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Les relations du gouvernement Trudeau avec les autochtones
Le mandat de mauvaise foi de la ministre des Services aux Autochtones
Patty Hajdu est maintenant ministre des Services aux Autochtones ainsi que ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario. Auparavant, Mme Hajdu a servi dans le gouvernement Trudeau en tant que ministre de la Condition féminine, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’oeuvre et du Travail et, plus récemment, ministre de la Santé. Le portefeuille de ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario (FedNor) a été créé le 10 août 2021, quelques semaines avant les élections fédérales. Le Nord de l’Ontario est l’endroit où le Cercle de feu est situé, le nom donné à un projet massif de développement de l’extraction et du raffinage de la chromite dans les basses terres de la Baie James, riches en minéraux, dans le Nord de l’Ontario. Une recherche sur Internet révèle l’importance des gisements de chromite dans le Cercle de feu : « Avant sa découverte, le Canada et les États-Unis étaient obligés de compter sur des sources étrangères pour la chromite, principalement d’Afrique du Sud. »
Un rapport aussi récent que novembre 2021 sur les enjeux du Cercle de feu de l’Ontario indique : « Wyloo Metals et BHP s’affrontent pour prendre le contrôle de la petite société minière canadienne Noront Resources. L’enjeu est constitué par les gisements de nickel du Cercle de feu que Noront contrôle – un composant clé des batteries de véhicules électriques, et une ressource que les mineurs s’empressent de sécuriser en prévision d’une explosion de la demande [1]. » Voilà pour ce qui est de l’illusion que le mandat de la ministre est le bien-être des nombreux peuples autochtones qui vivent dans le Nord de l’Ontario et qui se battent depuis des décennies pour leur droit de décider sur leurs terres et pour leur droit d’être, contraints à des batailles juridiques génération après génération.
À cet égard, l’un des objectifs des Services aux Autochtones est de subordonner non seulement les bandes indiennes aux paliers de gouvernements fédéral et provincial, mais aussi les paliers de gouvernements provinciaux au pouvoir fédéral. La lettre de mandat parle de limiter le droit autochtone à l’autonomie gouvernementale « ayant compétence sur les questions concernant le bon gouvernement et le bien-être des peuples autochtones ainsi que sur leurs territoires » ;[cité de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1991], mais tout cela est couvert par des engagements qui prétendent que cela ne se produit pas et qui cachent complètement qui est le décideur ultime sur tout.
Le mandat de la ministre comprend donc des directives visant à soutenir « les communautés qui souhaitent assumer leur compétence dans les services à l’enfance et aux familles » ; « en appuyant la mise en oeuvre du Plan d’action national de 2021 relatif aux FFADA et aux personnes 2ELGBTQQIA+ » ; « aborder l’histoire et les séquelles des pensionnats, notamment en continuant à offrir le soutien nécessaire aux communautés souhaitant poursuivre les recherches de lieux d’inhumation » ; « assurer le versement d’une indemnisation juste et équitable aux personnes » qui ont été lésées par les pratiques racistes de l’État canadien en matière de protection de l’enfance autochtone ; « soutenir les travaux en cours visant à combler les lacunes dans les infrastructures » ; et « faire progresser l’autodétermination grâce à la relance et à la croissance économiques, et assurer l’accessibilité de l’aide aux entreprises autochtones ».
La pratique réelle du gouvernement canadien sur n’importe laquelle de ces responsabilités en dit long sur le contenu du bon gouvernement et du bien-être des autochtones que le gouvernement Trudeau a en tête.
La référence éhontée à la mise en oeuvre du « Plan d’action national » de 2021 pour les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues en est un exemple. Les libéraux de Trudeau ignorent complètement le fait que l’Association des femmes autochtones du Canada a quitté cette table avec dégoût, affirmant qu’elle a été exclue des principaux processus décisionnels lors de la création du plan fédéral et qu’elle a été victime de violence latérale et d’hostilité dans les comités auxquels elle a été autorisée à siéger[2].
Elle charge le ministre d’assurer « le versement d’une indemnisation juste et équitable aux personnes » qui ont été lésés par les pratiques racistes des services à l’enfance des Premières Nations. Il doit s’agir d’une sorte de blague interne cruelle dans le bureau du premier ministre. La recherche d’une « indemnisation juste et équitable » est le prétexte utilisé par le gouvernement canadien pour déposer des recours juridiques contre le règlement pour lequel il a été condamné à payer depuis longtemps !
Et que dire de l’instruction de « faire progresser l’autodétermination grâce à la relance et à la croissance économiques, et assurer l’accessibilité de l’aide aux entreprises autochtones » ? C’est précisément ce qui est à l’oeuvre lorsque le gouvernement fédéral facilite les arrangements entre des organes de gouvernance à sa convenance imposés par la Loi sur les Indiens et des entités corporatives comme Coastal GasLink afin d’attaquer l’autorité souveraine des chefs héréditaires et des organes de gouvernance traditionnels des Wet’suwet’en.
Le mandat de la ministre des Services aux Autochtones n’est pas seulement de mauvaise foi. Il est également dégoûtant et inacceptable.
Les libéraux de Trudeau ne travaillent manifestement pas avec les chefs héréditaires et les formes traditionnelles de gouvernement autochtone.
Les nations autochtones ne seraient toujours pas souveraines sur leurs propres terres, n’auraient pas de compétence sur l’extraction des ressources, etc. Ce sont des compétences provinciales. Il s’agirait simplement d’un niveau inférieur des structures étatiques canadiennes existantes qui administrent les services de police, les services judiciaires, les services de protection de l’enfance et d’autres services sociaux. Les lettres de mandat chargent les ministres de mettre en place ces structures.
La reconnaissance de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) dans ces lettres est de même nature. Le Canada n’a adhéré à la DNUDPA qu’après avoir réussi, avec les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, à modifier la version originale de 1994 telle que proposée par le Groupe de travail pour les peuples autochtones. Une fois que la DNUDPA a été modifiée de manière à ce que la reconnaissance de la souveraineté et de l’indépendance des autochtones n’a pas pour effet « de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant », le Canada l’a signée.
Aujourd’hui, le Canada met en oeuvre l’UNDRIP de manière à conserver son autorité et son contrôle sur les décisions relatives à la souveraineté et à l’indépendance des peuples autochtones, dans le cadre du pouvoir et de l’autorité coloniaux. Les Canadiens ont le devoir d’intensifier la lutte pour faire respecter les droits héréditaires, en commençant par le droit des peuples autochtones à être.
Notes
1. « Miners competing over Ontario’s Ring of Fire have contentious relationships with Indigenous communities in Australia », Emma McIntosh, The Narwhal, 13 novembre 2021.
2. APTN 1er juin 2021
(Le Renouveau. Publié le 21 janvier 2022. Photos : LML. M. Lehan)
