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Le dirigeant communiste bulgare Georges Dimitrov était également un dirigeant communiste international qui a joué un rôle décisif dans le Front uni contre le fascisme durant la Deuxième Guerre mondiale. Nous reproduisons ci-dessous un extrait du rapport qu'il a présenté au VIIe Congrès mondial de l'Internationale communiste le 2 août 1935 sous le titre « L'Offensive du fascisme et les tâches de l'Internationale communiste dans la lutte pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme ». Il y démontre entre autres l'inévitabilité de la rivalité entre les capitalistes monopolistes pour la domination afin d'asservir la classe ouvrière comme condition pour conquérir d'autres pays et la nécessité absolue de mener la lutte de résistance pour conjurer les catastrophes qui se préparaient. * * * Déjà le VIe congrès de l'Internationale communiste [en 1928] avertissait le prolétariat international de la maturation d'une nouvelle offensive fasciste et appelait à la lutte contre elle. Le congrès indiquait que « des tendances fascistes et des germes du mouvement fasciste existent presque partout, sous une forme plus ou moins développée ».
Dans les conditions de la crise économique extrêmement profonde, de l'aggravation marquée de la crise générale du capitalisme, du développement de l'esprit révolutionnaire dans les masses travailleuses, le fascisme est passé à une vaste offensive. La bourgeoisie dominante cherche de plus en plus le salut dans le fascisme, afin de prendre contre les travailleurs des mesures extraordinaires de spoliation, de préparer une guerre de brigandage impérialiste, une agression contre l'Union soviétique, l'asservissement et le partage de la Chine et sur la base de tout cela de conjurer la révolution. Les milieux impérialistes tentent de faire retomber tout le poids de la crise sur les épaules des travailleurs. C'est pour cela qu'ils ont besoin du fascisme. Ils s'efforcent de résoudre le problème des marchés par l'asservissement des peuples faibles, par l'aggravation du joug colonial et par un nouveau partage du monde au moyen de la guerre. C'est pour cela qu'ils ont besoin du fascisme. Ils s'efforcent de devancer la montée des forces de révolution en écrasant le mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans et en lançant une agression militaire contre l'Union soviétique, rempart du prolétariat mondial. C'est pour cela qu'ils ont besoin du fascisme. Dans une série de pays, notamment en Allemagne, ces milieux impérialistes ont réussi, avant le tournant décisif des masses vers la révolution, à infliger une défaite au prolétariat et à instaurer la dictature fasciste. Mais ce qui est caractéristique pour la victoire du fascisme, c'est précisément la circonstance que cette victoire, d'une part, atteste la faiblesse du prolétariat, désorganisé et paralysé par la politique social-démocrate scissionniste de collaboration de classe avec la bourgeoisie, et, d'autre part, exprime la faiblesse de la bourgeoisie elle-même, qui est prise de peur devant la réalisation de l'unité de lutte de la classe ouvrière, prise de peur devant la révolution et n'est plus en état de maintenir sa dictature sur les masses par les vieilles méthodes de démocratie bourgeoise et de parlementarisme. Au sujet de la victoire du fascisme en Allemagne, Staline a dit au XVIIe congrès du Parti communiste de l'URSS : Il ne faut pas la considérer seulement comme un signe de faiblesse de la classe ouvrière et comme le résultat des trahisons perpétrées contre elle par la social-démocratie qui a frayé la route au fascisme. Il faut la considérer aussi comme un signe de faiblesse de la bourgeoisie, comme un signe montrant que la bourgeoisie n'est plus en mesure d'exercer le pouvoir par les vieilles méthodes du parlementarisme et de la démocratie bourgeoise, ce qui l'oblige à recourir dans sa politique intérieure, aux méthodes terroristes de gouvernement ; comme un signe attestant qu'elle n'a plus la force de trouver une issue à la situation actuelle sur la base d'une politique extérieure de paix, ce qui l'oblige à recourir à une politique de guerre. Le caractère de classe du fascismeLe fascisme au pouvoir est, comme l'a caractérisé avec raison la XIIIe assemblée plénière du Comité exécutif de l'Internationale communiste, la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. La variété la plus réactionnaire du fascisme, c'est le fascisme du type allemand. Il s'intitule impudemment national-socialisme sans avoir rien de commun avec le socialisme. Le fascisme hitlérien, ce n'est pas seulement un nationalisme bourgeois, c'est un chauvinisme bestial. C'est un système gouvernemental de banditisme politique, un système de provocation et de tortures à l'égard de la classe ouvrière et des éléments révolutionnaires de la paysannerie, de la petite bourgeoisie et des intellectuels. C'est la barbarie médiévale et la sauvagerie. C'est une agression effrénée à l'égard des autres peuples et des autres pays. Le fascisme allemand apparaît comme la troupe de choc de la contre-révolution internationale, comme le principal fomentateur de la guerre impérialiste, comme l'instigateur de la croisade contre l'Union soviétique, la grande patrie des travailleurs du monde entier. Le fascisme, ce n'est pas une forme du pouvoir d'État qui, prétendument, « se place au-dessus des deux classes, du prolétariat et de la bourgeoisie », ainsi que l'affirmait, par exemple, Otto Bauer. Ce n'est pas « la petite bourgeoisie en révolte qui s'est emparée de la machine d'État », comme le déclarait le socialiste anglais Brailsford. Non. Le fascisme, ce n'est pas un pouvoir au-dessus des classes, ni le pouvoir de la petite bourgeoisie ou des éléments déclassés du prolétariat sur le capital financier. Le fascisme, c'est le pouvoir du capital financier lui-même. C'est l'organisation de la répression terroriste contre la classe ouvrière et la partie révolutionnaire de la paysannerie et des intellectuels. Le fascisme en politique extérieure, c'est le chauvinisme sous sa forme la plus grossière, cultivant une haine bestiale contre les autres peuples. [...] (Georges Dimitrov, Oeuvres choisies, Éditions sociales, 1952) INCO a aidé volontiers l'agression allemandeLa Compagnie internationale du nickel du Canada, qui contrôlait 85 % de la production mondiale du nickel dans les années 30, a livré du nickel à l'État hitlérien pour des raisons politiques et militaires. Ce qui suit est un extrait du livre de Norden, Thus Wars Are Made ! (C'est ainsi qu'on fait les guerres ; le titre de la version allemande originale est So werden Kreige gemacht !, publiée par Verlag Zeit im bild, 1950)
Les preuves irréfutables de cette coopération à des fins de guerre se trouvent dans les dossiers du trust IG Farben. Lors du procès de Nuremberg contre les directeurs d'IG Farben, le tribunal a confirmé que la Compagnie internationale de nickel du Canada (INCO), qui contrôle 85 % de la production du nickel dans le monde capitaliste, a livré du nickel à l'État hitlérien pour des raisons politiques et militaires. Le 29 septembre 1947, au cours du procès, on a présenté une déclaration du directeur accusé, Paul Hafliger, qui affirmait qu'en 1934, c'est-à-dire un an avant l'ascension au pouvoir de Hitler, un traité avait été signé entre IG Farben et le trust du nickel, permettant à IG Farben de subvenir à 50 % des besoins des Allemands, tout en ne versant que 50 % des coûts en devises étrangères. En surcroît, IG Farben a réussi à convaincre le trust du nickel de stocker d'importantes réserves de nickel en Allemagne aux frais mêmes du trust.Inutile, cependant, de venir à la défense du trust du nickel en plaidant la naïveté, puisque le directeur Hafliger a lui-même affirmé le contraire. Après que la Deuxième Guerre mondiale eut éclaté, Hafliger écrivait un mémorandum le 19 octobre 1939, lequel a été déposé devant le tribunal de Nuremberg, portant le nom Document numéro NJ/9636, en tant que preuve déposée contre les criminels de IG Farben et dans lequel Hafliger déclare littéralement :
« Le trust du nickel doit veiller à ne pas rendre son attitude publique. Il a agi comme il faut lorsque des questions ont été soulevées à la fois à Ottawa et au parlement britannique, soulevant la possibilité d'au moins réduire les exportations vers l'Allemagne. Le trust comprenait bien comment, même en temps de crise, dissimuler ses actes en faisant des déclarations trompeuses dans les coulisses pouvait réussir à berner tout le monde ». Que s'était-il passé ? Après l'annexion par Hitler de l'Autriche et des Sudètes, et surtout suite au viol brutal du reste de la Tchécoslovaquie, les peuples anglophones furent grandement perturbés, les menant à revendiquer des mesures de sécurité économiques et politiques contre l'agresseur. Plutôt que d'acquiescer à ces demandes tout à fait normales, le trust du nickel a préféré mentir au public au sujet de son aide continue au régime nazi ainsi que de son aide à venir, continuant de faire des livraisons à Hitler par le biais de ses mines de nickel à Petsamo, à l'extrême nord de l'Europe (anciennement la Finlande). Hafliger, qui ne tarissait pas d'éloges envers le trust, poursuit dans son mémorandum : « L'attitude du trust a été complètement loyale même dans les derniers jours menant au déclenchement de la guerre. Par exemple, il n'a jamais tenté d'éviter l'important risque que posait le stockage qui, après tout, représentait déjà des millions de Reichsmarks. » Ce qui était en jeu ne nécessite aucun commentaire : un trust, ayant son siège social au Canada, fonctionnant conjointement avec le grand capital anglo-étasunien, a, de façon consciente et volontaire, assisté l'agression allemande. Si jamais des doutes subsistaient, écoutons une fois de plus les propos du directeur de IG Farben. Ivre des victoires initiales de la Wehrmacht pendant la Deuxième Guerre mondiale, Hafliger a exigé dans son mémorandum que le gouvernement finlandais soit tenu de réserver à l'Allemagne une plus grande partie de sa production de Petsamo. Mais qu'en penserait le trust du nickel, propriétaire de ces gisements depuis 1934 ? Aucun problème, selon le directeur de IG Farben : « Connaissant diverses personnalités ainsi que l'attitude bien établie du trust du nickel, je suis certain qu'un tel décret sera apprécié du trust, y voyant aussi des avantages pour lui-même. Il verra dans l'approvisionnement de l'Allemagne une protection recherchée contre une possible prise de contrôle par la Russie...De toute évidence, le trust fera tout en son possible pour éviter tout obstacle à notre future collaboration jusqu'à la fin de la guerre. » Qui donc étaient ces personnalités dont l'« attitude bien établie »était bien connue de Hafliger ? Le plus important d'entre eux était John F. Dulles, directeur et avocat du trust du nickel et son principal conseiller sur toutes questions à l'extérieur du continent américain. Il est : -le même Dulles qui a élaboré les plans visant à imposer un blocus à la Russie soviétique lorsqu'il était membre de la délégation des États-Unis à la Conférence de paix de Paris et qui est devenu trésorier et secrétaire du « département russe du conseil du commerce en temps de guerre », un organisme mis sur pied par le capital financier étasunien et visant à soumettre toute l'économie russe à son contrôle ; -le même Dulles qui, en tant qu'avocat le plus riche du capital monopoliste international, représentait les succursales étasuniennes de IG Farben, et le même qui, en 1939, en tant qu'avocat de l'assassin fasciste Francisco Franco, a entrepris des recours auprès des tribunaux étasuniens pour que des sommes d'argent appartenant à la République espagnole soit remises à son client ; -le même Dulles qui, en tant qu'avocat de la banque Schroeder allemande-britannique-étatsunienne, défendait ses intérêts, tandis que son frère Allen siégeait au conseil d'administration. Il s'agit de la banque ayant financé l'organisation de confrérie anglo-allemande en Grande-Bretagne avant la Deuxième guerre mondiale ; -le même Dulles qui en son nom personnel a offert d'importantes sommes d'argent à l'organisation ouvertement fasciste et antisémite, America First, qui appuyait Hitler, et dont il a organisé le statut légal ; -le même Dulles qui, lorsque le ministre nazi des Affaires étrangères Ribbentrop avait expédié un agent aux États-Unis en 1940 en la personne de Ludger Westrick, dirigeant de la filiale allemande du International Telephone and Telegraph Corp., a servi d'intermédiaire et d'accréditeur ; -le même Dulles dont le frère, Allen W. Dulles, en tant que haut responsable du département d'État, avait fait la proposition dès 1925 d'ignorer le réarmement de l'Allemagne, et en tant que chef de l'espionnage étasunien en Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale, a entrepris des négociations secrètes avec le prince Maximilian Egon von Hohenlohe en 1943 en Suisse et proposé de faire la paix avec Hitler en fonction des annexions par Hitler de l'Europe de l'Est et du Sud-Est ; -le même J.F. Dulles qui, en tant que conseiller officiel aux secrétaires d'État James F. Byrnes, George C. Marshall et Dean Acheson, a participé à l'élaboration de la politique antisoviétique de la Guerre froide ; -le même J.F. Dulles qui, en tant que secrétaire d'État des États-Unis, a mené à bien la politique agressive profasciste qu'il avait toujours préconisée, tandis que son frère Allen prenait du gallon et devenait le dirigeant de tout l'appareil d'espionnage et d'assassinats du service secret étasunien. Les cas de Dillon, Read et du trust du nickel dont les directeurs, avant la Deuxième guerre mondiale, ont appuyé l'impérialisme allemand et l'ont armé pour qu'il parte en guerre contre l'Union soviétique avec l'objectif de replacer le capital industriel et les armements ouest-allemands au pouvoir une fois de plus et de le rendre encore plus puissant et plus agressif que jamais une fois la guerre terminée, illustrent bien la politique des cercles dominants aux États-Unis. Ces exemples sont conformes à plusieurs autres : lorsque le président du trust du téléphone, Sosthenes Behn, en est arrivé à une entente personnelle avec Hitler menant à la coopération et à l'assistance au Troisième Reich et à son armement ; lorsque les dirigeants de General Motors et du trust Du Pont se sont mis d'accord avec les représentants diplomatiques de Hitler en 1937 pour former un front commun contre l'Union soviétique ; lorsque Standard Oil est venue en aide au régime nazi et a soutenu son effort de guerre ; lorsque le dirigeant de General Motors a voulu convaincre le président Roosevelt de faire la paix avec Hitler permettant à l'Allemagne nazie de s'imposer en tant que maître de toute l'Europe en 1940 - tous ces faits ont déjà été bien exposés par différentes oeuvres de littérature politique. Une si longue liste d'événements historiques révèle que la politique étasunienne-britannique-française, de la Première à la Deuxième guerre mondiale, visait à consolider la réaction politique et économique en Allemagne, dans le but de transformer l'Allemagne en bourreau de l'Union soviétique et du socialisme. De 1919 à 1939, cette politique occidentale visait à pousser l'Allemagne dans une guerre contre l'Est. C'est seulement en tenant compte de ce contexte que nous pouvons comprendre pourquoi Hitler a connu autant de succès dès ses premières incursions. Note
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Le président Roosevelt signe la Loi de prêt-bail. |
La Loi Lend-Lease exige des pays demandeurs de l'aide américaine de fournir aux États-Unis un rapport financier complet. Le secrétaire américain au Trésor Henry Morgenthau, Jr. a eu raison de reconnaître cette exigence comme quelque chose de sans précédent dans les affaires mondiales, en affirmant au cours d'une audience du Comité du Sénat, que pour la première fois dans l'histoire, un État et un gouvernement fournissaient volontairement des informations à un autre sur sa propre situation financière.
Grâce à la Loi prêt-bail, le gouvernement du président Roosevelt était prêt à aborder un certain nombre de questions urgentes, tant étrangères que nationales. Tout d'abord, son cadre permettrait de créer de nouveaux emplois aux États-Unis, qui n'étaient pas encore complètement sortis de la grande crise économique de 1929-1933. Deuxièmement, la Loi prêt-bail permettait au gouvernement américain d'exercer une certaine influence sur les pays qui bénéficiaient de l'assistance du prêt-bail. Et troisièmement, en envoyant à ses alliés des armes, des marchandises et des matières premières, mais sans s'impliquer sur le terrain, le président Roosevelt a été capable de rester fidèle à sa promesse électorale, dans laquelle il s'était engagé : « vos garçons ne vont pas être envoyés dans des guerres à l'étranger ».
Le système de prêt-bail ne visait en aucune manière à aider l'URSS. Les Britanniques furent les premiers à demander de l'aide militaire sur la base de cette relation spéciale de location (qui ressemblait à un bail d'exploitation) à la fin de mai 1940, à une époque où l'écrasante défaite de la France avait laissé la Grande-Bretagne sans alliés militaires sur le continent européen. Londres a demandé à Washington 40 à 50 « vieux » destroyers, offrant trois options de paiement : amener gratuitement, payer en argent comptant, ou louer. Le Président Roosevelt a rapidement accepté la troisième option, et cette transaction a été achevée à la fin de l'été 1940.
D. Franklin Roosevelt (à droite) rencontre le ministre soviétique des affaires étrangères Viatcheslav Molotov (à gauche) aux États-Unis en 1942. |
C'est à ce moment qu'est venue l'idée aux membres du département du Trésor des États-Unis de reprendre le concept de cette affaire privée et de l'appliquer à toutes les relations intergouvernementales. Les ministères de la guerre et de la marine ont été amenés à aider à développer le projet de Loi prêt-bail, et le 10 janvier 1941, l'administration présidentielle américaine a introduit cette loi pour examen devant les deux chambres du Congrès, où elle fut approuvée le 11 mars. De plus, en septembre 1941, après un long débat, le Congrès américain a approuvé ce qui a été connu comme le Programme pour la Victoire, dont le principe de base était, selon les historiens militaires américains (Richard Leighton et Robert Coakley), « que la contribution de l'Amérique à la guerre serait en armes, non en armées ».
Le 1er octobre 1941, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères Viatcheslav Molotov, le représentant du Premier Ministre britannique, Lord Beaverbrook, et l'envoyé spécial américain, Averell Harriman, signent le premier protocole (à Moscou), qui marque le début de l'expansion du programme prêt-bail à l'Union Soviétique. Plusieurs protocoles additionnels ont été signés par la suite.
Pendant la guerre, les usines soviétiques produisaient plus de 29,1 millions d'armes légères de tous les principaux types, alors que seulement 152 000 armes légères (0,5 % du total) ont été fabriquées par les usines américaines, britanniques et canadiennes. En regardant tous les types de systèmes d'artillerie de tous calibres nous voyons une image similaire — 647 600 armes et mortiers soviétiques contre 9 400 d'origine étrangère, ce qui représente moins de 1,5 % du total.
Les chiffres sont moins sévères pour les autres types d'armes : le ratio entre la production intérieure de chars et d'artillerie automotrice, et celle des alliés est respectivement de 132 800 contre 11 900 (8,96 %), et pour les avions de combat — 140 500 contre 18 300 (13 %).
Sur les près de 46 milliards de dollars qui ont été dépensés pour l'ensemble des aides de prêt-bail, les États-Unis ont attribué seulement 9,1 milliards $, c'est-à-dire seulement un peu plus de 20 % des fonds, à l'Armée Rouge qui a battu l'immense majorité des divisions de l'Allemagne et de ses satellites militaires.
Un bombardier sud-américain A-20 « Boston » (Douglas A-20 Havoc/DB-7 Boston), s'est écrasé à l'aéroport de Nome en Alaska pendant la période du prêt-bail en Union Soviétique. |
Durant cette période, l'Empire britannique a reçu plus de 30,2 milliards $, la France $ 1,4 milliard $, la Chine 630 millions $ et même l'Amérique latine ( !) a reçu 420 millions $. Des fournitures en prêt-bail ont été distribuées à 42 pays.
Mais peut-être, malgré le fait que l'assistance transatlantique ait été quantitativement assez négligeable, est-il possible qu'elle ait joué un rôle décisif en 1941, quand les Allemands étaient aux portes de Moscou et de Leningrad, et à moins de 24-40 km de la Place Rouge ?
Regardons les statistiques relatives aux livraisons d'armes de cette même année. Dès le début de la guerre jusqu'à la fin de 1941, l'Armée rouge a reçu 1,76 million de fusils, armes automatiques et mitrailleuses, 53 700 pièces d'artillerie et mortiers, 5 400 chars et 8 200 avions de combat. Parmi ceux-ci, nos alliés dans la coalition antihitlérienne ont fourni seulement 82 pièces d'artillerie (0,15 %), 648 chars (12,14 %) et 915 avions (10,26 %). En outre, une grande partie du matériel militaire envoyé, en particulier, 115 des 466 chars fabriqués au Royaume-Uni, n'a même pas atteint le front pendant la première année de la guerre.
Si nous convertissons ces livraisons d'armes et de matériel militaire en leur équivalent monétaire, puis, selon l'historien bien connu Mikhail Frolov, DSc (Bolchaïa Otechestvennaya Voina 1941-1945, v Nemetskoi Istoriografii. [ Grande Guerre Patriotique 1941-1945 dans l'historiographie allemande], Saint-Pétersbourg : 1994), « jusqu'à la fin de 1941 — la période la plus difficile pour l'État soviétique — en vertu de la Loi Lend-Lease, les États-Unis envoyèrent à l'URSS du matériel pour une valeur de 545 000 dollars, sur les 741 millions de dollars de fournitures expédiées à tous les pays qui faisaient partie de la coalition anti-hitlérienne. Cela signifie que, durant cette période extraordinairement difficile, moins de 0,1 % de l'aide de l'Amérique est allé vers l'URSS.
« En outre, les premières livraisons de prêt-bail au cours de l'hiver 1941-1942 arrivèrent en URSS très tard, alors qu'au cours de ces mois critiques la Russie avait été en mesure de mener, à elle seule, une lutte impressionnante contre les agresseurs allemands, sans aucune assistance, pour ainsi dire, des démocraties occidentales. À la fin de 1942 seulement 55 % des livraisons prévues avaient été faites à l'URSS. »
La défaite du convoi PQ-17 |
Par exemple, en 1941 les États-Unis avaient promis d'envoyer 600 chars et 750 avions, mais seulement respectivement 182 et 204 avaient été effectivement envoyés.
En novembre 1942, c'est-à-dire, au plus fort de la bataille du Caucase et de Stalingrad, les livraisons d'armes s'étaient pratiquement arrêtées. Des perturbations dans les livraisons avaient déjà commencé en été 1942, quand des sous-marins et des avions allemands avaient presque entièrement anéanti le tristement célèbre convoi PQ 17 qui avait été abandonné (sur ordre de l'Amirauté) par les destroyers britanniques assignés à l'escorter. Tragiquement, seulement 11 des 35 navires de départ sont arrivés sains et saufs dans un port soviétique, une catastrophe qui a été utilisée comme prétexte pour suspendre les convois ultérieurs de la Grande-Bretagne jusqu'en septembre 1942.
Un nouveau convoi, le PQ 18, perdit en route 10 de ses 37 navires, et aucun autre convoi n'a été envoyé jusqu'en décembre 1942. Ainsi, pendant trois ans et demi, quand une des batailles les plus décisives de toute la Deuxième Guerre Mondiale se menait sur la Volga, moins de 40 navires transportant des cargaisons de prêt-bail sont arrivés par intermittence à Mourmansk et Arkhangelsk. Pour cette raison, beaucoup ont naturellement soupçonné Londres et Washington, durant cette période, d'avoir attendu pour voir qui serait encore debout après la bataille de Stalingrad.
Ainsi, entre 1941 et 1942, seulement 7 % de la cargaison expédiée en temps de guerre par les États-Unis ont atteint l'Union Soviétique. La majeure partie des armes et autres matériels sont arrivés en Union Soviétique en 1944-1945, une fois que le vent de la guerre avait résolument tourné.
Sur les 711 avions de chasse qui étaient arrivés en URSS à partir du Royaume-Uni à la fin de 1941, 700 étaient des modèles désespérément archaïques tels que Kittyhawk, Tomahawk, et Hurricane, qui étaient nettement inférieurs aux Messerschmitts allemands et aux soviétiques Yakolev Yaks, tant pour la vitesse que pour l'agilité, et n'étaient même pas équipés de canons. Même si un pilote soviétique réussissait à avoir dans la ligne de mire de ses mitrailleuses un as de l'aviation allemande, ces canons de petit calibre étaient souvent complètement inefficaces contre le blindage robuste de l'avion allemand. En ce qui concerne les nouveaux avions de chasse Airacobra, seuls 11 ont été livrés en 1941. Et les premiers Airacobra sont arrivés en Union Soviétique, démontés, sans aucune sorte de documentation, ayant dépassé depuis longtemps leur durée de vie.
Un Bell P-39Q Airacobra |
Soit dit en passant, cela fut aussi le cas avec les deux escadrilles de chasseurs Hurricane qui étaient armés de canons antichars de 40 mm conçus pour combattre les blindés allemands. Mais ces avions de chasse se sont avérés complètement inutiles, à tel point qu'ils ont été mis au rancart pendant toute la guerre en URSS, car on n'a pu trouver aucun pilote de l'Armée rouge prêt à les piloter.
Une situation similaire a été observée avec le fameux char léger britannique Valentine que les opérateurs de char soviétiques avaient surnommé « Valentinas », et le char mi-lourd Matilda, auquel avait été réservée une expression plus cinglante : « Adieu patrie ». Leur blindage mince hautement inflammable avec son moteur à essence, leurs transmissions plus que préhistoriques, en faisaient une proie facile pour les artilleurs et les lance-grenades allemands.
Selon Valentin Berezhkov, un interprète de Joseph Staline, qui a participé à toutes les négociations entre les dirigeants soviétiques et les visiteurs anglo-américains, Staline a été souvent profondément offensé par les actions britanniques, comme celle de fournir des avions obsolètes tels que le Hurricane dans le cadre du prêt-bail, au lieu des nouveaux avions de combat comme le Spitfire. En outre, en septembre 1942, au cours d'une conversation avec Wendell Willkie, un chef de file du parti républicain américain, Staline lui a demandé de but en blanc devant les ambassadeurs américain et britannique, William Standley et Archibald Clark Kerr : pourquoi les gouvernements britannique et américain fournissent-ils ces équipements de mauvaise qualité à l'Union Soviétique ?
Il a expliqué qu'il parlait avant tout des transferts d'avions américains P-40, au lieu de vieux Airacobras, et il a ajouté que les Britanniques fournissaient des chasseurs Hurricane complètement inadaptés, bien inférieurs à ce que les Allemands avaient. Staline affirma que, une fois, lorsque les Américains se préparaient à expédier 150 Airacobras à l'Union Soviétique, les Britanniques étaient intervenus et les avaient gardés pour eux-mêmes. « Nous savons que les Américains et les Britanniques ont des avions qui valent mieux que les modèles allemands, mais pour une raison quelconque, beaucoup de ces avions ne parviennent pas jusqu'à l'Union Soviétique ».
L'ambassadeur américain, l'amiral Standley, ne savait rien à ce sujet, mais l'ambassadeur britannique, Archibald Clark Kerr, a admis qu'il était au courant de l'épisode Airacobra, mais il a défendu leur détournement sous prétexte que, entre les mains des Britanniques, ces avions de combat seraient beaucoup plus précieux pour la cause commune des alliés que s'ils se retrouvaient en Union soviétique...
En plus d'armes, d'autres fournitures ont également été fournies au titre du prêt-bail. Et ces chiffres sont en effet absolument indiscutables.
Plus précisément, l'URSS a reçu 2 586 000 tonnes de carburant pour l'aviation, ce qui équivaut à 37 % de ce qui a été produit en Union Soviétique pendant la guerre, ainsi que près de 410 000 automobiles, soit 45 % de la flotte de véhicules de l'Armée rouge (sans compter les voitures capturées par l'ennemi). Les expéditions d'aliments ont également joué un rôle important, bien qu'il n'y ait eu que peu de livraisons au cours de la première année de la guerre, et les États-Unis ne fournirent que 15 % environ des conserves de viande et autres denrées non périssables de l'URSS.
Cette aide comprenait également des machines-outils, des voies ferrées, des locomotives, des wagons, des systèmes radar et autres objets utiles sans lesquels une machine de guerre ne peut beaucoup progresser.
Bien sûr, cette liste des aides de prêt-bail semble très impressionnante, et on peut éprouver une sincère admiration pour les partenaires américains de la coalition anti-Hitler, à l'exception d'un petit détail : les entreprises américains approvisionnaient également l'Allemagne nazie en même temps...
Par exemple, John D. Rockefeller Jr. détenait une participation majoritaire dans la société Standard Oil, mais le plus grand actionnaire après lui était la compagnie chimique allemande IG. Farben, à travers laquelle la firme a vendu pour 20 millions de dollars de carburant et de lubrifiants aux nazis. Et la branche vénézuélienne de cette société envoyait 13 000 tonnes de pétrole brut en Allemagne chaque mois, que la solide industrie chimique du troisième Reich convertissait immédiatement en essence. Mais les affaires entre les deux nations ne se limitaient pas aux ventes de carburant — en outre, le tungstène, le caoutchouc synthétique et beaucoup de différents composants pour l'industrie automobile étaient également expédiés à travers l'Atlantique pour le Führer allemand par Henry Ford. En particulier, et ce n'était pas un secret, 30 % de tous les pneus fabriqués dans ses usines ont été utilisés pour approvisionner la Wehrmacht.
Tous les détails sur la façon dont les Ford et Rockefeller s'étaient entendus pour l'approvisionnement de l'Allemagne nazie ne sont pas encore entièrement connus parce que c'était des secrets commerciaux soigneusement gardés, mais même le peu qui a été rendu public et reconnu par les historiens montre clairement que la guerre n'a en rien ralenti le rythme des échanges américains avec Berlin.
Il y a une perception que l'aide prêt-bail a été proposée par les États-Unis par pure bonté. Toutefois, cette version ne tient pas en y regardant de plus près. Tout d'abord, à cause de ce que l'on a appelé le « reverse prêt-bail ». Avant même la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, d'autres nations ont commencé à envoyer à Washington des matières premières essentielles évaluées à près de 20 % des matériaux et des armes que les États-Unis avaient envoyés à l'étranger. Plus précisément, l'URSS a fourni 32 000 tonnes de manganèse et 300 000 tonnes de minerai de chrome, qui étaient très demandés par l'industrie militaire. Qu'il suffise de dire que quand l'industrie allemande a été privée du manganèse des riches dépôts de Nikopol, à la suite de l'offensive soviétique Nikopol — Krivoi Rog en février 1944, le blindage frontal de 150 mm sur les chars allemands « Tigre Royal » s'est retrouvé beaucoup plus vulnérable aux obus de l'artillerie soviétique que la plaque de blindage de 100 mm que l'on trouvait précédemment sur le char Tigre ordinaire.
D'autre part, l'URSS a payé les livraisons alliées avec de l'or. En fait, un croiseur Britannique, HMS Edinburgh, transportait 5,5 tonnes de ce métal précieux quand il a été coulé par les sous-marins allemands en mai 1942.
L'Union Soviétique a également renvoyé une grande partie de l'armement et du matériel militaire après la guerre, tel que stipulé dans l'accord de prêt-bail. En échange, il lui a été émis une facture de 1300 millions de dollars. Compte tenu du fait que les dettes de prêt-bail à d'autres nations avaient été effacées, cela ressemblait à du grand banditisme, et Staline a exigé que la dette « alliée » soit recalculée.
Par la suite, les Américains ont été contraints d'admettre leur erreur, mais ils ont gonflé les intérêts dus dans le total général, et le montant final avec les intérêts s'est monté à 722 millions de dollars, un chiffre qui a été accepté par l'URSS et les États-Unis en vertu d'une entente de règlement signé à Washington en 1972. De cette somme, 48 millions de dollars ont été versés aux États-Unis en trois versements égaux en 1973, mais les paiements suivants ont été coupés, quand les États-Unis ont introduit des pratiques discriminatoires dans leur commerce avec l'URSS (en particulier, le fameux Amendement Jackson-Vanik).
Les parties ne sont pas revenues à la discussion au sujet de la dette de prêt-bail jusqu'en juin 1990, au cours d'un nouveau cycle de négociations entre les présidents George Bush père et Mikhail Gorbachev, au cours duquel une nouvelle échéance a été fixée pour le remboursement final — qui serait en 2030 — et l'encours de la dette a été reconnu comme étant de 674 millions de dollars.
Après l'effondrement de l'Union Soviétique, ses dettes ont été classifiées soit comme dettes souveraines (le Club de Paris), soit comme dettes contractées auprès des banques privées (Club de Londres). La dette de prêt-bail est une responsabilité envers le gouvernement des États-Unis et fait partie de la dette du Club de Paris, que la Russie a remboursée en totalité en août 2006.
Le président américain Franklin D. Roosevelt a déclaré explicitement que l'aide à la Russie était de l'argent bien dépensé, et son successeur à la maison blanche, Harry Truman, a déclaré dans les pages du New York Times en juin 1941 : « si nous voyons que l'Allemagne est en train de gagner la guerre, nous devons aider la Russie ; et si c'est la Russie qui est en train de gagner, nous devons aider l'Allemagne, et ainsi, qu'ils s'entretuent le plus possible... ».
La première évaluation officielle du rôle joué par l'aide de prêt-bail à la plus grande victoire sur le nazisme a été fournie par le président du Gosplan, Nikolai Voznesensky, dans son ouvrage Y ld z Ekonomika SSSR v période Otechestvennoi Voiny [complexe militaire soviétique pendant la Grande Guerre Patriotique] (Moscou : Gospolitizdat, 1948), où il écrit, , « si l'on compare la quantité de biens industriels envoyés par les alliés à l'URSS avec la quantité de biens industriels fabriqués par les usines socialistes en Union Soviétique, il est évident que les premiers ne représentent que 4 % environ de ce qui a été produit à l'intérieur pendant les années de l'économie de guerre. »
Des universitaires américains, des responsables militaires et des responsables gouvernementaux eux-mêmes (Raymond Goldsmith, George Herring et Robert H. Jones) reconnaissent que toute l'aide alliée à l'URSS ne dépassait pas 1/10 de la production intérieure d'armes par les Soviétiques et la quantité totale de fournitures de prêt-bail, y compris les fameuses boites de conserve « Spam » sarcastiquement appelées par les Russes « le deuxième Front », représentait environ 10 à 11 %.
En outre, le célèbre historien américain Robert Sherwood, dans son ouvrage de référence Roosevelt et Hopkins : une histoire intime (New York : Grossett & Dunlap, 1948), cite Harry Hopkins disant que les américains « n'avaient jamais cru que notre aide Lend Lease ait été le principal facteur de la défaite de Hitler face aux Soviétiques sur le front de l'est. Qu'elle avait été le résultat de l'héroïsme et du sang de l'armée russe. »
Le Premier ministre britannique Winston Churchill a une fois appelé le prêt-bail « l'acte financier le plus désintéressé et le moins sordide de tous les pays dans toute l'histoire ». Cependant, les Américains eux-mêmes ont admis que le prêt-bail a généré des revenus considérables pour les États-Unis. En particulier, l'ancien secrétaire au Commerce des États-Unis, Jesse Jones. a déclaré que les États-Unis avaient, non seulement été remboursés grâce aux fournitures expédiées de l'URSS, mais les États-Unis avaient même fait un profit, qui selon lui, n'était pas rare dans les relations commerciales réglementées par les organismes d'État américains.
Son collègue américain, l'historien George Herring a écrit assez candidement que le prêt-bail n'était pas réellement la loi la plus désintéressée dans l'histoire de l'humanité, mais plutôt un acte d'égoïsme prudent, et que les Américains étaient pleinement conscients de la façon dont ils pourraient en tirer profit.
Et ce fut effectivement le cas, puisque le
prêt-bail s'est avéré être une source
inépuisable de richesses pour de nombreuses
sociétés américaines. En fait, les
États-Unis ont été le seul pays de la coalition
anti-hitlérienne à récolter des dividendes
économiques importants de la guerre. Il y a une raison pour
laquelle les Américains se réfèrent
souvent à Deuxième Guerre mondiale comme « la
bonne guerre », comme en témoigne, par exemple, le
titre du livre du célèbre historien américain
Studs Terkel : The Good War : An Oral History of World War II
(1984). Avec un cynisme éhonté, il écrit :
« Alors que le reste du monde est sorti de la guerre
meurtri, déchiré et presque détruit, nous en
sommes sortis avec la plus incroyable machinerie, des outils, de la
main-d'oeuvre, de l'argent... La guerre était un vrai plaisir
pour l'Amérique. Je ne parle pas des pauvres âmes qui ont
perdu des fils et des filles. « Mais pour le reste d'entre
nous, la guerre a été un enfer d'un bon
moment. »
Evgeniy Spitsyn est historien russe et blogueur. (Oriental Review, 12 mai 2015, Traduction Avic — Réseau International)
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