Le Marxiste-Léniniste

Numéro 7 - 24 février 2018

Supplément

Désinformation sur les cyberattaques
et l'« arsenalisation » des médias sociaux

Désinformation sur les cyberattaques et l'« arsenalisation »
des médias sociaux

L'OTAN et les médias sociaux: la menace à la démocratie libérale
Lorsque l'influence étrangère devient un nouveau crime national:
l'exemple australien



Désinformation sur les cyberattaques et l'« arsenalisation »
des médias sociaux

L'OTAN et les médias sociaux:
la menace à la démocratie libérale

Il devient de plus en plus clair que l'alliance agressive de l'OTAN dirigée par les États-Unis orchestre les mesures antidémocratiques prises au Canada et dans d'autres pays membres de l'OTAN pour criminaliser la conscience et la parole au nom de la défense de la démocratie et de la sécurité nationale. L'assaut contre la conscience et la parole cible les discours qui s'opposent à l'OTAN et qui critiquent les systèmes politiques et électoraux des États membres de l'OTAN. Pris ensemble, cela représente une large atteinte à la liberté de conscience et de parole et aux luttes des peuples pour affirmer leurs droits et pour leur habilitation.

En octobre 2017, l'Assemblée parlementaire de l'OTAN (AP-OTAN) a publié un rapport intitulé « La révolution des médias sociaux : implications politiques et sécuritaires ». Il a été produit par le Sous-comité sur la gouvernance démocratique dans lequel la sénatrice canadienne Jane Cordy agit en tant que rapporteuse. Les travaux du Sous-comité sur la gouvernance démocratique sont présidés par la Commission sur la dimension civile de la sécurité. Le but du rapport est de « sensibiliser et lancer une discussion entre les membres sur ce thème émergent et d'offrir quelques réflexions initiales sur les moyens de contrer l'utilisation malveillante des médias sociaux ».

Le rapport comprend une introduction sur l'augmentation de l'utilisation des médias sociaux. Il affirme que la «transformation dramatique des technologies de l'information et de la communication » et l'utilisation croissante des médias sociaux « changent la façon dont nous regardons la sécurité ... et exige des réponses innovantes ». Twitter et Facebook, dit le rapport, « amplifient les voix et diminuent le coût pour les gens de se brancher plus intimement, de communiquer et s'organiser entre eux et avec leurs gouvernements ». La possibilité d'une utilisation anonyme des médias sociaux « peut encourager ceux qui propagent le discours haineux autant que ceux qui luttent contre les régimes autoritaires sans crainte de représailles ».

Il parle de l'« arsenalisation » des médias sociaux qui en résulte et qui est décrite comme suit : les médias sociaux « offrent de nouvelles opportunités à ceux qui cherchent à perturber l'ordre mondial démocratique et libéral en utilisant l'ouverture intrinsèque du domaine cybernétique ». Les médias sociaux sont utilisés par les « organisations terroristes comme outil de recrutement et de propagande ». Les médias sociaux sont « exploités par des États qui cherchent à influencer et à miner les démocraties libérales, leurs institutions gouvernementales et leur tissu social - parfois avec grand effet ».

Le reste du rapport est divisé en sections intitulées : 1) les médias sociaux et la gouvernance démocratique ; 2) l'« arsenalisation » des médias sociaux ; a) Daech et les médias sociaux, b) Les médias sociaux en tant qu'outil de politique étrangère : le cas de la Russie ; et 3) les réponses aux défis de sécurité des médias sociaux ; 4. Conclusions.

Fusion de la menace terroriste avec « l'influence étrangère »

À la suite de la publication de ce rapport, des pays de l'OTAN comme le Canada ont commencé à parler de la menace terroriste et de la menace loin d'être prouvée de « l'influence étrangère dans les élections », comme étant la même chose, la première qui cause la « perte de vies » et la seconde qui « menace d'affaiblir et de diviser le monde occidental ». Par un tour de passe-passe, la menace terroriste et les mesures pour y faire face sont associées à l'opposition à l'OTAN, qui est synonyme d'opposition à la guerre et au système élitiste appelé démocratie libérale. Les mêmes forces de sécurité chargées de la lutte contre le terrorisme sont « réassignées » à l'identification de ce qui est considéré comme des opinions « influencées de l'étranger » à propos de l'OTAN et de la démocratie. Une police de coercition idéologique est habilitée à attaquer le droit à la conscience de tous les êtres humains où c'est la liberté de parole pendant et entre les élections qui devient la première victime.

Les médias sociaux chargés d'une mission de censure

Sur la base de cet argument intéressé erroné selon lequel l'opposition à l'OTAN et à un processus électoral discrédité sont d'inspiration étrangère et constituent un danger pour la sécurité nationale, la mise en place d'un système de censure est confiée aux géants des médias sociaux tels que Facebook et Google. Cela place la censure hors du domaine public, hors de la portée des mécanismes publics censés fournir un recours face aux abus des pouvoirs de police. Les « termes et conditions » des plateformes de médias sociaux définissent ce qu'elles peuvent ou ne peuvent pas faire en termes de déni de service, de suppression d'affichages et de blogs, etc. Ou bien vous les acceptez ou bien vous êtes privés de leur utilisation.

Le 1er novembre 2017, les monopoles des médias sociaux Twitter, Facebook et Google ont témoigné devant le Comité américain du renseignement de la Chambre des représentants sur des allégations d'utilisation de médias sociaux par des « Russes » pour s'immiscer dans les élections américaines.

La veille, le 31 octobre 2017, le sous-comité sur le crime organisé et le terrorisme a tenu des audiences sur « les moyens de combattre et de réduire la propagande russe et le contenu extrémiste en ligne », durant lesquelles témoignaient également divers dirigeants de ces monopoles.


Des exemplaires d'annonces de Facebook supposément achetées par la Russie affichées pendant la campagne de l'élection présidentielle américaine de 2016 (cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Au cours de ces deux auditions, les membres du Comité ont publié ce qu'ils prétendaient être des preuves de publicités achetées par les Russes sur les médias sociaux lors de l'élection présidentielle. La plupart des annonces ont été fournies par Facebook lui-même plus tôt durant l'année.

Les publicités ont inclus des affichages de Black Lives Matter et plusieurs autres pour ou contre Trump et Clinton dans le but de montrer que les publicités achetées par la Russie visaient avant tout l'élection et non pas simplement l'élection de Trump comme il a été allégué.

Tout au long de ce processus, on a noté que le pouvoir de Facebook et de ceux qui l'utilisent pour influencer et désinformer la population était bien en vue et au sus de tout le monde, sans doute un bon coup pour vendre encore plus d'annonces publicitaires et d'informations commerciales à ceux qui cherchent à en acheter.

L'autre aspect est que Facebook a utilisé cette plateforme pour se présenter comme une force légitime pour contrôler le discours politique à travers son application et annoncer une augmentation substantielle de l'embauche de personnes pour contrôler les activités de ses utilisateurs.

Colin Stretch, un vice-président et conseiller juridique auprès de Facebook, a déclaré devant le Comité judiciaire du Sénat : « Aujourd'hui, au sein de nos équipes de gestion de la sécurité et des produits et activités communautaires, nous comptons environ 10 000 employés qui travaillent sur la sécurité. Nous nous sommes engagés à investir davantage et à doubler [notre souligné] ce nombre d'ici la fin de 2018. »

Ce chiffre supplémentaire de 10 000 comprend les 4 000 déjà prévus, a indiqué l'entreprise qui ajoute que certains des nouveaux employés seront des entrepreneurs. Quel genre d'entrepreneurs n'est pas clair, bien qu'il ne fait aucun doute qu'ils pourraient être d'anciens agents de l'État ou des agents toujours en poste.

Cela constituerait une augmentation importante, car on rapporte qu'au 30 juin, l'entreprise comptait au total 20 658 employés. Il a indiqué que Facebook compte des milliers de personnes qui se concentrent spécifiquement sur ce qu'ils appellent « le contenu terroriste » et 150 qui passent tout leur temps à supprimer « le contenu lié au terrorisme », a déclaré Stretch.

Dans le même temps, il a été annoncé le 1er novembre que les profits de Facebook au troisième trimestre avaient bondi de 79 % en raison de sa position dominante dans la publicité en ligne.

La défense des « valeurs occidentales »


Photo de l'exercice militaire de la Coalition cybernétique 17 de l'OTAN à Tartu en Estonie, qui s'est tenu du 27 novembre au 1er décembre 2017

Dans les conclusions du rapport de l'OTAN, il est dit : « Alors que l'Occident a peut-être inventé les médias sociaux, leur genèse n'a jamais sous-entendu que leurs réseaux ou leurs utilisateurs adopteraient les valeurs occidentales. Contrecarrer ces nouvelles menaces doit devenir une priorité au sein de l'ordre du jour de la communauté euro-atlantique. Le terrorisme et d'autres utilisations hostiles des médias sociaux ont déjà entraîné la perte de vies humaines et ont menacé d'affaiblir et de diviser le monde occidental. »

Il dit aussi que lorsque les médias sociaux sont utilisés pour propager des « histoires fausses et perturbatrices », ils « ébranlent la confiance que les citoyens ont dans leurs institutions et leurs dirigeants ».

Selon le rapport, « les médias sociaux ont eu un impact profond sur les institutions démocratiques et la vie politique partout au monde » où « les citoyens en général et les acteurs politiques en particulier ont utilisé les sites de médias sociaux, tels que Twitter et Facebook, pour défier l'establishment politique et rassembler des appuis à travers le spectre politique ». Aux États-Unis, dit-on, « plus d'un tiers des nouveaux utilisateurs de médias sociaux concentrent régulièrement leur activité sous forme de commentaires sur les gouvernements et la politique ». En ce qui concerne le Canada, le rapport note que « la société civile s'est associée à Google pour trouver des moyens novateurs d'accroître le taux de participation » aux élections fédérales de 2015.

Pour dissimuler que les services de renseignement ont complètement échoué dans leur travail quand il s'agit de prédire un événement majeur qui a eu lieu ces vingt dernières années, le rapport de l'OTAN rejette le blâme sur le Brexit en Grande-Bretagne et la victoire de Trump aux Etats-Unis comme une preuve que « l'activité des utilisateurs sur les sites de médias sociaux s'avère être en mesure de prédire des campagnes ». Par exemple, le rapport prétend qu'après le Brexit, une conclusion a été que « les militants qui ont fait campagne ont sous-estimé la popularité du slogan ' Leave ' (Quittons) sur les médias sociaux et comment cela se traduirait par des votes ».

Le rapport refuse totalement de reconnaître que les manipulateurs des médias sociaux qui lancent des campagnes de relations publiques contre leurs rivaux lors d'une élection sont les partis politiques cartellisés qui engagent même des entreprises étrangères pour manipuler les résultats. Le rapport indique que les médias sociaux peuvent transformer n'importe quel individu en un « acteur de l'information ». Le « succès relatif de nombreux partis anti-establishment dans la zone euro-atlantique peut être attribué à d'habiles stratégies sur les médias sociaux. Souvent les récits politiques les plus prolifiques proviennent de groupes et de chefs de partis d'extrême-droite et d'extrême-gauche ».

La conclusion tirée par l'OTAN est que « les voix les plus bruyantes et les plus engagées en ligne produisent de profonds changements politiques mais ces appels viennent de plus en plus des extrémités des pôles du spectre politique ».

Les médias sociaux comme outil de politique étrangère

Le rapport accuse ensuite la Russie qui, selon ses dires, a « transformé l'information en une arme de duperie/distraction massive et en un prolongement de facto de son armée et de sa diplomatie ». En même temps, cela donne une excuse pour que l'OTAN ait également recours aux médias sociaux à des fins militaires. Le rapport cite John Chris Inglis, l'ancien directeur adjoint de la NSA (National Security Agency) qui affirme que la Russie a 10 ans d'avance sur les États-Unis « dans l'utilisation des médias sociaux à des fin d'opérations d'information » et qu'elle utilise cette supériorité pour « jouer à un jeu de grande puissance sans avoir les ressources d'une grande puissance ».

Les objectifs de la guerre d'information de la Russie, selon le rapport, sont de « monopoliser l'espace d'information en Russie afin de ' neutraliser ' les activités d'information externes ciblant les Russes » et de « projeter les intérêts de la Russie à l'étranger ». Le rapport dit : « Moscou exploite la nature pluraliste des médias dans les sociétés occidentales et le fait que les gouvernements occidentaux ont peu de contrôle sur les médias dans leurs pays ».

Le rapport suggère que la stratégie du président russe Vladimir Poutine est plus efficace que celle de l'ex-Union soviétique parce que « la Russie de Poutine ne projette pas une idéologie claire, sa machine de propagande n'a pas à convaincre l'auditoire que le modèle russe est supérieur ». Selon le rapport, l'objectif est plutôt « de démoraliser et de diviser les sociétés occidentales et d'établir une équivalence morale entre la Russie et l'Occident par la promotion de la notion de l'hypocrisie occidentale. Par exemple, la réponse du Kremlin à un vaste reportage occidental selon lequel les élections parlementaires et présidentielles russes ont été truquées était de suggérer que les élections dans d'autres pays ne sont pas meilleures ».

Le rapport cite Matthew Sussex, un expert russe en matière de politique étrangère et de sécurité, qui a déclaré : « Les Russes ont remarqué que partout en Occident, il y a une apathie générale parmi les électeurs et une méfiance envers la politique et le gouvernement. N'importe quoi qui peut contribuer à accroître cette méfiance sert les intérêts russes. »

La couverture des événements en Ukraine est citée comme un exemple de ce qui est appelé la « campagne des médias sociaux conduite par la Russie ». Rappelant l'histoire de celui qui voit la paille dans l'oeil de l'autre mais pas la poutre dans le sien, le rapport dit : « Depuis 2014, les cybercriminels de l'information en Russie ont inondé les médias sociaux de rapports inventés ou d'images trafiquées d'atrocités prétendument commises par les forces ukrainiennes [...] Mettant à profit le fait que l'information sur les médias sociaux est souvent véhiculée à travers des images, les médias pro-Kremlin ont largement dépeint l'Ukraine et les Ukrainiens dans des contextes de symbolisme et de violence fascistes ». On voit ici un effort puéril de détourner l'attention de la nécessité d'analyser les dangers qui sont posés par la politique américaine, canadienne et de l'OTAN de ressusciter les néonazis en Ukraine et d'encercler la Russie, afin de sauvegarder la cause de la paix mondiale. Ceux qui n'acceptent pas les définitions impérialistes américaines de la Guerre froide de la paix par la force et l'usage de la force pour régler les contradictions à l'échelle internationale ainsi que les menaces et les intimidations comme formes d'utilisation de la force ne sont pas dupes des puissances étrangères. Affirmer le contraire en ayant recours aux pouvoirs de police pour criminaliser la conscience humaine et la parole est une tentative désespérée et pathétique de préserver un règne qui n'a pas le consentement des gouvernés.

Les activités cybernétiques de l'OTAN

Le rapport de l'OTAN décrit les mesures prises par l'OTAN pour « sensibiliser le public par le biais des médias sociaux ». Le rapport indique que l'OTAN compte plus de 1,2 million d'adeptes sur Facebook et plus de 400 000 sur Twitter où elle promeut une vision positive de l'OTAN, synonyme de défense du monde occidental.


Désinformation contre la Russie du compte Twitter de la Délégation commune du Canada à l'OTAN en 2014 pour justifier le renforcement militaire de l'OTAN autour de la Russie

Au printemps 2017, l'OTAN a lancé « Nous sommes l'OTAN » pour « expliquer la mission fondamentale de l'OTAN de garantir la liberté et la sécurité », en ciblant en particulier « les jeunes générations des pays membres de l'OTAN et du monde entier ».

L'OTAN a également créé en Lettonie un site Web intitulé « Relations OTAN-Russie : les faits » où un bataillon de troupes d'autres pays de l'OTAN a été stationné en permanence et est censé « dissuader l'agression » de la Russie voisine. La Lettonie est un pays qui cible ses citoyens dont la première langue est le russe et qui a adopté des lois pour assimiler ses libérateurs soviétiques de l'occupation nazie durant la Seconde Guerre mondiale à ceux qui se sont joints aux SS nazis.

Alors que l'OTAN s'est toujours livrée à des opérations secrètes de désinformation et à des missions d'opérations psychologiques telles que la création de l'organisation dite extrémiste appelée les Brigades rouges pour commettre des actes terroristes, elle le fait maintenant ouvertement. Les exercices Trident Juncture 2015 sont un exemple d'information « déclarée » par le biais des médias sociaux infiltrés par l'OTAN. Durant ces exercices, les participants ont été formés « sur la manière de produire rapidement de gros volumes de contenu pro-OTAN à travers des comptes officiels sur les médias sociaux pour contrer « le sentiment anti-OTAN ». L'OTAN prétend que suite à ces exercices, « le ressentiment envers l'OTAN a diminué progressivement au fur et à mesure que la messagerie des voix favorables à l'OTAN (dans les langues locales) s'est accrue ».

Les briseurs de mythes au sein de l'UE

L'Union européenne a mis en place deux institutions : East Stratcom Task Force et l'Unité de référence Internet (URI) d'Europol pour « contrer les nouvelles contrefaites en ligne et la propagande hostile », rapportent les agences de presse. L'URI est connue sous le nom de « briseurs de mythes » et est composée d'une « équipe de dix diplomates prêtés par leur pays, chargés d'exposer quotidiennement la désinformation en ligne de la Russie » et qui diffuse ses rapports par courrier électronique et sur les réseaux sociaux. On dit qu'elle a un réseau de « plus de 400 experts, journalistes, officiels, ONG et groupes de réflexion dans plus de 30 pays ». En novembre 2016, le Parlement européen a adopté une résolution qui appelle à une augmentation des capacités de l'équipe spéciale.

On rapporte que l'Allemagne, la France et la République tchèque étaient inquiétées par des « attaques contre leurs systèmes politiques » à travers les médias sociaux à la veille de leurs élections nationales de 2017 et auraient adopté leurs propres mesures.

Huit organismes de presse français, dont l'Agence France Presse (AFP), BFM TV, L'Express et Le Monde se sont associés à Facebook et Google pour lancer de nouveaux outils de vérification des faits visant à extirper les fausses nouvelles. Tout bulletin de nouvelles jugé faux par deux des partenaires du projet seront respectivement affichés ainsi.

Aux États-Unis


Conférence de presse tenue en 2007 par l'Armée de l'air des États-Unis où elle a annoncé l'établissement d'un commandement cybernétique pour préparer la « victoire dans le cyberespace »

En 2016, le « principal outil de contre-propagande » des États-Unis, le Global Engagement Centre du Département d'État, créé en 2011, a été « rebaptisé et renforcé ». Pendant ce temps, le département de la Sécurité intérieure a déclaré que le système électoral américain est une « infrastructure critique », ce qui facilite sa capacité à s'impliquer dans la « protection des systèmes électoraux locaux et des États ».

Au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, une unité spéciale de référence au contre-terrorisme par Internet (CTIRU) a été créée pour traiter des contenus qu'elle estime contraires à la législation antiterroriste du pays. Depuis sa création en 2010, l'unité a déclaré avoir demandé aux fournisseurs de services de communication de supprimer plus de 260 000 articles de ce qu'elle appelle du contenu lié au terrorisme. En 2015, l'armée britannique aurait créé « la 77e brigade » composée d'experts dans l'utilisation des médias sociaux pour mener des « opérations d'information non létales » et pour « contrer les messages hostiles ».

Le Canada emboîte le pas

Le Réseau canadien de recherche sur le terrorisme a été créé en 2010 sous les auspices de Sécurité publique Canada pour étudier et « contribuer au corpus mondial de connaissances sur l'utilisation des médias sociaux par les terroristes et les stratégies de contre-discours ».

La surveillance policière par les mégagéants des médias sociaux

Une caractéristique fondamentale de l'appareil policier qui est en train d'être érigé est l'incorporation des mégagéants des médias sociaux pour effectuer des services de surveillance policière. Le rapport de l'OTAN dit : « Compte tenu des caractéristiques du nouvel environnement mondial de l'information, les actions médiatiques traditionnelles et gouvernementales ne suffiront pas. Une action responsable de la part des entreprises de médias sociaux qui contrôlent ce média est essentielle au succès des efforts occidentaux. »

Le rapport poursuit par un certain nombre de recommandations : « La coopération avec l'industrie des médias sociaux afin de supprimer les contenus extrémistes, les discours haineux et les fausses nouvelles des plateformes en ligne devrait se poursuivre et les principaux assauts provenant des propagandistes parmi les plus influents dont ceux de la Russie devraient être soumis à des sanctions occidentales. Puisque la plupart des outils de médias sociaux sont détenus par des sociétés privées et multinationales, la coopération avec ces entreprises doit être améliorée. Les mesures nationales visant à supprimer le contenu illicite sont souvent inefficaces car, dans la plupart des cas, le contenu est hébergé au-delà des frontières nationales. Il est donc important que le développement volontaire et l'utilisation de logiciels contre le trollage et la vérification succincte des faits ainsi que l'augmentation de la surveillance des réseaux par l'industrie soient encouragés. »

Paradoxalement, le fait que les entreprises de médias sociaux « adoptent elles-mêmes des politiques internes strictes » est perçu comme un moyen de « se prémunir contre la réglementation gouvernementale excessive du domaine cybernétique ».

En réponse, Google a maintenant modifié ses algorithmes de recherche, par la censure et/ou la promotion de certains types d'informations. Après la mise en place de ce changement en avril 2017, le World Socialist Website a indiqué que son apparition dans les résultats de recherche de Google a chuté de manière significative, comme celle de Global Research que les chercheurs de l'OTAN déclarent être la dupe des Russes.[1]

Le rapport de l'OTAN indique qu'en décembre 2016, Facebook, Microsoft, Twitter et YouTube ont annoncé la création d'une base de données partagée de « condensés numériques » - des « empreintes » digitales uniques - pour des images de violence terroriste, des vidéos de recrutement de terroristes et 'd'autres images' qui seraient retirés de ces plateformes. Et en juin 2017, les quatre mêmes sociétés ont annoncé la création du « Forum mondial de l'Internet pour contrer le terrorisme », une plateforme de partage d'informations visant à rendre leurs services « inhospitaliers aux extrémistes violents ».

En avril 2017, à l'approche de l'élection présidentielle française, Facebook avait pris des mesures contre ou avait retiré 30 000 « faux comptes » de son site en France. Twitter a affirmé avoir supprimé 235 000 comptes pour la promotion du terrorisme au cours des six premiers mois de 2016.

Récemment, de grandes entreprises de médias sociaux ont lancé plusieurs nouvelles initiatives. Le 4 décembre 2017, Google a annoncé l'embauche de 10 000 personnes qui agiront comme des censeurs. Ces censeurs ont déjà passé en revue plus de 2 millions de vidéos depuis juin, a ajouté Google. Facebook a annoncé qu'il embauchera 10 000 nouveaux employés au printemps 2017 pour signaler et suivre les contenus contrefaits. YouTube a supprimé plus de 150 000 vidéos, dont 50 % ont été supprimées dans les deux heures suivant le téléchargement. La pdg de YouTube, Susan Wojcicki a dit que sa société travaille à accélérer encore le taux de suppression. [2]

Dans une discussion pour déterminer si les mégagéants des médias sociaux en font « suffisamment », le rapport de l'OTAN fait état d'un rapport de mai 2017 du Home Affairs Select Committee du Parlement britannique, selon lequel les entreprises de médias sociaux se tiennent « honteusement à l'écart » de l'objectif de s'attaquer au contenu illégal et dangereux. Ils ont à plusieurs reprises « omis d'enlever du contenu illégal lorsqu'on leur a demandé de le faire », a-t-il déclaré. Le Comité a exhorté le gouvernement britannique à envisager de demander aux entreprises de médias sociaux de contribuer aux coûts de l'unité policière antiterroriste de l'Internet et d'imposer des amendes significatives aux entreprises qui n'ont pas supprimé le contenu illégal dans un délai strict.

À cet égard, les législateurs allemands ont adopté la Network Enforcement Act (connue sous le nom de loi Facebook) pour infliger une amende aux entreprises de médias sociaux et de la technologie de l'Internet jusqu'à concurrence de 55 millions d'euros s'ils ne suppriment pas le contenu malveillant dans les 24 heures. La Grande-Bretagne et la France travailleraient également sur des politiques visant à créer une nouvelle responsabilité légale pour les entreprises technologiques qui ne prennent pas de mesures contre les contenus inacceptables.

Le rapport de l'OTAN se termine par une liste d'autres mesures à l'étude. Il inclut notamment l'étude des « bonnes pratiques » telles que l'approche du président français Emmanuel Macron, « dont l'équipe technique qualifiée a déjoué les tentatives du Kremlin de nuire à sa campagne [électorale] » et la création ou la désignation d'unités gouvernementales spécifiques pour mener en coopération avec les entreprises de médias sociaux un suivi 24 heures sur 24 sur les « utilisations préjudiciables des médias sociaux, démasquer les nouvelles contrefaites et la propagande hostile, et les contrer par des faits ».


Les monopoles qui sont censés contrôler leurs propres réseaux de médias sociaux sont connus pour avoir aidé l'Agence de sécurité nationale des États-Unis à violer les droits en espionnant les gens, les compagnies et les gouvernements dans le monde au moyen de leur programme d'espionnage PRISM.

Note

1. Parmi les sites pour lesquel les résultats de recherche sur Google baissent de façon importante après les modifications des algorithmes il y a:

* alternet.org a chuté de 63 %
* globalresearch.ca a chuté de 62 %
* consortiumnews.com a chuté de 47 %
* mediamatters.org a chuté de 42 %
* commondreams.org a chuté de 37 %
* internationalviewpoint.org a chuté de 36 %
* democracynow.org a chuté de 36 %
* wikileaks.org a chuté de 30 %
* truthout.org a chuté de 25 %
* counterpunch.org a chuté de 21 %
* theintercept.com a chuté de 19 %

2. Informations supplémentaires fournies dans un rapport du 7 mars 2017 sur le World Socialist Website : « YouTube a commencé à retirer la documentation photographique et des vidéos sur les crimes de guerre en Syrie en août, mettant fin à quelque 180 comptes et supprimant d'innombrables vidéos d'autres chaînes dont des séquences téléchargées par Airwars, qui montrent des raids aériens de la coalition qui ont tué des civils, selon Hadi al-Khatib, le fondateur des Archives syriennes. YouTube a déclaré plus tard qu'il travaillerait à ' rétablir rapidement ' toutes les vidéos et les chaînes qui ont été ' supprimées à tort '.

« En novembre, YouTube a enlevé plus de 51 000 vidéos concernant Anwar al-Awlaki, l'imam yéméno-américain qui a été assassiné le 30 septembre 2011 par l'administration Obama lors d'un raid de missiles. Awlaki n'a jamais été accusé et encore moins reconnu coupable d'un crime. Le New York Times , un des plus grands porte-paroles de l'élite dirigeante américaine, a salué l'élimination massive des vidéos comme un 'moment décisif '.

« Le système de suppression automatisé de vidéos de YouTube, mis en place en août, place certaines vidéos dans un ' état limité ', ce qui empêche les utilisateurs d'accéder aux vidéos sans avoir déjà l'adresse URL. Les vidéos limitées n'apparaissent pas dans les résultats de recherche, les listes de lecture ou même l'historique de l'utilisateur. Les vidéos ne peuvent plus être aimées ou détestées, commentées (tous les commentaires précédents sont masqués), monétisées, intégrées à d'autres sites Web ou facilement partagées sur les réseaux sociaux via les boutons de partage YouTube. YouTube n'a pas révélé quels critères il utilise pour catégoriser une vidéo comme 'extrémiste' et la retirer de sa liste.

« La société a également commencé à utiliser la démonétisation automatisée pour censurer financièrement les producteurs de vidéos qui téléchargent des contenus jugés 'inappropriés' pour la monétisation, y compris 'les sujets controversés ou sensibles, la guerre, les conflits politiques, les catastrophes naturelles et les tragédies, même si aucune image n'est affichée'. En août, les vidéos intitulées 'Liberty Report' de Ron Paul ont été démonétisées après qu'un 'examen manuel' par YouTube l'ait jugé 'ne pas convenir aux annonceurs'. Julian Assange a qualifié l'action de ' censure économique ', notant que les vidéos 'inapproppriées' mettaient en vedette l'ex-représentant au Congrès qui critiquait la décision du président Donald Trump d'envoyer plus de troupes américaines en Afghanistan et qui critiquait le Comité sénatorial américain du renseignement pour avoir qualifié Wikileaks de service de renseignement étranger hostile.

« YouTube a ouvertement admis sur Twitter qu'il censurait des vidéos basées sur le contenu, indiquant que ' si la vidéo ne convient pas non plus à un auditoire plus large ... alors elle pourrait être moins visionnée '.

« Le système peut aussi à titre préventif signaler les vidéos comme étant impropres à la publicité avant même qu'elles ne soient téléchargées. Si le système de censure ne peut pas évaluer le contenu de la vidéo (parce qu'il n'existe pas), il base sa décision sur la description de la vidéo , les mots-clés, vignettes ou images concises.

« Les exigences pour interjeter appel contre la démonétisation sont extrêmement exigeantes, laissant la plupart des petits producteurs sans recours. Pour déposer un appel, la chaîne doit soit avoir plus de 10 000 abonnés, ou soit la vidéo en question doit avoir obtenu au moins 1 000 visionnements dans le passé. Les producteurs ne sont pas non plus informés du moment ou du contenu de leur vidéo que le système juge inapproprié. Les petits et les grands producteurs se sont plaints sur Twitter de baisses en termes de pourcentage de plus de 10 % du nombre de nouveaux visionnements après la démonétisation de leurs vidéos, ce qui rend encore plus difficile de satisfaire aux exigences d'appel.

« Google n'est pas seul à accroître la censure automatique. La semaine dernière, Facebook a annoncé son système nouvellement mis en place pour numériser les messages des utilisateurs et contacter la police et les autres premiers intervenants, officiellement pour prévenir les suicides.

« Le mois dernier, Google a reconnu avoir ' rétrogradé ' le contenu de RT (Russia Today) et Sputnik dans son moteur de recherche et son service de nouvelles, confirmant les allégations du World Socialist Website selon lesquelles l'entreprise s'est engagée dans une censure politique massive au nom de combattre les ' nouvelles contrefaites ' », conclut l'auteur du rapport.

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Lorsque l'influence étrangère devient un
nouveau crime national: l'exemple australien

Le gouvernement de la coalition libérale-nationale en Australie a présenté récemment une « politique globale de réformes » pour contrer la « menace d'ingérence étrangère secrète » dans son système électoral et politique. Les trois projets de loi, déposés le 7 décembre, sont présentement en train d'être examinés en comité où plusieurs de ses clauses sont critiquées comme des limitations à la liberté de parole, d'opinion et d'association.

Le projet de loi appelé Loi sur la transparence ayant trait à l'influence étrangère, 2017 crée un registre obligatoire pour les individus et les organisations « qui mènent des activités au nom d'un commettant étranger. Le second projet de loi appelé Loi modifiant la Loi sur la sécurité nationale (espionnage et ingérence étrangère), 2017 modifie le code criminel pour y inclure l' « ingérence étrangère » comme un crime contre la sécurité nationale. Le troisième projet de loi appelé Loi modifiant la Loi électorale (réforme du financement électoral et de la divulgation), 2017 interdit les contributions étrangères aux partis politiques et aux candidats, ce qui est une pratique courante et non sujette à controverses dans plusieurs pays. Elle va plus loin cependant en étendant les contrôles à d'autres associations et organisations et prévoit notamment une exigence de divulgation des donateurs et crée un nouveau registre pour les « militants de campagne politique ».

Ces projets de loi ont été annoncés en conférence de presse le 5 décembre et déposés au parlement quelques jours plus tard. En conférence de presse, le premier ministre Malcolm Turnbull a dit que les lois abordent un « problème de premier ordre » qui s'aggrave et il a ajouté que « des puissances étrangères font des efforts sans précédent et de plus en plus sophistiqués pour influencer le processus politique au pays et à l'étranger ». Il a dit que les changements aux lois de sécurité nationale sont devenus nécessaires parce que les agences de police « ne disposent pas des outils législatifs nécessaires dont ils ont besoin pour agir ».

À la Chambre des représentants, Turnbull a dit que le directeur général de l'organisation du Renseignement de sécurité australien « nous dit que la menace à laquelle nous faisons face aujourd'hui est plus grande qu'elle ne l'était lorsque les agents soviétiques ont pénétré le gouvernement fédéral pendant la Deuxième Guerre mondiale et les premières années de la Guerre froide ». Il a décrit les trois lois comme « des parties entrelacées » qui constituent « la refonte la plus complète de notre cadre législatif du contre-espionnage depuis les années 1970 ».

À la Chambre des représentants, Turnbull a parlé de rapports des médias qui « ont suggéré que le Parti communiste chinois a tenté de s'ingérer dans nos médias, nos universités et même dans les décisions des représentants élus ici même dans cet édifice ». « Nous prenons ces rapports très au sérieux », a dit Turnbull qui a nommé la Russie, l'Iran et la Corée du nord comme d'autres coupables connus.

Les « États autoritaires », a-t-il dit, « ont littéralement façonné l'opinion publique afin d'usurper le discours politique et faire basculer le domaine de la prise de décisions à leur avantage. Et maintenant, ces méthodologies ont été suralimentées par la cybernétique. »

Le représentant du ministre chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, s'est dit renversé des remarques de Turnbull en point de presse : « Nous sommes abasourdis des remarques du dirigeant australien », a-t-il dit, selon l'Associated Press. « Ces remarques ne font que reprendre les rapports irresponsables de certains médias australiens qui sont sans principe et remplis de préjugés contre la Chine. Cela empoisonne l'atmosphère des relations Chine-Australie et sape les fondations d'une confiance mutuelle et d'une coopération bilatérale. Nous exprimons notre profonde insatisfaction face à cela et avons déposé une plainte sérieuse auprès de la partie australienne. »

Selon le premier ministre Malcolm Turnbull, les réformes électorales, le régime d'enregistrement des agents étrangers et la création du crime d' « ingérence étrangère » expriment quatre principes : « luminosité, exécution, dissuasion et capacité ». Le registre va faire en sorte que la présence de « luminosité » va éclairer les activités politiques et « permettre au public et aux décideurs politiques d'examiner tout ordre du jour sous-jacent ». Il a dit que cela va donner « au public et aux décideurs australiens plus de visibilité alors que des États et des individus étrangers chercheront peut-être à influencer les processus politiques et les débats publics de l'Australie ».

Il est allé plus loin en disant que la présence de « luminosité » agit comme un simple « désinfectant » qui n'est pas suffisant en soi. « Nous allons aussi introduire, pour la première fois, des infractions pour des gestes d'ingérence étrangère. Nous allons corriger une lacune évidente en criminalisant les actions secrètes, trompeuses et menaçantes de personnes qui agissent au nom de ou en collaboration avec des commettants étrangers et qui cherchent à influencer les processus politiques en Australie ou à porter préjudice à notre sécurité nationale. Les actes d'ingérence étrangère sont souvent entrelacés avec de l'espionnage. Nos lois sur l'espionnage sont cependant si lourdes qu'elles n'ont pas mené à une seule condamnation depuis des décennies même lorsque la menace a atteint des niveaux sans précédent. Nous allons donc introduire un ensemble d'infractions soigneusement structurées pour espionnage et de nouvelles clauses sur le secret, le sabotage et la trahison ».

Au sujet du registre, Turnbull a dit qu' « être enregistré, je tiens à le dire, ne doit pas être considéré comme une faute et certainement pas comme un crime. Mais, si vous ne divulguez pas vos liens, vous pourriez être tenu responsable d'une infraction criminelle. »

À une question des journalistes lui demandant qui devra s'enregistrer, Turnbull a répondu que tout individu et/ou toute organisation qui « pense être visé par la loi ferait bien de s'enregistrer ».

Le système d'enregistrement pour influence étrangère

Si elle est adoptée, la Loi sur la transparence ayant trait à l'influence étrangère, 2017 va exiger des individus et des organisations « qui mènent des activités au nom d'un commettant étranger » qu'ils s'enregistrent. Apparemment, le fait de s'enregistrer empêcherait un individu ou une organisation d'être accusé d' « influence étrangère ».

Le projet de loi définit en détail qui sont les « commettants étrangers », soit n'importe quel gouvernement étranger, organisme gouvernemental et non gouvernemental, tout individu provenant d'un pays étranger. Ceux qui critiquent le projet de loi s'objectent à sa grande étendue et font remarquer qu'il s'applique à tout le monde et à toute chose, depuis un chef d'État jusqu'à un parti politique non élu et à un individu ordinaire hors de l'Australie et même aux gens qui vivent en Australie et qui ne sont pas citoyens.

Le projet de loi comprend une définition tout aussi étendue de ce qui constitue une activité menée par quelqu'un au nom d'un commettant étranger. « Au nom de » pourra vouloir dire tout ce qui suit : « en vertu d'un arrangement avec », « au service de », « sur l'ordre ou à la requête de », « sous le contrôle ou la direction de », « financé ou supervisé par » ou « en collaboration avec » un commettant étranger. Un « arrangement » est défini comme « un contrat, un accord, une entente ou un autre arrangement quel qu'il soit, écrit ou non écrit ».

La définition d' « ingérence étrangère » dans les affaires politiques et électorales est tout aussi étendue. À quelques exceptions près, elle s'applique à tout ce qui cherche à « influencer, directement ou indirectement, tout aspect (y compris le résultat) » d'une élection, d'une décision gouvernementale, des procédures d'une chambre du Parlement ; d'un processus mené par un parti politique enregistré ; d'un processus mené par un membre indépendant du Parlement ; un candidat, indépendant ou d'un parti politique. Elle s'applique aussi à toute tentative d'affecter n'importe laquelle de ces choses « en influençant le public, ou une partie du public, en rapport avec ces processus et ces procédures ».

Le projet de loi exempte « les intérêts d'affaires et commerciaux » pourvu que l'Australien qui agit en leur nom agisse en tant qu'employé ou « sous le nom » d'une « entité d'affaires étrangère ».

Modifications au Code criminel relativement à l'ingérence étrangère

Le résumé de Loi modifiant la loi électorale (réforme du financement électoral et de la divulgation), 2017 mentionne que le projet de loi « introduit de nouvelles infractions relatives à l'ingérence étrangère dans les processus politiques, gouvernementaux ou démocratiques de l'Australie ».

Le crime d'ingérence étrangère est lié directement à la définition que donne le code criminel de la sécurité nationale, qui comprend explicitement six activités : « (a) espionnage ; (b) sabotage ; (c) terrorisme ; (d) violence politique ; (e) activités ayant pour but et susceptibles de faire obstruction, de nuire ou de s'ingérer dans le travail des forces de défense du pays qui agissent dans l'exercice de leurs fonctions ou qui mènent d'autres activités pour la défense et la sécurité du pays ; (f) ingérence étrangère.

La définition de sécurité nationale comprend les concepts largement acceptés en matière de sécurité nationale, comme la défense de l'intégrité du territoire et des frontières du pays, de même que du territoire ou de l'intégrité de tout autre pays où l'Australie a la « responsabilité » d'assurer ces choses. La définition s'applique aussi aux « relations politiques, militaires ou économiques de l'Australie avec un autre ou d'autres pays ».

Il y a deux catégories d'ingérence étrangère, l' « intentionnelle » et l' « irresponsable », et la législation proposée fait des distinctions dans l'ingérence contre différentes cibles.

L' « ingérence en général » est une infraction si

« (a) la personne s'engage dans la conduite de l'activité et

(b) l'une ou l'autre des circonstances suivantes existe :

(i) l'activité est menée au nom de , ou en collaboration avec, un commettant étranger ou une personne agissant au nom d'un commettant étranger ;

(ii) l'activité est dirigée, financée ou supervisée par un commettant étranger ou une personne agissant au nom d'un commettant étranger ;

(c) la personne néglige de manière irresponsable de considérer si sa conduite va

(i) influencer un processus politique ou gouvernemental du Commonwealth ou d'un État ou territoire ; ou

(ii) influencer l'exercice (en Australie ou ailleurs) d'un droit ou d'un devoir démocratique ou politique australien ; ou

(iii) appuyer les activités de renseignement d'un commettant étranger : ou

(iv) porter préjudice à la sécurité nationale de l'Australie ; et si

(d) une quelconque partie de la conduite :

(i) est secrète ou trompeuse ; ou

(ii) comprend une menace de la part de la personne visant à causer un tort sérieux à la personne à qui la menace est faite ou à toute autre personne ; ou

(iii) comprend une demande accompagnée de menaces de la part de la personne.

Peine : 15 ans de prison.

Réformes électorales

La Loi modifiant la loi électorale ( financement électoral et réforme de la divulgation), 2017 étend l'application du régime de financement électoral à un vaste éventail d'organisations que le gouvernement décrit comme « des acteurs politiques qui sont apparus dans le paysage politique australien, qui n'appuient pas des candidats et ne cherchent pas à former le gouvernement mais cherchent quand même à influencer le résultat des élections par leurs activités de campagne ». Alors que la loi requiert déjà des organisations et des associations qui dépensent de l'argent pendant une élection qu'elles soumettent des rapports à la commission électorale de l'Australie, les modifications créent une nouvelle catégorie de « militants de campagne politique ». Elle requiert que toute organisation qui dépense 100 000 $ ou plus en « dépenses politiques » en une année, ou dans l'une ou l'autre des trois années précédentes, s'enregistre en tant que « militant de campagne politique » et divulgue toute contribution de plus de 250 $. Une « dépense politique » est définie comme l'expression de toute opinion sur un enjeu qui est ou est susceptible d'être soumis aux électeurs pendant une élection (qu'une élection ait été déclenchée ou non) ».

La Société Saint-Vincent de Paul est une des nombreuses organisations qui s'oppose au projet de loi. Elle écrit dans le mémoire qu'elle a soumis au gouvernement : « Chaque fois qu'un organisme de bienfaisance va faire un commentaire sur un enjeu comme l'itinérance, le faible niveau des allocations et des pensions, les bas salaires, les réfugiés et les demandeurs d'asile, les coûts de l'électricité et toutes sortes d'autres sujets, les coûts associés à l'expression de ces commentaires vont être considérés comme une dépense politique. »

Les avocats australiens des droits de la personne

L'association des avocats australiens des droits de la personne (ALHR) sont parmi les nombreux individus et organisations qui s'opposent au projet de loi. Dans un mémoire à la Commission conjointe du renseignement et de la sécurité, l'association écrit : « L'inquiétude première de l'ALHR est que [les trois projets de loi mis ensemble] violent les droits humains universels fondamentaux de liberté de parole et de liberté d'expression des Australiens et qu'ils restreignent sérieusement le droit constitutionnel implicite à la libre communication politique. »

Selon l'association, la législation « n'est pas une réponse proportionnée nécessaire ou raisonnable aux torts perçus causés par l'ingérence étrangère dans les processus politiques et gouvernementaux australiens et elle est écrite de manière si large qu'elle va avoir un impact majeur sur le discours politique ordinaire même là où l'association entre la personne qui parle et une personne ou une entité étrangère est minime ».

L'ALHR écrit : « Si nous ne sommes pas opposés à ce que l'on requière des députés récemment élus et des personnes qui ont récemment accédé à des postes supérieurs au Commonwealth qu'ils enregistrent leurs activités faites au nom d'intérêts étrangers, l'ALHR est d'avis que les exclusions prévues pour ces personnes demandent à être clarifiées et que le projet de loi a une étendue beaucoup trop poussée en ce qui a trait à la plupart de ses autres aspects.

« Le projet de loi prévoit un faible degré de réglementation pour les intérêts d'affaires alors qu'il impose une très vaste réglementation et des peines strictes de responsabilité aux intérêts qui ne sont pas des intérêts d'affaires. Le degré de réglementation qui est envisagé est entièrement non nécessaire et inapproprié dans un monde interconnecté aujourd'hui à l'échelle planétaire. »

« En plus, le projet de loi sape le rôle clé que jouent les organismes de bienfaisance et les autres organisations non gouvernementales dans le soutien à la démocratie en Australie. Le projet de loi restreint la capacité de tout intervenant qui prend la parole et possède des connections étrangères minimes de faire du lobbying auprès du gouvernement et même des partis politiques. Les exceptions accordées aux entreprises sont une preuve tacite du caractère répressif des projets de loi. »

Un diplomate australien de 30 ans de carrière
s'oppose à ces projets de loi

Tony Kevin, un diplomate australien à la retraite, s'est opposé fermement à ces projets de loi. Il a servi de 1939 à 1968 comme officier de la marine et officier du renseignement en tant de guerre. De 1968 à 1998 il a été analyste en politique étrangère et ambassadeur australien en Pologne et au Cambodge. Il écrit sur les affaires internationales.

Dans son mémoire sur les projets de loi, il s'est opposé au retour d'un climat de guerre froide. Parlant de lui-même il a dit ceci : « Il existe un vaste potentiel pour l'amélioration des relations avec la Russie, un pays qui mérite d'être admiré pour ses contributions à un ordre mondial multipolaire reposant sur des règles. Je veux continuer, en tant que citoyen australien loyal, à travailler à la détente entre la Russie et l'ouest. Je ne me considère pas comme un agent étranger de la Russie et je serais très mécontent de devoir m'enregistrer comme un agent étranger. »

On lit dans son mémoire :

« Dans son état actuel... je crois que la législation est une attaque contre les libertés d'expression et d'association dont jouissent présentement les Australiens. Je condamne cette ébauche de législation sous l'angle des libertés civiles. »

Il a résumé son opposition de la façon suivante :

« Je n'ai pas de commentaire à faire sur les aspects relatifs à l'espionnage de cette ébauche de législation. Mais je tiens à critiquer :

1. L'idée philosophique directrice de l'ébauche de législation, qui établit un amalgame entre le crime d'espionnage qui a été traditionnellement bien défini et le nouveau crime présumé d' « ingérence étrangère néfaste » dans les décisions politiques du gouvernement australien.

2. Les restrictions que cette législation impose aux libertés actuelles d'expression et d'association des Australiens avec des personnes ou des organisations étrangères.

3. L'iniquité qui existe à obliger les citoyens australiens qui veulent s'exprimer en public sur des sujets politiques controversés et entretenir des contacts avec des personnes ou des organisations étrangères qui peuvent partager ces opinions, à s'enregistrer en tant qu' « agents étrangers » comme mesure de précaution contre des accusations qui pourraient être levées contre eux comme criminels en vertu de ces lois.

Je tiens à critiquer le caractère arbitraire et sans limites de la législation, qui, dans son état actuel, accorde une vaste discrétion à deux politiciens et ministres de la Couronne - le ministre de l'Intérieur (le nouveau ministère de type sécurité de l'intérieur qui a été établi le 20 décembre 2017) et le procureur général, pour déterminer quels Australiens et quelles actions devraient faire l'objet de poursuites en tant que délinquants criminels ou infractions criminelles en vertu de cette législation si elle est adoptée. »

« Dans l'ensemble, je considère cette législation comme étant offensante et dangereuse. Elle menace ma liberté de former et d'exprimer des opinions politiques sur les affaires mondiales, et de visiter ou de m'associer à des individus ou des organisations publiques de pays spécifiques avec lesquels l'Australie entretient des relations diplomatiques normales. Je ne possède pas de secrets officiels, étant retiré du service public australien depuis 20 ans. Toute mon information et ma perception politique proviennent de l'information qui est disponible sans frais pour tous les Australiens dans l'arène publique. Pourquoi est-ce que je n'accepterais pas des invitations à participer à de prestigieuses tournées de conférences en Russie ou en Chine, même toutes dépenses payées, d'y prendre la parole et d'écrire à leur sujet par après ? Pourquoi est-ce que je n'écrirais pas des livres ou des articles sur les relations de l'Australie avec la Russie ou la Chine ? Pourquoi est-ce que je n'accepterais pas de droits d'auteur d'organisations publiques ou commerciales de ces pays ? »

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