Journée nationale des peuples autochtones 21 juin
Un renouveau politique et constitutionnel en profondeur est requis pour réparer les crimes commis contre les peuples autochtones
– Philip Fernandez –
Le 21 juin a été proclamé Journée nationale des Autochtones, maintenant Journée nationale des peuples autochtones, en 1996 par le gouverneur général de l’époque, Roméo Leblanc. La proclamation du gouverneur général soulignait que le solstice d’été avait une signification « symbolique » particulière pour les peuples autochtones et qu’il avait donc été choisi comme occasion pour la Journée nationale des Autochtones, comme cela s’appelait au début. Il a dit : « Les peuples autochtones du Canada ont contribué et continuent de contribuer de façon remarquable à la société canadienne et il est jugé opportun de désigner une journée dans l’année pour souligner et célébrer cette contribution et reconnaître les diverses cultures de ces peuples. »
Le 21 juin 2017, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé le changement de nom à Journée nationale des peuples autochtones « dans l’esprit de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ». Il a également déclaré que l’immeuble qui abritait le bureau du premier ministre, appelé édifice Langevin, serait renommé. Il a justifié la suppression du nom d’Hector-Louis Langevin, un père de la Confédération et un membre éminent du cabinet de Sir John A. Macdonald, en disant que c’est Langevin qui a proposé l’idée du système de pensionnats comme moyen le plus rapide d’assimiler les enfants autochtones dans la société canadienne. « Il y a une profonde douleur à savoir que cet édifice porte un nom si étroitement associé à l’horreur des pensionnats, a-t-il dit. Garder ce nom sur l’édifice du bureau du premier ministre est incompatible avec les valeurs de notre gouvernement, et c’est incompatible avec notre vision d’un partenariat solide avec les peuples autochtones du Canada. » Plus tôt dans la journée, le premier ministre avait publié une déclaration qui disait notamment : « Aucune autre relation n’est plus importante pour le Canada que la relation que nous entretenons avec les peuples autochtones. Notre gouvernement travaille avec les Autochtones en vue de créer une relation de nation à nation, entre les Inuits et la Couronne, et de gouvernement à gouvernement, fondée sur le respect, le partenariat et la reconnaissance des droits. »
Les actes sont plus éloquents que les mots et le bilan brutal des abus et de la violence du gouvernement libéral à l’égard des droits des peuples autochtones au cours des six dernières années montre que, même si son nom a été supprimé, le fantôme d’Hector-Louis Langevin rôde toujours dans la salle du cabinet du premier ministre.
Le 27 mai, la nouvelle choquante de la découverte des restes de 215 enfants autochtones dans un lieu de sépulture non marqué sur les terrains du pensionnat de Kamloops a horrifié les Canadiens et les peuples du monde entier. Le premier ministre n’a toujours pas assumé la responsabilité de ce crime commis par l’État canadien. Il l’a déchargée sur l’Église catholique afin d’en blanchir les gouvernements successifs du Canada. C’est pour dissimuler que c’est l’État canadien qui a chargé l’Église catholique, et d’autres églises, avec financement, de la mission de « civiliser » et endoctriner 150 000 enfants autochtones dans 130 écoles de ce type. Cela a été fait en tandem avec la GRC qui a enlevé de force ces enfants à leurs familles, dans le cadre de ce que Duncan Campbell Scott, surintendant général adjoint des Affaires indiennes, a appelé « la solution finale de notre problème indien ».
Le premier ministre Trudeau et la ministre des Relations Couronne-Autochtones Carolyn Bennett ont laissé entendre que tout cela fait maintenant partie du passé du Canada. C’est pour dissimuler les politiques racistes et coloniales actuelles des libéraux qui, avec les autres partis cartellisés au Parlement, tentent de faire adopter à toute vitesse le projet de loi C-15, Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, qui vise à mettre le sceau d’approbation de l’ONU sur les efforts continus de l’État canadien pour éteindre les droits et les titres des peuples autochtones de l’île de la Tortue.
Le génocide se poursuit. Sous l’oeil des libéraux de Trudeau qui ont fait campagne lors des élections de 2015 en disant vouloir donner la priorité aux droits des peuples autochtones, ceux-ci continuent d’être dépossédés de leurs terres, comme les We’suwet’en sur la côte ouest, et privés de leurs moyens de subsistance, comme les pêcheurs mi’kmaq sur la côte est. Alors même que les répercussions de la rafle des années 1960 continuent de se faire sentir, les familles autochtones n’ont pas les moyens de s’assurer une certaine stabilité et continuent d’être déchirées par le retrait massif et systématique des enfants vers le système de protection de l’enfance. Il y aurait aujourd’hui plus d’enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance qu’il n’y en a eu dans les pensionnats ou qu’il n’y en a eu pendant la rafle des années 1960. Les peuples autochtones ne représentent que 5 % de la population du Canada et pourtant plus de 52 % des enfants placés en famille d’accueil sont autochtones. Le taux de suicide est plus de trois fois plus élevé chez les jeunes autochtones que la moyenne nationale. Le taux de suicide chez les enfants et les jeunes inuits est 33 % plus élevé que chez les enfants non autochtones. Près de 50 % des enfants autochtones vivent dans la pauvreté et, à l’instar du précédent gouvernement conservateur de Stephen Harper, les libéraux continuent de nier le droit issu de traité des enfants autochtones et de leurs familles à des services de base tels que l’éducation, les soins de santé et l’eau potable.
Il est inadmissible que les libéraux continuent de contester juridiquement la décision du Tribunal canadien des droits de la personne de 2019 qui dit que 50 000 enfants autochtones victimes d’abus et de négligence de la part du gouvernement fédéral ont droit à une compensation de 40 000 $ chacun.
La Journée nationale des peuples autochtones 2021 arrive à un moment où les peuples de l’île de la Tortue intensifient la bataille pour leurs droits sur tous les fronts, avec le soutien militant des Canadiens qui veulent qu’un terme soit mis au racisme et au génocide organisés par l’État contre les peuples autochtones de ce pays. Les paroles hypocrites et les platitudes du gouvernement Trudeau à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones 2021 ne feront que souligner davantage le refus du Canada de reconnaître et de faire respecter les droits et la souveraineté des peuples autochtones.
La Journée nationale des peuples autochtones 2021 met en évidence l’urgente nécessité de changements politiques en profondeur dans ce pays pour mettre fin à cet état de fait. En se joignant aux peuples autochtones et en luttant pour un renouveau politique et une constitution démocratique moderne, qui place les droits du peuple au premier plan, y compris le respect de la souveraineté et des droits des peuples autochtones et de la nation québécoise, il est possible de reléguer au passé ce vieux Canada colonial et raciste et de construire un avenir brillant et prospère pour tous. Le renouveau constitutionnel et politique est la condition préalable à une véritable réconciliation entre les peuples autochtones et les peuples du Canada et du Québec.
(Avec des information de la CBC, de Statistique Canada, de l’Association canadienne pour la santé mentale et du gouvernement du Canada)
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