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Les travailleurs migrants passent à l’action
Le rapport de la vérificatrice générale apporte de nouvelles preuves du mauvais traitement des travailleurs agricoles saisonniers
Un rapport publié en décembre 2021 par le Bureau de la vérificatrice générale du Canada apporte de nouvelles preuves des conditions de vie dangereuses et insalubres que de nombreux travailleurs agricoles saisonniers sont contraints d’endurer. Depuis de nombreuses années, les travailleurs migrants et les organisations de défense des droits d’un océan à l’autre dénoncent le surpeuplement et le manque d’installations sanitaires dans les logements fournis par les employeurs. Alors que les provinces établissent les normes d’hébergement des travailleurs, le gouvernement fédéral est responsable, par l’intermédiaire d’Emploi et Développement social Canada (EDSC), de la gestion du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Cela comprend l’inspection des conditions de vie et de travail des travailleurs.
D’après le rapport publié récemment publié par le Bureau de la vérificatrice générale, les employeurs font ce qu’ils veulent et le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de EDSC, donne son approbation. En fait, avec peu ou pas d’information et même dans les cas de violations évidentes, EDSC a évalué tous les employeurs comme en conformité avec les exigences réglementaires liées à la COVID 19. Et ce, malgré le fait que les conditions dans les fermes pendant la pandémie de COVID-19 ont conduit à des éclosions graves et étendues et au décès d’au moins quatre travailleurs agricoles migrants en Ontario, alors que le gouvernement se contente de faire semblant de protéger les travailleurs. L’absence d’obligation de rendre compte est en fait intégrée au système.
Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été mis en place par le gouvernement fédéral pour résoudre un problème pour les employeurs. Le programme fournit de la main-d’oeuvre lorsqu’elle est nécessaire, sans aucune obligation de respecter les normes canadiennes, dans des secteurs où les salaires médiocres et les conditions de travail intenables font qu’il y a peu de preneurs sur le marché intérieur. Dans le cadre de ce programme, les travailleurs sont liés à un seul employeur. Cela signifie que s’opposer aux mauvais traitements peut signifier le licenciement, l’absence de revenu et – parce qu’ils n’ont pas la possibilité de trouver un autre emploi – l’expulsion et peu de perspectives de travail futur au Canada.
Selon le système juridique canadien, les personnes n’ont des droits que sur la base de critères déterminés par l’État. Les personnes sont classées en tant que citoyens, résidents permanents, travailleurs temporaires sur la voie de la résidence permanente, travailleurs temporaires n’ayant pas le droit de demander un statut permanent, travailleurs sans papiers en état de mort légale et civile et autres.
L’État se met au service des riches en maintenant une partie de la classe ouvrière dans une position vulnérable et ouverte aux mauvais traitements des employeurs qui sont ensuite protégés par l’État. Ainsi, les bas salaires et les mauvaises conditions de travail dans l’agriculture, le travail domestique, les soins aux personnes et l’industrie de la transformation de la viande ne sont pas améliorés à un niveau acceptable pour les travailleurs canadiens.
En 2021, 88 % des inspections de quarantaine étaient déficientes, contre 73 % en 2020, et pourtant tous les employeurs ont été jugés en conformité. Ce fait a été rejeté par la ministre de l’Emploi, Carla Qualtrough, la ministre responsable des travailleurs migrants dans le cadre de l’EDSC. Ses déclarations sont arrogantes et méprisantes, compte tenu des conséquences d’un système sans reddition de comptes subies par les travailleurs. « (N)ous n’avons pas été à la hauteur » et « rassurez-vous, nous ferons mieux », a déclaré Carla Qualtrough sans le moindre sentiment de honte.
L’Alliance des travailleurs migrants pour le changement a souligné que « le problème est le système même de migration temporaire de la main-d’oeuvre qui produit les mauvais traitements et les crises que la vérificatrice générale a découverts.
« Il n’y a pas que les inspections. En vertu des politiques fédérales, les travailleurs agricoles migrants n’ont pas de droits directs exécutoires. Il n’existe aucune loi régissant le respect de ces droits, aucun tribunal ou processus juridique vers lequel les travailleurs peuvent se tourner pour dénoncer les violations de leurs droits et il n’existe aucun mécanisme significatif permettant à EDSC de s’assurer que les travailleurs reçoivent des réparations pour les violations de leurs droits. En conséquence, les travailleurs continuent à vivre et à travailler dans des conditions dangereuses et inhumaines, et s’ils tentent de faire valoir leurs droits, ils risquent d’être licenciés, de se retrouver sans abri, d’être expulsés et de ne pas être rappelés au travail dans les années à venir pour avoir dénoncé. »
Forum ouvrier se joint aux travailleurs migrants et à leurs organisations pour exiger que tous les travailleurs qui viennent au Canada soient reconnus comme des résidents permanents, qu’ils aient accès aux mêmes services et protections juridiques que tous les travailleurs et qu’ils aient accès à la citoyenneté pour eux-mêmes et leur famille s’ils le souhaitent.
(Forum ouvrier, affiché le 27 janvier 2022)