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Les travailleurs parlent de leurs réalisations en 2021 et de leurs défis pour la nouvelle année
L’aluminerie
– Éric Drolet, président de la section locale 9700 Syndicat des Métallos, aluminerie ABI à Bécancour –
Nous avons vécu un conflit — un lockout qui a duré 18 mois — qui a été abondamment médiatisé, qui s’est terminé le 2 juillet 2019. Cela a laissé énormément de cicatrices et j’en ai déjà parlé dans Forum ouvrier. Je dois vous avouer que le plus gros défi que nous avons eu en 2021, qui n’est pas encore réglé, c’est d’essayer de tourner la page. Tourner la page c’est un mot qui est facile à dire mais passer à l’acte, passer à l’autre étape, c’est plus difficile à faire qu’à dire. Moi le premier, je dois parfois me convaincre d’essayer de tourner la page parce que je me vois comme président du syndicat, et je suis obligé de fonctionner avec les gens qui m’ont mis à pied pendant 18 mois. Je parle exactement aux mêmes personnes qui étaient à la table de négociation. Les travailleurs le ressentent de la même façon. Cela se répercute au quotidien dans les relations de travail à tous les niveaux.
Nous avons eu à vivre des problématiques, nous avons quand même avancé mais nous faisons face à un employeur qui est clairement antisyndical, même s’il clame le contraire dans sa structure de communications. Il ne travaille pas pour ses travailleurs ou sa communauté en dépit de sa belle façade. Malheureusement, ce que je résume là, cela résume ce qui se passe dans plusieurs milieux de travail. Aujourd’hui, on gère beaucoup plus avec une colonne de chiffres qu’avec son côté humain.
Malheureusement avec ce qu’on a vécu tout le monde, avec la pandémie, c’est le côté humain qui aurait du prendre plus de place, mais à l’aluminerie de Bécancour, c’est ce qui a fait le plus défaut. Il a fallu ramener l’employeur à l’ordre énormément en 2021.
Je n’entrerai pas dans le débat est-ce qu’on est pour la vaccination ou on est contre, est-ce qu’il y a un virus ou il n’y en a pas. Lorsqu’on travaille dans une usine comme la nôtre, ou dans n’importe quel milieu de travail, peu importe qu’on y croie ou pas, il y a des règles qui sont établies par la santé publique, et des règles qui sont mises en place par la CNEEST, qu’on doit suivre. Je me verrais mal comme président du syndicat défendre au jour le jour des règles de santé et sécurité becs et ongles, puis dire que je ne peux pas respecter les règles de santé publique qui ont été établies. Je ne peux pas jouer sur deux tableaux.
Il a été difficile de faire comprendre à certains de mes membres que cela va peut-être au-delà de ce qu’ils veulent entendre et voir mettre en place comme règles de sécurité reliées à la COVID. J’ai eu à me colletailler avec des gens avec qui je n’aurais jamais pensé que cela arriverait, à aller profondément au niveau humain pour ne pas perdre des amitiés je dirais. Je l’ai vécu et l’ensemble de mes membres l’ont aussi vécu.
Ce que je souhaite en 2022 est de faire comprendre à l’employeur que lorsqu’il est à court d’arguments c’est peut-être qu’il n’a pas raison, et que les menaces de représailles dans les cas d’insubordination ne sont pas une solution.
Depuis le retour du conflit, l’employeur se sert de cela à tort et à travers. Aussitôt qu’il manque d’arguments, il sort des accusations d’insubordination et ce sont alors des mesures disciplinaires, alors qu’il sait très bien qu’il essaie d’imposer des choses qui n’ont pas de sens. Ma conjointe travaille dans le milieu hospitalier et c’est exactement la même chose qui se produit dans son milieu. C’est anormal que la pression tombe toujours sur les épaules des travailleurs. Les employeurs doivent trouver des arguments, établir une communication, des relations de travail plus viables qui ne donnent pas toujours lieu à des mesures disciplinaires et des menaces. Il faut cesser de chercher des boucs émissaires à nos problèmes et chercher des solutions.
(Forum ouvrier, affiché le 25 janvier 2022)