Numéro
180
-
8
décembre 2013
Nelson
Mandela,
1918-2013
Madiba n'est plus ; la
lutte
continue
- Isaac Saney -
Nelson
Mandela
s'adresse à un rassemblement
exalté de 100 000
personnes à Soweto le
13 février 1990, deux jours
après
sa libération.
Après 27 ans comme prisonnier
politique du régime
raciste de
l'apartheid en Afrique du Sud, sa
libération
était le fruit de l'action
politique soutenue et de la lutte armée
en Afrique du Sud.
À
titre
d'information
• Biographie de Nelson
Mandela
- Le gouvernement de l'Afrique du Sud -
• Nous admirons les
acquis de la
révolution cubaine
- Discours de Nelson Mandela au
rassemblement du jour
de la Moncada, Mantanzas, Cuba, le
26 juillet 1991
Nelson
Mandela,
1918-2013
Madiba n'est plus ; la lutte continue
- Isaac Saney -
À gauche : Marche historique
de 20 000
femmes à Pretoria contre les
lois racistes le 9 août 1956,
commémorée
aujourd'hui
par le Jour des
femmes en Afrique du Sud. Les marcheuses
scandaient :
« wathinth'
abafazi, wathinth' imbokodo », qui
se traduit par : « Vous
frappez une
femme, vous
frappez une roche. » À
droite : Nelson Mandela
brûle son passeport.
Le jeudi 5 décembre en soirée,
Nelson
Mandela est décédé chez lui
à
Johannesburg, en Afrique du Sud. La vie de l'homme
connu dans le
mouvement contre l'apartheid sous le nom de Madiba
correspond à
toute
fin pratique aux années du Congrès
national africain
(ANC). L'ANC a été
fondé sous le pouvoir colonial britannique
en
janvier 1912 et c'est en son sein que Madiba
sera appelé
plusieurs fois
à jouer un rôle
prépondérant. L'ANC
regroupait tous ceux qui
combattaient le pouvoir minoritaire blanc, depuis
les communistes
révolutionnaires aux syndicalistes, en
passant par les jeunes
des townships, unis pour mettre au point
un plan de lutte
pour réaliser
le pouvoir majoritaire noir.
Mandela faisait partie de la vague de luttes
anticoloniales et de
libération nationale qui a
déferlé sur l'Afrique,
l'Asie, l'Amérique
latine et les Caraïbes après la
Deuxième Guerre
mondiale. Face à la
violence implacable de l'État de
l'apartheid, le mouvement de
libération sud-africain a pris les armes
après que tous
les moyens
pacifiques aient
échoué à produire le
changement. Nelson Mandela a
été incarcéré pendant
27 ans à la prison militaire du
régime raciste
à Robben Island pour le
crime d'avoir participé à
l'organisation du Umkhonto
ne Sizwe (« Fer de lance de la
nation »),
l'aile armée de l'ANC. Sa libération
en 1990 était
le produit de la confluence
de deux puissants courants de lutte à la
fin des années
1980.
Une affiche qui appelle les femmes
à
prendre leur place dans la
lutte armée contre le régime
de l'apartheid. L'aile
armée de l'ANC, Umkhonto we
Sizwe
(Fer de lance de la nation) dont Nelson
Mandela fut le commandant en
chef, poursuivait une stratégie
consistant à saboter des
éléments
d'importance économique et
politique
comme les postes, les cabines de
téléphone, les bureaux
de passeport et
les pylônes électriques.
(Cliquer sur l'image pour
agrandir)
|
Le courant principal était la lutte pour
rendre
les townships
noirs ingouvernables. En rapportant la mort de
Mandela, les
médias
monopolisés ont encore une fois
minimisé l'importance de
cet aspect, le
considérant comme rien de plus qu'un
mouvement terroriste. En
effet,
Mandela avait été condamné
comme terroriste par
les mêmes
pouvoirs qui lui font des louanges aujourd'hui. La
CIA
américaine avait
fourni au gouvernement fasciste de l'Afrique du
Sud des renseignements
qui ont mené à sa capture par les
forces sud-africaines
le 5 août 1962,
prélude à 27 années
d'emprisonnement. Durant
les années 1980, le régime
minoritaire blanc était clandestinement
soutenu par le gouvernement de Ronald Reagan aux
États-Unis et
ouvertement par le gouvernement de Margaret
Thatcher en Grande-Bretagne.
L'autre courant de la lutte du mouvement
anti-apartheid
pour la libération de
l'Afrique du Sud
était la lutte de guérilla
armée de l'Organisation
du peuple du
sud-ouest africain (SWAPO) en Namibie pour mettre
fin à
l'occupation
illégale de ce pays par l'Afrique du Sud,
et la lutte de
l'Angola
combinant les forces armées de l'Angola et
de Cuba pour mettre
fin à la
guerre
de terreur du régime de l'apartheid contre
ses voisins, les
« États du
front ». Le but de la campagne
terroriste du gouvernement
sud-africain
était d'instituer son
hégémonie dans la
région en forçant les peuples
de l'Afrique australe à accepter la
permanence du pouvoir
minoritaire
blanc. En Afrique du Sud, les forces populaires
étaient
bien conscientes de la contribution
décisive des forces
armées cubaines
à Cuito Cuanavale, en Angola, où on
a mis fin au mythe de
l'invincibilité militaire des forces
armées du régime
sud-africain raciste.
Dans sa couverture médiatique sur la mort
de
Mandela, la presse
monopolisée prend bien soin de ne pas
mentionner le rôle
crucial de
Cuba dans le renversement de l'apartheid. Mandela,
lui, n'a jamais
oublié. Après sa libération
en février
1990, le premier pays qu'il a
visité à l'extérieur de
l'Afrique était
Cuba.
La lutte pour la libération de l'Afrique
du Sud a
été soutenue et
encouragée par un grand mouvement populaire
contre l'apartheid
à
l'échelle mondiale. La demande de
libération de Mandela
était au centre
de ce mouvement, de pair avec la demande que les
pays étrangers
cessent
de faire le commerce avec le régime
fasciste. Le mouvement
était
mu par le dégoût du monde face
à l'apartheid
répugnant et s'inspirait
de la lutte courageuse des Sud-Africains
incarnée par Nelson
Mandela.
La police notoire du régime de
l'apartheid se
livrant au massacre de
Sharpeville, la répression brutale d'une
grande manifestation
contre
les lois sur les passeports internes qui a fait
69 victimes le
21 mars
1960.
Le célèbre soulèvement
de
Soweto de la jeunesse et des étudiants
commencé le 16 juin 1976 a
provoqué une
nouvelle vague de résistance
parmi les Sud-Africains noirs.
L'histoire et les peuples du monde ne vont pas de
sitôt oublier les
réalisations positives d'une valeur durable
pour les Sud-Africains et
l'ensemble du continent africain avec Mandela
comme figure de proue. Le
silence des médias monopolisés sur
les
éléments révolutionnaires et
populaires et d'autres aspects de la lutte
victorieuse du peuple
n'atteindra pas son objectif de conduire les
batailles pour la
libération d'aujourd'hui dans des voies
sans issue.
L'Afrique
du Sud
post-apartheid est née à la fin de
la division
bipolaire du monde et dans les conditions de
l'offensive
néolibérale
contre les peuples du monde dans les années
1990. Ce n'est pas
un
exploit insignifiant pour tout pays de surmonter
les obstacles et les
pressions de l'impérialisme d'une
manière qui favorise
son peuple,
plutôt que
les monopoles mondiaux. C'est d'autant plus le cas
pour un pays qui,
comme l'Afrique du Sud, porte les cicatrices et
les blessures de plus de 300 ans de
pouvoir raciste. En tant que dernière
colonie à
conquérir sa liberté
dans l'histoire épique de la lutte
continentale pour renverser
la
domination coloniale, l'Afrique du Sud illustre
les défis qui se
posent
pour
un véritable projet d'édification
nationale.
Dorénavant, comme on le voit
déjà,
les fronts de la lutte
anti-impérialiste sont engagés dans
une reconstitution en
vue de
batailles prolongées contre les sombres
dangers d'une
troisième guerre
mondiale que préparent les
impérialistes
américains et les pays à leur
service. Aujourd'hui avec la nouvelle ruée
sur l'Afrique, les
puissances
impérialistes du XXIe siècle
cherchent à
répéter ce qu'ont fait les
puissances européennes au XIXe
siècle : découper l'Afrique et
se la partager. Mais cette nouvelle ruée
sur l'Afrique s'accompagne de
dangers
encore plus graves, puisque l'Afrique serait
transformée en une
arène
où les impérialistes s'affrontent
ouvertement tandis que
le continent
leur sert de plate-forme pour projeter leur
pouvoir sur le monde
entier. Les Africains seraient sacrifiés en
masse dans cette
marmite.
Dans ce contexte, le caractère
anti-impérialiste des
luttes de
libération nationale africaines du XXe
siècle ne peut
être ignorées.
Les tentatives éhontées des
médias
monopolisés de présenter la
réalisation du pouvoir
majoritaire noir en Afrique du Sud, avec Mandela
à sa
tête, comme une
répudiation et un rejet de la lutte
anti-impérialiste,
notamment de
tous ses aspects révolutionnaires, ne
passeront plus très
longtemps
l'examen rigoureux et vont vite s'user à la
répétition.
Madiba n'est plus ; la lutte continue.
À titre d'information
Biographie de Nelson Mandela
- Le gouvernement de l'Afrique du
Sud -
Les premières années
Un jeune
Nelson
Mandela lorsqu'il était avocat
|
Rolihlahla Mandela voit le jour à Mvezo,
un
village près de Mthatha au Transkei, le
18 juillet 1918.
Ses parents sont Nonqaphi Nosekeni et Henry Mgadla
Mandela. Son
père est le premier conseiller du chef par
intérim de la
maison royale de Thembu.
Rolihlahla signifie littéralement
« tirer la branche d'un
arbre ». Après la
mort de son père en 1927, le jeune
Rolihlahla devient le
protégé de Jongintaba Dalindyebo, le
grand chef, et est
destiné à une éducation lui
permettant d'assumer
de hautes fonctions.
Réceptif aux histoires racontées
par les
aînés décrivant le courage de
ses ancêtres
pendant les guerres de résistance, il se
met à
rêver à faire sa propre contribution
à la lutte de libération de son
peuple.
Au terme de l'enseignement primaire à
l'école de mission, où il
hérite du nom de Nelson,
il est envoyé au Clarkebury Boarding
Institute où il
obtient son Brevet des Collèges, et ensuite
à Healdtown,
une école secondaire wesleyenne d'une
certaine renommée,
où il obtient son diplôme.
Il s'inscrit ensuite au University College de
Fort Hare
pour obtenir son Baccalauréat ès
arts. Il y est
élu au conseil étudiant. Lui et
Oliver Tambo sont
suspendus du collège pour avoir
participé à un
boycott de protestation.
Ensuite il se rend à Johannesburg
accompagné de son cousin Justice pour fuir
un mariage
forcé et travaille brièvement comme
surveillant de mines.
Mandela rencontre Walter Sisulu en 1941 et
c'est
Sisulu qui lui permet de devenir stagiaire au
cabinet d'avocats Lazar
Sidelsky.
Il complète son BA à
l'Université
de l'Afrique du Sud (Unisa) en 1942 et
commence ses études
pour l'obtention de son Baccalauréat en
droit peu après
(bien qu'il ait quitté l'Université
de Witwatersrand en
1948 sans y obtenir de diplôme.)
Il participe pleinement à la vie politique
tout
en étant étudiant et devient membre
du Congrès national
africain (ANC) en 1943.
Son engagement et ses activités politiques
ne
l'empêchent pas de rencontrer sa future
épouse.
« C'est dans le salon chez Sisulu que
j'ai rencontré
Evelyn Mase. C'était une jolie fille
tranquille de la campagne
qui ne semblait pas perturbée par le va et
vient continue... En
quelques mois, je l'ai demandée en mariage
et elle a
accepté. »
Ils se marient en cérémonie civile
au
Native Commissioner's Court de Johannesburg,
puisque « nous
ne pouvions nous permettre un mariage ou une
réception
traditionnelle ». Evelyn et Nelson ont
quatre enfants :
Thembikile (1946), Makaziwe (1947),
décédé neuf
mois plus tard, Makgatho (1951) et Makaziwe
(1954). Le
couple divorce en 1958.
Vers la fin de la deuxième grande guerre,
en
1944, un petit groupe d'Africains, membres de
l'ANC, se regroupent sous
la direction d'Anton Lembede.
Le groupe est composé, entre autres, de
William
Nkomo, Walter Sisulu, Oliver R. Tambo, Ashby P.
Mda et Nelson Mandela.
D'un groupe initial de 60 membres qui habitent
tous autour du
Witwatersrand, ces jeunes se fixent une
tâche gigantesque, celle
de transformer l'ANC en un mouvement de masse plus
radical.
Ils estiment principalement que les tactiques
politiques
du leadership de la « vieille
garde » de l'ANC,
formée dans la tradition polie du
constitutionnalisme et des
pétitions soumises au gouvernement du jour,
ne s'avèrent
pas à la hauteur des tâches
nécessaires à
l'émancipation nationale.
En opposition à la vieille garde, Lembede
et ses
collègues embrassent un nationalisme
africain plus radical
fondé sur le principe de
l'autodétermination nationale.
En septembre 1944, ils en viennent à fonder
la Ligue de la
jeunesse de l'ANC (ANCYL).
Mandela se fait remarquer par ses pairs
dès le
début par son travail discipliné et
par ses efforts
constants et est élu secrétaire
national de l'ANCYL en
1948.
En travaillant d'arrache-pied, en menant des
campagnes
à la base et par le biais du journal Inyaniso
(Vérité),
l'ANCYL
réussit
à
gagner l'appui des membres de l'ANC
à ses politiques.
Naissance d'un dirigeant
Fouettés par la victoire du Parti national
qui
remporte les élections blanches de
1948 sur la base d'un
programme d'apartheid et inspirés par la
Ligue de la jeunesse,
les participants à la Conférence
annuelle de
1949 adoptent un programme d'action de
boycotts, de
grèves, de désobéissance
civile et de
noncoopération en tant que politique
officielle de l'ANC.
Le Programme d'action avait été
décidé par un sous-comité de
l'ANCYL,
composé de David Bopape, Ashby Mda, Nelson
Mandela, James
Njongwe, Walter Sisulu et Oliver Tambo.
Afin de veiller à ce que le programme soit
mis en
oeuvre, les membres de l'ANCYL remplacent les
anciens dirigeants par de
nombreux jeunes. Le Dr. Walter Sisulu, un membre
fondateur de la Ligue
de la jeunesse, est élu
secrétaire-général.
Le Dr. AB Xuma, plus conservateur, perd la
présidence au profit
du Dr. JS Moroka, un homme
reconnu pour son grand militantisme.
En décembre, Mandela lui-même est
élu au comité exécutif
national lors de la
Conférence nationale.
Lorsque l'ANC lance sa campagne pour contester
les lois
injustes en 1952, Mandela, alors président
de la Ligue de la
jeunesse, est élu dirigeant volontaire
national.
La campagne de contestation a comme objectif
d'entreprendre une campagne de
désobéissance civile de
masse qui, à partir d'un noyau de
volontaires choisis, doit
culminer en une contestation de masse.
Nelson
Mandela
(deuxième à partir de la
droite) de la Ligue des jeunes
de l'ANC et le Dr Yusouf Dadoo du Transvaal
Indian Congress s'adressent
à un forum public sur les marches de
l'hôtel de ville de
Joannesburg en 1945.
Assumant ses responsabilités en tant que
dirigeant volontaire, Mandela parcourt le pays,
organisant la
résistance aux lois discriminatoires.
Il est alors accusé, ainsi que Moroka,
Sisulu et
17 autres, et traduit devant les tribunaux
pour son rôle
dans la campagne. Le tribunal juge que Mandela et
les autres
accusés ont en tout moment conseillé
à leurs
adeptes d'adopter des actions pacifiques et
d'éviter toute
violence.
Pour le rôle qu'il a joué dans la
Campagne
de contestation, Mandela est reconnu coupable
d'avoir contrevenu
à la « loi sur la suppression du
communisme », et est condamné
à une peine
d'emprisonnement avec sursis.
Peu après la fin de la campagne, on lui
interdit
aussi de participer à des rassemblements et
il est forcé
de rester à Johannesburg pendant six mois.
Au cours de cette période de restriction,
Mandela
passe l'examen de droit et devient avocat.
Il ouvre un cabinet à Johannesburg en
août
1952 et en décembre, en partenariat
avec Oliver Tambo, il
ouvre le premier bureau d'avocats noirs au centre
de Johannesburg.
De sa pratique d'avocat à cette
époque, il
dit : « En tant qu'avocat,
j'étais quelque peu
flamboyant devant les tribunaux. Je n'agissais pas
en tant qu'homme
noir dans un tribunal blanc. Je traitais chacun -
qu'il fusse noir ou
blanc - comme un invité de mon tribunal.
Lorsque j'argumentais,
je faisais souvent de grands gestes
majestueux et mon langage était
prétentieux. J'avais
aussi recours à des tactiques peu
orthodoxes envers mes
témoins. »
Malgré le fait d'être des
professionnels,
Mandela et Tambo ne bénéficient
d'aucune immunité
personnelle face aux lois brutales de l'apartheid.
Ils sont victimes des lois sur la
ségrégation foncière, les
autorités tentant
de les forcer de mener leur pratique ailleurs
qu'en ville, dans les
arrières-fonds, ou comme Mandela l'a
expliqué des
années plus tard : « dans
des endroits tellement
éloignés qu'aucun client ne pouvait
nous visiter pendant
nos heures d'ouverture. Aussi bien
nous demander d'abandonner notre pratique
juridique, de mettre fin
à nos services juridiques auprès de
notre peuple. Aucun
avocat digne de ce nom ne saurait se plier
à de telles
obligations. » Son bureau d'avocat
décide de
défier la loi.
En 1953, on confie à Nelson Mandela la
responsabilité de préparer un plan
qui permettrait au
leadership du mouvement de maintenir un contact
avec les membres sans
avoir recours aux réunions publiques.
L'objectif est de se préparer à la
possibilité que l'ANC serait, à
l'instar du Parti
communiste, déclaré illégal
et pour veiller
à ce que l'organisation puisse fonctionner
en toute
clandestinité.
Il s'agit du plan M, pour Mandela.
« Le plan
tel qu'adopté était bien
intentionné mais il n'a
été mise en oeuvre que de
façon mitigée. Il
n'a pas été pris en main de
façon
large. »
Pendant les années cinquante, Mandela joue
un
rôle important à diriger le mouvement
de résistance
aux déplacements dans les régions de
l'ouest et contre
l'introduction de l'enseignement bantou.
Il joue aussi un rôle significatif à
populariser la Charte de la liberté,
adoptée au
Congrès du peuple en 1955.
Ayant été à nouveau
frappés
d'interdiction de deux ans en 1953, ni Mandela ni
Sisulu ne peuvent y
participer, mais ils se faufilent « aux
confins du
rassemblement où nous pouvions observer
sans trop nous mêler
à la foule et sans nous faire
voir ».
Tout au long des années cinquante, Mandela
est
victime de diverses formes de répression.
Il est frappé
d'interdiction, arrêté et
incarcéré.
Un ordre d'interdiction de cinq ans lui est
imposé en mars 1956. « Cette
fois, mon attitude
envers les interdictions avait changé de
façon radicale.
Lors de mes premières interdictions, je
respectais les
règlements que m'imposaient mes
persécuteurs. Je considérais
maintenant ces restrictions avec mépris. Je
n'allais pas permettre
à mon adversaire
de mettre fin à mes activités, ce
qui aurait
été pour moi un défaite, et
j'étais
résolu à ne pas devenir mon propre
geôlier. »
Quoique Nelson et Evelyn se soient
séparés en 1955, leur divorce ne fut
rendu officiel qu'en
1958. Peu après, en juin, il devient
l'époux de Nomzamo
Winnie Mandela.
Leur première rencontre a lieu dans un
restaurant
indien près du bureau de Nelson et celui-ci
se souvient qu'elle
était « ravissante, et
même le fait qu'elle
n'avait jamais goûté au cari et
buvait de l'eau sans cesse
la rendait encore plus charmante...Winnie a
toujours dit aux gens que
je ne l'ai jamais demandée en mariage, mais
je lui ai toujours
dit que je l'ai fait lors de notre premier
rende-vous et que pour moi,
depuis ce jour, la question était
réglée ».
Contrairement au premier mariage, le couple
respecte la
plupart des exigences traditionnelles, y compris
le paiement d'une dote
- lobola - et se marie dans une église
locale à Bizana le
14 juin.
Quant à la lune de miel, il n'y avait ni
temps ni
argent, puisque Nelson devait se présenter
en cour pour le
procès de trahison et que son interdiction
n'avait
été suspendue que pour six jours.
Les procès
Manifestation
contre les
« procès pour trahison » des
dirigeants du mouvement
contre l'apartheid le 19 décembre 1956
En fait, pour une bonne partie de la
décennie, il
est l'un des 156 accusés du grand
procès de la
Trahison, mettant fin à la pratique
juridique et à son
travail politique, bien qu'il se souvient que,
pendant son
incarcération dans le Fort, la cellule
commune était
devenue « en quelque sorte une grande
convention
de combattants de la liberté réunis
en un
endroit ».
Après le massacre de Sharpeville le
21 mars
1960, l'ANC est déclaré hors-la-loi
et Mandela ainsi que
des centaines d'autres sont détenus alors
que le procès
est toujours en cours.
Le procès de la Trahison cesse subitement
en
1961 alors que l'Afrique du Sud est en voie
d'adopter une
constitution républicaine.
L'ANC étant maintenant illégal, son
leadership reprend vie dans ses quartiers
généraux
clandestins et Nelson Mandela prend alors sa place
en tant que
personnalité dirigeante de cette nouvelle
phase de la lutte.
Fortement inspirés par l'ANC, 1 400
délégués se rassemblent lors
d'une
conférence de pays africains à
Pietermartizburg en mars
1961.
Mandela en est le principal orateur. Dans un
discours
électrisant, il met le régime
d’apartheid au
défi de convoquer une convention nationale
qui serait
représentative de tous les Africains du Sud
afin d'en arriver
à une nouvelle constitution fondée
sur des principes
démocratiques.
Advenant une réponse négative,
avertit-il,
la majorité (noire) se verrait
obligée de
célébrer l'inauguration imminente de
la République
par une grève générale de
masse.
Il commence immédiatement son travail
clandestin
pour diriger cette campagne. Bien que la
réponse à son
appel de grève est plus tiède qu'il
ne l'aurait
espéré, Mandela reçoit tout
de même un appui
important dans tout le pays.
La riposte du gouvernement constitue la plus
grande
mobilisation militaire depuis la guerre. Ainsi
naît la
République, dans un climat de crainte et
d'appréhension.
Forcé de vivre séparé de sa
famille
(Winnie et lui avaient eu 2 filles, Zezani,
née en
1959 et Zindzi, née en 1960), et se
déplaçant
d'un endroit à l'autre pour éviter
d'être
repéré par les nombreux informateurs
du gouvernement et
par les espions de la police, Mandela a recours
à de nombreux
déguisements. Parfois, il se fait passer
pour un ouvrier, parfois pour un chauffeur, sa
capacité
d'esquiver la police lui méritant le nom de
Mouron noir.
Il réussit à voyager partout au
pays et
à cohabiter avec de nombreux sympathisants
- avec une famille de
la rue Market au centre de Johannesburg, dans le
logis de son camarade
Wolfie Kodesh (où il tient à courir
sur place tous les
jours), dans le logement des domestiques d'une
maison de médecin
où il se fait passer pour un jardinier, et
sur une
plantation de canne à sucre à Natal.
Sabotage
de la
raffinerie de pétrole de Sasolberg
par
Umkhonto we Sizwe en juin 1980
|
C'est au cours de cette période que lui
ainsi que
d'autres dirigeants de l'ANC, mettent sur pied une
nouvelle branche du
mouvement de libération, Umkhonto we Sizwe
(MK) , en tant que
noyau armé dont l'objectif est de se
préparer à la
lutte armée avec Mandela en tête en
tant que commandant en
chef.
Au procès de Rivonia, Mandela
explique :
« Au début de juin 1961,
après une
évaluation longue et ardue de la situation
en Afrique du Sud,
des collègues ainsi que moi-même
avons conclu que tant que
la violence serait inévitable en ce pays,
il serait
erroné et irréaliste pour les
dirigeants africains de
continuer à prêcher la paix et la
non-violence alors que le gouvernement
répond à nos
revendications pacifiques par la violence.
« Ce n'est que lorsque nous avions
tout
essayé, lorsque toutes les voies de
contestation pacifique nous
avaient été interdites, que nous
avons pris la
décision d'avoir recours à des
formes violentes de lutte
politique, et de former le Umkhonto we Sizwe, le
gouvernement ne nous
ayant laissé aucun choix. »
En 1962, Mandela quitte le pays, sous le nom de
David Motsamayi, et voyage à
l'étranger pendant plusieurs
mois. En Éthiopie, il est orateur à
la Conférence
du mouvement de liberté pan-africain pour
l'Afrique de l'est et
l'Afrique centrale, et est chaleureusement
accueilli par les dirigeants
politiques de haut niveau dans plusieurs pays tels
le Tanganyika, le Sénégal, le Ghana
et la Sierra Leone.
Il visite Londres où il trouve le temps de
visiter les lieux en compagnie d'Oliver Tambo et
de rencontrer
plusieurs camarades exilés. Au cours de ce
voyage, Mandela
rencontre le premier groupe de recrues du MK qui
transigent vers Addis
Ababa pour un entraînement à la
guérilla.
Prisonnier numéro 46664
Peu après son retour en Afrique du Sud,
Mandela
est arrêté le 5 août et
accusé d'avoir
fui le pays de façon illégale et
d'avoir incité
à la grève.
Il est à Natal au moment de l'arrestation,
passant
par Howick de retour vers Johannesburg, se faisant
à nouveau
passer pour David Motsayami, devenu pour
l'occasion le chauffeur d'un
directeur de théâtre blanc et membre
du MK, Cecil Williams.
Puisque pour lui le procès remet en cause
les
aspirations mêmes du peuple africain,
Mandela décide
d'assumer lui-même sa défense.
Il dépose une plainte en récusation
du
magistrat, sur la base qu'un tel procès
où le
système judiciaire est entièrement
composé de
Blancs est en conflit d'intérêt et ne
peut par
conséquence prétendre à
l'impartialité, et
sur la base qu'il n'est tenu d'obéir aux
lois d'un parlement
blanc où il n'a aucune
représentation.
Mandela commence son plaidoyer en
déclarant : « Je
déteste le racisme,
parce que je considère que c'est quelque
chose de barbare, qu'il
provienne d'un Noir ou d'un Blanc. »
Mandela est déclaré coupable et
condamné à cinq ans de prison. Il
est
transféré à Robben Island en
mai 1963 mais
est retourné à Prétoria en
juillet.
Dans un communiqué à la presse, les
autorités prétendent que la raison
de ce retrait de
Robben Island est pour protéger Mandela des
autres prisonniers.
« C'était faux de toute
évidence. Ils m'ont ramené à
Prétoria pour
leurs propres raisons, qui très tôt
sont devenues
claires. »
En peu de temps, il rencontre Thomas Mashifane
qui
était contremaître à la ferme
Liliesleaf à
Rivonia où le MK avait installé son
quartier général. Mandela se rend
vite compte que leur
lieu clandestin avait été
repéré. Quelques
jours plus tard, lui ainsi que dix autres
personnes sont
accusées de sabotage.
Manifestation
contre
le jugement de culpabilité des
procès
pour trahison de Rivonia contre Nelson
Mandela et d'autres
dirigeants de l'ANC à Pretoria le
14 juin 1964
|
Le procès de Rivonia, comme on l'a
appelé,
a duré huit mois. La plupart des
accusés ont tenu le fort
devant les accusations, ayant décidé
de façon
collective qu'il s'agissait d'un procès
politique et ils
saisiraient l'occasion pour rendre publique leurs
convictions
politiques.
Trois des accusés, Mandela, Walter Sisulu
et
Govan Mbeki, décident aussi qu'avec
l'éventualité
d'une peine de mort, ils n'en appelleront pas de
la décision.
La déclaration de Mandela devant les
tribunaux
est un classique dans l'histoire de la
résistance à
l’apartheid et a servi d'inspiration pour tous
ceux qui l'ont
opposé. Il conclut ainsi :
« J'ai combattu la
domination blanche et j'ai combattu la domination
noire. J'ai
embrassé l'idéal d'une
société libre et
démocratique où toutes
personnes vivent ensemble en harmonie et avec des
chances
égales. C'est un idéal que
j'espère atteindre de
mon vivant. Et si nécessaire, c'est un
idéal pour lequel
je suis prêt à mourir. »
Tous les accusés à l'exception de
deux
sont déclarés coupables et
condamnés à la
prison à perpétuité le
12 juin 1964. Les
prisonniers noirs sont amenés
secrètement à Robben
Island immédiatement après le
procès.
La peine purgée par Nelson Mandela,
l'équivalent de près de
27 années, est
jonchée de plusieurs
évènements, les uns mineurs,
les autres majeurs, jouant un rôle important
dans la formation du
caractère et des attitudes de l'homme qui
devait devenir le
premier président d'une Afrique du Sud
démocratique.
Un grand nombre de prisonniers et de
geôliers
l'influencent et lui, en retour, les influencent.
Pendant qu'il purge
sa peine, sa mère et son fils
décèdent, sa
conjointe est frappée d'interdiction et
victime d'arrestations
et de harcèlement sans fin, tandis que le
mouvement de
libération est réduit à
quelques groupes
d'activistes isolés.
En
mars 1982, après
18 ans à Robben Island, Mandela est
soudain
transféré à la prison de
Pollsmoor à Cape
Town, avec Walter Sisulu, Raymond Mhlaba et Andrew
Mlangeni, et en
décembre 1988, il est encore une fois
transféré cette fois à la
prison de Verster
près de Paarl où il sera
éventuellement
relâché.
En prison, Mandela rejette catégoriquement
les
offres faites par ses geôliers d'une remise
de sa peine s'il
accepte la politique des bantoustans en
reconnaissant
l'indépendance du Transkei et en acceptant
de s'y établir.
Aussi, dans les années soixante, Mandela
et
d'autres rejettent une offre de libération
à condition de
renoncer à la violence. Mandela
déclare alors que seul un
homme libre peut négocier.
Néanmoins, Mandela entreprend des
pourparlers
avec le régime d’apartheid en 1985, alors
qu'il
écrit au ministre de la justice, Kobie
Coetsee.
Les deux hommes se rencontrent plus tard la
même
année alors que Mandela est
hospitalisé pour une
intervention chirurgicale à la prostate.
Peu de temps après, il est
transféré à une cellule
isolée à
Pollsmoor, ce qui lui permet de commencer un
dialogue avec le
gouvernement - qu'on a appelé
« des pourparlers au
sujet de pourparlers ».
Pendant tout ce processus, il défend le
point
à l'effet que les négociations
doivent être
menées avec la pleine participation des
dirigeants de l'ANC.
Avec le temps, un réseau secret de
communication est mis sur
pied lui permettant de transmettre des messages
à l'ANC à
Lusaka. Au sujet des premiers pas de cette
entreprise, il a dit :
« J'avais choisi de ne pas glisser mot
à personne de
ce que j'allais entreprendre. Parfois, un
dirigeant doit se distancer
du collectif et aller de l'avant en toute
confiance, sachant qu'il est
en train de mener son peuple dans la bonne
direction. »
Sitôt libéré le
11 février 1990, Mandela se voue corps
et âme
à ce qui lui a tenu à coeur toute sa
vie, cherchant
à atteindre les objectifs que lui et
d'autres s'étaient
fixés presque quatre décennies plus
tôt.
En 1991, la première conférence
nationale
de l'ANC est organisée en Afrique du Sud
après une
interdiction de plusieurs décennies, et
Nelson Mandela est
élu président de l'ANC tandis que
son ami et
collègue de toujours, Oliver Tambo, devient
le président
national de l'organisation.
Négociation de la paix
Rassemblement
électoral en appui à Nelson
Mandela à Mmbatho le
15 mars 1994
Durant une vie qui symbolise le triomphe de
l'esprit
humain, Nelson Mandela a accepté le Prix
Nobel 1993 de la
paix (avec F.W. de Klerk ) au nom de tous les
Sud-Africains qui ont tant souffert et tant
sacrifié
pour que la paix soit sur notre pays.
L'ère de l'apartheid a officiellement pris
fin le
27 avril 1994, lorsque Nelson Mandela a
voté pour la
première fois de sa vie — avec son peuple.
Cependant, bien avant cette date, il est devenu
évident, avant même le début
des
négociations au World Trade Centre,
à Kempton Park, que
l'ANC a de plus en plus planifié l'avenir
de l'Afrique du Sud.
Le 10 mai 1994, Rolihlahla Nelson Mandela
Dalibunga a
été investi comme président
d'une Afrique
du Sud démocratique.
Dans son discours d'investiture, il a dit :
« Nous dédions cette
journée à tous les
héros et les héroïnes de ce
pays et le reste du
monde qui ont tout sacrifié à bien
des égards, y
compris leur vie pour que nous puissions
être libres..
« Leurs rêves se sont
réalisés. La liberté est leur
récompense.
« Nous sommes à la fois humbles
et
exaltés par l'honneur et le
privilège que vous, le peuple
d'Afrique du Sud, nous avez fait, en tant que
premier président
d'un gouvernement uni, démocratique, non
racial et non sexiste.
« Nous comprenons qu'il n'y a pas
encore de
route facile vers la liberté. Nous savons
aussi qu'aucun d'entre
nous en agissant seul ne peut atteindre le
succès. Nous devons
donc agir ensemble comme un peuple uni, pour la
réconciliation
nationale, pour l'édification de la nation,
pour la naissance
d'un monde nouveau. Qu'il y ait la justice
pour tous.
« Que la paix soit pour tous. Qu'il y
ait du
travail, du pain, de l'eau et du sel pour tous.
Que chacun sache que,
dans chaque être, l'esprit et l'âme
ont été
libérés pour se réaliser.
« Jamais, jamais, et plus jamais, il
en sera
que cette terre magnifique sera à nouveau
l'expérience de
l'oppression de l'un par l'autre et subira
l'humiliation d'être
la plaie du monde. Que la liberté
règne. »
Mandela a démissionné en
1999 après son premier mandat
présidentiel — mais
pour lui, il n'y a pas eu de véritable
retraite.
Il a mis sur pied trois fondations qui portent
son
nom : la Fondation Nelson Mandela, le Fonds
Nelson Mandela pour
les enfants et la Fondation Mandela Rhodes.
Jusqu'à très récemment, son
emploi
du temps a été implacable. Mais au
cours de cette
période, il a eu l'amour et le soutien de
sa famille — dont son
épouse Graça Machel, qu'il a
épousée en
1998, lors de son 80e anniversaire.
En avril 2007, Mandla Mandela, le petit-fils de
Nelson
et fils de Makgatho Mandela qui est mort en 2005,
prend la tête du Conseil traditionnel de
Mvezo
lors d'une « ubeko »
(onction), une
cérémonie à la Grande Place
Mvezo, le siège
du clan Madiba.
Nelson Mandela n'a jamais vacillé dans son
attachement à la démocratie,
l'égalité et
l'éducation. Malgré les provocations
épouvantables,
il n'a jamais répondu au racisme par le
racisme. Sa vie a
été une source d'inspiration, en
Afrique du Sud et
partout dans le monde, à tous ceux qui sont
opprimés et
démunis, à tous ceux qui sont
opposés à
l'oppression et la dépossession.
Nous admirons les acquis de la révolution
cubaine
- Discours de Nelson Mandela au
rassemblement du jour de la Moncada, Mantanzas,
Cuba, le 26 juillet
1991 -
Après 27 années
d'emprisonnement par
le système raciste et fasciste de
l'apartheid, Nelson Mandela a
choisi Cuba comme premier pays d'Amérique
latine à
visiter. Il y a livré le discours suivant
dans lequel il parle
de la contribution décisive de Cuba
à la lutte pour la
libération de l'Afrique du Sud.
* * *
Nelson Mandela lors de son voyage
historique
à Cuba en 1991pour rendre
hommage au président Fidel Castro et au
peuple cubain pour leur
contribution et grands sacrifices consentis
à la lutte pour
mettre fin
au régime raciste de l'apartheid.
Premier secrétaire du Parti communiste,
président du Conseil d'État et du
gouvernement de Cuba,
Président de la République
socialiste de Cuba, commandant
en chef, le camarade Fidel Castro ;
Internationalistes cubains, qui ont tant fait
pour
libérer notre continent ;
Peuple cubain, camarades et amis ;
C'est un grand plaisir et un honneur d'être
présent ici aujourd'hui, surtout pour un si
grand jour dans
l'histoire révolutionnaire du peuple
cubain. Aujourd'hui Cuba
commémore le trente-huitième
anniversaire de la prise de
la Moncada. Sans la Moncada, l'expédition
du Granma, la
lutte dans la Sierra Maestra, la victoire
extraordinaire
du 1er Janvier 1959, n'auraient jamais eu lieu.
Aujourd'hui, voici la Cuba
révolutionnaire, la
Cuba internationaliste, le pays qui a tant fait
pour les peuples
d'Afrique.
Nous avons longtemps rêvé de visiter
votre
pays et d'exprimer les nombreux sentiments que
nous éprouvons
pour la révolution cubaine, sur le
rôle de Cuba en
Afrique, en Afrique australe et dans le monde.
Le peuple cubain occupe une place
particulière
dans le coeur des peuples d'Afrique. Les
internationalistes cubains ont
apporté une contribution à
l'indépendance, la
liberté et la justice en Afrique sans
précédent de
par ses principes et son caractère
désintéressé.
Dès les premiers jours la
Révolution
cubaine a elle-même été une
source d'inspiration
pour tous les peuples épris de
liberté. Nous admirons les
sacrifices du peuple cubain pour préserver
son
indépendance et souveraineté face
à une campagne
impérialiste féroce
orchestrée pour
détruire les avancées
impressionnantes
réalisées par la Révolution
cubaine.
Nous aussi nous voulons contrôler notre
destin.
Nous sommes convaincus que le peuple d'Afrique du
Sud construira son
avenir et qu'il continuera d'exercer ses pleins
droits
démocratiques après la
libération de l'apartheid.
Nous ne voulons pas que la participation populaire
cesse avec la
disparition de l'apartheid. Nous voulons que la
libération
ouvre la voie à une démocratie
toujours plus profonde.
Nous admirons les acquis de la révolution
cubaine
dans le domaine de la protection sociale. Nous
apprécions la
transformation d'un pays d'une arriération
imposée
à l'alphabétisation universelle.
Nous reconnaissons vos
progrès dans les domaines de la
santé, de
l'éducation et de la science.
Il y a beaucoup de choses que nous apprenons de
votre
expérience. En particulier, nous sommes
émus par votre
affirmation du lien historique avec le continent
et les peuples de
l'Afrique.
Votre engagement constant à
l'éradication
systématique du racisme est incomparable.
Mais la leçon la plus importante que vous
avez
à nous offrir, c'est que peu importe les
défis, peu
importe les difficultés rencontrées
dans la lutte, il ne
peut être question d'abandonner ! Il
s'agit de choisir entre
la liberté ou la mort !
Je sais que votre pays connaît de
nombreuses
difficultés aujourd'hui, mais nous avons
confiance que le peuple
résistant de Cuba les surmontera car il a
aidé d'autres
pays à surmonter les leurs.
Nous savons que l'esprit révolutionnaire
d'aujourd'hui est né il y a bien longtemps
et que cet esprit fut
entretenu par de nombreux combattants de la
première heure pour
la liberté cubaine, et aussi pour la
liberté de tous ceux
qui souffrent sous la domination
impérialiste.
Nous aussi, nous sommes inspirés par la
vie et
l'exemple de José Marti, qui est non
seulement un héros
cubain et latino-américain, mais qui est
également
honoré à juste titre par tous ceux
qui luttent pour leur
liberté.
Nous honorons également le grand Che
Guevara,
dont les exploits révolutionnaires, y
compris sur notre propre
continent, étaient trop puissants pour
pouvoir nous être
cachés par les censeurs de la prison. La
vie du Che est une
inspiration pour tous les êtres humains qui
chérissent la
liberté. Nous allons toujours honorer sa
mémoire.
Les
soldats
internationalistes cubains luttant côte
à côte avec
le
peuple angolais, en 1980. Cuba a envoyé
de nombreux volontaires
combattre avec les peuples d'Afrique australe
contre le colonialisme et
les régimes de l'apartheid.
Nous sommes venus ici avec beaucoup
d'humilité.
Nous sommes venus ici avec beaucoup
d'émotion. Nous sommes venus
ici avec le sentiment d'une grande dette envers le
peuple cubain. Quel
autre pays peut se prévaloir de plus
d'altruisme que celui dont
Cuba a fait preuve dans ses relations avec
l'Afrique ?
Combien de pays dans le monde
bénéficient
des travailleurs de la santé ou des
éducateurs
cubains ? Combien d'entre eux se trouvent en
Afrique ?
Quel est le pays qui a sollicité une aide
à Cuba et se l'est vu refuser ?
Combien de pays sous la menace de
l'impérialisme
ou en lutte pour leur libération nationale
ont pu compter sur le
soutien de Cuba ?
J'étais en prison lorsque j'ai entendu
parler
pour la première fois de l'aide massive que
les forces
internationalistes cubaines fournissaient à
la population de
l'Angola, une aide d'une telle ampleur qu'elle
était difficile
à croire, lorsque les Angolais ont
été soumis en
1975 à une attaque coordonnée
de troupes d'Afrique
du Sud, du FNLA
financé par la CIA, de mercenaires, de
l'UNITA, et de troupes
zaïroises.
En Afrique, nous sommes habitués à
être victimes de pays qui veulent
dépecer notre territoire
ou saper notre souveraineté. Il n'y a pas
de
précédent dans l'histoire de
l'Afrique d'un autre peuple
qui se lève pour défendre l'un
d'entre nous.
Nous savons également qu'il s'agissait
d'une
action populaire à Cuba. Nous sommes
conscients que ceux qui ont
combattu et qui sont morts en Angola ne
constituaient qu'une faible
proportion de tous ceux qui s'étaient
portés volontaires.
Pour le peuple cubain, l'internationalisme n'est
pas un mot creux, mais
quelque chose que nous avons vu
mettre en pratique en faveur de larges secteurs de
l'humanité.
Nous savons que les forces cubaines
étaient
prêtes à se retirer peu après
avoir repoussé
l'invasion de 1975, mais l'agression continue de
Pretoria a rendue la
chose impossible.
Votre présence et le renforcement de vos
forces
lors de la bataille de Cuito Cuanavale fut d'une
importance
véritablement historique.
La défaite de l'armée raciste
à
Cuito Cuanavale fut une victoire pour toute
l'Afrique !
L'écrasante défaite de
l'armée
raciste à Cuito Cuanavale a offert la
possibilité pour
l'Angola de connaître la paix et de
consolider sa
souveraineté !
La défaite de l'armée raciste a
permis au
peuple en lutte de Namibie de finalement gagner
son
indépendance !
La défaite décisive des agresseurs
de
l'apartheid brisa le mythe de
l'invincibilité des oppresseurs
blancs !
La défaite de l'armée de
l'apartheid fut
une inspiration pour tous ceux qui luttaient
à
l'intérieur de l'Afrique du Sud !
Sans la défaite de Cuito Cuanavale nos
organisations n'auraient jamais été
légalisées !
La défaite de l'armée raciste
à
Cuito Cuanavale a rendu possible ma
présence ici
aujourd'hui !
Cuito Cuanavale fut un jalon dans l'histoire de
la lutte
pour la libération de l'Afrique du
Sud !
Cuito Cuanavale fut le point tournant dans la
lutte pour
libérer le continent et notre pays du
fléau de
l'apartheid !
Ouverture du symposium international
« La
guerre
inconnue de l'Afrique : la terreur de
l'apartheid, Cuba et la
lutte
pour la libération de l'Afrique du
Sud » tenu
à Toronto les 27 et
28 septembre 2013. Photo du haut: le
docteur Afua Cooper
(présidente de
la Chaire d'études sur les
noirs au Canada) récitant un de ses
poèmes très
acclamés. Rangée du bas, à
gauche :
Jorge Risquet, qui fut le négociateur
cubain aux pourparlers qui
ont
mené à l'indépendance de la
Namibie et ont
accéléré la chute du
régime
raciste en Afrique du Sud. À
droite : Son Excellence Julio
Garmendia
(ambassadeur de Cuba) ; Miraly Gonzalez
(première secrétaire, ambassade
cubaine) ; Son
Excellence Agostinho
Tavares (ambassadeur de l'Angola) ; Javier
Domokos (consul
général
cubain à Toronto).
L’apartheid n'est pas quelque chose qui a
commencé hier. Les origines de la
domination raciste blanche
remontent à 350 ans, au moment où
les premiers colons
blancs ont entamé un processus de
déstabilisation et
ensuite de conquête des Khoi, San, et
d'autres peuples africains
-- les premiers habitants de notre pays.
Le processus de conquête a dès le
début suscité une série de
guerres de
résistance, qui à leur tour ont
donné lieu
à notre lutte de libération
nationale. Dans un rapport de
forces extrêmement défavorable, les
peuples africains ont
essayé de s'accrocher à leurs
terres. Mais les conditions
matérielles et la puissance de feu
conséquente des
agresseurs
coloniaux ont condamné les chefferies et
royaumes tribaux,
divisés, à la défaite.
Cette tradition de résistance vit encore
et est
une source d'inspiration pour notre lutte
actuelle. Nous honorons
toujours les noms du grand prophète et
guerrier Makana, qui est
mort alors qu'il tentait de s'échapper de
la prison de Robben
Island en 1819, Hintsa, Sekhukhune, Dingane,
Moshoeshoe, Bambatha, et
autres héros de la première
résistance à la conquête
coloniale.
Ce fut dans le contexte de cette saisie de terres
et de
conquête que l'Union de l'Afrique du Sud fut
créée
en 1910. À l'extérieur, l'Afrique du
Sud est devenue un
État indépendant, mais en
réalité le
pouvoir avait été remis entre les
mains des
conquérants britanniques blancs qui
s'étaient
installés dans le pays. Dans la nouvelle
Union d'Afrique
du Sud, ils ont pu officialiser l'oppression
raciale et l'exploitation
économique des Noirs.
Suite à la création de l'Union,
l'adoption
de la Loi sur les terres, qui
prétendait
légaliser les saisies de terres du XIXe
siècle, a
donné une impulsion au processus menant
à la formation du
Congrès national africain (ANC), le
8 Janvier 1912.
Un rassemblement durant les premiers
jours de l'ANC
Je ne vais pas vous raconter toute l'histoire de
l'ANC.
Qu'il suffise de dire que les quatre-vingts
dernières
années de notre existence ont vu
l'évolution de l'ANC
depuis ses débuts visant à unir les
peuples africains,
pour devenir une force de premier plan dans la
lutte des masses
opprimées pour mettre fin au racisme et
à la
création d'un État
non sexiste, non racial et démocratique.
Sa composition s'est transformée depuis
ses
débuts lorsqu'il était un petit
groupe de professionnels
et de chefs, etc, en une véritable
organisation de masse.
Ses objectifs ont changé, de la recherche
de
l'amélioration du sort des Africains
à la recherche d'une
transformation fondamentale de toute l'Afrique du
Sud en un État
démocratique pour tous.
Ses méthodes employées pour
réaliser ces objectifs de plus grande
envergure ont au fil des
décennies pris de plus en plus un
caractère de masse, ce
qui reflète l'engagement croissant des
masses au sein de l'ANC
et dans les campagnes menées par l'ANC.
Parfois, les gens se réfèrent aux
objectifs initiaux de l'ANC et de sa composition
initiale pour laisser
entendre qu'il s'agissait d'une organisation
réformiste. La
vérité est que la naissance de l'ANC
a dès le
début eu des implications
profondément
révolutionnaires.
La formation de l'ANC a été la
première étape vers la
création d'une nouvelle
nation sud-africaine. Cette conception a
été
développée au fil du temps, trouvant
son expression
claire il y a trente-six ans dans la
déclaration de la Charte
de
la
Liberté (Freedom Charter) selon
laquelle
« l'Afrique du Sud appartient à
tous ceux qui
y vivent, noir et blanc. » Il
s'agissait d'un rejet sans
équivoque de l'État raciste qui
avait existé et
une affirmation de la seule alternative que nous
trouvions acceptable,
celle où le racisme et ses structures
seraient
définitivement éradiqués.
Il est bien connu que la réponse de
l'État
à nos exigences démocratiques
légitimes
était, entre autres, d'accuser nos
dirigeants de trahison et, au
début des années 1960, de recourir
à des massacres
aveugles. C'est ainsi que l'interdiction de nos
organisations ne nous a
pas laissé d'autre choix que de faire ce
que toutes les
personnes qui se
respectent, y compris les Cubains, ont fait,
c'est-à-dire
prendre les armes pour arracher notre pays des
mains des racistes.
Je dois dire que lorsque nous avons voulu prendre
les
armes nous avons contacté de nombreux
gouvernements occidentaux
pour demander de l'aide et que nous n'avons jamais
été en
mesure de rencontrer plus que des subalternes.
Lorsque nous avons
visité Cuba, nous avons été
reçus par les
plus hauts responsables qui nous ont
immédiatement
proposé tout ce que nous voulions et avions
besoin. Ce fut notre
première expérience avec
l'internationalisme cubain.
Même si nous avons pris les armes, ce
n'était pas notre préférence.
C'est le
régime de l'apartheid qui nous a
forcés à prendre
les armes. Notre préférence a
toujours été
pour une résolution pacifique du conflit de
l'apartheid.
La combinaison de la lutte de notre peuple
à
l'intérieur du pays avec la lutte
croissante au niveau
international contre l'apartheid dans les
années 1980, ont
créé les conditions d'un
règlement
négocié du conflit de l'apartheid.
La défaite
décisive de Cuito Cuanavale a
modifié l'équilibre
des forces dans la région et sensiblement
réduit la
capacité
du régime de Pretoria à
déstabiliser ses voisins.
Ceci, en combinaison avec les luttes de notre
peuple à
l'intérieur du pays, a été
crucial pour que
Pretoria réalise qu'il devait engager la
discussion.
C'est l'ANC qui a initié le processus de
paix
actuel qui nous espérons aboutira à
un transfert
négocié de pouvoir au peuple. Nous
n'avons pas
entamé ce processus pour d'autres objectifs
que ceux que nous
avions pendant la lutte armée. Nos
objectifs sont toujours
d'aboutir aux exigences énoncées
dans la Charte de
la liberté, et
nous n'accepterons rien de moins.
Aucun processus de négociation ne pourra
aboutir
tant que le régime de l'apartheid ne
comprendra pas qu'il n'y
aura pas de paix s'il n'y a pas de liberté
et que nous n'allons
pas négocier l'abandon de nos justes
revendications. Ils doivent
comprendre que nous allons rejeter tout
régime constitutionnel
qui vise à préserver les
privilèges des
blancs.
Il y a des raisons de croire que nous n'avons pas
encore
réussi à le faire comprendre au
gouvernement, et nous les
avertissons que s'ils n'écoutent pas, nous
devrons utiliser
notre pouvoir pour les convaincre.
Ce pouvoir, c'est le pouvoir du peuple, et, au
final,
nous savons que les masses non seulement
exigeront, mais obtiendront
leurs pleins droits dans une Afrique du Sud non
raciale, non sexiste et
démocratique.
Mais nous ne sommes pas simplement à la
recherche
d'un objectif précis. Nous proposons
également un chemin
précis pour l'atteindre, et c'est un chemin
qui tout au long
implique le peuple. Nous ne voulons pas d'un
processus où un
accord serait conclu par-dessus la tête des
gens dont le
rôle se résumerait à
applaudir. Le gouvernement
résiste
à tout prix parce que la question de
comment une constitution
est bâtie, comment des négociations
se déroulent,
est indissociable à une issue
démocratique ou pas.
Affiche dénonçant les
lois
d'urgence imposées par le
gouvernement de P.W. Botha pour
réprimer le mouvement contre
l'apartheid
|
Le gouvernement actuel veut rester au pouvoir
pendant
tout le processus de transition. Notre point de
vue est qu'une telle
situation est inacceptable. Ce gouvernement a des
objectifs de
négociation précis. Il ne peut
être autorisé
à utiliser ses pouvoirs en tant que
gouvernement pour servir sa
propre cause et celle de ses alliés et
d'utiliser ces
mêmes pouvoirs pour affaiblir l'ANC.
Et c'est exactement ce qu'ils font. Ils ont
levé
l'interdiction de l'ANC, mais nous fonctionnions
dans des conditions
sensiblement différentes de celles d'autres
organisations. Nous
n'avons pas la même liberté de nous
organiser comme le
fait l'Inkatha et d'autres organisations
alliées au
régime de l'apartheid. Nos membres sont
harcelés et
même
tués. Nous sommes souvent interdits de
tenir des réunions
et des manifestations.
Nous croyons que le processus de transition doit
être contrôlé par un
gouvernement qui est non
seulement capable et désireux de
créer et maintenir les
conditions de la liberté politique, mais
qui doit aussi agir en
vue de s'assurer que la transition s'effectue vers
la création
d'une véritable démocratie et rien
d'autre.
Le gouvernement actuel s'est montré tout
à
fait réticent ou incapable de créer
un climat propice
à des négociations. Il renie des
accords pour
libérer les prisonniers politiques et
permettre le retour des
exilés. Ces derniers temps, il a permis la
création d'une
situation où règnent la terreur et
le
déchaînement de violence contre les
communautés
africaines et l'ANC en tant qu'organisation.
Nous avons eu dix mille personnes
assassinées
dans cette violence depuis 1984 et deux mille
rien que cette
année. Nous avons toujours dit que ce
gouvernement qui se vante
de sa force de police professionnelle est
parfaitement capable de
mettre fin à cette violence et de
poursuivre les auteurs. Non
seulement ils sont réticents, mais nous
avons désormais des preuves concluantes,
publiées dans
des journaux indépendants, de leur
complicité dans cette
violence.
La violence a été utilisée
dans une
tentative systématique pour favoriser
l'Inkatha en tant
qu'allié potentiel du Parti national. Il y
a maintenant des
preuves concluantes de fonds fournis par le
gouvernement --
c'est-à-dire l'argent des contribuables --
à l'Inkatha.
Tout cela indique la nécessité de
créer un gouvernement intérimaire
d'unité
nationale pour superviser la transition. Il nous
faut un gouvernement
jouissant de la confiance de larges couches de la
population pour
diriger cette période délicate, et
veiller à ce
que les contre-révolutionnaires ne soient
pas autorisés
à perturber le processus et veiller
à
ce que la refonte de la Constitution se
déroule dans un climat
exempt de répression, d'intimidation ou de
peur.
Nous croyons que la Constitution elle-même
doit
être rédigée de la
manière la plus
démocratique possible. Pour nous, ceci ne
peut être
réalisé que par l'élection de
représentants
à une assemblée constituante ayant
pour mandat la
rédaction de la constitution. Il y a des
organisations qui
remettent en question l'affirmation de l'ANC
d'être
l'organisation la plus représentative du
pays. Si c'est vrai,
qu'ils le démontrent par les urnes.
Afin de s'assurer que les gens ordinaires soient
inclus
dans ce processus, nous faisons circuler et
discuter nos propres
propositions constitutionnelles et le projet de Déclaration
des
droits (Bill of Rights). Nous voulons que
ceux-ci soient
discutés dans toutes les structures de
notre alliance, à
savoir l'ANC, le Parti communiste
sud-africain, et le Congrès des syndicats
sud-africains, et
parmi le peuple en général. De cette
façon,
lorsque les gens voteront pour l'ANC pour les
représenter
à une assemblée constituante, ils
sauront non seulement
ce que représente l'ANC en
général, mais aussi
quelle constitution nous voulons.
Naturellement, ces propositions
constitutionnelles sont
soumises à révision sur la base de
nos consultations
auprès de nos membres, de nos
alliés, et le public en
général. Nous voulons créer
une constitution qui
bénéficie d'un large soutien, de
loyauté et de
respect. Cela ne peut être
réalisé que si nous
allons vraiment vers les gens.
Nelson Mandela et son épouse
d'alors,
Winnie Mandela, au rassemblement
du Parti communiste sud-africain. À
droite : le chef du
parti Joe Slovo.
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Afin d'éviter ces justes revendications,
diverses
tentatives ont été faites pour
affaiblir et
déstabiliser l'ANC. La violence est la plus
grave, mais il
existe d'autres méthodes plus insidieuses.
À l'heure
actuelle, il y a une obsession dans la presse,
parmi nos adversaires
politiques, et de nombreux gouvernements
occidentaux sur notre alliance
avec le
Parti communiste sud-africain (SACP). Les journaux
ne cessent de
spéculer sur le nombre de communistes au
sein de notre
exécutif national et prétendent que
nous sommes
dirigés par le Parti communiste.
L'ANC n'est pas un parti communiste mais un large
mouvement de libération, qui comprend aussi
bien des communistes
que des non-communistes. Toute personne qui est un
membre loyal de
l'ANC, toute personne qui respecte la discipline
et les principes de
l'organisation, a le droit d'appartenir à
l'organisation.
Notre relation avec le SACP en tant
qu'organisation est
fondée sur le respect mutuel. Nous sommes
unis avec le SACP sur
des objectifs communs, mais nous respectons
l'indépendance de
l'autre et nos identités distinctes. Il n'y
a eu aucune
tentative de la part du Parti communiste
sud-africain de subvertir
l'ANC. Au contraire, nous tirons une
force de cette alliance.
Nous n'avons aucunement l'intention de suivre les
conseils de ceux qui suggèrent que nous
devrions rompre cette
alliance. Qui offre ces conseils que nous n'avons
pas
demandés ? Pour l'essentiel, ce sont
ceux qui ne nous ont
jamais fourni la moindre aide. Aucun de ces
donneurs de conseils n'a
fait les sacrifices pour notre lutte que
celles faites par les communistes. Nous sommes
fortifiés par
cette alliance. Nous allons la rendre encore plus
forte.
Nous sommes dans une étape de notre lutte
où la victoire est à portée
de main. Mais nous
devons nous assurer que cette victoire ne nous
soit pas
arrachée des mains. Nous devons nous
assurer que le
régime raciste sente un maximum de pression
jusqu'à la
fin et qu'il comprenne qu'il doit céder la
place, que la marche
vers la paix, la liberté
et la démocratie est irrésistible.
C'est pourquoi les sanctions doivent être
maintenues. Ce n'est pas le moment de
récompenser le
régime d'apartheid. Pourquoi devraient-ils
être
récompensés pour l'abrogation de
lois qui constituent ce
qui est reconnu comme un crime
international ? L'apartheid est
toujours en place. Il faut obliger le
régime à le
démanteler, et ce n'est que
lorsque ce processus deviendra irréversible
que nous pourrons
envisager la levée de la pression.
Nous sommes très préoccupés
par
l'attitude adoptée par l'administration
Bush à ce sujet.
Il était l'un des rares gouvernements
à être en
contact régulier avec nous sur la question
de sanctions, et nous
a clairement indiqué que la levée
des sanctions
était prématurée. Cependant,
sans nous consulter,
l'administration nous a simplement annoncé
que
les sanctions américaines allaient
être levées.
Pour nous, c'est totalement inacceptable.
Fidel Castro accueille Nelson Mandela
à son
arrivée à Cuba en 1991.
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C'est dans ce contexte que nous apprécions
tout
particulièrement notre amitié avec
Cuba. Lorsque vous,
camarade Fidel, avez déclaré hier
que notre cause est la
vôtre, je sais que cela venait du fond de
votre coeur et que
c'est le sentiment de tout le peuple de Cuba
révolutionnaire.
Vous êtes à nos côtés
car nos
deux organisations, le Parti communiste de Cuba et
l'ANC, se battent
pour les masses opprimées, pour veiller
à ce que les
richesses profitent à ceux qui les
produisent. Votre grand
apôtre José Marti a
déclaré :
« Je veux unir mon destin aux pauvres
de la
terre. »
Nous, à l'ANC, serons toujours aux
côtés des pauvres et des sans-droits.
Non seulement nous
sommes à leurs côtés, mais
nous ferons en sorte que
tôt ou tard ils gouvernent le pays où
ils sont nés,
et que selon les termes de la Charte de la
Liberté :
« C'est
le
peuple
qui gouverne ». Et lorsque ce
moment arrivera,
il aura été rendu possible non
seulement grâce
à nos efforts, mais aussi grâce
à la
solidarité, le soutien et l'encouragement
du grand peuple cubain.
Je dois conclure mon intervention sur un
événement dont vous avez tous
été
témoins. Le camarade Fidel Castro m'a
honoré de la plus
haute distinction que ce pays peut accorder. C'est
avec beaucoup
d'humilité que je la reçois car je
ne pense pas la
mériter. C'est une récompense qui
devrait être
accordée à tous ceux qui ont
déjà conquis
l'indépendance de leurs peuples. Mais cette
reconnaissance que
le peuple d'Afrique du Sud est debout et lutte
pour sa liberté
constitue une source de force et d'espoir. Nous
espérons
sincèrement que dans les temps à
venir nous nous
montrerons dignes de la confiance que cette
récompense exprime.
Vive la
révolution cubaine!
Vive le camarade Fidel Castro!
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Marxiste-Léniniste
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