Dans l’actualité
Réouverture des écoles primaires et secondaires
La rentrée scolaire ne doit pas se faire en allégeant les mesures de sécurité face à la COVID
Forum ouvrier : Dans le communiqué du 13 janvier de la Fédération autonome de l’enseignement
(FAE), la fédération critique la décision du gouvernement Legault d’alléger les mesures sanitaires dans le cadre de la réouverture de…s écoles le 17 janvier. Peux-tu nous en dire plus ?
Sylvain Mallette : On constate en effet que pour permettre la réouverture des écoles, le gouvernement doit alléger les mesures de sécurité qui permettaient de suivre l’évolution de la pandémie dans les écoles. Par exemple il ne sera plus possible qu’une direction régionale de la santé publique procède à la fermeture d’une école alors que jusqu’à tout récemment, jusqu’à ce que le gouvernement décide de modifier sa stratégie, dès que deux élèves étaient infectés par la COVID, cela se traduisait par une fermeture de classe, considérant que le variant Omicron est très transmissible. C’était un automatisme et cela générait une fermeture de classe.
Maintenant cette règle disparaît. Jusqu’ à tout récemment, les cas étaient dépistés via un test PCR (RCP) dont le résultat était directement acheminé aux directions régionales de santé publique pour qu’elles puissent faire un traçage et décider ultimement de l’isolement. Ceci est terminé. La stratégie du gouvernement va reposer sur les tests rapides et c’est le parent qui va administrer le test à son enfant s’il pense ou s’il constate que son enfant présente un ou des symptômes [Le 20 janvier dernier, le ministère de la Santé et des Services sociaux a brusquement annoncé que les élèves du secondaire, contrairement à ceux du primaire, passeraient leurs tests rapides dans les écoles, ce qui laisse supposer que la responsabilité de les administrer incombera aux enseignants – note de la rédaction]. Il n’y aura pas de mesure qui va permettre de s’assurer que le résultat que le parent dit avoir observé est le bon. Il y a des enfants infectés qui vont revenir à l’école. Alors que les résultats des tests PCR ne laissaient pas de doute parce qu’ils étaient transmis par les centres de dépistage.
Seuls les cas de contacts à la maison seront visés par des tests rapides. Les profs continueront d’avoir accès aux tests PCR mais le gouvernement, étrangement, ne fera plus de cueillettes de données journalières des cas d’infection. Le seul mécanisme est que le vendredi et le mardi les écoles devront donner le taux d’absentéisme des personnels du mardi et du vendredi. Ils ne tiendront plus compte des absences des élèves. Il ne sera plus possible d’établir un portrait épidémiologique dans les écoles. C’est terminé. Et c’est tellement vrai que le gouvernement sait ce qui s’en vient, qu’il prévoit que les centres de services scolaires et les directions d’écoles doivent identifier les services complémentaires qui ne seront plus rendus en raison des taux d’absentéisme élevés qu’on va vivre parce qu’il y aura des gens absents en raison de la propagation du virus. Donc il y a un mouvement de délestage qui va s’opérer dans les écoles comme il s’opère dans les établissements hospitaliers et les soins de santé.
Si c’était si peu grave, et on nous dit que le virus n’est pas dangereux, pourquoi prévoit-on déjà du délestage, qu’on va atteindre des taux d’absentéisme jamais vus encore. Comment peut-on dire que c’est si peu dangereux et si peu grave quand on prévoit déjà que les centres de services scolaires et les directions d’école vont pouvoir attraper pratiquement le premier venu et le rentrer dans l’école pour compenser pour les absences de personnel dont on sait qu’elles vont aller en hausse ? Il est déjà question d’amener des parents dans les écoles pour remplacer les enseignants qui seront absents à cause de la COVID.
Il faut être capable de lire entre ce qu’on nous dit et ce qu’on prépare, les directives qu’on envoie dans le réseau. C’est ce qui nous permet de voir ce qui est vraiment le plan du gouvernement. Derrière ce plan, on peut constater que le gouvernement a perdu le contrôle, s’est traîné les pieds alors que d’autres juridictions ont anticipé l’arrivée d’Omicron. Le premier ministre, le ministre de la Santé et le ministre de l’Éducation ont préféré fermer les yeux et pensé qu’en se fermant les yeux, la vague nous passerait par dessus la tête sans qu’on la ressente.
Ils ont perdu le contrôle. On a lu, dans sa note du 13 janvier, que l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) déclare que « l’INESSS n’est plus en mesure de produire de façon fiable le rapport de prédiction sur les risques d’hospitalisation puisque celui-ci s’appuie sur le nombre de cas positifs déclarés. Or, les changements apportés dans les stratégies de dépistage pour tenir compte de l’évolution très rapide des nouveaux cas entraînent une sous-estimation importante du nombre de cas réels. »
On est dans une logique selon laquelle on va dire que cela va bien et on va faire semblant en le disant que cela va convaincre les gens que cela va bien.
En toute honnêteté, en vertu des mandats qui sont les miens et les responsabilités qui sont les miennes, je ne peux pas dire que la rentrée scolaire est sécuritaire dans ces conditions. Elle n’est pas sécuritaire.
FO : Quelles sont les demandes de la FAE pour que la rentrée scolaire se fasse de façon sécuritaire ?
SM : La FAE est une structure qui repose sur les syndicats affiliés, et nos syndicats affiliés font un travail d’information en ce moment. Ils sont en train d’évaluer les moyens pour s’assurer avec nous que la sécurité est au rendez-vous. Il ne faut pas minimiser ce qui va se produire dans les prochaines semaines.
Pour une rencontre sécuritaire, une question importante est de rendre disponibles les masques N95. Il y a aussi la question de l’installation des changeurs d’air dans les classes qu’on demande depuis des mois. On sait que plus de la moitié du parc immobilier est en mauvais était et plus de 50 % des cas d’infections répertoriés l’ont été par l’entremise des écoles. Il faut que les mesures soient prises pour que l’aération et la ventilation soient prises au sérieux, par l’achat de changeurs d’air. Il est évident que les écoles servent à propager le virus, qui est potentiellement dangereux, qui est très transmissible et qui provoque des ruptures de services, de l’instabilité dans le réseau qui nuit aux élèves, particulièrement aux élèves les plus vulnérables. Il faut poser des questions. Nous avons un recours devant la Cour supérieure du Québec depuis l’automne 2020, que nous maintenons, pour exiger que la situation soit sécuritaire dans les écoles, en lien avec la COVID. Nous voulons être en position d’interroger le docteur Arruda [le directeur de la santé publique du Québec jusqu’à ce qu’il démissionne le 10 janvier – note de la rédaction]¸et le ministre de la Santé, notamment sur la question de l’aération et de la ventilation.
Il faut rester vigilant. Il faut que les gens, les parents exigent des réponses avec nous parce que les conditions ne sont pas réunies pour que la rentrée soit sécuritaire. Les organisations syndicales doivent assumer leurs responsabilités et poser des gestes ultimement si on se rend compte qu’il n’y a pas de changements qui sont effectués. Il faut évaluer les recours qui sont à notre disposition.
(Forum ouvrier, affiché le 28 janvier 2022)