Dans l’actualité le 28 avril
Entrevues
Luz Jones, travailleuse de soins de longue durée
Luz Jones est une infirmière auxiliaire autorisée, membre de Women for Rights and Empowerment, membre de l’exécutif de la section locale 474 du SCFP qui travaille dans le domaine des soins de longue durée depuis 35 ans.
Le besoin le plus urgent pour nous, travailleurs des soins de longue durée, est d’obtenir les niveaux d’effectifs en personnel nécessaires pour que nous puissions prendre soin des résidents avec tout le respect et la dignité auxquels ils ont droit. Cela inclut le remplacement de tout le personnel qui est en congé de maladie ou pour d’autres raisons. Cela fait plus de 20 ans que nous réclamons des ratios personnel/patients, mais nous sommes ignorés. Nous sommes épuisés d’essayer de prendre soin de nos résidents. Cela a un impact sur notre santé également, et beaucoup de gens partent.
Nous avons également besoin d’emplois permanents à temps plein. Avant la pandémie, de nombreux travailleurs avaient deux ou trois emplois pour joindre les deux bouts, en raison des bas salaires et du manque d’emplois à temps plein. Avec la pandémie, les travailleurs ont dû choisir un site où ils allaient travailler. Mais au lieu de les remplacer par des travailleurs à temps plein sur leurs autres sites, les employeurs ont fait appel à des agences contractuelles pour fournir du personnel. Chaque jour, les résidents voyaient des employés différents qui ne les connaissaient pas, ne connaissaient pas leurs besoins et, bien sûr, la politique du site unique devenait une farce. Les résidents sont très perturbés par le fait de voir des visages différents chaque jour, au lieu d’un personnel permanent et stable, et ils peuvent devenir très agités et avoir des comportements plus problématiques, y compris devenir violents envers le personnel. Cela rend la vie plus difficile tant pour le personnel que pour les résidents. Le personnel permanent doit faire un double travail, formant constamment un personnel qui change continuellement, en plus de son travail habituel. Les gestionnaires ne pensent pas à cela. Ils se contentent de dire que le travail doit être fait. Nous ne sommes pas vraiment traités comme des êtres humains.
Il en va de même lorsque le personnel est déplacé d’une unité à l’autre en raison d’un manque de personnel. C’est dangereux pour les résidents lorsque le personnel ne les connaît pas, et c’est très stressant pour le personnel. Par exemple, certaines personnes ont besoin de prendre des médicaments uniquement avec de l’eau, d’autres avec de la nourriture. Parfois, il y a des résidents qui sont violents. Avec d’autres personnes, il faut deux employés pour travailler avec elles.
La direction aime parler de soins centrés sur la personne, mais ce n’est pas çe qui se produit. Vous devez faire le travail si vite que vous n’avez pas le temps de savoir comment les personnes dont vous vous occupez se sentent, comment elles vont. La charge de travail n’est pas viable. Quand vous ne pouvez pas vous arrêter une seconde pour reprendre votre souffle, alors ce sont des conditions de travail inhumaines, et beaucoup de gens partent tout simplement.
La formation est importante pour notre bien-être et pour les résidents également. La direction est censée organiser des services internes pour former le personnel, en particulier les nouveaux employés, sur la manière d’être aimable et compatissant avec les résidents, sur la nature du travail et sur les attentes des résidents. Beaucoup d’établissements ont arrêté la formation pendant la pandémie et demandent plutôt aux employés de suivre des modules en ligne pendant leur temps libre, sans aucune rémunération. Ou alors si vous êtes payé, ce sera pour une heure seulement, et non pour le minimum de trois heures exigé par la convention collective. Nous devons maintenant exiger dans les négociations que la formation soit payée.
Il a fallu beaucoup de temps, mais grâce à nos propres efforts, nous avons maintenant l’équipement de protection individuelle dont nous avons besoin dans les soins de longue durée. Mais maintenant, le gouvernement agit comme si la pandémie était terminée, même s’il y a actuellement plus de 200 foyers d’éclosions dans les établissements de soins de longue durée et de soutien à la vie autonome. Il est déterminé à faire avancer son programme de privatisation comme si tous ces décès dans les soins de longue durée, tout l’échec des soins pour nos aînés et les personnes handicapées n’avaient jamais eu lieu. Et maintenant il est prêt à donner plus de fonds publics pour le profit privé. Par exemple, là où l’une des pires éclosions a eu lieu, la seule chose qu’ils ont faite a été de déplacer tous les résidents vraiment malades dans une zone, mais ils étaient toujours deux à quatre par chambre, sans l’isolement nécessaire. Au moins 60 résidents sont morts.
La direction pense qu’elle sait ce qu’il faut faire, mais ce n’est pas elle qui s’occupe réellement des résidents 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Souvent, nous disons à la direction : « Nous avons essayé de faire ce que vous avez dit, mais ça ne marche pas. » Les travailleurs ont beaucoup d’ idées et de propositions sur la façon de gérer les foyers de soins de longue durée. Ils savent ce qui est bon et mauvais, ce qui est nécessaire et ce que nous demandons depuis de nombreuses années. Nous devons donc avoir notre mot à dire sur la manière d’apporter les améliorations nécessaires.
Il est temps que les travailleurs s’organisent dans chaque secteur où ils travaillent. Nous avons des comités consultatifs de gestion des employés où nous pouvons signaler des problèmes comme des machines brisées, des choses comme ça. Mais nous devons nous organiser nous-mêmes pour lutter pour nos revendications et les réaliser.
Les résidents et leurs familles doivent également avoir leur mot à dire. Pourquoi ne pas mettre en place des comités où le personnel pourrait rencontrer les résidents et leurs familles, où chacun pourrait discuter de la situation, pas des problèmes individuels, mais de l’ensemble de la situation, et ensuite présenter nos préoccupations et nos revendications ? Nous voulons des soins vraiment centrés sur l’humain, pas des mots, et les conditions de travail nécessaires pour que nous puissions fournir les soins que nos résidents ont le droit de recevoir.
Forum ouvrier, affiché le 28 avril 2022.
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