise en question des acquis qu’on avait dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail en ce qui concerne la prévention. Le petit bonbon offert par la loi a été d’étendre la prévention aux secteurs non couverts mais on le fait en diluant les mécanismes de prévention existants.
Pour nous l’adoption de cette loi a été une défaite c’est certain, c’est un recul. Mais cela a été réjouissant de voir qu’il y a eu une forte mobilisation autour des enjeux de santé et de sécurité du travail dans le mouvement ouvrier, dans les organisations syndicales, plus que ce qu’on avait vu depuis des décennies. Même si la réforme a été adoptée, ce mouvement-là a permis d’atténuer les reculs. Le projet de loi qui a été adopté est beaucoup moins pire que le projet de loi qui a été déposé en octobre 2020.
Il y a beaucoup de choses qui étaient dans le projet de loi qu’on a réussi à faire enlever. Par exemple, il y avait des dispositions qui rendaient quasi impossible la reconnaissance des maladies causées par les mouvements répétitifs, de la surdité professionnelle, de l’intoxication aux métaux, incluant le plomb, etc. Des dispositions qui permettaient à la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail) de forcer des retours au travail. On perdait des droits de contestation. On trouve que la CNESST gagne beaucoup de pouvoirs avec la réforme, et c’est très inquiétant, mais sans la mobilisation cela aurait été bien pire.
On a sauvé beaucoup de meubles et cette mobilisation-là nous donne l’espoir que les questions de santé et sécurité au travail vont rester des préoccupations au coeur du mouvement ouvrier. Il va falloir se remobiliser au cours des prochains mois et des prochaines années notamment à cause de dispositions qui sont prévues par la loi.
La loi donne des pouvoirs réglementaires à la CNESST qu’elle va utiliser au fil des mois et des années à venir. Il y a notamment la liste des maladies professionnelles. La CNESST va utiliser son pouvoir afin de déterminer des conditions pour toutes les maladies de la liste, par exemple des seuils, des niveaux de substances toxiques auxquels il faudra être exposé pour qu’on puisse faire reconnaître une maladie. On risque d’avoir dans les prochains mois des projets de règlement pour restreindre la reconnaissance de certaines maladies professionnelles. Il y aussi le nouveau pouvoir réglementaire sur l’assistance médicale qui va mettre des limites sur les remboursements de médicaments, d’orthèses, prothèses et de traitements. Comme on le fait toujours, mais on va le faire avec encore plus d’attention, on va surveiller chaque publication de la Gazette officielle, et on va se mobiliser dès qu’il y aura un projet de règlement sur la table pour restreindre les droits.
L’autre gros enjeu c’est comment la CNESST va appliquer les dispositions qui concernent le retour au travail et la réadaptation professionnelle avant consolidation qui entrent en vigueur le 6 octobre 2022. Nous sommes très inquiets surtout en ce qui concerne les travailleurs et travailleuses non syndiqués qui vont se faire imposer des retours au travail chez l’employeur à l’encontre de l’avis de leur médecin. Ils risquent de se retrouver sur l’aide sociale parce qu’ils vont être congédiés au premier prétexte parce qu’ils seront forcés de faire un emploi qu’ils ne sont pas capables de faire. Nous allons étudier et dénoncer cette situation.
Grâce à la lutte et la mobilisation, le ministre a accepté de mettre une clause crépusculaire à la loi, une échéance de 2026. Nous gardons cela en tête et nous espérons que les organisations vont se mobiliser et se parler jusque là, pour se préparer à cette échéance, où le ministre du Travail doit déposer un rapport à l’Assemblée nationale sur les impacts de la réforme et recommander de maintenir ou de modifier ou abroger les dispositions de la réforme.
C’est une fenêtre pour forcer un débat dans l’espace public sur la santé et sécurité au travail, sur le bilan de la réforme. Au fur et à mesure que les dispositions entrent en vigueur, on va le voir sur le terrain c’est quoi l’impact sur la vie des gens et les injustices et exiger des changements.
Il faut rester mobilisé par les enjeux de santé et de sécurité au travail comme on le fait pour n’importe quelle injustice.
(Forum ouvrier, affiché le 2 février 2022)