Dans l’actualité le 28 avril
Entrevues
Patrick Colford, secteur de la construction
Patrick Colford est calorifugeur au Nouveau-Brunswick
L’année dernière, au Nouveau-Brunswick, 13 travailleurs sont morts à la suite d’accidents ou de maladies professionnelles. Et, bien sûr, le nombre de travailleurs qui sont accidentés ou affectés par des maladies professionnelles est beaucoup plus élevé. Nous savons tous que des accidents peuvent arriver, mais d’après ce que je vois et ce que j’entends, le problème est que les travailleurs ne sont pas formés adéquatement. Je me souviens d’un cas en 2011, lorsqu’un jeune travailleur de 17 ans travaillait pour une grande compagnie à Grand Falls et qu’il a été électrocuté en utilisant une machine de polissage de planchers et en est mort. Il n’avait pas été bien formé pour utiliser une telle machine. Suite à un procès juridique portant sur cet incident, la compagnie a payé une amende et c’est tout.
D’importantes compagnies tuent les travailleurs, déboursent quelques sous et poursuivent leurs activités. Il y a la Loi Westray et la campagne « Tuez un travailleur ! Allez en prison ! » que mènent les syndicats, mais nous commençons à peine à voir certains de ces cas passer devant les tribunaux où les gens ont à rendre des comptes. Si elles savent qu’elles vont être tenues criminellement responsables, les compagnies se feront un devoir de diligence de veiller à ce que la sécurité soit une priorité et que les travailleurs soient formés. Je parle surtout des jeunes qui se joignent à la main-d’oeuvre et qui se font blesser en raison d’un manque de formation. Il faut se concentrer sur la formation de notre main-d’oeuvre, et faire en sorte que nos travailleurs reviennent à la maison, et qu’ils reviennent dans le même état de santé que lorsqu’ils sont entrés au travail.
Je travaille dans un environnement syndiqué et notre formation est meilleure que dans un secteur non syndiqué, et, en général, nous insistons que nous soyons bien formés. En tant que travailleurs, nous devons veiller les uns sur les autres. Je travaille en isolation et plusieurs travailleurs de la vieille génération ont travaillé avec l’amiante. On disait de l’amiante à une certaine époque qu’elle était sans danger. Un grand nombre de nos membres souffrent de l’amiantose ou d’autres maladies liées au travail avec l’amiante. Mon travail consiste à enlever l’amiante. Cela fait partie de mon métier. Nous enfilons un vêtement de protection, nous avons nos masques et d’autres équipements de sécurité, mais même ces précautions ne sont pas à toute épreuve puisque certaines fibres d’amiante qui sont dans l’air peuvent toujours s’introduire sous le masque. D’ailleurs, le seul moment où nous retirons l’amiante est lorsqu’il y a un problème lié à l’amiante, s’il y a une fuite, si elle se brise ou s’effrite. Mais avant qu’on ne puisse déceler le problème, les employés qui travaillent dans ces endroits vaquent à leurs occupations sans masque. Ils ne savant même pas qu’il y a une fuite d’amiante avant que nous n’arrivions et le découvrions. Ces gens travaillent dans des « conditions poussiéreuses » mais ces conditions poussiéreuses peuvent aussi bien être des fibres d’amiante.
Pour ce qui est des travailleurs en isolation, moi j’ai été formé par mon syndicat sur les procédures de sécurité.
Par contre, si vous avez une compagnie qui arrive et qui commence les travaux de désamiantage et embauche des travailleurs sans les former et sans leur enseigner quoi que ce soit, c’est à ce moment-là que tout devient extrêmement dangereux. Les travailleurs sont exposés et plus tard ils peuvent avoir l’amiantose sans pouvoir retracer la maladie jusqu’à sa source. L’amiantose agit très lentement dans votre corps et pourrait prendre plusieurs années avant de se manifester.
La sécurité est primordiale et se résume à deux mesures prioritaires. Il faut porter l’équipement adéquat et si quelqu’un vous dit que les matériaux ne sont pas de l’amiante, vous ne pouvez pas les croire sur parole puisque l’amiante n’est pas visible à l’oeil nu. Ces matériaux doivent être testés et scrutés au microscope par des professionnels formés pour cela.
Chaque travailleur mérite de revenir à la maison après le travail en santé et en sécurité et nous ne devons pas craindre d’affirmer notre droit de refuser un travail dangereux. Nous devons nous assurer d’être formés adéquatement pour la tâche que nous allons entreprendre.
Forum ouvrier, affiché le 28 avril 2022.
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