L'arrogance de ceux qui saccagent les programmes sociaux et refusent toute responsabilité


Les travailleuses de la santé manifestent devant les bureaux du premier ministre
François Legault à Québec le 19 mai 2020.

Lors de sa conférence de presse quotidienne sur la pandémie de la COVID-19, le 19 mai, le premier ministre du Québec, François Legault, a critiqué une manifestation que les infirmières ont tenue dans la matinée devant les bureaux du premier ministre à Québec.

Les infirmières, membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) et de la FIQ Secteur privé (FIQP), se sont rassemblées devant les bureaux du premier ministre pour demander au gouvernement, et en particulier à la ministre de la Santé, Danielle McCann, de mettre fin à l'arrêté ministériel 007 et de redonner leurs droits aux professionnelles en soins. Décrété le 21 mars dernier, cet arrêté ministériel donne à l'exécutif gouvernemental, au nom de l'urgence sanitaire qu'il a déclaré, le pouvoir de modifier unilatéralement les conventions collectives et les conditions de travail dans le réseau de la santé et des services sociaux. Il donne notamment le pouvoir de modifier unilatéralement les articles relatifs aux congés et aux vacances, pour permettre leur suspension ou leur annulation, et de modifier les articles relatifs au mouvement de personnel pour permettre l'affectation du personnel partout où le décident les administrations, sans égard à la notion de poste ou de quart de travail ou de toute autre disposition limitant la mobilité du personnel.

Pendant la manifestation, les membres de la FIQ ont demandé à la ministre McCann et au premier ministre d'arrêter de procéder par arrêtés ministériels en ce qui concerne les conditions des professionnelles en soins, de les écouter, elles qui font partie de ceux et celles qui tiennent le système de santé à bout de bras depuis des décennies, et de reconnaître leurs droits. La manifestation a aussi dénoncé la décision de la ministre d'instaurer une ligne courriel confidentielle de dénonciation. C'est une tentative de plus de briser les syndicats sous prétexte de protéger les infirmières, les travailleurs de la santé et les soi-disant lanceurs d'alerte. Cela montre que tout a été réduit à une question d'accords secrets parce que les institutions ne sont plus publiques et que la responsabilité n'y existe plus.

« Le Québec est en processus de déconfinement et on reprend graduellement les activités régulières dans le réseau de la santé. Pendant ce temps, les professionnelles en soins sont toujours privées de leurs droits. Leur employeur les oblige à faire du temps complet, met fin aux congés, aux fériés, bouleverse leur horaire et leurs vacances. Ce n'est pas de cette façon qu'elles traverseront l'épreuve de la pandémie, il faut faire cesser rapidement l'arrêté et leur faire retrouver, à elles aussi, leurs conditions de travail », a dit Nancy Bédard, présidente de la FIQ.

Au lieu d'appuyer les revendications des infirmières, qu'il se plaît à appeler « nos anges gardiens », le premier ministre a utilisé son temps d'antenne quotidien sur le développement de la situation de la COVID-19, dont on dit qu'il est suivi par des millions de personnes au Québec, pour s'en prendre aux infirmières et faire de la désinformation sur le but de la manifestation, et sur les préoccupations et les revendications des membres de la FIQ.

« Tantôt, devant nos bureaux, le syndicat des infirmières, la FIQ, a fait une manifestation, a-t-il dit. Bon, évidemment, ça me déçoit. La principale revendication de la FIQ, c'est d'augmenter les ratios, donc, augmenter le nombre d'infirmières. Ce qu'il faut comprendre, c'est que depuis qu'on est au gouvernement, depuis un an et demi, on a beaucoup augmenté le nombre de postes, à peu près à tous les niveaux, infirmières, préposés et autres, mais malheureusement, beaucoup de postes sont restés non comblés. Donc, c'est un peu théorique de dire : il faudrait augmenter encore plus le nombre de postes, alors que les postes qui sont déjà affichés ne sont pas comblés. Donc, je comprends, là, que cette revendication-là est une revendication qui date d'il y a longtemps, mais il faut d'abord reconnaître qu'on a beaucoup augmenté les postes, puis les postes ne sont pas comblés. »

La manifestation ne portait pas principalement sur les ratios infirmières/patients. Elle portait sur la nécessité de mettre fin aux arrêtés ministériels qui décrètent les conditions de travail et les bouleversent à volonté. Elle portait sur l'abus de pouvoir de l'exécutif gouvernemental. Là-dessus, le premier ministre n'a pas dit un mot.

Sur la question même des ratios, il a fait de la désinformation, en disant que son gouvernement fait tout pour augmenter les postes d'infirmières, notamment à temps plein, mais que les postes ne sont pas pourvus. Comme s'il ne savait pas que les infirmières qui postulent pour des postes à temps plein mettent la main dans l'engrenage et sont happées par le temps supplémentaire obligatoire, les heures impossibles et leurs conséquences désastreuses sur leur santé physique et mentale, sans parler des conséquences sur les soins aux patients.

C'est inacceptable pour un premier ministre d'utiliser un point de presse qui est censé donner de l'information sur l'état de la pandémie et sur les mesures prises pour la combattre, de s'en prendre à ceux et celles qui nous protègent, sans même qu'elles soient présentes pour donner leur point de vue. Le premier ministre doit rendre des comptes de ses tentatives pathétiques de répéter ad nauseam que les travailleurs sont irrationnels et ne font que se plaindre pour des motifs intéressés et pour des avantages économiques pour eux-mêmes.

Les lettres de créance du premier ministre sont qu'il fait partie des politiciens qui, au-delà de l'appartenance souvent provisoire à tel ou tel parti cartel selon ce qui les rapproche ou les maintient au pouvoir, font partie de la machine des exécutifs gouvernementaux qui ont saccagé les programmes sociaux et les services publics depuis 30 ans et plus au service des intérêts privés étroits. Il va sans dire que ces lettres de créance ne vous préparent pas à être modeste et cultivé, et à reconnaître que les travailleurs ont des droits qui doivent être affirmés. Les droits ne peuvent ni être donnés, ni enlevés, ni abandonnés de quelque façon que ce soit. Ce sont ceux que nous mandatons de faire le travail qui doivent avoir le dernier mot sur les conditions de travail dans le réseau de la santé.

Les travailleurs du Québec n'ont pas oublié et n'ont pas pardonné ces décennies de destruction antisociale. Ils n'acceptent pas qu'au nom de la lutte à la pandémie et de l'urgence de la situation, ils n'aient pas leur mot à dire sur leurs conditions de travail.

(Photos : FIQ)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 37 - 30 mai 2020

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L'arrogance de ceux qui saccagent les programmes sociaux et refusent toute responsabilité - Christine Dandenault


    

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