Lettre ouverte au premier ministre Trudeau et au premier ministre Horgan


Les étudiants débraient des écoles et des universités de la région de Vancouver, le 27 janvier 2020, et se rassemblent à l'hôtel de ville en solidarité avec les Wet'suwet'en.

Objet : Opposition des chefs héréditaires Wet'suwet'en au projet de gazoduc Coastal GasLink

Nous écrivons à titre de colons et de professionnels du droit autochtone de partout au Canada pour exprimer notre profonde préoccupation au sujet du conflit concernant le gazoduc Coastal GasLink dans le territoire Wet'suwet'en. Nous appelons les gouvernements fédéral et provincial à rencontrer immédiatement les chefs héréditaires Wet'suwet'en et à aborder cette question d'une manière qui respecte le principe de réconciliation, l'autorité de la loi des Wet'suwet'en, la Déclaration sur les droits des peuples autochtones de l'ONU et l'honneur de la Couronne.

La présence policière sur le territoire Wet'suwet'en s'est intensifiée de manière alarmante depuis l'ordonnance du tribunal de décembre interdisant aux individus d'entraver le projet et l'avis d'expulsion des chefs héréditaires à Coastal GasLink. Les organisations autochtones et de défense des droits humains, y compris l'ONU, ont fait part de leurs préoccupations concernant les violations des droits autochtones dans le territoire Wet'suwet'en. Entre-temps, le gouvernement provincial a refusé les demandes des chefs héréditaires de les rencontrer. Le premier ministre John Horgan a récemment annoncé que « l'état de droit » devait prévaloir et que le projet se poursuivrait malgré l'opposition des chefs héréditaires. Il a par la suite refusé de rencontrer les chefs dans le nord de la Colombie-Britannique. Le premier ministre Justin Trudeau a également pris ses distances, qualifiant le différend de question provinciale.

Nous sommes profondément troublés par les positions de la Colombie-Britannique et du Canada. Il ne s'agit pas fondamentalement d'un différend entre Coastal GasLink et les Wet'suwet'en, ni entre les chefs héréditaires et les conseils de bande de la Loi sur les Indiens. Cela va au coeur de la relation entre la Couronne et les peuples autochtones et des obligations qui en découlent. Les gouvernements provincial et fédéral doivent participer directement à sa résolution.

Les chefs héréditaires, et non les conseils de bande, étaient les plaignants dans l'affaire Delgamuukw-Gisday'wa, devant la Cour suprême. La Cour a confirmé que les Wet'suwet'en n'avaient jamais cédé le titre de leurs terres ancestrales et a accepté de nombreuses preuves décrivant leur système de gouvernance héréditaire. Le fait que les conseils de bande ont signé des ententes sur les avantages avec Coastal GasLink ne peut justifier l'effacement de la loi autochtone ni annuler l'obligation de la Couronne de rencontrer les chefs héréditaires.

L'opposition des Wet'suwet'en ne peut pas non plus être résolue par des réunions entre Coastal GasLink et les chefs héréditaires. La Cour suprême a été claire : la Couronne doit dialoguer directement avec le groupe autochtone dont les droits sont en jeu. Cette obligation ne peut être remplie par des tiers ayant un intérêt direct dans la réussite du projet.

L'insistance du premier ministre Horgan sur la « règle de droit » ne reconnaît pas que la loi pertinente comprend non seulement l'ordonnance d'injonction, mais la Constitution, les décisions de la Cour suprême et - surtout - les lois et institutions Wet'suwet'en. Les lois des peuples autochtones, y compris celles des Wet'suwet'en, sont antérieures à celles du Canada. Elles font aussi autorité et ont droit au respect. À l'ère de la vérité et de la réconciliation, le respect de la règle de droit doit inclure le respect de l'autorité du droit autochtone et un engagement à établir une relation juste et durable entre les systèmes juridiques autochtones et des colons canadiens.

La Colombie-Britannique et le Canada sont tenus d'agir honorablement dans leurs relations avec les peuples autochtones, notamment en s'engageant dans des processus respectueux pour faire avancer la réconciliation. De plus, l'une des principales raisons pour lesquelles la Constitution de 1867 accordait au gouvernement fédéral le pouvoir législatif exclusif sur les « Indiens et les terres réservées aux Indiens » était la reconnaissance du fait que les communautés de colons locales pourraient bien ne pas respecter les relations préexistantes entre les peuples autochtones et leurs territoires. La Cour suprême a affirmé à plusieurs reprises les responsabilités d'Ottawa envers les peuples autochtones. Une dérobade du Canada serait contraire à un principe clé du constitutionnalisme canadien.

Les positions fédérale et provinciale risquent de saper l'effort collectif du Canada de parvenir à une réconciliation significative avec les peuples autochtones. Nous commençons tout juste à affronter notre passé et notre présent coloniaux partagés et à remédier aux torts de longue date infligés aux peuples autochtones. Certains gouvernements ont pris des mesures positives dans cette direction, notamment en s'engageant à mettre en oeuvre les appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation et la Déclaration des Nations unies. Ces premières étapes sonnent creux lorsque la Couronne refuse d'honorer la demande de réunion des chefs héréditaires, et encore moins de reconnaître et de respecter la loi Wet'suwet'en.

Il y a plus de vingt ans, le juge en chef Lamer, écrivant au nom de la Cour suprême, a reconnu le devoir moral de la Couronne d'engager des négociations de bonne foi avec les Wet'suwet'en pour résoudre la question de la propriété et de la juridiction sur leurs terres ancestrales. Cette affirmation appropriée est renforcée par l'appréciation croissante que ces négociations ont lieu entre deux systèmes d'autorité juridique et politique. La réconciliation et la justice ne peuvent être obtenues en s'appuyant sur la GRC ou des entreprises de ressources pour faire le travail de la Couronne.

Nous exhortons la Colombie-Britannique et le Canada à rencontrer les chefs héréditaires Wet'suwet'en et à s'engager dans un processus de règlement pacifique et honorable de cette question.

Pour la liste des signataires, cliquez ici.

(22 janvier 2020. Traduit de l'anglais par LML. Photos: T. Fast, H. Lightening, N. Redekop)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 5 - 1er février 2020

Lien de l'article:
Lettre ouverte au premier ministre Trudeau Et au premier ministre Horgan - First Peoples Law


    

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