Supplément
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7
novembre 2018
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Numéro
2
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Centenaire de la fin de la
Première Guerre
mondiale
Le Canada et la Première Guerre
mondiale
La conscription
• L'opposition à la conscription au
Canada
et au Québec
• Le cas de Ginger Goodwin
• Le recrutement des peuples autochtones
• Le bataillon de Noirs affectés
à
la construction
L'internement
• La Loi sur
les mesures de guerre et l'internement
de Canadiens
La conscription
L'opposition à la conscription au
Canada et au Québec
Manifestation contre la
conscription au Square Victoria à Montréal le 17 mai 1917
En
août 1914, la Grande-Bretagne déclare la guerre
à l'empire austro-hongrois. Le Canada, en tant que dominion de
l'Empire britannique, est automatiquement tenu d'y participer.
Robert Laird Borden, alors premier ministre conservateur
du Canada, s'active avec enthousiasme pour y engager le Canada. «
Dès le dimanche 9 août, les
principaux arrêtés en conseil avaient été
promulgués et une session parlementaire débuta deux
semaines après le début des hostilités. On adopta
rapidement des lois pour protéger les institutions
financières du pays et l'on augmenta les tarifs douaniers sur
certains articles de consommation très en demande. Le projet de
loi sur les mesures de guerre,
qui donnait au gouvernement des pouvoirs de coercition exceptionnels
sur les Canadiens, fut adopté à la hâte
après trois lectures. »[1].
C'est l'homme d'affaires William Price (de la Price
Brothers and Company ancêtre de Produits forestiers
Résolu) qui reçoit le mandat de créer de toutes
pièces un camp d'entraînement à Valcartier,
près de Québec. Les terres de cent vingt-six cultivateurs
sont expropriées pour étendre la superficie du camp
à 12 428 acres (50 km2).
« Dès le début du conflit, on y construit un champ
de tir de 1500 cibles, comprenant abris, positions de tir et
affiches, ce qui en fit, dès le 22 août 1914, le
plus important et le plus réussi des champs de tir au monde. Le
camp accueillit 33 644 hommes en 1914. » [2] Valcartier demeure pendant tout ce
temps la plus grande base militaire du Canada.
Au début de la guerre, le premier ministre Borden
avait promis de ne pas imposer la conscription pour le service
militaire à l’étranger. Cependant, à
l'été 1917, le Canada était en guerre depuis
près de trois ans. Plus de 130 000 Canadiens du Corps
expéditionnaire canadien avaient été tués
ou bléssés.[3] Le
nombre de volontaires continuait de baisser en raison du refus
croissant de servir de chair à canon pour les puissances
impérialistes
et l'évidence de l'impact profond des efforts de guerre sur
l'économie canadienne. Une grande pression est exercée
sur tous les pays du commonwealth et des colonies britanniques pour
qu'ils continuent de contribuer des troupes à l'effort de guerre
impérialiste, mais malgré tout le gouvernement est
incapable de convaincre les travailleurs se de sacrifier pour l'empire.
L'absence d'enthousiasme pour la
guerre est tel que le gouvernement recourt à la
conscription des soldats. Le 29 août 1917, la Loi
du service militaire est sanctionnée. Elle stipule que
« tous les habitants mâles du Canada âgés de
dix-huit ans et plus, et de moins de soixante ans, non exemptés
ni frappés d'incapacité par la loi, et sujets
britanniques, peuvent être appelés à servir dans la
milice ; dans le
cas d'une levée en masse, le gouverneur général
peut appeler au service toute la population mâle du Canada en
état de porter les armes ». Elle reste en vigueur
jusqu'à la fin de la guerre.
Borden décide que le meilleur moyen de
réaliser la conscription est d'avoir un gouvernement de
coalition en temps de guerre. Il offre donc aux libéraux un
nombre égal de sièges au Cabinet en échange de
leur soutien à la conscription. Après des mois de
manoeuvres politiques, il annonce en octobre un gouvernement d'union,
composé de
fidèles conservateurs, d'une poignée de libéraux
favorables à la conscription et de députés
indépendants.
Borden est dans la sixième année de son
premier mandat. Au cours des mois qui précèdent
l'élection, il parvient à faire passer deux textes de loi
qui assureront des votes supplémentaires pour le camp unioniste.
Aux termes des lois antérieuses, les soldats ne
peuvent voter en temps de
guerre. La nouvelle Loi des
électeurs militaires permet aux 400 000 soldats
canadiens, y compris ceux qui n'ont
pas encore l'âge de voter et qui sont
nés Britanniques, de voter à la prochaine élection.
Puis, la Loi des
élections en temps de guerre donne par ailleurs, pour la
première fois, le droit aux femmes de voter lors d'un scrutin
fédéral, mais ce droit n'est accordé qu'aux femmes
qui sont de la famille d'au moins un soldat canadien engagé
à l'étranger.
Une fois ces deux lois entrées en vigueur, un
grand nombre de personnes, dont la majorité soutiennent l'effort
de guerre et la conscription, deviennent du jour au lendemain des
électeurs en puissance juste avant la tenue du scrutin. Les
unionistes de Robert Borden remportent l'élection de 2017
avec une majorité de 153 sièges, dont
seulement trois du Québec.
Affiches pour la mobilisation des femmes pour la guerre
impérialiste. Celle de gauche
appelle les femmes qui avaient le droit aux termes de la Loi sur les élections en temps
de guerre à voter pour le gouvernement de l'Union.
Conscription
La conscription entre en vigueur le 1er
janvier 1918. Des tribunaux d'exemption sont ouverts partout au
pays parce qu'un pourcentage important d'hommes appelés à
servir font appel de la décision. Outre la
grande opposition au Québec, de nombreux Canadiens partout au
pays
s'opposent également à la conscription, notamment des
anti-impérialistes, des agriculteurs, des syndiqués, des
chômeurs, des
groupes religieux et des militants de la paix. En
février 1918, 52 000 recrues avaient
demandé d'être exemptées. Le manque d'appui
à
la guerre a encore une fois été démontré
quand, sur les plus de 400 000 personnes
appelées, 380 510 ont interjeté appel en
profitant des différentes options d'exemption prévues
dans la Loi du service militaires
En fin de compte, quelque 125 000 Canadiens -
un peu plus du quart des personnes admissibles à être
enrôlées - sont enrôlés dans l'armée.
De ce nombre, à peine plus de 24 000 sont déployés
en Europe avant la fin de la guerre.
De nombreux appelés ne se présentent tout
simplement pas. Winnipeg se classe juste derrière
Montréal
pour ce qui est du pourcentage d'hommes n'ayant pas répondu
à l'appel, soit près de 20 % des personnes
inscrites, contre environ 25 % à Montréal,
selon des informations parues dans le Winnipeg Telegram
à
l'époque. Ces hommes sont traqués par la police et
risquent
de lourdes peines d'emprisonnement s'ils sont arrêtés et
jugés.
Opposition à la guerre et à la
conscription au Québec
Des exemples de tentatives maladroites de l'État canadien de
recruter des Québécois sur la base du chauvinisme
anglo-canadien, pour une cause injuste, dans une guerre
impérialiste, les exhortant à s'enrôler par
fidélité à la vieille puissance coloniale, la
France. Puis un appel à combattre la tyrannie en soutenant la
nouvelle puissance coloniale, la Grande-Bretagne. Et enfin, un appel
à se défendre contre l'invasion étrangère.
Le 15 octobre 1914, le 22e
Régiment est officiellement créé pour renforcer la
participation des Canadiens français. En tant que seule
unité combattante du Corps expéditionnaire canadien (CEC)
dont la langue officielle est le français, le 22e bataillon
d'infanterie (franco-canadien), qui est communément
appelé le « Van
Doos » en anglais (de vingt-deux), fait l'objet d'un examen
plus minutieux que pour la plupart des unités canadiennes au
cours de la Première Guerre mondiale. Après des mois
d'entraînement au Canada et en Angleterre, le bataillon arrive
finalement en France le 15 septembre 1915.[4]
En avril 1916, le 22e Régiment
participe à l'une des missions les plus dangereuses de toute la
guerre, la bataille des cratères de Saint-Éloi.
L'affrontement a lieu sur un terrain étroit et
détrempé du théâtre de guerre en Belgique et
les pertes sont très lourdes. Après Saint-Éloi, le
bataillon se prépare à prendre le village de
Courcelette dans le secteur de la Somme en France. Des centaines
d'hommes tombent au combat. Pour beaucoup, c'est un premier constat de
la violence extrême de cette guerre. Dans les mois qui suivent
les opérations de la Somme, le bataillon est frappé par
un grand nombre de désertions et d'absences sans permission.
Selon des officiers de
bataillon, les mois qui ont suivi Courcelette ont été
témoins d'une démoralisation totale des troupes. Au cours
des dix mois suivants, 70 soldats sont traduits en cour martiale
(dont 48 pour absence illégale) et plusieurs affrontent le
peloton d'exécution.[5]
Malgré la création du 22e Régiment,
les Québécois, fidèles à leurs sentiments
antiguerre, sont aux premiers rangs de l'opposition à la
conscription. L'establishment canadien de l'époque blâme
alors les Québécois pour le « manque d'engagement
des Québécois francophones à l'endroit de la
Grande Guerre. »[6]
Des 3 458 individus de la ville de Hull
appelés par les autorités militaires et n'ayant pas
obtenu d'exemption, 1 902 hommes devinrent insoumis et ne
furent pas appréhendés, soit un taux d'insoumission
de 55 %, le plus élevé de tous les districts
d'enregistrement du Canada, suivi de près par Québec
à 46,6 % et Montréal à 35,2 %.
D'ailleurs, 99 % des appelés de la ville de Hull
firent des demandes d'exemption, soit le plus important taux de
demandes de tout le Canada.[7]
Promulgation de la
Loi sur les mesures de guerre
Les Québécois organisent de grandes
manifestantions contre les tentatives du gouvernement canadien
d'utiliser les pouvoirs policiers pour imposer la conscription aux
travailleurs et aux jeunes du Canada et du Québec. Le
gouvernement Borden répond en invoquant la Loi sur les
mesures
de guerre pour
réprimer l'opposition. Il proclame donc la loi martiale et
déploie plus de 6 000 soldats à Québec du 28 mars
au 1er avril 1918.
Le soir du 28 mars 1918, des policiers
fédéraux font une razzia dans une salle de quilles et
procèdent à l'arrestation de jeunes qui s'y trouvent.
Devant l'arbitraire et la violence des policiers, 3000 personnes
assiègent le poste de police et poursuivent leur manifestation
dans les rues durant la nuit.
Des milliers de personnes manifestent sur la Place
Montcalm à Québec le 29 mars 1918.
Le lendemain, une foule de près
de 10 000 personnes se rassemble devant l'Auditorium de la
Place Montcalm (endroit actuel du Capitole de Québec), là
où on administre les dossiers des conscrits. Les militaires,
baïonnettes au canon, sont appelés et il s'en faut de peu
pour que l'acte d'émeute ne soit lu, leur donnant l'autorisation
de tirer.
Dans les conditions de l'époque, l'élite
dirigeante du Canada s'est heurtée à un mur de
résistance de la part du peuple québécois qui
refusait d'être conscrit pour la guerre. Les aspirations des
Québécois à leur statut de nation avaient
été bafouées avant la Confédération
par la force des armes britanniques. De pair avec la subjugation des
peuples
autochtones et des colons dans le Haut-Canada, cette répression
allait être la base de la création d'un État et
d'une Confédération anglo-canadiens. Il n'est pas
difficile de s'imaginer que la classe ouvrière du Québec
n'ait pas considéré d'un bon oeil le fait d'être
envoyée sur les champs de bataille de l'Europe pour servir
l'Empire britannique.
Notes
1. « Sir Robert Laird Borden »,
greatwaralbum.ca
2. Article de Pierre Vennat, « Les
débuts du camp de Valcartier et d'une armée
improvisée de toutes pièces », tiré du
site « Le Québec et les guerres
mondiales », 17 décembre 2011
3. Richard Foot, « L'élection
de 1917 », Encyclopédie canadienne, 2015
4. Maxime Dagenais, « Les ‘Van Doos' et la
Grande Guerre », Encyclopédie canadienne, 2015
5. Ibid
6. « La Première Guerre
mondiale », Sean Mills (sous la direction de Brian Young,
University McGill), site web du Musée
McCord.
7. Claude Harb, « Le droit et l'Outaouais pendant
la
Première Guerre mondiale », Bulletin de
l'Institut Pierre Renouvin, 2017/1 (No 45), UMR Sirice.
Le cas de Ginger Goodwin
La grève générale de 24 heures
à Vancouver lors des
funérailles de Ginger Goodwin,
le 2 août 1918
Ginger (Albert) Goodwin était un mineur de
charbon qui a émigré d'Angleterre au Canada au
début du XXe siècle. Il a travaillé dans les mines
de charbon à Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, et à
Michel, en Colombie-Britannique, avant de s'installer en 1910 ou
au début de 1911 à Cumberland, sur l'île de
Vancouver. Il a
travaillé dans la mine de charbon de Dunsmuir à
Cumberland où il a participé à la grève
de 1912 à 1914. Il était actif au sein de la
United Mine Workers of America et en 1914 est devenu un
organisateur pour le Parti socialiste.
En 1916, il
déménage à Trail dans la région
intérieure de la Colombie-Britannique où il a
travaillé pendant quelques mois comme ouvrier dans une fonderie
pour la Consolidated Mining and Smelting Company of Canada Limited. Il
a été le candidat du Parti socialiste du Canada à
Trail aux élections provinciales de 1916, arrivant
en troisième position, et en décembre de la même
année il a été élu secrétaire
à temps plein du Syndicat des ouvriers de la fonderie de Trail,
une section locale de l'International Union of Mine, Mill and Smelter
Workers (IUMMSW). L'année suivante, il a été
élu vice-président de la Fédération des
travailleurs de la Colombie-Britannique, président
du district 6 de l'IUMMSW et président du Conseil des
métiers et du travail de Trail. Le syndicat l'a proposé
comme sous-ministre du
ministère du Travail nouvellement fondé en
Colombie-Britannique, mais il n'a pas été choisi. La
proposition était appuyée par les conseils des
métiers et du
travail de Victoria et de Vancouver.
Ginger Goodwin s'est opposé à la
Première Guerre mondiale pour des raisons politiques, sur la
base que les travailleurs ne doivent pas s'entretuer dans des guerres
économiques. « La guerre fait tout simplement partie du
processus du capitalisme. Les gros intérêts financiers
s'en accommodent bien. Ils vont récolter la victoire, peu
importe la
façon dont la guerre se termine », a-t-il dit.
Néanmoins, il s'est enrôlé comme l'exige la loi et
a été déclaré inapte au service militaire.
Cependant,
à peine deux semaines après qu'il eut dirigé une
grève à Trail pour la journée de huit heures, il a
reçu l'ordre de passer un un nouvel examen
médical et a ensuite été déclaré
apte au service.
Son appel contre la conscription a été
rejeté en avril 1918. Parce qu'il s'est fait ordonner de se
rapporter à la caserne, il a refusé de trahir sa
conscience et s'est caché
avec d'autres résistants à la conscription dans les
collines, près de Cumberland où les gens de la ville ont
veillé à ce qu'ils
aient de la nourriture et des provisions.
Goodwin a été abattu le 27
juillet 1918 par l'agent de la police fédérale, Dan
Campbell, un des trois membres d'une équipe qui traquaient ceux
qui se soustrayaient à la Loi sur le service militaire
. La colère des habitants de Cumberland et des travailleurs de
la province était telle que le 2 août 1918, une
procession funèbre de plus d'un kilomètre et demi de long
s'est formée à Cumberland, et la première
grève générale en Colombie-Britannique a eu lieu
le même jour à Vancouver.
Les funérailles de Ginger Goodwinl, à
Cumberland Colombie-Britannique, le 2 août 1918
Le 24 juin 2018, en l'honneur de Ginger
Goodwin, martyr du travail et résistant à la guerre, et
à l'occasion du 100e anniversaire de sa mort, le
musée de Cumberland ainsi que la Fédération des
travailleurs de la Colombie-Britannique, des syndicats locaux, des
artistes, des musiciens et des acteurs, ont reconstitué la
procession
funèbre dans le cadre des événements
commémoratifs annuels du 22 au 24 juin
dédiés aux mineurs. En 1996, un tronçon de la
route sur l'île de Vancouver a été nommé la
route Ginger Goodwin, mais les affiches ont été
enlevées par le gouvernement libéral quand il est
arrivé au pouvoir en 2001. Le 23
juillet 2018, à l'occasion du 100e anniversaire de la
mort de Goodwin, le gouvernement néodémocrate a
érigé un monument à Union Bay situé tout
près, le port de charbon qui desservait les mines de
Cumberland, en l'honneur de Ginger Goodwin pour son combat pour les
droits des travailleurs et son opposition à la conscription. Les
affiches annonçant le « Ginger Goodwin Way »
ont été replacées sur un tronçon de la
route 19, près de Cumberland, sur l'île de Vancouver.
Le recrutement des peuples autochtones
Lorsque la guerre a éclaté le 28
juillet 1914, le Canada n'avait pas de politique officielle
concernant le recrutement des
autochtones dans l'armée, car ceux-ci n'avaient pas le statut de
citoyens. Cependant, en 1915, alors que les pertes
commençaient à augmenter, le gouvernement britannique
ordonna aux dominions de recruter activement des soldats autochtones
pour l'effort de guerre. L'Australie, la Nouvelle-Zélande et le
Canada ont recruté des soldats autochtones pour combattre aux
côtés de l'impérialisme britannique pendant la
guerre. On estime que 4 000 hommes et femmes autochtones ont
servi dans le
Corps expéditionnaire canadien pendant la Première Guerre
mondiale sur
un total d'environ 600 000 soldats. Environ le tiers des
hommes des Premières Nations âgés de 18
à 45 ans
ont servi dans la guerre. Il n'y a pas de statistiques connues sur les
Métis et les Inuits car le gouvernement canadien n'a reconnu que
les «
Indiens inscrits » dans les archives.
Beaucoup de
Premières Nations, qui constituaient la principale source de
recrues autochtones avec un nombre beaucoup plus réduit de
Métis et d'Inuits, ont protesté contre la tentative de
les recruter dans l'armée coloniale canadienne et se sont
opposées à l'arrivée des recruteurs et des agents
des Indiens dans leurs réserves. D'autres Premières
Nations ont refusé d'y participer à moins de se voir
accorder le même statut de nation souveraine et d'être
traitées de nation à nation par la Couronne britannique
avec qui elles avaient signé leurs traités.
Certains dirigeants et anciens autochtones ont
également rappelé au gouvernement qu'ils avaient
reçu l'assurance, au moment de la signature des traités
numérotés avec la Couronne, que leurs jeunes ne
serviraient dans aucune guerre, en particulier à
l'étranger.
De nombreuses femmes autochtones ont également
écrit au ministère des Affaires indiennes pour exiger du
gouvernement canadien qu'il ne touche pas à leurs fils et leurs
maris parce qu'on en avait besoin chez eux.
De nombreuses raisons ont été
données pour expliquent la participation des Autochtones
à la Première Guerre mondiale. L'une d'elles est la
promesse d'une paye régulière, une autre est le sentiment
qu'au sein des Premières Nations, les sociétés de
guerriers devraient jouer leur rôle en aidant la Couronne, car
leurs relations étaient avec la
Couronne, et non avec le Canada. D'autres encore croyaient
qu'après avoir apporté leur contribution, leurs relations
avec l'État canadien s'amélioreraient à leur
retour.
Les soldats autochtones ont pris part à toutes
les grandes batailles auxquelles
l'armée canadienne a participé et se sont
distingués comme éclaireurs, tireurs d'élite et
combattants de première ligne et gagné l'admiration et le
respect de leurs camarades et officiers non autochtones. Au
moins 50 Autochtones ont été décorés
de médailles pour leur bravoure et leur héroïsme
durant la Première Guerre mondiale. Au cours de
la guerre, 300 hommes ont été tués au combat
et beaucoup d'autres ont été blessés et d'autres
sont décédés après leur retour à la
suite de blessures subies, des effets du gaz moutarde et de maladies
qu'ils avaient contractées en Europe, notamment la tuberculose
et la grippe.
La Loi du service
militaire adoptée par le gouvernement conservateur de
Borden en 1917 qui imposait la conscription, notamment pour les «
Indiens inscrits ». La conscription a provoqué une
vive opposition non seulement au Québec, mais aussi chez les
Autochtones qui ont dénoncé cette manoeuvre du
gouvernement
contraire à leur statut de peuple autochtone. Face à
cette opposition, le gouvernement a été contraint
d'accorder aux peuples autochtones une exemption de service à
l'étranger.
D'autres injustices ont été
également commises contre les peuples autochtones. En 1917,
Arthur Meighen, ministre de l'Intérieur et responsable des
Affaires indiennes, a lancé le programme de « grands
efforts de production », qui visait à accroître
la production agricole. Dans le cadre de ce programme, les terres
situées dans des
réserves qui n'étaient pas «
utilisées » ont été reprises par le
gouvernement fédéral et cédées à des
agriculteurs non autochtones pour « une utilisation
appropriée ». Lorsque des non-autochtones et des
membres des Premières Nations ont protesté contre le fait
qu'il s'agissait d'une violation de la Loi sur les Indiens, le
gouvernement a modifié la Loi sur les Indiens
en 1918 pour légaliser ces mesures illégales !
Le traitement brutal des anciens combattants
autochtones après la guerre
À la fin de la guerre, les soldats de retour au
pays, y compris les anciens combattants autochtones, avaient de grands
espoirs que leurs contributions à l'effort de guerre se
traduiraient par un meilleur avenir pour eux-mêmes et pour leurs
communautés. Les anciens combattants autochtones pensaient que
leur statut de « pupilles » de l'État
serait changé et qu'ils seraient traités sur un pied
d'égalité. Au lieu de cela, ils ont constaté que
rien ne changeait et que les attitudes raciales et coloniales du
gouvernement canadien restaient inchangées.
De nombreux anciens combattants autochtones avaient
contracté à l'étranger une maladie, notamment la
pneumonie, la tuberculose et la grippe. Ceux qui avaient subi des
attaques aux gaz sont revenus avec des poumons affaiblis et
étaient plus susceptibles de contracter la tuberculose et
d'autres maladies respiratoires
À l'instar de leurs camarades soldats non
autochtones, les anciens combattants autochtones souffraient
également des traumatismes de la guerre, qu'on appellerait
aujourd'hui troubles de stress post-traumatique, ainsi que d'autres
formes de maladie, comme l'alcoolisme, ce qui a ruiné leur vie
et entraîné des problèmes pour leurs familles et
leurs
collectivités. En fait, le niveau de vie dans les
communautés autochtones a diminué au cours des
années qui ont suivi la guerre, car les anciens combattants de
retour au pays avaient beaucoup de mal à conserver un travail
régulier et à reprendre leur vie d'avant-guerre. Devant
ces problèmes complexes, le Canada a fourni peu d'aide aux
anciens
combattants autochtones.
Les avantages accordés aux anciens combattants
et le soutien du gouvernement canadien par la Loi
d'établissement de soldats de 1917 et 1919 des
terres et des prêts pour encourager l'agriculture, ne
s'étendaient pas aux anciens combattants autochtones. Pour
aggraver encore les choses, le gouvernement fédéral a
confisqué 85 844 acres dans les réserves afin
de fournir des terres agricoles aux anciens combattants non autochtones
dans le cadre de cette loi.
L'objectif de l'État colonial canadien raciste
d'exterminer les autochtones en les assimilant était bien
vivant, comme le montre Duncan Campbell Scott, architecte du
système des pensionnats canadiens et surintendant
général adjoint des Affaires indiennes qui a écrit
dans un essai :
Ces soldats qui ont
été épanouis au contact du monde et des affaires
extérieures, qui ont été mêlés
à des hommes d'autres races et qui ont été
témoins des multiples avantages et merveilles de la civilisation
ne voudront pas retourner à leur ancien mode de vie indien.
Chacun d'eux sera un missionnaire du progrès... Cette guerre
aura hâté le jour,
... où les vieilles coutumes, les cérémonies
bizarres et pittoresques... deviendront désuètes tout
comme le bison et le tomahawk et lorsque le dernier tipi des
contrées sauvages du Nord sera remplacé par une maison de
ferme moderne.
L'ancien combattant haudenosaunee Frederick Loft a fondé la
Ligue des Indiens en 1919
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L'abandon des anciens combattants autochtones à
leur sort et d'autres abus des Autochtones par l'État canadien
ont amené l'ancien combattant haudenosaunee, Frederick Loft, un
Mohawk de la réserve des Six Nations de Grand River qui avait
servi comme lieutenant avec le Corps forestier canadien pendant la
guerre, à créer la Ligue des Indiens du
Canada 1919. Avant son retour au Canada, Loft avait
rencontré le King and Privy Counil à Londres et
exprimé ses préoccupations quant à la façon
dont les peuples autochtones du Canada étaient traités.
Sous sa direction, la Ligue s'est battue pour protéger les
terres et les droits issus de traités des peuples autochtones.
La Ligue s'est notamment battue pour préserver
les droits des peuples autochtones et a lutté contre les
modifications de la Loi sur les Indiens portant sur l'«
émancipation involontaire », orchestrée par
Duncan Campbell Scott et adoptée en 1920, qui avait pour
but d'éteindre le titre d'Autochtone en donnant le droit de vote
aux « Indiens inscrits », tout en cherchant à
saper et à saboter le travail de la Ligue des Indiens et
à isoler et à criminaliser Loft.
La Ligue a également lancé des
contestations judiciaires pour établir, entre autres, les
revendications des peuples autochtones en matière de droits de
chasse, de pêche et de piégeage. La Ligue des Indiens a
été la première tentative des peuples autochtones
canadiens d'établir une organisation nationale pour
résister attaques de l'État colonial
canadien contre leurs droits et revendications. Elle a inspiré
la formation d'autres organisations politiques autochtones pour lutter
contre l'État colonial canadien et ses politiques racistes.
Le bataillon de Noirs affectés à la
construction
Si les Noirs ont été utilisés par
les colonialistes britanniques comme chair à canon pour
réprimer les luttes pour les droits des autres, leurs propres
droits et revendications légitimes ont été
marginalisés et niés.
Lorsque la Première
Guerre mondiale a éclaté, les Noirs en
Nouvelle-Écosse et d'autres endroits ont essayé de
s'enrôler, mais ont été confrontés aux
obstacles et justification racistes. Le chef de l'état-major
général de l'armée canadienne à
l'époque a demandé dans une note : « Est-ce
que les Noirs canadiens feraient de bons soldats pour
le combat ? Je ne le crois pas ? » Quand un groupe
d'environ 50 Canadiens noirs de Sydney, en Nouvelle-Écosse,
ont essayé de s'enrôler, ils se sont fait dire :
« [Ce ] n'est pas pour vous, les gars. C'est une guerre pour les
hommes de race blanche. »
Face à l'opposition répétée
à ce racisme et cette discrimination de l'État, le
gouvernement du Canada a permis la formation du 2e bataillon de
construction (également connu sous le nom du Bataillon noir),
basé à Pictou, en Nouvelle-Écosse. Ce bataillon
maintenu à l'écart des combats n'a jamais
participé aux actions militaires parce
qu'il n'a pas été autorisé à porter des
armes. Cinq cents soldats noirs se sont portés volontaires
uniquement de la Nouvelle-Écosse, ce qui
représente 56 % du bataillon noir. Il a
été le seul bataillon noir de l'histoire militaire
canadienne.
Les membres du bataillon ont été
envoyés dans l'est de la France armés de pioches et de
pelles pour creuser des fossés et construire les
tranchées le long du front, ce qui les a mis en sérieux
danger. Ils ont également travaillé à la
construction des routes et des voies ferrées. Après la
fin de la guerre, en 1918, les membres du bataillon ont
été rapatriés et l'unité a
été dissoute en 1920.
Selon Anciens Combattants Canada, quelque 2000
autres Canadiens noirs ont servi sur les lignes du front de la
Première Guerre mondiale dans d'autres unités, certains
avec les armées d'autres pays.
Une fois de retour, les anciens combattants noirs
du 2e Bataillon de construction et d'autres anciens combattants
noirs revenus au pays ont constaté que rien n'avait
changé au Canada et que non seulement leur contribution à
l'effort de guerre n'a pas été reconnue mais ils ont
continué de subir le racisme et la discrimination en
matière
d'emploi, de prestations pour les anciens combattants et d'autres
services sociaux.[1]
Note
1. L'État canadien aime dépeindre la
participation des Noirs dans l'armée canadienne d'une
manière intéressée. Anciens combattants Canada
fait remarquer que « la tradition du service militaire par des
Canadiens de race noire remonte à bien avant la
Confédération. En effet, de nombreux Canadiens de race
noire
peuvent retracer leurs racines familiales à partir des
Loyalistes qui ont émigré au Nord dans les
années 1780, après la Révolution
américaine. On avait offert la liberté et des terres aux
esclaves américains s'ils acceptaient de se battre pour la cause
britannique et des milliers saisirent cette occasion pour se faire une
nouvelle vie dans
l'Amérique du Nord britannique. »
Un tableau idyllique mais loin de la
réalité. Les esclaves, au nombre de 30 000, qui
ont pris part à la Guerre d'indépendance des
États-Unis du côté des colonialistes britanniques
se sont enfuis du côté britannique et ont servi comme
soldats, ouvriers et cuisiniers. Lorsque les Britanniques ont
été défaits, ils ont évacué
quelque 2000 de ces « loyalistes noirs » vers la
Nouvelle-Écosse avec la promesse d'une vie meilleure et de
pouvoir vivre comme des êtres humains libres. D'autres ont
été dispersés aux quatre vents et se sont
retrouvés dans les îles des Caraïbes, au
Québec, en Ontario, en Angleterre et même en Allemagne et
en Belgique. Ceux que les
Britanniques ont carrément abandonnés aux
États-Unis ont été recapturés comme
esclaves.
De nombreux Loyalistes noirs se sont retrouvés
à Shelburne, dans le sud de la Nouvelle-Écosse, et plus
tard ont créé leur propre communauté à
proximité de Birchtown, la plus grande colonie noire à
l'époque à l'extérieure de l'Afrique. D'autres
loyalistes noirs se sont installés à divers endroits en
Nouvelle-Écosse et au
Nouveau-Brunswick.
Loin de trouver la liberté, la terre et de
nouvelles opportunités, la plupart des loyalistes noirs n'ont
jamais reçu de terre ou des dispositions qui leur avaient
été promises et ont été contraints de
gagner leur vie comme main-d'oeuvre à bon marché —
comme ouvriers agricoles, travailleurs journaliers dans les villes ou
comme domestiques.
En 1791, afin de résoudre le « problème
noir », les autorités coloniales britanniques ont
rapatrié près de la moitié de ces loyalistes noirs
de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick vers le Sierra
Leone, en Afrique.
Les Noirs qui sont restés ont été
utilisés par l'État colonial britannique dans la guerre
de 1812 pour lutter contre les Américains. Les Noirs en
Ontario et aussi d'autres endroits ont fait partie d'une armée
coloniale appelée à réprimer la rébellion
du Haut-Canada en 1837.
L'internement
La Loi sur les
mesures de guerre et
l'internement de Canadiens
Le camp d'internement à Banff, en Alberta
Lorsque la Grande-Bretagne a déclaré la
guerre à l'Allemagne, le gouvernement conservateur de Borden au
Canada a promulgué la Loi sur les mesures de guerre, en
août 1914. La loi a donné des pouvoirs très
étendus au gouvernement qui a suspendu ou limité les
libertés civiles et lui a permis d'incarcérer des «
étrangers
ennemis ».
Le terme « étranger ennemi »
fait référence aux citoyens des États
légalement en guerre avec le Canada et qui vivaient au Canada
pendant la guerre.
De 1914 à 1920, le Canada a
interné 8 579 personnes comme soi-disant
étrangers ennemis partout au pays avec 24 stations
d'accueil et camps de concentration. De ce nombre, 3138 ont
été classés comme prisonniers de guerre, tandis
que les autres étaient des civils. La majorité des
personnes interpellées
étaient d'origine ukrainienne, et ont été
ciblées car l'Ukraine d'alors était répartie entre
la Russie (un allié) et l'Empire austro-hongrois, un ennemi de
l'Empire britannique. Certains des sujets internés
étaient nés au Canada et d'autres étaient
naturalisés sujets britanniques, mais la plupart étaient
des immigrants récents.
La plupart des internés étaient de jeunes
hommes chômeurs célibataires arrêtés alors
qu'ils tentaient de traverser la frontière vers les
États-Unis afin d'y chercher un emploi. En vertu de la loi,
c'était illégal pour eux de quitter le Canada.
Quatre-vingt-une femmes et 156 enfants ont été
internés puisqu'ils avaient décidé de suivre leurs
hommes dans les deux seuls camps qui acceptaient des familles, soit
à Vernon, en Colombie-Britannique (principalement des
allemands), et à Spirit Lake, près d'Amos, au
Québec (principalement des ukrainiens).
Le camp d'internement à Fernie, en Colombie-Britannique
En plus de ceux qui sont placés dans des camps
d'internement, 80 000 autres « étrangers
ennemis », ukrainiens pour la plupart, ont été
contraints d'avoir sur eux des papiers d'identité et de se
rapporter régulièrement à un agent de police
local.
Ils ont été traités par le gouvernement comme des
parias et beaucoup ont perdu
leur emploi.
Monument aux personnes internées au camp de Castle Mountain en
Alberta
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Les camps d'internement étaient souvent
situés dans des zones rurales éloignées, y compris
dans les parcs nationaux de l'Ouest canadien suivants : Banff,
Jasper, Mont-Revelstoke et Yoho. Les internés se sont vu
confisquer une grande partie de leurs biens. Beaucoup d'entre eux ont
été enrôlés aux travaux forcés sur
les grands projets, y
compris le développement du parc national de Banff et de
nombreuses opérations minières et forestières. Ils
ont construit des routes, des ponts et défriché des
terres.
Entre 1916-1917, durant une grave pénurie
de main-d'oeuvre agricole, presque tous les internés ont
été mis en liberté conditionnelle et placés
sous la garde des agriculteurs locaux et payés au salaire en
vigueur à l'époque. D'autres libérés
conditionnels ont été envoyés comme des
travailleurs rémunérés sur les équipes des
voies ferrées et
des mines. Ils étaient toujours en liberté conditionnelle
et tenus de faire rapport régulièrement aux
autorités policières.
Les gouvernements fédéral et provinciaux
et des entreprises privées ont bénéficié de
leur travail et de la confiscation du peu d'argent qu'ils avaient, dont
une partie a été laissée à la Banque du
Canada, à la fin des opérations d'internement le 20
juin 1920.
Un petit nombre d'internés, y compris les hommes
considérés comme des « étrangers
dangereux », des ouvriers radicaux ou des internés
particulièrement gênants, ont été
expulsés vers leur pays d'origine après la guerre, en
grande partie à partir du camp de Kapuskasing en Ontario, qui a
été le dernier à fermer.
Parmi les internés, 109 sont morts de
diverses maladies et blessures dans le camp, six ont été
tués alors qu'ils tentaient de s'échapper, et
quelques-uns - selon un rapport militaire - sont devenus fous ou se
sont suicidés suite à leur détention.
Camp d'internement à Petawwa en Ontario
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